Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, rendre compte d’une année de travail en six minutes n’est pas une tâche aisée, mais je vais m’y efforcer.
Le 29 juin dernier, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, présidée par notre collègue Catherine Morin-Desailly, a autorisé la publication du rapport de la mission d’information sur l’orientation scolaire, dont notre collègue Jacques-Bernard Magner a assuré la présidence et dont j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur.
Je me réjouis que nous ayons aussi rapidement l’occasion de débattre en séance publique des conclusions de la mission d’information. Il est vrai que la question de l’orientation est cruciale pour l’avenir de nos enfants.
Nous débattrons aussi, la semaine prochaine, de l’entrée en master, qui est l’un des aspects de la vaste question de l’orientation. L’instauration d’une sélection juste à l’université par l’édiction de prérequis avait d’ailleurs été l’une de mes préconisations. J’avais également plaidé en faveur du développement de l’offre de formation continue des universités en direction des hommes et des femmes en activité, pour permettre à ceux-ci de poursuivre leur diplomation après quelques années d’expérience professionnelle. C’est d’ailleurs, madame la ministre, l’une des réponses que l’on peut apporter aux jeunes qui réclament aujourd’hui un droit à la poursuite d’études. Si ce droit existe, il ne peut pas s’agir uniquement d’un droit à la poursuite d’études immédiate, mais bien d’un droit à la poursuite d’études tout au long de la vie.
Ce soir, je souhaite interroger Mme la ministre et débattre avec les quelques courageux collègues présents dans notre hémicycle des autres propositions phares de notre rapport d’information, qui toutes visent à remédier au phénomène d’orientation par l’échec que, malheureusement, nous constatons encore trop souvent.
Le constat n’est pas nouveau, et plusieurs rapports avant le nôtre l’ont déjà mis en lumière. En voici les principaux éléments.
Loin d’être un continuum, l’orientation agit comme un couperet : le sort des élèves se joue en quelques mois, lors de classes « paliers » – troisième, seconde et, dans une certaine mesure, terminale –, sur le fondement principal, voire exclusif, des notes qu’ils ont obtenues.
Dans un système scolaire strictement hiérarchisé où la voie générale – et, en son sein, la filière S – matérialise la réussite scolaire, l’orientation se fait véritablement par l’échec : sont progressivement écartés ceux qui n’ont pas les résultats pour aller en seconde générale et technologique, puis ceux qui ne peuvent pas aller dans la voie générale.
L’élève est encore trop souvent passif dans ce processus et le travail d’orientation d’un élève de troisième demeure ponctuel et sans vraie cohérence d’ensemble ; bien souvent, il se limite à la distribution de la brochure de l’Office national d’information sur les enseignements et les professions, l’ONISEP, une séquence d’observation en milieu professionnel de cinq jours, un entretien avec le conseiller d’orientation-psychologue, le COP, et un autre avec le professeur principal.
La répartition des élèves entre les différentes formations selon les capacités d’accueil de celles-ci contredit souvent les décisions d’orientation en voie professionnelle, menant ainsi à des orientations subies très préjudiciables aux jeunes concernés.
La répartition des élèves entre les filières dépend aussi, malheureusement, de leur origine sociale, de leur lieu d’habitation et de leur sexe.
Enfin, la complexité du système scolaire, le foisonnement d’une information de qualité variable et l’opacité des procédures d’affectation font de l’orientation un sujet d’anxiété pour de nombreuses familles et pénalisent particulièrement les plus éloignées de la culture scolaire.
Face à ce constat, notre première proposition consiste à faire de l’insertion professionnelle un objectif central du système éducatif, au même titre que les objectifs de qualification académique.
Sur le plan de l’organisation des acteurs de l’orientation, nous proposons de simplifier un paysage complexe, notamment en transférant le réseau Information Jeunesse et les centres d’information et d’orientation, les CIO, aux régions ou, à tout le moins, en regroupant physiquement les différents acteurs de l’orientation sur des sites uniques.
En ce qui concerne les enseignants, qui sont souvent les premiers interlocuteurs des élèves sur les questions d’orientation, nous proposons d’intégrer la formation au conseil en orientation dans leurs formations initiale et continue, de rendre obligatoire un stage en milieu professionnel pour tout enseignant – je dis bien « tout enseignant » – et de mieux valoriser la fonction de professeur principal.
S’agissant des différentes phases du processus d’orientation de l’élève, nous estimons que la mise en œuvre du parcours Avenir nécessite de prévoir un horaire spécifique, qui donne à ce dispositif une réelle effectivité, de repenser les modalités des séquences d’observation en milieu professionnel en classe de troisième et, surtout, d’introduire enfin un stage au lycée où, étrangement, rien n’est prévu, alors que les lycéens ont acquis une plus grande maturité et commencent à construire un projet professionnel.
Nous avons consacré tout un pan de nos travaux à l’enseignement professionnel et à l’apprentissage : il nous a semblé indispensable d’en valoriser les réussites, car il y a souvent un grand décalage entre le discours, qui glorifie l’égale dignité des voies, et la réalité d’un enseignement professionnel qui reste mal considéré. Les préconisations de notre mission d’information dans le domaine de l’enseignement professionnel étant nombreuses, je ne mentionnerai que ma proposition phare : faire du lycée polyvalent la norme et créer au niveau de chaque bassin de formation un réseau de lycées au sein duquel les changements de parcours seront simplifiés et facilités.
L’instauration, dès la classe de sixième, de rendez-vous réguliers entre l’élève, ses parents et l’équipe éducative nous a paru de nature à favoriser une orientation choisie, pensée et acceptée. D’une façon générale, mieux associer les parents d’élèves à l’éducation, à l’orientation et à la découverte des métiers nous semble une évidence.
Je ne reviendrai pas, madame la ministre, sur notre demande d’une transparence accrue des barèmes et des critères des procédures Affelnet et APB. Beaucoup d’encre a déjà coulé à ce sujet, et tout récemment. Mais permettez-moi de m’insurger une nouvelle fois contre la sélection par tirage au sort que nous imposons à nos futurs étudiants qui postulent dans des filières universitaires en tension : c’est une méthode indigne d’une grande méritocratie comme la France !
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre rapport d’information, particulièrement riche, comprend des recommandations – j’insiste sur ce mot – réalistes et de bon sens. Je remercie l’ensemble des membres de la mission d’information pour le très bon climat dans lequel nous avons travaillé et pour la participation de chacun à notre réflexion commune. Je forme le vœu, madame la ministre, que nos préconisations ne restent pas lettre morte et qu’elles contribuent prochainement à l’amélioration de l’avenir de nos enfants.