Cette proposition de loi est née d'un double constat : d'une part, celui de la création d'un réseau exceptionnel de métro dans la zone la plus dense de la région parisienne, un réseau non pas radial vers Paris, mais de banlieue à banlieue - c'est une nouveauté -, qui double le réseau actuel, le faisant passer de 200 à 400 kilomètres, avec quatre nouvelles lignes et 68 gares, pour un investissement total de 22 milliards d'euros ; d'autre part, celui de l'exceptionnelle gravité de la situation du logement en Île-de-France, région où l'on compte plus de 600 000 demandeurs de logements sociaux alors que, chaque année, 80 000 logements sociaux sont attribués.
La réalisation du nouveau réseau de transports entraîne un bouleversement urbain. Dans chaque ville concernée, les élus élaborent des projets de logement, de développement économique, d'équipements publics afin de dynamiser leur territoire et de faire profiter la population de ce réseau, qui pourrait mettre fin à de très longs temps de déplacement entre le domicile et le travail. Cette perspective positive peut malheureusement avoir deux conséquences négatives.
Première conséquence, on risque un renchérissement du foncier. Le phénomène n'a pas encore été constaté, mais nous ne sommes qu'en 2016. Pour l'instant, les habitants et les commerçants perçoivent surtout les nuisances provoquées par les chantiers, les déviations de réseau et les démolitions, mais, en 2022 et 2023, à l'ouverture des lignes, tout sera différent. Les promoteurs immobiliers indiquent d'ores et déjà la proximité des futures gares dans leur documentation, afin de mieux vendre leurs produits. Le risque de spéculation, avéré, a d'ailleurs entraîné la création de l'observatoire du foncier, souhaité par la Société du Grand Paris elle-même.
Seconde conséquence, les populations modestes qui habitent aujourd'hui à proximité des futures gares risquent l'éviction, au profit de constructions nouvelles offertes à des prix inaccessibles. Il est paradoxal que la construction d'un réseau destiné à faciliter le transport des personnes en recherche d'emploi et des salariés modestes provoque leur éloignement. Ce phénomène a déjà été constaté en Île-de-France : des Parisiens ou des habitants de la première couronne qui veulent accéder à la propriété sont contraints de s'installer en Seine-et-Marne, voire au-delà, pour y trouver un foncier moins élevé. Il faut remédier à cette situation, qui est déjà connue.
J'ajoute que le Grand Paris Express est payé par tous les Franciliens, qui acquittent, dans leurs impôts locaux, une taxe spéciale d'équipement. Il serait paradoxal que les plus modestes paient pour un réseau de transport dont ils ne pourront pas bénéficier et, finalement, soient contraints de s'éloigner encore de Paris quand l'idée était de les en rapprocher. Il y a là un véritable enjeu social.
Notre proposition de loi n'ajoute pas de nouveaux objectifs, mais s'inscrit dans ceux du SDRIF. Je rappelle que l'objectif des 70 000 logements avait été fixé par M. Nicolas Sarkozy, qui jugeait insuffisants les 60 000 logements par an que proposait le président de la région de l'époque, M. Jean-Paul Huchon. Nous ne modifions pas le taux de 30 % de logements sociaux fixé par le SDRIF, mais nous nous assurons qu'il est également appliqué aux constructions nouvelles élevées autour des gares dont nous parlons. Nous n'aggravons rien pour les sites très au-delà de cette proportion, au contraire, puisque, mécaniquement, 70 % des logements ne seront pas sociaux - je rappelle que dix-huit sites comptent moins de 20 % de logements sociaux. Et même dans les zones comptant 80 % de logements sociaux, il reste des demandeurs, à Aulnay ou ailleurs, dont certains ne peuvent prétendre qu'à du logement social. Ils seraient empêchés de rester dans leur propre ville ? Cette politique d'exclusion est inacceptable.
Notre proposition de loi est extrêmement simple : elle impose un tiers de logements sociaux pour toute opération de construction d'immeubles collectifs de plus de 12 logements ou de plus de 800 mètres carrés de surface de plancher, dans le périmètre d'intervention de la Société du Grand Paris de 400 mètres autour des gares, afin de répondre aux besoins des populations.
Madame la rapporteure, vous dites que notre proposition de loi rendra difficile la réalisation des programmes. En petite couronne, par exemple à Saint-Ouen ou à Vitry, les promoteurs signent des conventions avec les villes, aux termes desquelles ils s'engagent à réserver une part de logements sociaux. Cet engagement ne les freine pas. Ils arrivent à équilibrer leur programme, tout en apportant une réponse aux populations modestes.