Monsieur le rapporteur, je tiens tout d’abord à saluer votre excellent état d’esprit sur ce texte et le travail que vous avez réalisé.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui en deuxième lecture la proposition de loi relative au renforcement de la sécurité de l’usage des drones civils. L’essor rapide de ce marché soulève de nombreux problèmes de sécurité, notamment parce que les drones sont utilisés dans l’espace aérien.
Le rapport du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale remis au Parlement en octobre 2015 a clairement fait apparaître l’inadaptation et le caractère lacunaire du droit applicable en matière d’usage des drones civils. Il souligne également l’insuffisante information des utilisateurs et suggère, en conséquence, d’adapter et de compléter le corpus juridique existant : instaurer de nouvelles obligations dans les domaines de l’information, de la formation, de l’immatriculation et de l’identification.
Face aux évolutions technologiques et à la démocratisation de la pratique des drones, il est urgent de fixer un cadre législatif adapté à l’essor des drones aériens civils, sans pour autant entraver ce secteur à fort potentiel de développement, au sein duquel la France a une place prépondérante et un véritable avenir industriel.
Depuis 2012, des règles existent. Elles ont été précisées par deux arrêtés de décembre 2015 : les vols des drones civils – loisirs, aéromodélisme et activités professionnelles – ne sont autorisés dans l’espace aérien qu’en dessous de 150 mètres, mais sont interdits le vol de nuit, le vol au-dessus des agglomérations et des personnes, sauf autorisation du préfet, le vol dans les zones situées dans un rayon de 5 kilomètres autour des aérodromes – la distance est portée à 15 kilomètres si leurs pistes dépassent 1 200 mètres – et la circulation « hors vue » de leurs utilisateurs.
La proposition de loi qui nous revient de l’Assemblée nationale prévoit une obligation d’enregistrement des drones de plus de 800 grammes. Ce seuil est susceptible d’être abaissé par le pouvoir réglementaire afin de prendre en compte les évolutions techniques à venir, notamment la réduction des formats de drones. Ceux qui excèdent le poids de 25 kilogrammes doivent, quant à eux, être immatriculés. Bien entendu, nous sommes en accord avec ces deux précisions de seuil.
La proposition de loi définit la notion de télépilote en distinguant le vol manuel, le vol automatique et le vol autonome et prévoit une formation des télépilotes de drones de plus de 800 grammes.
Par ailleurs, le texte impose aux fabricants et importateurs de drones de loisirs la fourniture d’une notice d’information relative à leur usage. Cette obligation s’applique à l’ensemble des drones, et non pas seulement aux drones de loisirs.
Les drones à usage professionnel et de loisirs de plus de 800 grammes devront comporter un dispositif de signalement lumineux et électronique ou numérique, ainsi qu’un dispositif de limitation des performances. Nos collègues députés ont fait le choix d’imposer un dispositif de signalement sonore permettant, en cas de perte de contrôle du drone, d’alerter les personnes situées sur sa trajectoire, sauf si le drone évolue « dans un cadre agréé et dans des zones identifiées à cet effet ».
Enfin, la proposition de loi étend aux télépilotes les dispositions déjà prévues pour les pilotes, à savoir le délit de survol par maladresse ou négligence d’une zone du territoire français en violation d’une interdiction prononcée.
Le drone est bel et bien devenu un loisir de masse. D’après l’institut GFK, les ventes ont triplé en France en 2015. Une croissance de 30 % est prévue en 2016. Il est vrai que les drones trouvent de nombreuses applications dans le secteur des loisirs, comme dans le domaine professionnel.
La capacité du drone à embarquer une charge utile, telle que caméra, capteurs ou instrument de mesure, lui permet de réaliser des missions variées. La capture de données permet une multitude d’applications dans des domaines allant de l’agriculture aux ouvrages d’art – ponts, viaducs, barrages, éoliennes… –, en passant par le BTP, la police, l’industrie ou l’audiovisuel. Elle permet également de réaliser des missions d’observation, de surveillance et d’inspection – dans le cadre d’études scientifiques, de gestion de situations d’urgence, de détection des pollutions… –, des opérations de transport, de livraisons, de cartographie, ou de lutte contre les incendies.
L’avenir des drones dans le domaine de l’agriculture et de la sylviculture apparaît particulièrement prometteur au regard de leur capacité à apporter des éléments d’aide à la décision, à l’heure où le monde agricole cherche à produire plus et mieux, tout en préservant l’environnement et en offrant aux agriculteurs de meilleures conditions de travail.
Même les Champs-Élysées – comme l’a rappelé notre rapporteur – ont vu, au début de septembre, une première course de drones, organisée par la Mairie de Paris, avec succès, nous a-t-on dit.
Certains de nos collègues ont été sollicités par des présidents de clubs d’aéromodélisme. Cette pratique est ancienne ; elle concerne des passionnés d’aéronautique qui font voler des appareils qu’ils construisent souvent eux-mêmes. Cette activité passionnante se pratique en clubs, sur des sites agréés par la DGAC. Ils sont pilotés à vue, ce qui les distingue souvent des drones. Notre rapporteur a souligné que l’article 2 a été modifié par les députés pour garantir que les aéromodélistes ne soient pas soumis à une double obligation de formation, dans la mesure où ceux-ci sont déjà formés dans le cadre de leur club.
Dans le même esprit, à l’article 4, les aéromodélistes sont exonérés de l’obligation de s’équiper d’un dispositif de signalement et de capacité quand ils pratiquent dans un cadre agréé et dans des zones identifiées.
Cette proposition de loi marque une nouvelle étape dans l’encadrement juridique de l’usage des drones civils. Toutefois, face à cette technologie très évolutive, il est vraisemblable que l’arsenal législatif devra évoluer au même rythme dans les prochaines années.
Malheureusement, nos craintes en matière de sécurité ont été validées par un incident grave révélé récemment : une attaque réalisée le 2 octobre dernier à l’aide d’un drone piégé a gravement blessé deux commandos français en Irak et coûté la vie à deux combattants kurdes. Sous réserve de plus d’informations, cet acte criminel aurait été commis à l’aide d’un banal appareil grand public transportant une charge explosive déclenchée sur une courte distance.
Ce texte vient donc à point pour encadrer la pratique des drones et leur régulation dans l’espace aérien. C’est un texte consensuel qui doit être rapidement mis en application, au regard de toutes les raisons évoquées précédemment. Le groupe socialiste et républicain votera donc en faveur de cette proposition de loi.