Intervention de Philippe Kaltenbach

Réunion du 13 octobre 2016 à 15h00
Réforme de la prescription en matière pénale — Article 1er

Photo de Philippe KaltenbachPhilippe Kaltenbach :

Même si je salue le travail du rapporteur, j’avoue être un peu déçu par sa position sur l’allongement du délai de prescription à trente ans. J’avais même cru pouvoir le convaincre, au mois de mai dernier, lors de l’examen de ce texte par la commission, puisqu’il avait lui-même déposé le 23 mai un amendement visant à porter ce délai à trente ans. J’avais d’ailleurs demandé que soit entendu le docteur Guérin, qui explique de façon extrêmement convaincante le phénomène de l’amnésie traumatique.

Malheureusement, dans cet hémicycle, une majorité n’est pas favorable à l’allongement de ce délai. À la suite de Chantal Jouanno, je tiens à insister sur le fait que, lors de l’examen de la proposition de loi cosignée par Mmes Dini et Jouanno il y a trois ans, nous avons voté cette disposition après un long débat, considérant alors que les crimes sexuels sur enfants étaient très graves, inacceptables, qu’ils se reproduisaient. En outre, le prédateur sexuel qui viole des enfants mineurs a malheureusement tendance à réitérer son geste et à ne pas s’arrêter. Il faut donc tout mettre en œuvre pour l’arrêter. En allongeant les délais de prescription, on se donne des outils supplémentaires.

Qui plus est, il faut penser aux victimes, qui sont profondément traumatisées par ce qu’elles ont subi : elles en porteront leur vie durant les conséquences extrêmement graves et lourdes. Les victimes demandent l’imprescriptibilité, je les ai rencontrées. En allongeant le délai de prescription, on répond à une demande forte en leur permettant d’agir plus longtemps.

Les victimes ont en effet expliqué que, bien souvent, la fin de l’amnésie traumatique arrivait après quarante ans. Avec la disposition prévue, vingt ans après la majorité, on arrive à trente-huit ans. En portant le délai à trente ans, on fait un geste en direction des victimes, on rend notre justice plus efficace pour lutter contre les prédateurs sexuels qui s’attaquent à des enfants et on fait évoluer le droit dans un sens favorable à la défense des victimes et à la lutte contre les violences sexuelles sur mineurs.

Il est vrai qu’il s’agit d’un système un peu dérogatoire, mais, face à de tels crimes, il faut savoir être humain, souple et trouver les meilleures armes juridiques. C’est pourquoi je maintiens les amendements que j’ai déposés.

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