Intervention de Jean-Jacques Lozach

Réunion du 19 octobre 2016 à 22h30
Eau et milieux aquatiques — Débat sur les conclusions de deux rapports d'information

Photo de Jean-Jacques LozachJean-Jacques Lozach :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, dans le cadre de ce travail commun mené avec Henri Tandonnet, je veux à mon tour souligner le fait que notre pays, contrairement à ce que sa situation géographique laisse à penser, est, lui aussi, exposé au risque de pénurie d’eau.

Il est temps de se montrer réaliste. Aujourd’hui, n’en déplaise à certains, le dérèglement climatique n’est plus contestable, l’élévation des températures moyennes est sans équivoque et l’ère du climato-scepticisme est révolue. Nous savons d’ores et déjà que la France métropolitaine ne sera pas épargnée.

Les études montrent que notre pays devrait connaître des étés affichant jusqu’à cinq degrés supplémentaires d’ici à la fin du siècle et souffrir plus souvent d’épisodes climatiques extrêmes, du type inondation ou tempête.

À cet égard, balayons ensemble un certain nombre d’idées reçues. Ce ne sont pas les régions méditerranéennes qui seront les plus touchées, car elles peuvent compter sur les milliards de mètres cubes stockés, notamment par les grandes retenues constituées, voilà longtemps, dans les Alpes. Plus préoccupante, en revanche, est déjà la situation du Midi aquitain, notamment du bassin Adour-Garonne, en raison de la disparition des glaciers des Pyrénées et du faible nombre d’ouvrages de retenue. On nous dit aussi que le bassin Seine-Normandie, qui alimente des millions de nos concitoyens, serait particulièrement vulnérable.

Devant la gravité de la situation, si la prise de conscience des élus, en particulier des élus locaux, va croissante, grâce aux récentes études de prospective, celle de la population reste insuffisante, voire quasi nulle. À l’évidence, il y a urgence à mener un effort de pédagogie et de sensibilisation pour promouvoir une politique d’économie d’une ressource qui constitue un bien commun. Rappelons en effet une réalité qui s’impose à nous, mais que nous oublions souvent : la ressource en eau ne se crée pas, elle se gère.

Et l’on peut agir ! Par exemple, une source de gaspillage avérée résulte de la déperdition d’eau dans les réseaux d’adduction : de 20 % du débit en moyenne, cette déperdition peut dépasser les 40 % en milieu rural. Renforcer la surveillance et l’entretien des réseaux de distribution serait déjà œuvre utile. De même, et les membres de la délégation y ont été sensibles, prenons la mesure de l’incidence, sur la consommation d’eau, de l’implantation des canons à neige ou de l’arrosage des golfs dans les zones où la ressource est comptée.

Sensibiliser la population est un impératif, mobiliser la recherche, tant publique que privée, en est un autre.

Avec Veolia, Suez environnement, ou bien encore la Saur, nous avons la chance que des entreprises françaises, réputées mondialement, et qui réalisent une grande partie de leur chiffre d’affaires à l’international, investissent massivement en matière de recherche et développement sur l’eau.

Car, oui, il est possible d’accroître la ressource en mobilisant une eau que l’on pensait perdue. Je pense notamment à la technique de réalimentation des nappes phréatiques, ou bien encore à la réutilisation des eaux usées traitées, à laquelle d’autres pays ont recours, y compris pour la consommation humaine ou animale, mais qui soulève, chez nous, il est vrai, des résistances particulières. Quelle est votre position à ce sujet, madame la secrétaire d’État ?

Bien sûr, toutes ces solutions ont un coût, ce qui suppose d’opérer des choix politiques dans le contexte de redressement des comptes publics que nous connaissons. J’en viens donc à la question suivante : quelle gouvernance voulons-nous pour l’eau ?

Si l’on dénonce souvent le millefeuille territorial, qui complexifie nos politiques, la gestion de l’eau, en France, en constitue une parfaite illustration.

Historiquement, elle a été l’une des premières politiques publiques vraiment décentralisées. L’organisation en agences de bassin reste pertinente, mais force est de constater que sa mise en œuvre révèle de singuliers paradoxes. À vouloir mettre tout le monde autour de la table, ce qui est louable, on aboutit à une technocratisation des structures, du type comités de bassin et agences de l’eau, dans lesquelles l’on parle beaucoup, mais où l’on décide peu. Nous péchons presque par excès de démocratie locale, les élus locaux finissant par être dépossédés des décisions qui les concernent. Se produit ainsi, de manière insidieuse, une sorte de recentralisation rampante. Ce sont souvent les techniciens qui ont les commandes, et non les élus.

L’effort de sensibilisation et la volonté de mobilisation passeront par une réflexion sur l’organisation. Dans le respect du cadre européen, la problématique de l’eau doit pouvoir être intégrée dans des projets de territoire, pour promouvoir les procédures participatives, concertées et efficaces, dont nous, et plus encore les générations futures, avons besoin.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion