Intervention de Véronique Bied-Charreton

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 19 octobre 2016 à 8h33
Projet d'instauration du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu — Audition de M. Bruno Parent directeur général des finances publiques dgfip

Véronique Bied-Charreton, directrice de la législation fiscale :

On peut basculer dans la contemporanéité en faisant intervenir l'administration de deux manières.

La manière un peu fruste consisterait à laisser l'administration continuer de calculer des acomptes, certes contemporains, mais sur la base de situations historiques. L'acompte continuerait d'être calculé sur ce qui s'est passé deux ans auparavant pour les premiers mois de l'année et sur les revenus de l'année précédente pour les derniers mois de l'année. Ce serait un acompte fixe, sur des données historiques. Il servirait juste à payer l'impôt de l'année.

Pour un contribuable qui ne ferait rien, ce serait la même chose qu'aujourd'hui dans le cadre de la mensualisation, avec un prélèvement des acomptes sur une situation historique. En cas de variation du revenu, le montant fixe continuerait d'être calculé par l'administration.

L'avantage par rapport à la situation actuelle est qu'il pourrait moduler. Mais c'est à lui de tout faire. Il n'y a aucun service rendu. L'administration envoie une facture historique. Si le contribuable pense que cette facture historique ne correspond pas à ses revenus de l'année, il doit essayer d'estimer ses revenus de l'année. Cette option est expressément écartée dans un certain nombre de rapports, dont celui de Didier Migaud, lorsqu'il était membre de la commission des finances de l'Assemblée nationale.

Il y avait un système plus élaboré. L'administration prélèvait de manière contemporaine sur la base d'informations plus fraîches, que sont les informations que pourraient lui envoyer les collecteurs, c'est-à-dire les employeurs et les caisses de pensions. Chaque mois, ces mêmes collecteurs auraient quand même quelque chose à faire ; ils ne seraient pas du tout hors du dispositif. Ces collecteurs, toujours via la DSN, qui est le coeur de notre projet, enverraient à l'administration fiscale le montant des salaires ou des pensions versées le mois précédent. Sur la base de cette information, la DGFiP prélèverait à la source en utilisant les informations historiques rafraîchies. Pourquoi parler d'un dispositif dégradé ? Parce qu'il n'existe dans aucun des pays ayant mis en place la retenue à source. Dans ces pays, c'est-à-dire tous les pays de l'OCDE sauf la Suisse et la France, c'est le tiers collecteur qui fait le prélèvement. Dans le système proposé par le Gouvernement, il y a une information contemporaine à la source. C'est le tiers collecteur qui connaît le montant de la base imposable à l'instant où il verse le salaire ; c'est aussi lui qui a l'argent. Si l'on effectue le prélèvement à ce moment-là, l'information est la plus fraîche possible. Elle est contemporaine du versement du salaire.

Quels que soient les progrès informatiques réalisés par la DGFiP, cette information arriverait avec un décalage de un à deux mois. L'impôt ne serait donc plus contemporain pour le contribuable. Le treizième mois de décembre ne serait ainsi prélevé par la DGFiP qu'en janvier ou février de l'année suivante, alors que le salarié n'aurait plus les revenus correspondants. En outre, avec ce système, nous perdrions une dizaine de milliards au moment de l'année de transition puisque tout le mois de décembre serait perdu, le prélèvement n'intervenant que deux mois plus tard. Pourquoi demander à l'administration qui ne dispose que de l'information historique de procéder au prélèvement alors que l'entreprise dispose de l'information la plus contemporaine possible et verse les salaires ?

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