La dette de la branche est résorbée, et nous connaîtrons un excédent en 2017. Dans le cadre de la négociation de la COG va se poser la question de leur utilisation, et plusieurs options s'offrent à nous. Les organisations patronales souhaitent une baisse des cotisations, afin de poursuivre le mouvement enclenché par la LFSS pour 2016 : le taux est passé de 2,44 % en 2015 à 2,38 % cette année, et il devrait être de 2,33 % l'an prochain. Nous pourrions également améliorer l'indemnisation et la reconnaissance des victimes : des progrès peuvent être réalisés en matière d'appareillage, où le reste à charge est encore important malgré des améliorations récentes. Je pense qu'un des enjeux majeurs des années à venir est celui du maintien dans l'emploi, avec le vieillissement de la population salariée. L'augmentation des rentes serait possible, mais nous sommes déjà le pays européen le plus généreux en matière de réparation. Nous pourrions enfin renforcer les moyens consacrés à la prévention.
En 2010, nous avons simplifié nos procédures d'instruction des demandes, ce qui a permis de faire chuter très fortement le contentieux qu'elles suscitaient. Nous faisons toutefois face à des cabinets d'avocats très spécialisés, et si cette catégorie de recours s'est réduite, une autre connaît un essor important : le contentieux technique, lié à l'expertise médicale, en particulier au taux d'incapacité donné par les médecins-conseils. Nous menons plusieurs actions pour corriger cette situation. Nous avons mis en place le processus médico-administratif, qui fait participer les médecins-conseils à la défense des dossiers de contentieux. Nous avons également cherché à sensibiliser les présidents des tribunaux du contentieux de l'incapacité (TCI) à nos contraintes. La fusion des TCI et des tribunaux des affaires de sécurité sociale (TASS) prévue par le projet de loi « Justice du 21ème siècle » aura un impact certain sur le fonctionnement des juridictions et le contentieux que nous avons à traiter. Dans ce cadre, nous avions suggéré la mise en place d'une commission de recours amiable médical, afin de limiter le flux des recours. Cette proposition avait été retenue par le Sénat, qui a toutefois supprimé son caractère médical en deuxième lecture. Il me semble important de rappeler ce caractère, au moins au niveau réglementaire.
Le suivi post-professionnel amiante est offert aux personnes qui y ont été exposées. Il s'agit toutefois d'un public très informé et très conscient des conséquences de cette exposition, bien plus que pour les autres maladies professionnelles.
En revanche, la branche AT-MP n'intervient pas directement dans les procédures de désamiantage. Nous travaillons néanmoins beaucoup avec l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS), que nous finançons et qui édicte les guides de prévention et de bonnes pratiques à destination des entreprises, aussi bien pour l'amiante que pour les hydrocarbures. Nous cherchons à proposer aux entreprises des solutions concrètes et opérationnelles.
Nos 1 500 préventeurs, techniciens et ingénieurs, ne peuvent voir que 4 % des 1,8 million d'entreprises françaises chaque année. Nous ciblons donc nos actions de prévention sur les TMS et nous nous sommes concentrés sur les 8 000 entreprises qui avaient déclaré le plus de maladies professionnelles dans cette catégorie dans les dernières années. Afin de démultiplier notre action, nous développons les partenariats : avec l'organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics (OPPBTP) pour la lutte contre les chutes de hauteur et avec l'agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact). Le gros enjeu reste les services interentreprises de santé au travail (Sist), qui emploient 11 000 personnes. Nous signons avec eux des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM), qui couvrent à ce jour près de 80 % de ces services.
La mise en oeuvre de cette coopération n'est pas toujours aisée car les méthodes de travail diffèrent entre les médecins et les ingénieurs tandis que les services de santé au travail ne disposent pas d'une structure de gouvernance nationale, ce qui est pénalisant pour les petites structures. Nous travaillons également avec des organismes collecteurs paritaires agréés (OPCA), notamment dans les secteurs où la sinistralité est importante comme les transports. Pour renforcer nos actions de prévention, nous devons étendre ces coopérations à d'autres organismes comme les organismes complémentaires qui sont très demandeurs.
Si l'intérim n'est pas érigé en priorité nationale malgré la multiplication des plans de prévention, la sous-traitance sur site est un vrai sujet comme l'ont montré récemment des reportages sur France 3 et France 5, car certaines entreprises sous-traitent des risques importants. Nos services n'ont pas de données sur ce phénomène : nous ne connaissons que la relation entre un employeur et un salarié, sans indication sur le lieu de travail en cas d'accident du travail. C'est pourquoi nous avons acté avec les organisations patronales, dans le cadre de la réforme de la tarification, que les employeurs indiquent systématiquement le lieu du sinistre et le code SIREN de l'entreprise concernée. Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) a un rôle à jouer sur ce sujet, d'autant que le médecin du travail en est membre.
Les élus ne relevant pas du régime général, leurs cotisations au titre du risque accidents du travail ne sont pas perçues par ma branche, mais plus vraisemblablement par la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL).
Nous n'observons pas l'apparition de nouvelles pathologies en matière de maladies professionnelles au niveau de notre branche mais nous travaillons étroitement avec les organismes chargés de la veille épidémiologique pour détecter les risques émergents.
Lorsqu'un salarié se suicide sur son lieu de travail, la qualification en accident du travail est systématique. Dans les autres cas de figure, qui sont plus fréquents, une enquête est menée pour déterminer s'il s'agit ou non d'un accident du travail. Très souvent, les causes d'un suicide sont multiples et difficiles à identifier et à pondérer. En matière d'accidents du travail et de maladies professionnelles, la reconnaissance est binaire, c'est la règle du tout ou rien qui prévaut. Or, une étude récente a montré que moins de la moitié des TMS serait vraiment liée aux conditions du travail, d'autres facteurs entrant en ligne de compte.
La question de l'évaluation de la sous-déclaration est sensible et implique de trouver un compromis social acceptable pour tous. Certes, il est intellectuellement satisfaisant de faire des reconnaissances partielles, comme le souhaitent certains partenaires sociaux. Mais en tant que médecin, j'ai pu constater qu'il était souvent difficile voire impossible, lorsque l'on a un assuré en face de soi, de rentrer dans un débat technique pour pondérer les différents facteurs à l'origine d'une maladie professionnelle.
La formation des médecins est absolument fondamentale et nous avons engagé une campagne à travers des lettres d'information numériques car ils demandent de l'information sur ce sujet.