J’ai déposé sur cet article, en compagnie de vingt-sept autres membres du groupe socialiste et républicain, quatre amendements – n° 1 rectifié quater, 5 rectifié quater, 4 rectifié quater et 3 rectifié quater – qui, globalement, visent à allonger le délai de prescription lorsque l’on a affaire à des crimes sexuels commis sur des mineurs. Je ferai dès à présent une présentation d’ensemble de ces amendements.
Malheureusement, beaucoup trop de mineurs, encore aujourd’hui, sont victimes de crimes sexuels. Cela les marque pour très longtemps. Par ailleurs, bien souvent, comme ces crimes ont été commis par des personnes de leur entourage – parents, membres de la famille, éducateurs –, leur souvenir met très longtemps à ressortir. La mémoire ne revient souvent que bien après la majorité et même le délai de prescription actuel, qui est de vingt ans après la majorité.
Lorsque j’ai été nommé rapporteur de la proposition de loi de Mmes Dini et Jouanno, j’ai eu l’occasion de rencontrer des médecins, et notamment Mme Guérin, qui a bien analysé ce phénomène d’amnésie traumatique, qui fait que les victimes ne se remémorent ce qui s’est passé que bien après et souvent, d’ailleurs, lorsqu’elles ont elles-mêmes des enfants qui parviennent à l’âge où elles ont été elles-mêmes victimes de ces crimes sexuels. Il est donc clair que, en reportant de dix ans ce délai de prescription, on arrivera à couvrir beaucoup plus les possibilités liées à cette amnésie traumatique.
C’est pourquoi, voilà deux ans et demi, lors du débat de la proposition de loi de Mmes Dini et Jouanno, en tant que rapporteur, j’avais écarté la demande d’imprescriptibilité pour me rabattre sur cette demande de prolongation de vingt à trente ans du délai. J’avais d’ailleurs été suivi par une large majorité sur toutes les travées de cet hémicycle.
Cette proposition de loi, malheureusement, n’a pas prospéré à l’Assemblée nationale. Voilà pourquoi je saisis le véhicule que nous fournit cette proposition de loi consacrée à l’augmentation des délais de prescription pour revenir sur un sujet qui est, à mon sens, aujourd’hui essentiel.
En effet, beaucoup trop d’enfants sont victimes de ces crimes et beaucoup trop d’adultes vivent très mal d’avoir été victimes quand ils étaient enfants. J’ai rencontré des victimes qui, vingt ou trente ans plus tard, continuent de souffrir de ce qu’elles ont subi dans leur enfance. Je crois que nous leur devons justice. J’ai entendu des orateurs, à cette tribune, parler au nom des victimes, mais je dois dire que je ne me suis pas reconnu dans leur discours. En effet, les victimes que j’ai rencontrées m’ont toutes expliqué que, même si, après vingt ou trente ans, les preuves seront difficiles à trouver, ce qu’elles demandent, c’est que l’affaire soit traitée, qu’elles soient entendues et qu’un juge se prononce ; s’il risque d’y avoir acquittement, du moins on ne laisse pas d’incertitude.
Voilà pourquoi nous avons déposé ces amendements visant à allonger ce délai de vingt à trente ans. Notre assemblée a voté cet allongement il y a deux ans. Aujourd’hui, nous allons allonger le délai de prescription de tous les crimes de dix à vingt ans. Le parallélisme des formes voudrait donc que l’on allonge ce délai de vingt à trente ans pour les crimes sexuels sur mineurs.