Intervention de Jacques-Bernard Magner

Réunion du 18 octobre 2016 à 22h30
Orientation scolaire — Débat sur les conclusions d'une mission d'information de la commission de la culture

Photo de Jacques-Bernard MagnerJacques-Bernard Magner :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, si le Sénat a décidé, au printemps 2015, de constituer une mission d’information sur l’orientation scolaire au sein de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, c’est parce que chacun d’entre nous est attaché à la réussite de tous les élèves au sein de notre système scolaire.

Dresser l’inventaire des dispositifs d’orientation dans la formation initiale, en mesurer l’efficacité au regard des objectifs qui lui sont assignés, notamment en fonction du rapport entre réussites et échecs, formuler des propositions d’amélioration, tel était l’objet de cette mission d’information, dont le champ d’étude était essentiellement centré sur l’orientation dans l’enseignement secondaire en vue de l’enseignement supérieur.

L’orientation est un sujet d’intérêt qui concerne, à des degrés divers, les parents d’élèves, les personnels enseignants, les responsables publics et les divers acteurs de terrain, les chercheurs des instituts et laboratoires de recherche spécialisés et, surtout, les collégiens, les lycéens et les étudiants.

En effet, l’orientation scolaire et professionnelle est l’un des piliers de toute politique éducative. Chaque élève y est confronté au moins une fois durant sa scolarité. Les choix qu’il fait sont déterminants pour lui, et tout gouvernement soucieux de l’avenir de sa jeunesse se doit d’être informé de l’efficacité de sa politique dans ce domaine.

Dans la période que nous traversons, le chômage des jeunes reste malheureusement encore trop important. Cependant, on sait aussi qu’il touche dans une proportion plus élevée les jeunes sortis du système scolaire sans qualification. Aussi, réduire le nombre de ceux qui arrêtent leurs études sans qualification ni diplôme est un impératif. Les jeunes doivent être diplômés au bon niveau et dans des secteurs susceptibles de leur offrir des débouchés. Il s’agit d’une exigence pour la Nation et pour son école !

Une orientation réussie doit permettre à chacun d’exploiter tout son potentiel et de s’insérer professionnellement. L’idéal serait que chaque élève ait le sentiment qu’il a lui-même choisi son orientation, et non qu’elle lui a été imposée car, le plus souvent, une orientation subie provoque un profond sentiment de frustration et d’injustice.

Vous le savez, des réformes d’envergure ont été engagées ces cinq dernières années en faveur de l’école. Je pense à la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République ou au recrutement et à la formation de personnels enseignants. Même si de grandes améliorations ont déjà été observées, il faudra cependant plusieurs années avant que ces réformes portent réellement leurs fruits.

Les constats déjà formulés en 2008 par le Haut Conseil de l’éducation dans son rapport sur l’orientation scolaire sont encore d’actualité.

Je les rappelle ici : l’orientation au collège et au lycée dépend étroitement du niveau initial des élèves à l’école primaire ; l’orientation consiste à trier les élèves en fonction de leurs seuls résultats scolaires dans les savoirs abstraits ; on ne cherche pas à détecter chez les élèves en difficulté leurs aptitudes à réussir dans d’autres apprentissages, en particulier dans ceux qui sont propres à la voie professionnelle et à ses spécialités, des apprentissages qui partent du concret et privilégient une approche plus expérimentale ; la décision d’orientation s’appuie sur des notes et des moyennes de notes, méthode dont les insuffisances ont été démontrées depuis longtemps ; l’origine sociale et les diplômes des parents sont des facteurs déterminants ; dans un système très hiérarchisé, l’orientation est trop souvent le produit d’exclusions successives ; enfin, une mauvaise orientation est difficile à rattraper.

Il convient de remarquer que l’informatisation de l’affectation des jeunes pèse beaucoup sur le système d’orientation scolaire. Cette informatisation était certes nécessaire, puisqu’elle permet de réduire les inégalités de traitement et d’attribuer une place à chaque élève. Cependant, elle ne peut pas corriger la rigidité de l’offre et encore moins éviter un engouement pour telle ou telle spécialité. En définitive, cette procédure informatique revient à gérer le mieux possible une situation au cadre extrêmement contraint : c’est tout de même un progrès !

Je me dois de préciser que toute orientation dans une voie ou une autre engage fortement l’élève et qu’il n’est pas facile de se réorienter. En effet, les parcours qui le permettent ne sont ni assez développés ni adaptés. Sur ce point, il paraît opportun de redéfinir les moments de la scolarité au cours desquels il faut proposer des dispositifs de réorientation ou des classes passerelles, et d’encourager toutes les expérimentations relatives aux changements de cursus, comme les réorientations effectuées après quelques semaines de classe seulement, sur le fondement d’un bilan de rentrée, avant que le premier trimestre soit trop engagé et quand le nombre de places vacantes est stabilisé.

Nous devons également veiller à ce que l’orientation scolaire ne soit pas chargée de tous les maux quand un élève est en situation d’échec scolaire, car un défaut d’orientation est loin d’être la seule cause de l’échec scolaire.

Par ailleurs, il est souvent reproché au système de l’orientation scolaire et à la hiérarchie des filières qu’elle perpétue de rester éloignées des réalités de la vie professionnelle et des besoins économiques de la Nation. On reproche également à l’offre de formation professionnelle de s’adapter difficilement aux nécessités économiques. Et c’est là la plus grande difficulté à surmonter : trouver la meilleure adéquation possible entre les formations proposées et les besoins du marché, d’autant qu’un certain nombre d’années sont nécessaires pour qu’une formation professionnelle arrive à son terme.

En fait, il est regrettable que ce soit bien souvent l’offre de formation qui régisse les politiques d’orientation dans les académies.

Le fait que chaque élève obtienne une place à la rentrée scolaire, quels qu’aient été ses vœux, et que chaque professeur soit devant une classe, est a priori satisfaisant pour l’administration de l’éducation nationale. Cependant, le nombre des places disponibles par filière constitue une contrainte qui pèse sur l’orientation des élèves. Cela entraîne une certaine rigidité qui conduit à des orientations que l’on pourrait qualifier de « forcées » et qui aboutissent malheureusement à trop d’abandons en cours de scolarité.

Il faut également tenir compte des inégalités engendrées par les disparités territoriales puisque, selon la région où il habite, un élève n’aura pas les mêmes opportunités d’orientation et de formation.

En conséquence, l’orientation scolaire a trop tendance à fonctionner en circuit fermé.

L’orientation des élèves et leur niveau de qualification final sont trop conditionnés par la structure de l’offre éducative, et, alors même que l’offre de formation est abondante, le choix pour chaque élève reste limité.

À cet instant du débat, il me semble important d’évoquer la proposition de loi, déposée par notre collègue Jean-Léonce Dupont, portant adaptation du deuxième cycle de l’enseignement supérieur français au système licence-master-doctorat, très en rapport avec l’orientation des étudiants.

À l’occasion de l’examen en commission de cette proposition de loi, les sénateurs du groupe socialiste et républicain, par la voix de Dominique Gillot, ont présenté un amendement tendant à instaurer un droit à la poursuite d’études.

Il s’agirait là non pas d’un droit inconditionnel ou d’un droit offert à des étudiants qui atteindraient le master en six ou huit ans et revendiqueraient ensuite le droit à la poursuite de leurs études, mais d’un droit garantissant à la fois l’excellence des parcours, utiles au développement économique de notre pays, l’épanouissement des compétences de nos meilleurs étudiants et un accompagnement de tous ceux qui seraient insuffisamment informés sur les divers masters auxquels leurs aptitudes conduisent.

Certaines inquiétudes ont été exprimées, notamment au sujet des difficultés rencontrées par certains territoires, de l’accord obligatoire entre le recteur et le chef d’établissement ou des conditions de mobilité des étudiants. Sur ces différents points, le Gouvernement apportera des réponses, à la suite d’une concertation de très grande qualité sur le sujet, ayant abouti à un accord unanime de l’ensemble des partenaires.

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