L'industrie disparaît. En tout cas, elle change complètement, elle se numérise. L'industrie lourde est morte dans notre pays.
Il y a deux conditions pour ces quatre créations. En premier lieu, je vous invite à regarder l'incroyable aventure des transports en commun en Île-de-France, avec le Grand Paris Express notamment. La population d'Île-de-France a doublé en cinquante ans, passant de 6 à 12 millions d'habitants en 2016. On ne peut pas doubler le nombre de voitures dans les rues, pour des raisons de pollution et de circulation. Outre les nouvelles liaisons que permet le Grand Paris Express, ce réseau est d'une modernité et d'une connectivité incroyables. Nous avons ouvert les premiers chantiers du prolongement de la ligne 14 à Saint-Ouen et la ligne 15 ouvrira en 2022. Parallèlement, nous prolongeons les lignes de métros existantes : la 4, la 12, la 11, et il y a le prolongement du T4, CDG Express, Eole. On parle souvent des relations entre Paris et la province. La ligne A du RER, c'est 1,2 million de voyageurs par jour. L'ensemble des TER hors franciliens, c'est 800 000 voyageurs par jour. 70% des clients de la SNCF viennent de la région Île-de-France. Il y a donc un phénomène métropolitain. Essayons de l'organiser, pour qu'il rayonne et serve la France. La fermeture des voies sur berges, par rapport aux chantiers qu'on va avoir pour le Grand Paris Express, c'est de la petite bière.
Deuxième condition pour la création de richesse, de connaissance, de lien social et d'émotion culturelle : avoir une qualité de vie exemplaire. Le chiffre de 70 000 logements par an en Île-de-France est né d'une discussion entre Jean-Paul Huchon et Nicolas Sarkozy, le premier disant que le bon chiffre était 60 000, le second affirmant que c'était 70 000. C'est ce chiffre qui a été retenu. Il a fallu des années pour y arriver, mais nous sommes désormais à 80 000 logements autorisés dans les douze derniers mois, et 70 000 logements mis en chantier. C'est gigantesque. Avec ces nouveaux logements nous changeons d'urbanisme, pour passer vers un urbanisme sans coupure entre les zones de loisir, d'habitat et de travail. On y cherche la qualité, y compris écologique. C'est pour cette raison que nous avons lancé, avec la métropole, le concours « Réinventons la métropole ». Dans les quarante ans qui viennent, la métropole de Paris verra construire ou reconstruire près de 140 kilomètres-carrés de surfaces nouvelles, soit plus que la ville de Paris elle-même. L'urbanisme est en train de reconstruire la ville sur la ville, avec un sujet absolu : la densification, souhaitable et souhaitée en Île-de-France. Mais la phase duale de cette densification, c'est le classement des monuments historiques en petite et en grande couronne et la protection des espaces et des forêts. Nous avons enfin réussi à classer l'arc boisé et allons nous attaquer à la forêt de Bondy, et à celle de Saint-Germain dont je suis ahuri de voir qu'elle part en miettes, par tous les bouts. Nous allons protéger espaces verts, espaces agricoles, berges des rivières.
Une fois ces conditions remplies, nous pouvons nous attaquer à la création de la richesse, de la connaissance, du lien social, de l'émotion culturelle. Pour fonctionner, comme dans les transports et pour le logement, il n'y a pas de miracle : il faut s'adapter à un monde en réseau où tout le monde est responsable et où il n'y a plus de hiérarchie à l'ancienne. Le rôle de l'État doit être de rassembler, non de faire. Seul l'assemblage de ces quatre créations justifie la métropolisation en général, c'est-à-dire la métropolisation des conurbations, ce qui n'est pas la même chose que leur extension anarchique.
Sur la création de valeur, la métropole de Paris est à un point de bascule. L'État se dote d'outils, Grand Paris Aménagement, l'établissement public foncier d'Île-de-France (Epfif), qui permettent à tout le monde de se situer librement. On a oublié les opérations d'intérêt national, pour les transformer en contrats d'intérêt national, ce qui montre que l'État reste dans le jeu, ce que font tous les pays à l'égard de leur capitale, sans imposer sa vision d'en haut.
Il y a de nombreuses opérations de zones d'aménagement concertées (Zac), de créations de start-up - comme l'a fait Xavier Niel à la Halle Freyssinet, dont les 30 000 mètres carrés accueilleront mille start-up à partir de décembre -, l'arc de l'innovation monté par la ville de Paris, avec trois secteurs plus en forme que d'autres : les start-up numériques, l'aéronautique et l'automobile. Mais les zones logistiques s'étendent un peu partout et de façon anarchique, notamment dans le Val d'Oise et la Seine-et-Marne, où j'ai rétabli des agréments contraignants.
En ce qui concerne la création de connaissance, je cite trois exemples. Condorcet, lancé par l'actuelle présidente du conseil régional d'Île-de-France, du temps où elle était ministre de l'enseignement supérieur, sera le premier campus européen de sciences sociales. À Saclay, 30 % de la recherche française sera regroupée. Nous avons des problèmes avec les universitaires, qui veulent garder leur indépendance universitaire, mais c'est un secteur porteur pour la recherche et l'industrie. EDF et Danone y ont leurs centres de recherche, Total et Servier devraient faire de même, et il y a toutes les grandes écoles, le commissariat à l'énergie atomique (CEA), le centre national de la recherche scientifique (CNRS), le centre français de la recherche aéronautique, spatiale et de défense (Onera) et quelques autres. Il y aura un campus d'innovation autour du centre anti-cancéreux Gustave Roussy, que j'ai l'honneur de présider. J'ai cité la Halle Freyssinet. Dans les communes, les procédures d'initiatives d'excellence (Idex), d'initiatives Science-Innovation-Territoires-Economie (I-Site) et les laboratoires d'excellence (Labex) se développent à toute vitesse. L'université de Marne-la-Vallée se développe aussi. Nous allons revenir sur le campus de Cergy à l'occasion de la revoyure du contrat de plan État-région, car ils ont enfin un projet qui se tient.
En ce qui concerne le lien social, je ne pense pas qu'on puisse faire métropole en excluant, c'est un des problèmes de Londres. Pour la première fois depuis la création il y a dix ans par Christine Boutin du droit au logement opposable, en 2006, sur lequel nous avions travaillé auparavant, avec Jean-Louis Borloo, le nombre d'entrants est inférieur au nombre de sortants. C'est une victoire considérable, qui n'a pas été facile.
La métropole permet la richesse, la valeur, le travail. Au troisième trimestre, le taux de chômage en Île-de-France sera autour de 8,3, il était de 8,5 à la fin du deuxième trimestre.
Dernier point : l'émotion culturelle. C'est pour elle que l'on vit. Une culture qui rassemble, c'est le ciment de notre communauté nationale. Nous essayons de l'ouvrir à tous. Il y a beaucoup de réalisations, privées, publiques, centralisées, décentralisées... La dernière est la cité du théâtre, boulevard Berthier, mais on peut aussi citer la cité de la musique sur l'île Seguin, la philharmonie de Paris et son 1,1 million d'auditeurs annuels, le renouveau du parc de la Villette, le théâtre des amandiers, le carré Sénart, la fondation Pinault à la bourse du commerce, la fondation Vuitton au bois de Boulogne. Il y en a pour tout le monde, et cela vient s'ajouter aux « éléphants » connus, les orchestres, la comédie française etc. Nous avons souhaité faire deux choses supplémentaires, inhérentes à la métropole. Nous avons marié les zones de sécurité prioritaires, où un sentiment d'exclusion existe, avec un grand établissement culturel, pour donner accès à la culture à des gens qui se sentent éloignés de notre culture. Ça ne coute pas très cher, et c'est remarquable. Et vous découvrirez bientôt les ateliers Médicis de Clichy-Montfermeil où un établissement public de coopération culturelle va être créé dans la zone la plus défavorisée d'Ile-de-France. Cet établissement montrera que la culture nous rassemble. C'est cela, la métropolisation. Elle doit se faire, comme l'a dit le président de la commission, avec le souci du changement climatique. À ce titre, j'ai lancé deux initiatives fortes. La première est la révision du plan de protection de l'atmosphère (PPA) qui doit tenir compte de l'évolution des techniques, des aspirations de nos concitoyens et des émissions de polluants. La seconde est, au-delà de la mise en oeuvre du schéma régional climat-air-énergie (SRCAE), le lancement d'un plan volontaire d'adaptation au changement climatique pour l'ensemble du bassin.
Je vous rappelle que la Seine a un débit de 300 mètres cube à la seconde, ce n'est rien par rapport au Rhône. Les inondations aujourd'hui sont plus fortes ; elles arrivent en juin et font des dégâts considérables sur les cultures. Le problème des sécheresses est un vrai sujet également : nous sommes dans ce territoire à 12 millions d'habitants pour 300 mètres cube à la seconde alors qu'à Lyon ils sont à peine 2 millions pour un débit de 900 mètres cube à la seconde.
Enfin, sur les grands événements, les Jeux olympiques seront ceux de la Seine-Saint-Denis. C'est très bien car ils ont les équipements. C'est un bon exercice d'unité nationale. Aura-t-on l'Exposition universelle ? Pour l'instant la lettre n'est pas partie : il faut encore un effort de rassemblement.
En conclusion, je dirais que « faire métropole » c'est une méthode en réseau pour travailler. Les luttes de pouvoir pour savoir qui commande sont hors de propos à côté de cela. D'ailleurs, je préfère le « grand pari » au Grand Paris, si l'enjeu du Grand Paris est seulement un enjeu de commandement. Dans cette phase-là, personne ne doit commander, il faut au contraire construire, faire, ordonnancer un peu, mais surtout libérer les énergies. Si on fait cela, alors on verra que ce qui compte, c'est de prendre en main ce qui est faisable pour survivre aux changements du monde et on aura une chance dans la compétition internationale qui est féroce.
J'ajoute que si l'on prend la métropolisation dans ce sens-là, alors Lyon, Toulouse, Bordeaux, Marseille seront de petites métropoles mais elles créeront le monde. La métropolisation ce n'est pas grossir, c'est créer le monde, créer son avenir et le faire partager à ses territoires voisins. Ainsi, l'Oise par exemple n'a plus pour vocation d'avoir une industrie lourde ou une agriculture qui change, mais d'essayer d'être à sa place pour bénéficier de la chance qu'est Paris.
En Tarn-et-Garonne, on a une vocation agricole et d'industrie également, mais ma conviction, c'est que la création de la valeur et de la richesse aujourd'hui, elle est dans les métropoles.