Monsieur le ministre, cette mission est une véritable aventure !
Tout d’abord, sa création n’a pas été simple à obtenir. Ensuite, nous nous sommes efforcés de traiter l’islam comme un sujet normal, dans une période qui ne l’est pas, et alors que l’islam sert d’épouvantail dans les journaux ou de relance de l’applaudimètre ! Nous avons décidé au Sénat d’en faire un sujet républicain. C’est dans cet esprit que nous avons travaillé.
Permettez-moi de remercier François Zocchetto, président du groupe UDI-UC, l’ensemble de mes collègues du groupe UDI-UC, ainsi que l’ensemble des membres de la mission, qui se sont beaucoup impliqués, pour l’entente à laquelle nous sommes arrivés. Sur un sujet qui pouvait donner lieu à de grandes discordances, nous sommes parvenus à l’unanimité.
Je salue Bariza Khiari, qui nous a toujours soutenus et s’est intéressée à nos travaux sans pourtant participer à la mission. Elle a été entendue, notamment, dans le cadre d’une audition extrêmement lumineuse remarquée par tous.
Monsieur le ministre, vous aurez certainement relevé le format atypique de cette mission puisqu’elle est dotée d’un corapporteur, qui a garanti la version concordataire de l’histoire. Une fois n’est pas coutume, j’ai douté : un tel moment d’humilité est assez rare pour être relevé ! §Quoi qu’il en soit, j’ai pensé qu’il ne serait pas superflu de travailler à quatre mains sur un tel sujet. Le résultat est au rendez-vous.
Mme Féret l’a souligné, ce rapport répond à toutes les questions qui étaient restées en suspens après le rapport de la commission d’enquête sur l’organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe. Vous vous souvenez certainement que, lors de la remise de ce rapport, l’UDI-UC, d’accord avec le groupe UMP, avait légitimement cru devoir déposer une motion divergente. Nous n’avions en effet aucune réponse sur l’organisation du culte musulman, sur la formation des imams et sur le financement de l’islam en France. Le rapporteur de l’époque n’avait souhaité ni organiser des auditions ni avancer des propositions, et ces points étaient restés en attente.
Dans une période aussi troublée que celle que nous traversons, nous ne pouvions demeurer sans explications. Grâce au travail de fond réalisé dans le cadre de notre mission, nous sommes aujourd'hui beaucoup moins ignorants que nous ne l’étions hier : même s’il demeure, évidemment, toujours des lacunes, notre objectif a été de répondre clairement et de façon pédagogique aux questions qui se posaient.
Des dizaines d’heures d’auditions ont été nécessaires pour comprendre la filière halal dont il est beaucoup question ces derniers temps. Il s’agit d’un sujet complexe, car cette filière est peu transparente. Notre rapport expose les raisons qui rendent difficile l’instauration d’une telle taxe. Celle-ci ne serait envisageable que si elle était décidée par le Conseil français du culte musulman lui-même et prenait la forme d’une redevance pour services rendus.
Monsieur le ministre, le Gouvernement envisage-t-il d’accorder au CFCM une assistance technique pour calculer précisément une telle redevance ? Une chose est d’intervenir, une autre est de fournir une assistance. En l’espèce, le CFCM, à qui l’on demande beaucoup, manque de ressources humaines et ne peut fournir les éléments techniques nécessaires. L’ancien ministre de l’économie, M. Macron, avait proposé l’aide du ministère de l’économie. Il serait utile que des spécialistes assistent le CFCM afin de mettre en place cette redevance pour services rendus.
Nous parlerons tout à l’heure des financements, qu’il faut rendre plus transparents.
Le point essentiel de ce rapport est, selon moi, la formation des imams. Celle-ci doit avoir lieu en France. C’est, dans le contexte, une évidence !
Notre rapport a mis en lumière l’islam des consulats, que nous avons étudié en nous rendant au Maroc et en Algérie, mais aussi en relevant ses effets sur le terrain. En France, 315 imams viennent de pays étrangers, qu’il s’agisse de l’Algérie, du Maroc ou de la Turquie ; 14 sont issus d’Arabie saoudite. Or les ministres des affaires religieuses de ces pays ne se parlent pas entre eux ! De plus, ces imams sont fonctionnaires d’un État étranger alors que le CFCM essaye de mettre en place une formation unifiée et labélisée en France.
Bref, il est important de mettre un terme à cet islam des consulats que notre rapport a décortiqué et analysé. C’est à mon sens un enjeu majeur, car cette pratique, qui revient à ce que les imams apprennent le texte sans le contexte, n’est pas conforme à nos exigences, monsieur le ministre.
Dans un climat extrêmement difficile, notre mission a travaillé de façon sereine. Nous avons voté ce rapport à l’unanimité, comme Mme Féret l’a rappelé, seul notre collègue du Front national s’étant abstenu.
Je remercie encore une fois l’ensemble de mes collègues ayant participé aux travaux de la mission. Le rapport auquel nous avons abouti a non seulement été unanimement salué, mais l’accueil qu’il a reçu des communautés musulmanes elles-mêmes nous a renforcés dans l’idée qu’il était indispensable de traiter le sujet.