Intervention de Chantal Jouanno

Réunion du 13 octobre 2016 à 15h00
Réforme de la prescription en matière pénale — Article 1er, amendement 6

Photo de Chantal JouannoChantal Jouanno :

Cet amendement, de même que le suivant, que je présenterai à la suite de celui-ci, porte sur la prescription des crimes sexuels. C’est un sujet dont nous avons très largement débattu au sein de cet hémicycle, notamment en 2014 lors de l’examen de la proposition de loi de notre collègue Muguette Dini.

Je tiens tout d’abord à rappeler quelques chiffres. En effet, peut-être parce qu’ils sont assez méconnus, les viols sont souvent considérés comme un phénomène anecdotique. À cet égard, le Haut Conseil à l’égalité vient de publier un rapport sur ce phénomène. Selon lui, 84 000 femmes, chaque année, sont victimes de viol ou de tentative de viol, et 14 000 hommes, ce qui représente un phénomène assez méconnu. En outre, moins de 10 % de ces actes sont déclarés, que les victimes soient des adultes ou des enfants.

Or le droit existant prévoit, pour les viols et autres crimes sexuels commis sur des mineurs, un délai de prescription de vingt ans à compter de la majorité de la victime, qui court donc jusqu’à ce qu’elle ait trente-huit ans. Cette proposition de loi ne prévoit pas, à ce stade, de changer ces dispositions.

Pourtant, comme nous en avons largement discuté lors de notre précédent débat, l’amnésie post-traumatique n’est pas contestée scientifiquement. Elle existe, cela a été prouvé par la recherche médicale. Je vous invite sur ce point, mes chers collègues, à vous rapprocher des différents scientifiques qui travaillent sur ce sujet ou encore à travailler avec une association comme Stop aux violences sexuelles, qui connaît très bien ces sujets.

Ce phénomène amène parfois à des prises de conscience très tardives – bien après l’âge de trente-huit ans – de viols subis quand on était mineur. Or les délais de prescription sont alors écoulés. De fait, certains pays et territoires, comme, tout récemment, la Californie, ont décidé de rendre ces crimes imprescriptibles, ce qui est l’objet de l’amendement n° 6 rectifié bis. Cet amendement comporte également des dispositions visant à augmenter les délais de prescription pour les cas de traite ou de proxénétisme sur des mineurs.

L’amendement n° 7 rectifié bis, quant à lui, est un amendement de repli qui reprend très exactement les dispositions que nous avions votées dans cet hémicycle en 2014. Il vise à allonger à trente ans le délai de prescription de l’action publique des crimes sexuels commis sur des mineurs, à compter de la majorité de ceux-ci.

En effet, la présente proposition de loi, telle qu’issue des travaux de la commission, ne fait plus de différence, en termes de délais de prescription, suivant que les crimes soient commis contre des mineurs ou des majeurs : dans les deux cas, ce délai est fixé à vingt ans. Auparavant, il existait une différence : le délai était de dix ans pour les crimes sur personnes majeures ; de vingt ans, pour les crimes sexuels sur mineurs. Cela me pose quelques problèmes, puisqu’on tend désormais à considérer que ce n’est pas plus grave si ces crimes ont été commis sur des mineurs.

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