Intervention de Michel Sapin

Réunion du 13 octobre 2016 à 10h30
Devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre — Adoption en deuxième lecture d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Michel Sapin, ministre de l’économie et des finances :

La présente proposition de loi est donc en cohérence avec les engagements de la France. Elle tend à poursuivre la politique menée depuis plus de quatre ans. C’est pourquoi je souhaite réaffirmer la volonté du Gouvernement de rendre effectif un devoir de vigilance en France.

Il ne suffit pas de se contenter d’une dénonciation des excès criants de la mondialisation. Il faut aussi se mobiliser pour les combattre. Soumettre les entreprises à une obligation de vigilance dans la mise en œuvre des mesures nécessaires et exiger d’elles un rapport sur les risques d’atteinte aux droits fondamentaux contribue à la réalisation de cette ambition. Les multinationales placées sous le contrôle de chacun seront incitées à développer des pratiques vertueuses en rapport avec les attentes des citoyens.

La proposition de loi va ainsi dans le bon sens, même si, en première lecture, elle a suscité des critiques, notamment de la part de la majorité sénatoriale. Ces remarques doivent évidemment être prises en considération. Pour certains, l’instauration d’un devoir de vigilance soulève des risques juridiques, notamment constitutionnels. Pour d’autres, elle porterait atteinte à l’attractivité de notre pays et à la compétitivité de nos entreprises. Cependant, ces critiques ne doivent pas desservir l’objectif des auteurs de la proposition de loi, en retirant tout contenu réel aux trois articles initialement proposés.

Le texte adopté par la commission des lois vise principalement à transposer la directive européenne sur la responsabilité sociale des entreprises. Ce n’est ni l’objectif des auteurs de la proposition de loi ni celui du Gouvernement, qui a toujours soutenu le texte initial, dont la vocation me paraît différente. La proposition de loi impose la mise en place de mesures de vigilance spécifiques pour les grandes entreprises tout au long de la chaîne de valeur et l’engagement de la responsabilité de celles qui y contreviendraient. Le Gouvernement soutient donc le rétablissement, proposé par certains sénateurs, des principes essentiels du texte, dans un sens conforme à l’esprit proposé par Dominique Potier.

Pour autant, la proposition de loi adoptée en deuxième lecture à l’Assemblée nationale appelle des ajustements rédactionnels afin de la rendre juridiquement irréprochable, en particulier du point de vue constitutionnel. Il est également indispensable de veiller à la compatibilité de cette mesure avec le droit national et avec les engagements européens et internationaux de la France. Ainsi, les sanctions en cas de non-respect de l’obligation de vigilance ne devront pas être disproportionnées au regard des manquements en cause. De plus, les contours de l’engagement de la responsabilité des entreprises devront être précisés.

Le texte devra également être efficace d’un point de vue économique, cette préoccupation m’accompagnant évidemment en permanence en tant que ministre de l’économie et des finances. Les contours du devoir de vigilance doivent donc être adaptés aux exigences de la compétitivité de l’économie française. Je sais que l’instauration de ce devoir de vigilance, exigeante obligation de moyens à l’égard des sociétés mères, ne portera pas atteinte – au contraire ! – à la compétitivité de nos entreprises.

Rien ne sert d’agiter les craintes des entrepreneurs. Le mécanisme de la responsabilité des entreprises donneuses d’ordre du fait de leur sous-traitant est un principe qui existe déjà en droit français. Par exemple, il a été adopté, avec le soutien de tous ou presque, en 2014, pour réguler les difficultés suscitées par la présence de travailleurs détachés sur le territoire français. Je suis sûr que ce texte, comme les autres lois, n’entravera pas l’installation de nouvelles entreprises sur notre territoire et ne réduira pas la compétitivité de celles qui sont déjà installées. Au contraire ! Il participera, j’en suis persuadé, à un meilleur fonctionnement de nos entreprises.

Le travail parlementaire devra se faire avec le sérieux et la précision juridique nécessaires pour apporter les clarifications attendues.

Je suis convaincu que la morale, le droit et l’économie ne sont pas opposés. Les précédentes initiatives du Gouvernement dans le domaine l’ont prouvé.

Loin d’être un handicap pour notre pays, l’instauration du devoir de vigilance permettra d’impulser une nouvelle dynamique à la responsabilisation des entreprises. Les auditions menées par les auteurs de la proposition de loi prouvent que nos débats sont suivis attentivement par la société civile, les syndicats, les organisations non gouvernementales.

Il est donc temps d’adopter un texte exigeant, précis et juridiquement applicable. Notre engagement en faveur de la moralisation et de la transparence de la vie économique est attendu par tous. La France se dotera ainsi d’une législation exemplaire en la matière et participera à la prévention de nouvelles tragédies humaines et environnementales.

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