Intervention de Henri Tandonnet

Réunion du 19 octobre 2016 à 22h30
Eau et milieux aquatiques — Débat sur les conclusions de deux rapports d'information

Photo de Henri TandonnetHenri Tandonnet :

Je remercie tout d’abord le président Roger Karoutchi d’avoir accepté que la délégation à la prospective étudie le sujet de l’eau, sous l’angle de l’adaptation au changement climatique et des conflits d’usage.

Notre rapport est un signal d’alarme que nous voulons actionner pour attirer l’attention sur une évolution plus que préoccupante.

En effet, le dérèglement climatique emporte des conséquences extrêmes dans le domaine de l’eau. Qui dit crise climatique, dit crise aquatique. Le niveau des mers s’élève et les sécheresses sont de plus en plus fréquentes.

La France n’est pas épargnée par ce phénomène. On le constate déjà dans le Sud-Ouest : l’Aquitaine n’est plus le pays des eaux. Les relevés de températures témoignent d’une progression de deux degrés par rapport aux années soixante-dix, et il est à prévoir une hausse globale comprise entre deux et cinq degrés à l’horizon 2100.

Il en résultera un effet de ciseaux, c’est-à-dire une hausse de la demande en eau et une réduction de la ressource.

De nombreuses activités requièrent des quantités d’eau importantes, au premier rang desquelles l’agriculture et la production d’énergie. Suivent ensuite l’industrie, la consommation des ménages, ou encore les loisirs. Ces usages entrent en compétition avec la ressource, mais aussi avec le maintien du bon état écologique des cours d’eau.

Pour ces usages, l’eau est alors retirée de son milieu naturel. La ressource va diminuer et les conflits d’usage vont se cristalliser.

Le risque d’une pénurie durable et générale d’eau sur l’ensemble du territoire peut être écarté, mais pas celui d’une baisse notable de la ressource à certains moments et dans certaines zones. Nous ferons face à des périodes de fort stress hydrique, mais aussi à des inondations de plus en plus fréquentes. Plus que de conflits, nous pouvons parler de pics d’usage.

C’est pourquoi nous devons anticiper pour ne pas subir, et trouver des pistes pour préparer l’avenir.

Aujourd’hui, la politique de l’eau reste marquée par une vision très écologiste, autrement dit par le souci constant de la préservation du bon état des eaux et du bon écoulement de celles-ci. Cet aspect qualitatif est certes essentiel, mais il est grand temps de prendre en compte l’aspect quantitatif, qui est lié à cette qualité. La simple gestion de la ressource existante ne suffira pas à répondre aux périodes de crise qui vont s’accentuer, et aux conflits d’usage.

Nos propositions doivent, d’abord, donner la priorité à toutes les actions de gestion économe de l’eau, et, ensuite, garantir des quantités d’eau pour couvrir nos besoins supplémentaires.

L’une de nos priorités absolues concerne la population : les eaux domestiques et l’alimentation.

Notre indépendance alimentaire est strictement liée à la disponibilité d’eau pour l’agriculture, les besoins en matière d’irrigation étant liés à ceux de l’alimentation. En cela, il ne faut surtout pas opposer les ménages et l’agriculture qui ont des intérêts communs au maintien du bon état de la ressource.

Les consommateurs doivent prendre conscience que les aliments représentent des quantités d’eau importantes, du point de vue tant de l’élevage que des productions agricoles. Sans eau, pas de nourriture !

Nous pouvons appeler cela de l’eau virtuelle : c’est la quantité nécessaire pour produire des biens de consommation, sans que le consommateur final, souvent, en connaisse l’ampleur.

La France est aujourd’hui virtuellement importatrice d’eau. En 2007 – seules les données de cette année sont actuellement disponibles pour l’établissement de ce calcul complexe –, 8, 4 milliards de mètres cubes d’eau ont été importés de l’étranger, de pays souvent fragiles, eau qui est nécessaire pour produire les biens et services importés par la France.

Rien ne sert de se priver de nos ressources pour l’agriculture si nous devons importer d’autres pays plus fragiles des produits pour satisfaire nos besoins alimentaires. L’incidence écologique est alors encore plus pénalisante.

Dans ce contexte, et pour toutes ces raisons, il me paraît plus qu’urgent de ne pas penser que la meilleure gestion de l’existant suffira et de créer des réserves destinées à capter l’eau lorsqu’elle est abondante, sans risque pour l’écosystème, pour la restituer pendant les périodes de crise, et d’encourager la recherche.

Notre rapport est une alerte face à l’urgence de s’adapter au changement climatique. Si nous réagissons, l’eau sera non pas le problème, mais plutôt la solution à la crise climatique.

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