Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous voilà enfin réunis pour l’examen en deuxième lecture de cette proposition de loi.
Je tenais, en introduction, à remercier le Gouvernement pour l’inscription tant attendue de ce texte à l’ordre du jour, car il est important que nous puissions l’adopter définitivement au plus vite. Je salue également le travail de nos collègues députés, Dominique Potier bien évidemment, mais aussi les membres des quatre groupes ayant soutenu cette initiative.
Il importe d’adopter définitivement ce texte au plus vite, car en permanence, dans de nombreux pays du monde, se produisent des drames qui, sans avoir l’ampleur malheureuse et la portée médiatique de l’effondrement du Rana Plaza, sont, pour chacun d’entre eux, une catastrophe humaine ou environnementale. Certaines situations défraient la chronique, comme les révélations sur le travail forcé pour la construction des stades au Qatar en vue de la prochaine Coupe du monde de football ou sur les sous-traitants ougandais d’un grand cimentier français qui feraient exploiter des mines par des enfants.
D’autres pratiques sont régulièrement révélées comme, récemment, la corruption généralisée impliquant des entreprises européennes extrayant le talc des mines d’Afghanistan et permettant de financer les talibans et l’État islamique. Cette semaine encore, au lendemain du salon de l’automobile, la presse s’est fait l’écho de doutes sur le recours au travail d’enfants pour la fabrication de composants de voitures électriques.
Plus incidemment, c’est dans nos smartphones, nos produits ménagers, nos vêtements, nos aliments, que se dissimulent des conditions de travail inhumaines, sans hygiène, sans sécurité. Des personnes travaillent douze heures par jour, six jours sur sept, pour des salaires de misère, sans protection sociale. Souvent, ces travailleurs sont victimes de brimades. Sans parler d’un pays comme le Bangladesh où, un jour sur deux, une femme travaillant dans l’industrie textile décède !
La plupart de ces personnes ne savent pas ce qu’est un contrat de travail. Certaines d’entre elles sont même des travailleurs forcés !
Il faut légiférer au plus vite, donc, car il est temps, dans une mondialisation toujours plus poussée par une concurrence exacerbée, de jeter les bases d’une nouvelle éthique des relations internationales, d’ouvrir une nouvelle ère de la protection des droits humains.
Il est temps de responsabiliser les entreprises qui, cherchant à tout prix les coûts de main-d’œuvre les plus bas, installent leurs filiales en Afrique, en Asie, en Amérique latine, où, on le sait, les législations ne sont pas aussi exigeantes. Elles y sous-traitent une partie de leur activité, dans des conditions qui ne seraient jamais tolérées en France, mais qui, parce qu’elles se déroulent dans un autre pays, loin du nôtre, loin de nos lois et de notre attention, ne soulèvent aucun problème, ni de réglementation ni même de conscience !
Cette proposition de loi vise à transcrire dans l’ordre juridique français les obligations internationales auxquelles la France a souscrit, notamment les principes directeurs des Nations unies adoptés à l’unanimité en 2011 sur les entreprises et les droits humains, invitant les premières à soutenir et à appliquer dans leur sphère d’influence un ensemble de valeurs fondamentales, ainsi d’ailleurs que les orientations arrêtées par l’OCDE.
Cette proposition de loi s’inscrit dans une logique de transparence et d’éthique engagée en France avec l’adoption de la loi relative aux nouvelles régulations économiques en 2001 et le Grenelle II en 2010, ainsi que, plus récemment, avec la loi sur la biodiversité qui établit le préjudice écologique dans le code civil ou, prochainement, avec la loi Sapin II qui visera à lutter contre l’évasion fiscale pratiquée par certaines multinationales.
Pour finir, il importe de légiférer au plus vite, car c’est toute la société civile qui attend ce texte et qui nous regarde : ONG, syndicats, et surtout consommateurs, de plus en plus attentifs aux conditions de production, comme le révèle une étude selon laquelle trois Français sur quatre soutiennent notre proposition. C’est également ce que révèle une pétition qui a recueilli 200 000 signatures.
De nombreuses entreprises de tous secteurs ont également marqué leur intérêt. Laissez-moi vous rappeler, chers collègues, qu’à l’Assemblée nationale ce texte a été voté très largement, à la quasi-unanimité, y compris par des députés de l’opposition !
Monsieur le rapporteur, je note avec intérêt que vous avez abandonné vos premières intentions qui vous avaient amené, en première lecture, à exhumer la procédure de motion préjudicielle, véritable obstruction à tout débat, surprenant jusqu’aux meilleurs connaisseurs de notre règlement. Initiative heureusement abandonnée, mais immédiatement remplacée par la suppression de tous les articles du texte !
Cette fois, et c’est une avancée que nous saluons, vous reconnaissez que les entreprises doivent faire preuve de vigilance.