Intervention de Alain Vidalies

Réunion du 13 octobre 2016 à 15h00
Usage des drones civils — Adoption définitive en deuxième lecture d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargé des transports, de la mer et de la pêche :

Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voici réunis pour l’examen en deuxième lecture de la proposition de loi relative au renforcement de la sécurité de l’usage des drones civils.

Comme vous le savez, nous assistons en France et dans le monde à l’essor de l’usage, à la fois professionnel et de loisir, des drones civils. Rappelons rapidement quelques chiffres clés, qui illustrent le développement très dynamique de la filière, notamment dans les usages professionnels. À la fin de l’année 2012, elle ne comptait que 50 opérateurs. À la fin du mois d’août 2016, plus de 2 600 opérateurs de drones sont déclarés et exploitent plus de 4 200 drones ; ils représentent plus de 5 000 emplois.

L’usage des drones de loisir est également en plein essor, et les lancements récents de nouveaux modèles par les grands noms du secteur laissent entrevoir une nouvelle année de ventes record en 2016.

Depuis 2012, de nombreuses utilisations professionnelles des drones civils se sont développées dans différents domaines. Le drone peut ainsi se révéler un moyen à la fois efficace et économiquement compétitif au service de nos concitoyens, de leur sécurité et de l’environnement, tout comme de nombreuses autres activités.

Face à ces perspectives, il devenait autant nécessaire qu’urgent de prévoir les mesures permettant la régulation de l’usage des drones civils.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a choisi, après les deux premiers arrêtés relatifs à l’usage des drones pris dès 2012, de soutenir cette proposition de loi déposée le 25 mars 2016 par vos collègues MM. Xavier Pintat, Jacques Gautier et Alain Fouché, et sur laquelle vous avez effectué, monsieur le rapporteur, un travail important et constructif que je veux saluer ici.

À l’issue des travaux de votre assemblée, nous avons souhaité inscrire un examen dès le mois de septembre à l’Assemblée nationale afin de ne pas perdre de temps, ce texte étant attendu.

Je l’ai souvent dit, le développement rapide de la filière française est le fruit d’une longue tradition aéronautique, d’un tissu de PME particulièrement dynamique, et d’utilisateurs visionnaires qui ont bénéficié d’une réglementation équilibrée et innovante. Cette filière est aujourd'hui à la croisée des chemins : entre aéronautique et numérique, entre innovation technologique et innovation par les usages, entre PME et grands groupes… Et elle nous demande de nous adapter en permanence à ces nouvelles technologies et pratiques, dont la plupart nous sont d’ailleurs à l’heure actuelle probablement toujours inconnues.

Si ces développements prometteurs nous ont conduit à définir un cadre d’usages dès 2012, l’avenir de cette filière nécessitait néanmoins de prendre en compte les nouveaux enjeux liés à la sécurité et à la sûreté qu’elle suscite. Les préoccupations de sûreté sont notamment consécutives aux signalements de survols illicites de zones sensibles.

Je profite de cette tribune pour apporter les compléments demandés par M. le sénateur Alain Fouché lors de l’examen de ce texte en mai dernier sur le cas particulier de la protection du secteur nucléaire : l’analyse des capacités actuelles des drones civils menée en 2014 ne faisait pas apparaître de menace qui ne serait pas prise en compte par la directive nationale de sécurité actuellement en vigueur. Les progrès technologiques étant très rapides, il est nécessaire d’anticiper sur les menaces futures que pourraient présenter les drones. Des réflexions ont donc été conduites, sous l’égide du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale.

Elles ont porté sur plusieurs axes : les moyens techniques de détection, d’identification et de neutralisation ; l’articulation avec les missions de protection de l’espace aérien, mises en œuvre par l’armée de l’air ; la chaîne opérationnelle de commandement, allant de la détection à la neutralisation en passant par la levée de doute.

Les services de l’État travaillent ainsi actuellement à la préservation d’une chaîne opérationnelle robuste allant de la détection à la neutralisation, qui soit également adaptée aux drones. Parallèlement, nous sommes également en contact très étroit avec nos voisins européens les plus impliqués sur le sujet afin de partager ensemble les pistes prometteuses en matière de lutte contre les drones malveillants. Enfin, l’État doit également se doter des moyens de détecter et de faire cesser des survols indésirables. Des essais ont déjà eu lieu, et des travaux de recherche financés par le Gouvernement sont actuellement en cours. Ces travaux portent leurs fruits puisque des solutions techniquement viables ont pu être mises en évidence.

Le texte qui vous est proposé complétera très utilement le corpus existant ; ces règles doivent répondre à l’objectif délicat de concilier la sécurité, la sûreté, la protection de la vie privée et le soutien au développement d’une filière émergente, source de réelles opportunités de croissance économique et de création d’emplois, sans remettre en cause les pratiques historiques des aéromodélistes en club.

Je reprendrai brièvement les grandes idées déjà développées en première lecture au Sénat et à l’Assemblée nationale.

Cette proposition de loi pose les principes d’un nouvel encadrement de l’activité drone. Leur immatriculation et leur enregistrement permettront d’assurer une meilleure traçabilité des appareils, tandis que des dispositifs de signalement permettront d’améliorer la sécurité des tiers dans les espaces aériens.

La définition de la fonction de télépilote consolidera par ailleurs la création d’un statut des télépilotes, en cohérence avec les travaux en cours au sein de la filière.

Pour les obligations de formation, ce texte inclut de nouvelles dispositions relatives à l’obligation de formation pour la pratique des activités de loisir et ouvre également la voie à l’élaboration d’un titre de télépilote, notamment pour les activités les plus complexes.

En outre, le texte prévoit pour certains drones une obligation d’emport d’un dispositif de limitation des performances, que les députés ont souhaité renommer « limitation de capacités ». Ce dispositif vise notamment à assurer la sécurité des vols habités. Il est cohérent avec les réflexions en cours à l’échelon européen, notamment au sein de l’Agence européenne de la sécurité aérienne. Le texte qui vous est présenté permettra la prise en compte des progrès de la technologie lorsqu’ils seront devenus opérationnels.

Enfin, cette proposition de loi sécurise le régime juridique de sanctions pour les contrevenants. Ce point est indispensable. En effet, la réponse pénale est absolument essentielle à la cohérence du dispositif juridique. Elle est complémentaire des actions d’information et de pédagogie. Il importe en effet de promouvoir les règles d’usage des drones en toute sécurité et d’en informer le grand public : les notices, que ce texte rendra obligatoires, y contribuent, en complément des actions actuelles menées par l’État. L’Assemblée nationale a précisé que cette obligation s’appliquerait également à la vente des drones d’occasion.

Le Bureau d’enquêtes et d’analyses pour la sécurité de l’aviation civile souligne d’ailleurs, dans son récent rapport sur les incidents survenus à l’aéroport Paris–Charles-de-Gaulle les 19 février et 2 juillet derniers, que l’ensemble des différentes mesures prévues par cette proposition de loi participera à réduire le risque de collision entre un drone et un aéronef piloté.

Les travaux menés par les députés ont également permis de clarifier deux points tout à fait essentiels. Premièrement, une période transitoire a été prévue pour l’applicabilité de l’obligation d’emport des dispositifs de signalement électronique ou numérique, de signalement lumineux et de limitation de capacités. Cela permettra notamment de ne pas pénaliser les utilisateurs professionnels de drones qui auraient acheté leur outil avant que ces dispositifs soient disponibles, en prévoyant un délai de mise en conformité.

Le second point est relatif à l’applicabilité du texte dans les territoires et collectivités d’outre-mer.

Cette proposition de loi repose sur un équilibre entre les principes, qui relèvent de la loi, et leur mise en œuvre technique, qui procédera de l’adoption de dispositions réglementaires.

S’agissant des seuils de masse, en dessous des plafonds prévus maintenant par la loi, ils seront choisis de sorte que la contrainte qui pèsera sur les industriels et les utilisateurs soit correctement proportionnée aux objectifs de sûreté et de sécurité.

Le Gouvernement avait soutenu ici même une démarche renvoyant la détermination de tous les seuils aux décrets. Nous estimions en effet que cela permettait une adaptation rapide aux évolutions de ces aéronefs sans pilote. Les députés ont souhaité introduire un seuil plafond de 800 grammes. Le Gouvernement accepte cette démarche qui, par le choix d’un seuil plafond, maintient la possibilité d’adaptation rapide et souple.

Les députés ont également souhaité préciser, sur proposition de Mme la rapporteur, Marie Le Vern, qu’en matière de signalement les drones devront être équipés d’un dispositif de « signalement électronique ou numérique ». Cette précision permettra, par voie réglementaire, de définir, à un instant donné, la solution technique la mieux adaptée en fonction des technologies disponibles et de l’objectif poursuivi.

L’Assemblée nationale a, enfin, apporté des améliorations prévoyant dans le texte même un mécanisme qui permettra la reconnaissance par équivalence de certaines formations et transformant une faculté d’exemption de l’obligation d’équipement de différents dispositifs pour les vols opérés dans un cadre agréé et dans des zones identifiées, en dérogation de droit.

Ces mesures bénéficieront notamment à la pratique de l’aéromodélisme, dans le cadre d’un club membre d’une fédération agréée, et sur des sites de vols d’aéromodélisme ayant fait l’objet d’une localisation d’activité portée à la connaissance des usagers aériens par la voie de l’information aéronautique.

La possibilité de préciser les conditions d’exemption laissée au pouvoir réglementaire permettra également de prendre en compte au mieux les spécificités de cette pratique.

En conclusion, la proposition de loi qui vous est soumise aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs, apporte une réponse législative aux préoccupations de sécurité publique émergentes liées au développement des activités drone.

Je tiens de nouveau à remercier M. le sénateur Cyril Pellevat, rapporteur du texte, d’avoir permis, depuis plusieurs mois, en concertation avec les professionnels, les fédérations et les administrations concernés, d’atteindre la qualité qui est aujourd’hui celle du texte qui vous est proposé. Je remercie également votre commission d’avoir entendu l’importance que revêt l’adoption rapide de ce texte et, pour cela, de s’être fixé l’objectif d’un vote conforme, que j’appelle de mes vœux.

Cette proposition de loi permettra à la France de continuer à montrer la voie dans un secteur d’activité où elle compte de nombreuses réussites économiques. Son objectif majeur est clair : conjuguer les exigences de la sécurité et l’essor économique de la filière drone.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion