… beaucoup plus par les parents, d’ailleurs, que par les jeunes eux-mêmes, qui se déclarent très satisfaits lorsqu’ils sont interrogés.
Il est donc nécessaire que l’apprentissage de la maîtrise de cet outil soit également anticipé et son fonctionnement bien présenté au sein du lycée. Ce dernier point vaut autant pour les élèves, dès la classe de première, que pour les équipes pédagogiques, afin que les enseignants puissent aider leurs élèves au quotidien.
Pendant l’année scolaire 2015–2016, à ma demande, une expérimentation portant sur l’accompagnement rapproché des lycéens a été menée dans cinq académies. Les équipes pédagogiques des lycées devaient se concentrer sur les lycéens repérés comme ayant formulé des choix d’orientation problématiques par rapport à leur profil ou à leurs chances de réussite dans la filière visée. Ces jeunes ont bénéficié d’un accompagnement beaucoup plus personnalisé : ils ont pu notamment être reçus par les enseignants pour pallier leur connaissance défaillante des réalités des filières du supérieur.
Cette expérimentation a donné des résultats assez extraordinaires, c’est pourquoi nous la généralisons cette année. C’est l’occasion pour moi de préciser – je suis sans doute un peu brouillonne, mais tous les sujets se tiennent – que nous sommes tous contre le tirage au sort dans l’enseignement supérieur, c’est une évidence, car cette pratique nous heurte tous.
Entre la rentrée universitaire de l’an dernier et celle de cette année, nous avons réussi à réduire de 60 % le nombre de filières qui recourent au tirage au sort. Nous l’avons fait notamment grâce à l’information en amont dispensée auprès des élèves de terminale, avant la saisie de leurs vœux dans APB, sur leurs chances de succès, les capacités d’insertion professionnelle offertes par les filières, etc. Il faudra poursuivre dans cette voie.
En même temps, nous agissons aussi pour favoriser un parcours cohérent entre le lycée et l’enseignement supérieur. Je reprendrai l’exemple des bacheliers professionnels, parce qu’ils constituent un sujet à part entière, dans la mesure où personne ne peut se satisfaire que leur taux de réussite en licence soit seulement de 3 %, même si l’on ne peut que se réjouir de leur aspiration à poursuivre des études supérieures. Ici encore, agir pour l’orientation, c’est tenir compte de la singularité des voies et des filières.
Les lycéens professionnels sont les seuls bacheliers à être formés en alternance. Il est donc logique qu’ils puissent aussi poursuivre leurs études supérieures en alternance, puisque cette modalité constitue leur plus-value, qu’ils y sont habitués et qu’elle leur convient. Autrement dit, il est très important que les bacheliers professionnels trouvent des places en BTS, puisque c’est dans cette filière que leur taux de réussite est le plus élevé, de huit à dix fois supérieur à celui qui est observé en première année de licence.
Nous avons donc décidé, premièrement, d’instaurer des quotas de places réservées aux bacheliers professionnels en BTS et, deuxièmement, de créer 10 000 places nouvelles en BTS sur les cinq ans qui viennent, à raison de 2 000 places par an à partir de 2017. Ainsi, les bacheliers professionnels pourront poursuivre leurs études de manière cohérente et y connaître eux aussi le succès.
Nous agissons donc, vous le voyez, sur l’orientation scolaire en recourant à des leviers qui lui sont spécifiques, mais nous agissons aussi à une échelle plus large, en impliquant l’ensemble des acteurs jouant un rôle dans l’orientation.
Concernant les acteurs institutionnels, vous évoquez dans votre rapport un objectif de clarification et de rationalisation de leur organisation. L’idée est très juste et nous avons commencé à l’appliquer.
Aujourd’hui, l’État définit et met en œuvre au niveau national la politique d’information et d’orientation des jeunes dans les établissements scolaires et d’enseignement supérieur. Les centres d’information et d’orientation, les CIO, l’Office national d’information sur les enseignements et les professions, l’ONISEP, et les services communs universitaires d’information et d’orientation, les SCUIO, viennent appuyer l’État dans la mise en œuvre de cette politique.
De son côté, la région organise le service public régional de l’orientation tout au long de la vie, le SPRO, et coordonne sur son territoire les actions des autres organismes qui y concourent en direction des publics jeunes et adultes.
Vouloir ouvrir à nouveau, comme vous le suggérez, le débat sur le transfert des CIO aux régions me paraît contre-productif. Nous sortons à peine d’une période difficile : les départements se sont désengagés des CIO et l’État a fait ce qu’il a pu pour remédier à cette situation. On entretiendrait ainsi des inquiétudes qui ont pu légitimement s’exprimer et qui se sont apaisées maintenant. Il me semble donc préférable d’en rester à la situation actuelle. Les conseillers d’orientation-psychologues sont et restent des personnels de l’État comme la loi du 5 mars 2014 le réaffirme. Par ailleurs, cette situation est d’ailleurs favorable à l’élaboration de partenariats et complémentarités entre l’État et les collectivités.
Cela étant dit, je suis d’accord avec l’idée que le SPRO, tel qu’il a été construit par la loi, n’est pas pris en main de la même façon par toutes les régions. Beaucoup de travail reste à faire sur ce sujet.
Nous associons aussi davantage les parents, autres acteurs importants, au processus d’orientation, et nous le faisons avec plus de transparence. Votre rapport le précise à juste titre, la confusion entre le processus d’orientation et l’affectation est fréquente chez les parents. C’est pourquoi il est très important d’expliquer ces procédures d’orientation et d’affectation aux familles et de les accompagner dans la formulation des vœux de leurs enfants. C’est un enjeu dont nous nous sommes emparés.
À ce sujet, je comprends la demande de transparence des procédures d’affectation qui s’incarnent dans des outils APB et Affelnet : comme vous le savez, nous avons publié l’algorithme qui, dans APB, propose des affectations au recteur lorsque le nombre de candidats dépasse la capacité d’une filière non sélective. Concernant Affelnet, dans le cadre du nouveau système d’évaluation des acquis des élèves à l’école et au collège, sachez que nous travaillons à un cadrage national qui harmonise les pratiques et les critères entre les académies, ce qui permettra de répondre à un certain nombre d’interrogations légitimes.
Enfin, je veux souligner que le principe de coéducation parents-enseignants, qui était au cœur de la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, nous a conduits à mener une expérimentation consistant à donner à la famille le dernier mot sur le choix de la voie d’orientation de son enfant. À ce jour, 445 établissements répartis dans 20 académies sont impliqués dans l’expérimentation de ce choix ouvert aux familles, qui sont de plus en plus nombreuses à souhaiter pouvoir y accéder.
Les premières observations des résultats de cette expérimentation ont montré que l’orientation était davantage préparée, que l’association de la famille contribuait à nourrir un dialogue centré sur le projet de l’élève et que les choix d’orientation des élèves étaient pris en compte bien avant la fin de la troisième. Nous incitons donc d’autres établissements et d’autres académies à mettre en œuvre cette méthode.
Enfin, je veux parler d’un autre partenaire essentiel pour la réussite de l’orientation, à savoir le monde professionnel. Vous me donnez l’occasion ce soir, mesdames, messieurs les sénateurs, de vous dire à quel point je suis attachée aux relations entre l’école et les entreprises.
Peut-être l’ignorez-vous, j’ai créé des pôles de stage dans chaque bassin d’emploi. Ils visent précisément à répondre aux difficultés rencontrées par les jeunes qui n’arrivent pas à trouver de stage, lorsqu’ils sont en troisième ou en lycée professionnel. Dans chaque bassin d’emploi, nous avons donc créé une structure, appelée « pôle de stage » – il en existe aujourd’hui 330 –, qui a vocation à trouver un stage pour chaque jeune dont la recherche est restée infructueuse. Pour y parvenir, chaque pôle recourt à un réseau d’entreprises de son bassin d’emploi avec lesquelles il a l’habitude de travailler et de communiquer.
Autre exemple – cela devrait vous plaire –, j’ai décidé d’inscrire un stage obligatoire en entreprise dans la formation statutaire des chefs d’établissement.
Enfin, nous avons aussi généralisé l’accès au stage en entreprise pour tous les professionnels de l’éducation nationale, ce qui demande un important travail de mobilisation de nos partenaires.
Dernière idée qu’il faut avoir à l’esprit lorsque l’on envisage le lien entre l’école et l’entreprise, de plus en plus de candidats aux concours de l’enseignement effectuent une reconversion professionnelle. Ainsi, pour de plus en plus de nouveaux enseignants, la réussite au concours ne prélude pas à leur première expérience professionnelle, parce qu’ils ont déjà une vie active derrière eux.
J’insiste sur ce phénomène assez nouveau qui est évidemment lié au retour de la formation initiale et à la création des ESPE. Bien entendu, lorsque la formation initiale a été supprimée, rares étaient ceux qui acceptaient d’affronter une classe sans formation préalable, comme des frites jetées dans l’huile bouillante.