Arrivé le 3 janvier 1992, je suis resté cinq ans en Guyane, où j'ai dirigé la société Nofrayane. À compter de janvier 1997, responsable de la zone Antilles-Guyane, je me suis établi en Guadeloupe, d'où j'ai dirigé des travaux en Guadeloupe, Guyane, Martinique, à Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Saint Kitts et Nevis, et dans les Îles Vierges britanniques, notamment la construction de l'aéroport de Beef Island à Tortola. En 2001, j'ai exercé les mêmes fonctions chez Vinci Construction DOM-TOM, ce qui m'a conduit en Martinique, et m'a permis de comparer les normes françaises aux normes anglaises et américaines. En 2012, j'ai été affecté au siège de Vinci, où je suis depuis chargé de la coordination entre nos filiales locales, implantées outre-mer depuis plus de 60 ans. Vinci Construction dispose également d'une entité spécialisée pour réaliser de grands travaux nécessitant des compétences élargies, à l'instar du Médipôle de Koutio à Nouméa ou de la nouvelle route du littoral à La Réunion.
Si la Guyane n'est pas adaptée à l'application « bête et méchante » des normes métropolitaines, les normes établies par le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) depuis Paris ne sont pas non plus toujours adaptées aux territoires ultramarins qui ont leurs spécificités économiques, géographiques, climatiques, logistiques et culturelles. Certaines pratiques constructives relèvent en outre de coutumes, qui n'ont pas de fondement écrit indiscutable en cas d'expertise. L'uniformité imposée depuis Paris n'apporte parfois aucune garantie, voire se révèle contreproductive. Des documents de travail pour remédier à cette situation ont donc été établis conjointement sur le terrain par les différents professionnels du bâtiment, les architectes, les assureurs. Nous pourrons vous les transmettre. Notre première proposition serait en toute hypothèse de créer une commission paritaire, composée de professionnels et d'experts locaux - techniciens, architectes, bureaux de contrôle, cabinets d'expertise, assureurs - afin d'adapter la réglementation au contexte local, d'émettre des avis sur les techniques innovantes et les savoir-faire locaux, en lien avec le CSTB.
Les normes CE et NF garantissent par exemple la qualité des matériaux, mais il faut avoir une vision large de ces questions. En Guyane, en 1992, il n'y avait par exemple pas d'unité de broyage du clinker à proximité des gisements d'argile et de calcaire servant à fabriquer le ciment : nous importions donc de Trinité-et-Tobago du ciment conforme à la norme américaine ASTM. À compter du jour où une unité de broyage a ouvert en Guyane, le recours à ces importations a été interdit ce qui nous oblige depuis à utiliser du ciment NF plus onéreux sans être de meilleure qualité. Les coûts de construction, des logements sociaux notamment, en sont d'autant renchéris.
Autre exemple significatif : aux Antilles, zone sismique, la réglementation était jusqu'à récemment régie par la norme PS92. En 2010, après la parution d'un décret renforçant la prévention du risque sismique, La Réunion a été à son tour placée en zone de sismicité de niveau 2 alors qu'il n'y a jamais eu de séisme à La Réunion ! Le surcoût en études et en construction qui en résulte est estimé à 6 %. Or les constructeurs se plient déjà aux contraintes, suffisantes, liées au risque cyclonique.
Des contradictions existent de plus entre les normes et les documents techniques unifiés (DTU). La loi imposant l'accessibilité des bâtiments recevant du public aux personnes handicapées impose par exemple des ressauts à bords arrondis ou munis de chanfreins d'un maximum de deux centimètres ; or c'est incompatible avec les règles d'étanchéité qui visent à empêcher les pluies cycloniques de rentrer dans les habitations...
Dernier exemple : les règles thermiques, acoustiques et d'aération (RTAA DOM). Elles imposent des portes d'entrée étanches au bruit, mais les fenêtres des pièces voisines, elles, laissent tout passer... C'est une aberration, et cela coûte cher. Alors que nous devons construire beaucoup de logements, notamment sociaux, il serait bon d'optimiser les coûts.