Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, en 2010, une résolution de l’Assemblée générale des Nations unies reconnaissait que le droit à l’eau potable est un droit fondamental, essentiel au plein exercice du droit à la vie et de tous les droits de l’homme. Or, aujourd’hui, 700 millions de personnes dans le monde ne disposent pas d’un accès à une eau propre et salubre.
Les experts du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, et la communauté scientifique s’accordent sur une hausse globale des températures qu’il est impératif d’anticiper. En France, la situation sera assez paradoxale : nous connaîtrons à la fois plus d’inondations et plus de sécheresses, car l’augmentation des températures accroît l’évaporation au niveau des sols et la transpiration par les plantes. Les conflits d’usage s’intensifieront lors des périodes de pénurie de la ressource, alors que ces usages sont tous aussi légitimes les uns que les autres.
À partir de ces constats et de ces travaux, il est impérieux d’adapter la gestion de l’eau au changement climatique. Les rapports de nos collègues Henri Tandonnet et Jean-Jacques Lozach, d’une part, et Rémy Pointereau, d’autre part, participent pleinement à la nécessaire sensibilisation sur ce sujet.
Nous avons la chance de disposer d’outils de prospective, tels que les projets Aqua 2030 ou Explore 2070, et de connaissances scientifiques sur les évolutions de l’état quantitatif et qualitatif de l’eau. Aucune excuse ne pourrait donc justifier l’inertie, alors que l’absence de prévention en la matière est très coûteuse.
Il faut le dire, la consommation française en eau est inférieure à la moyenne européenne. Des progrès réels sont intervenus, grâce aux changements de comportements et à la généralisation d’appareils électroménagers plus économes. Toutefois, les rapporteurs nous rappellent qu’il faut intégrer l’eau virtuelle nécessaire à la production des biens de consommation importés. Notre pays serait ainsi importateur net de 8, 4 milliards de mètres cubes d’eau par an.
Bien sûr, les progrès technologiques doivent nous permettre de faire face à une pénurie d’eau, mais ils ne peuvent pas tout. Le stockage de l’eau pour constituer des réserves, la désalinisation de l’eau de mer à base d’énergies renouvelables ou la réalisation de grands ouvrages structurants ont un coût non négligeable.
Pourtant, les économies d’eau sont encore possibles. Des marges de manœuvre existent et le rôle des collectivités territoriales est ici essentiel, à condition de leur donner les moyens qui correspondent à leurs responsabilités.
Si l’on se fonde sur la consommation nette de la ressource en eau, puisqu’une partie de l’eau prélevée retourne dans le milieu, le secteur agricole représente 50 % de la consommation totale. L’agriculture sera touchée par le changement climatique, alors qu’elle a la noble tâche d’assurer l’indépendance alimentaire de notre pays. Toutefois, comme cela a été dit, le potentiel d’amélioration est important pour ce secteur.
La qualité des sols, fortement dégradée, doit être améliorée. Pour citer Nicolas Bériot, secrétaire général de l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique, l’ONERC, « un sol sain, un sol riche en matière organique est aussi un sol vivant, un sol qui reçoit mieux l’eau, qui la stocke mieux, qui en garde davantage ».
L’État doit accompagner l’ensemble des acteurs et investir dans une agriculture plus durable grâce à la réduction des intrants avec de nouvelles pratiques agricoles, l’irrigation de précision, les fermes connectées, la permaculture ou encore les fermes verticales. De nombreuses initiatives voient le jour un peu partout, y compris dans notre pays !
Pour ce qui est de l’eau potable, le problème des fuites sur les réseaux a été identifié de longue date. Cela représente un gaspillage moyen de 25 % de l’eau prélevée, jusqu’à 50 % de fuites dans certaines zones rurales.
Les départements de l’Ardèche, du Morbihan, du Lot – le mien –, de Lot-et-Garonne – celui d’Henri Tandonnet – et de Tarn-et-Garonne sont d’ailleurs les plus concernés par un prix de l’eau élevé. Les raisons sont identifiées : un habitat dispersé, des contraintes géographiques et des réseaux très étendus.
Or le prix de l’eau, s’il demeure encore inférieur à celui pratiqué chez nos voisins européens, augmentera du fait des évolutions réglementaires nécessaires pour atteindre les objectifs de la directive européenne du 23 octobre 2000.
Madame la secrétaire d’État, il est urgent de garantir la couverture des coûts du service de l’eau, qui comportent 80 % de coûts fixes, et de dégager de nouvelles sources de financement pour que la hausse des prix ne pèse pas excessivement sur les consommateurs.
La gouvernance de la politique de l’eau est également à repenser. La multiplicité des acteurs rend le système opaque, à tel point que l’on ne sait plus qui fait quoi, mais cela n’est pas une particularité française. Nous considérons que la « crise de l’eau » est avant tout une crise de gouvernance. Or, dans le contexte de la réforme territoriale, je m’interroge sur l’accompagnement technique et financier qui doit être accordé aux collectivités, notamment aux communes rurales.
C’est la raison pour laquelle la ponction de l’État sur les fonds de roulement des agences de l’eau depuis la loi de finances pour 2015, et qui s’élèvera à 175 millions d’euros l’an prochain, est source d’incompréhension et constitue un très mauvais signal. Le Gouvernement a-t-il pris la mesure de cette situation découlant d’un déficit de financement, pour reprendre les termes utilisés par l’OCDE ?
Sur cette question, comme sur beaucoup d’autres, évoquées dans mon intervention et approfondies dans les rapports de nos excellents collègues, nous attendons des réponses précises de la part des services de l’État, des réponses à la hauteur des enjeux. Cela nous paraît, bien entendu, couler de source !