Je suis installé à La Réunion depuis plus de 20 ans ; j'y ai d'abord dirigé une société de construction métallique, avant de diriger Eiffage Réunion pendant 5 ans. J'ai simultanément animé au sein de la Fédération réunionnaise du bâtiment et des travaux publics une commission technique, née de ce que nous avons vécu comme une avalanche réglementaire : RTAA DOM, normes relatives à l'accessibilité pour les personnes à mobilité réduite (PMR), normes sismicité... tout cela en moins de deux ans ! En 2013, dans le cadre du chantier de simplification des normes, il nous a été proposé de constituer au sein de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) un groupe d'experts - composé de constructeurs, de promoteurs, de bureaux de contrôle, d'architectes -, visant à adapter les normes localement.
Nous avions alors des objectifs de moyens : décliner le facteur solaire, par exemple. Nous nous sommes également intéressés aux normes RTAA DOM. La généralisation de la ventilation traversante s'est révélée impossible sur une île comptant une centaine de microclimats, la norme ne tenant pas compte de l'implantation de l'ouvrage, de l'exposition aux alizés, des risques cycloniques ou du degré d'urbanisation. L'actualisation de la RTAA DOM que nous avons rendue possible cette année reste insuffisante, comme en témoigne le problème posé par la systématisation des coursives. Celles-ci sont très exposées au vent, présentent une pente faible et comprennent des cages d'ascenseur pour garantir l'accessibilité aux handicapés. Elles sont donc très sensibles aux épisodes cycloniques ou simplement de fortes précipitations. Le rapport spécifique à La Réunion issu du « Système de collecte des désordres » (Syndec) piloté par l'Agence pour la qualité de la construction (AQC) a révélé que tous les problèmes d'infiltration venaient de la généralisation des coursives sur les façades exposées aux intempéries. Bref, les différentes réglementations, élaborées par des sections différentes du CSTB, sont élaborées sans vision globale et sont une source de sinistres.
Les DTU sont pensés pour la France - entendue au sens géographique. En matière de couverture, ils imposent par exemple une pente de 7 %, alors qu'à La Réunion nous construisons des toits à pente de 15 % car le débit des pluies tropicales est de 4,5 litres et non 3 litres par minute par mètre carré... Chaque nouveau DTU devrait décliner en annexe les adaptations localement nécessaires.
Les propositions de la Dreal et les nôtres convergent. Une commission paritaire locale pourrait traiter au cas par cas les questions d'adaptabilité des réglementations nationales, afin de diminuer les coûts. De la même façon, il n'est pas utile d'exiger systématiquement des brise-soleil en façade lorsque l'orientation ou la présence d'un mur végétal, par exemple, empêche les rayons de passer... Bref, nous autres techniciens de la construction respectons la réglementation, mais celle-ci est parfois archaïque - c'est le cas du RTAA DOM - ou inadaptée. Au reste, disposant désormais de bureaux d'étude intégrés, nous n'avons pas besoin que l'on nous tienne le stylo pour établir l'épaisseur de l'isolant...