Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’orientation constitue un paradoxe.
Elle est en effet au centre du cursus des élèves. Les parents l’abordent avec gravité, voire angoisse. Le Parlement et le ministère en connaissent l’importance. Les constats partagés à son sujet, comme ses effets en matière de tri social, sont inacceptables aux yeux de tous.
Et pourtant, les enseignants ne sont pas formés à l’orientation des élèves. Les emplois du temps ne lui consacrent pas de plage horaire spécifique. Il n’existe enfin aucun mécanisme suffisamment puissant pour empêcher que les stages et les découvertes ne reproduisent le tri social.
Les atouts dont disposent les initiés sont évidents, tandis que le poids des notes – je parle bien des notes et non de l’évaluation – ne diminue pas.
Il est urgent d’interroger le rôle des algorithmes pour mieux les reprendre en main, car la technique informatique, avec ses apparences trompeuses de neutralité, peut entraîner la mise en œuvre du contraire de ce que nous appelons de nos vœux. Une procédure d’affectation comme Affelnet, qui était censée empêcher toute opacité et tout arbitraire, a représenté pour beaucoup d’élèves la forme numérique du labyrinthe, dans lequel la pondération des critères a constitué un piège méconnu.
Monsieur le rapporteur, vous préconisez la prise en compte d’autres critères que les seuls résultats académiques, comme la motivation, les aptitudes ou les compétences. Sachez que la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République va dans ce sens et que le Conseil supérieur des programmes en a fait l’esprit du socle commun de connaissances et de compétences.
Hélas, l’évaluation ne lui a pas été confiée et, dans l’attente du livret scolaire unique, ce sont les logiciels que l’on a achetés comme « Pronote » que les parents reçoivent ! Les algorithmes utilisés livrent la seule chose qu’ils n’aient jamais su faire : quantifier, visualiser et classer, aboutissant ainsi à l’opposé de ce que devrait être un résultat nuancé et de ce qui résulterait de l’utilisation de critères élargis.
Un simple exemple : alors que le socle commun de connaissances et de compétences dans son volet « coopération et réalisation de projets » préconise que l’élève sache « que la classe, l’école, l’établissement sont des lieux de collaboration, d’entraide et de mutualisation des savoirs », le logiciel Pronote a inventé l’item « savoir que l’école est un lieu des savoirs » – c’est zéro ou moins.