Intervention de Jacques Grosperrin

Réunion du 18 octobre 2016 à 22h30
Orientation scolaire — Débat sur les conclusions d'une mission d'information de la commission de la culture

Photo de Jacques GrosperrinJacques Grosperrin :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, le rapport sur l’orientation scolaire présenté par notre cher collègue Guy-Dominique Kennel porte sur un sujet important s’il en est : l’orientation scolaire.

La France, pourtant dotée d’un système scolaire exemplaire, peine aujourd’hui à s’enorgueillir des résultats de ses enfants. Le classement PISA pointe en effet régulièrement les insuffisances de notre école. L’idée se répand dès lors, insidieusement, que notre système est décadent, que nos enfants n’apprennent plus rien dans nos établissements scolaires.

Une telle affirmation, fréquente dans l’opinion publique, doit être combattue avec la dernière des déterminations, pour l’injure qu’elle fait aux enseignants et personnels du système éducatif français. La situation est en fait contrastée et complexe.

Il demeure toutefois que les mauvais résultats ne peuvent être passés sous silence – étant précisé que l’actuel gouvernement ne peut être tenu responsable de tout et que le précédent porte également une part de responsabilité : la France se classe au vingt-cinquième rang en mathématiques, au vingt et unième rang en lecture et au vingt-sixième rang en sciences.

Quels sont les remèdes ? La création de quelques écoles expérimentales, plus d’expérimentation dans les écoles, le refus de l’uniformisation par l’égalitarisme sont peut-être des pistes à envisager. Mais il faut probablement, aussi, en passer par une redéfinition des missions de l’école, par un recentrage autour de quelques axes forts.

À cet égard, la multiplicité des missions, telle qu’elles ont été posées par le ministre Vincent Peillon, s’inscrit dans l’exact contresens historique qui caractérise, malheureusement, et sur de nombreux sujets, l’action de l’actuel gouvernement.

Recentrer l’école de la République sur ses missions essentielles de transmission du savoir et d’accompagnement des élèves est donc une première piste.

Au titre des missions essentielles que doit assumer l’école figure notamment, en plus de la transmission des connaissances, l’insertion professionnelle et, plus largement, sociale. L’école doit permettre à chacun, non pas seulement de trouver sa place dans la société, mais, mieux encore, de la construire.

Voilà l’ambition fièrement portée par l’école des « hussards noirs de la République », chers à Jules Ferry : l’école doit être un ascenseur social !

Or, comme chacun le sait, cet ascenseur est aujourd’hui en panne en France. L’école ne permet plus aux enfants de s’élever au-dessus de la condition de leurs parents. Elle renforce – c’est un comble – les inégalités sociales !

C’est dire l’enjeu qui s’attache à une meilleure politique d’orientation scolaire. C’est dire combien le rapport que nous a présenté Guy-Dominique Kennel doit susciter l’intérêt.

On peut s’interroger sur le choix de certaines filières, de certains bacs technologiques pour certains enfants, qui peuvent ensuite intégrer des écoles d’ingénieurs, parce que, justement, ils connaissent ces parcours.

Parmi les solutions présentées dans le rapport, il me semble nécessaire d’insister sur le lien puissant qui doit unir la professionnalisation des études et le renforcement de l’orientation. Aider l’élève à identifier les voies dans lesquelles il dispose des aptitudes pour réussir, l’accompagner dans le renforcement de ses potentiels, choisir les bonnes options et filières pour lui permettre, à sa sortie du système éducatif, de s’insérer parfaitement dans le métier qu’il a choisi et pour lequel il s’est préparé : voilà ce que l’école doit permettre !

Mais l’école ne peut pas tout. Il faut absolument impliquer les parents, construire un contrat entre la famille, l’école et l’État.

Je m’interroge également sur la suppression du redoublement en fin de troisième, celui-ci étant mis en œuvre en fonction de l’avis des parents, ainsi que sur l’école obligatoire jusqu’à 18 ans car, on le sait, lorsqu’il n’y a pas d’appétence scolaire, il ne sert à rien d’obliger l’élève à continuer d’aller à l’école. Dans de tels cas, un cursus de professionnalisation est peut-être préférable.

La tâche est toutefois immense et suppose des enseignants formés pour l’assumer. Le rapport de notre collègue préconise donc de renforcer la formation de ces derniers et de faire en sorte qu’au cours de leur cursus, ils puissent découvrir l’entreprise pour resserrer le lien entre école et entreprise. Il est également préconisé de renforcer le lien entre le lycée et l’enseignement supérieur.

Toutes ces idées me semblent excellentes.

Des interrogations demeurent néanmoins sur la procédure d’affectation Affelnet. L’affectation des élèves en collège et en lycée ne permet pas d’envisager la mixité sociale dès lors qu’elle passe par un algorithme. Un ordinateur ne comprend qu’une chose : les notes ; il n’accorde aucune place à l’évaluation, qui peut pourtant être une source d’orientation.

Les enseignants vivent une situation difficile. Je ne reviendrai pas sur les exactions commises au cours des derniers jours, mais, au-delà de cette situation tragique, que nous espérons ne pas entendre qualifiée par M. le ministre de l’intérieur d’œuvre de « sauvageons » ou de « galopins », il faut admettre que les conditions d’exercice professionnel sont devenues, dans de très nombreux endroits, quasi invivables. Ce n’est pas un hasard si la profession d’enseignant suscite aujourd’hui des vocations en nombre plus mesuré qu’il ne serait souhaitable.

J’ai écouté votre intervention de ce matin, madame la ministre. Il faut condamner ceux qui ont commis ces actes, avez-vous dit. J’aurais aimé entendre autre chose de la part d’un ministre de la République, ministre de tutelle. Vous auriez pu employer la même formule qu’Émile Zola et son « J’accuse… ! », et dire clairement : « Je condamne ces actes ». C’est ce que les enseignants attendaient.

Dans ce contexte, pourront-ils réellement assumer de nouvelles missions ? C’est une question qu’il faut se poser.

Le rapport envisage, enfin, la situation de l’enseignement supérieur.

Les questions qui y sont abordées me semblent refléter une réalité terrible. La massification de l’enseignement supérieur a conduit à un doublement des effectifs étudiants depuis les années quatre-vingt. Les moyens n’ont pas suivi – hélas, trois fois hélas !

La loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, l’excellente réforme LRU, portée par Valérie Pécresse, avait fait un premier pas pour redonner aux universités l’autonomie dont elles ont besoin. Il faudra aller plus loin, c’est l’évidence, et permettre aux établissements de développer une véritable politique d’attractivité des meilleurs bacheliers, de recrutement des meilleurs professeurs, de recherche de sources de financement qui ne peuvent plus être uniquement celles de l’État.

L’université française du XXIe siècle sera autonome ou ne sera pas !

Il faut donc oser remettre sur la table la question de la sélection à l’entrée de l’université. Ce ne doit pas être un gros mot, madame la ministre.

C’est pourquoi je félicite mon collègue Guy-Dominique Kennel de proposer, pour les filières en tension que sont le droit, la médecine, la psychologie ou encore les cursus dédiés aux sciences et techniques des activités physiques et sportives, les STAPS, de remplacer le système actuel de tirage au sort absurde, injuste et illégal par un ensemble de règles fondées sur les prérequis.

C’est l’unique voie pour permettre la meilleure orientation et accroître les chances d’une meilleure insertion professionnelle.

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