Intervention de Claude Kern

Réunion du 18 octobre 2016 à 22h30
Orientation scolaire — Débat sur les conclusions d'une mission d'information de la commission de la culture

Photo de Claude KernClaude Kern :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c’est sans surprise que je tiens moi aussi à féliciter notre rapporteur, Guy-Dominique Kennel, et le président, Jacques-Bernard Magner, pour la qualité des travaux conduits au sein de la mission d’information à laquelle j’ai pu participer. Je tiens également à remercier la présidente de la commission de la culture, Catherine Morin-Desailly, de nous avoir permis d’entreprendre cette démarche.

Notre assemblée a toujours fait de la réussite de nos enfants une ambition prioritaire et je mesure l’apport des travaux de cette mission dans la réflexion globale sur notre système scolaire et sur l’orientation. Nous comptons donc sur vous, madame la ministre, pour examiner ces propositions avec attention.

En effet, il y a urgence ! Outre l’indignité du rang occupé par la France dans le classement PISA, l’idée même que notre système entretient et crée des « décrocheurs » est insupportable. Notre incapacité à assurer une insertion suffisante des diplômés des formations professionnelles est incompréhensible. Enfin, l’échec massif à l’université pour les bacheliers généraux et encore plus pour les bacheliers techniques puis professionnels est tout simplement révoltant !

Notre système crée des inégalités. Comment l’entendre et, surtout, comment améliorer des dispositifs d’orientation qui prennent malheureusement une part active dans cet état des lieux ?

C’est tout le sens des travaux menés par la mission d’information dont nous examinons les conclusions ce soir. Les douze recommandations formulées visent à « insuffler une nouvelle ambition à l’orientation scolaire, celle d’une orientation réussie pour tous les élèves ».

Sans revenir sur chacune des recommandations que je partage pleinement et que je soutiens avec force, je tiens à évoquer plus particulièrement le rapport de notre système éducatif à l’enseignement professionnel et à l’apprentissage.

Soyons clairs, madame la ministre, les filières technologiques et professionnelles font l’objet d’une dévalorisation – pour ne pas dire d’un dédain – généralisée. Si les discours politiques ont quelque peu évolué, les pratiques les contredisent largement.

Pourtant, la réalité, c’est que l’apprentissage est la voie de la réussite ! Il faut en finir avec cette vision archaïque et dépassée de la professionnalisation, systématiquement dénigrée. Ces filières ne sont en aucune façon des « voies de garage » qui seraient réservées aux cancres. Cependant, cette représentation véhiculée par notre société, qui est à l’origine de la désaffection à l’égard des activités manuelles, a gangrené le système lui-même.

Aujourd’hui, l’orientation toujours plus tardive des élèves les maintient dans la voie générale et implique une spécialisation elle-même plus tardive au détriment de l’élève et de l’entreprise. Une véritable absurdité !

En tant que frontalier, je connais bien le système de formation professionnelle de nos voisins allemands. Outre-Rhin, la formation professionnelle initiale est principalement organisée sous la forme d’un apprentissage appelé « système dual », puisqu’elle se déroule sur deux lieux de formation : l’entreprise et l’école professionnelle. Dans ce système qui a fait ses preuves en termes de qualification et d’insertion des jeunes, le contenu de la formation relève des Länder et des partenaires économiques et sociaux.

Par ailleurs, pour avoir moi-même exercé une activité en parallèle dans un lycée technique et en entreprise, je sais que les acteurs économiques désirent prendre une vraie place dans les dispositifs d’orientation et de développement des formations professionnelles. Nombreux sont les chefs d’entreprise dont la maison mère est allemande qui m’interpellent sur le sujet et qui me rappellent tout le bien qu’ils pensent de nos formations techniques antérieures à la dernière réforme du lycée.

Ces mêmes chefs d’entreprise sont aussi de plus en plus nombreux à adhérer aux démarches en faveur de la mobilité des jeunes en formation professionnalisante. Outre les mobilités locale et régionale, la mobilité internationale dans le cadre d’un apprentissage est une formidable expérience pour le jeune et pour l’entreprise.

À ce titre, je tiens à saluer l’initiative du député européen Jean Arthuis en faveur d’un « Erasmus des apprentis ». Grâce à sa mobilisation auprès de la Commission européenne et au sein du Parlement européen, 145 apprentis européens dont 75 Français préparent en ce moment leur départ à l’étranger pour une année, alors qu’ils ne pouvaient jusqu’à présent prétendre qu’à de courts séjours. Or les statistiques démontrent que ce type d’expérience représente un atout majeur sur le marché de l’emploi.

Madame la ministre, pourquoi vouloir éloigner nos élèves du monde de l’entreprise ? Qu’attendez-vous pour ouvrir davantage notre école à l’entreprise ?

Il est urgent de faire bouger les lignes sur le sujet. Nous devons créer des pôles d’excellence qui regrouperaient des filières entières dans des lycées technologiques ou professionnels jusqu’au brevet de technicien supérieur, voire jusqu’au niveau bac+3. Ayons de l’ambition pour nos enfants ! Créons de vrais lycées des métiers !

À la suite des travaux conduits dans le cadre de la mission pendant plus d’un an, nous proposons les fondements d’une politique d’orientation ambitieuse pour nos élèves.

Donner au système éducatif des objectifs en termes d’insertion professionnelle, valoriser les réussites de l’enseignement professionnel et de l’apprentissage, généraliser la spécialisation dans la voie professionnelle, développer la mixité des parcours et des publics, développer les parcours montants, les stages passerelles pour faciliter les transitions entre filières, associer pleinement les parents d’élèves à l’éducation, à l’orientation et à la découverte des métiers, renforcer la présence des représentants du monde professionnel dans la gouvernance des lycées, sont autant de propositions fortes de notre mission d’information. Elles permettraient, j’en suis convaincu, d’apporter des réponses efficaces aux difficultés liées à l’orientation des élèves, à leur réussite scolaire et à l’accès à l’emploi.

Je souhaiterais répondre aux propos de M. Abate. Des expériences prouvent que le stage en entreprise est très enrichissant pour les enseignants. Toutefois, et sans entrer dans le détail, il existe également une autre solution, comme l’échange permettant aux uns de vivre pendant une journée le métier de l’autre. Ce type d’initiative permet aux enseignants d’être immergés dans l’industrie et à l’entrepreneur de découvrir également le métier de l’enseignant.

(Sourires.) et que nous puissions partager demain à la fois une ambition pour nos enfants et les solutions pour y parvenir.

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