Intervention de Albéric de Montgolfier

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 25 octobre 2016 à 14h40
Transparence lutte contre la corruption et modernisation de la vie économique — Examen du rapport pour avis

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier, rapporteur :

En première lecture, la commission des finances avait reçu délégation de la commission des lois pour l'examen au fond de 56 articles du projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique dit « Sapin II ». Le Sénat a voté 25 articles conformes, modifié 25 articles, supprimé 6 articles et adopté 12 articles additionnels. L'Assemblée nationale a donc examiné, pour les sujets nous concernant, 43 articles en nouvelle lecture, après l'échec de la commission mixte paritaire le 14 septembre dernier.

En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a adopté 20 articles conformes et 17 articles avec modifications. Elle a confirmé la suppression de deux articles et rétabli quatre articles, dont deux dans une rédaction différente de la rédaction adoptée en première lecture.

On ne peut que se féliciter du grand nombre d'articles adoptés par l'Assemblée nationale dans leur rédaction issue de la première lecture du Sénat. La majorité des modifications apportées aux articles modifiés par le Sénat en nouvelle lecture sont d'ordre purement rédactionnel. De plus, elle a repris tous les articles additionnels adoptés par le Sénat dans notre champ de compétence.

Le Sénat a notamment introduit la possibilité de sanctionner les établissements bancaires et les entreprises d'assurance jusqu'à 10 % de leur chiffre d'affaires en cas de manquement à certaines obligations, en particulier en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. L'Assemblée nationale a également repris la limitation et l'encadrement des prérogatives du Haut Conseil de stabilité financière (HCSF), en cas de menace à la stabilité financière ; le rejet de la limitation de la durée des chèques de douze à six mois ; le renforcement des interdictions de publicité pour les produits financiers hautement spéculatifs et risqués et la création d'un document d'information contrôlé systématiquement par l'Autorité des marchés financiers (AMF) pour les « investissements atypiques » ; l'encadrement de la publicité pour les produits défiscalisés ; la nouvelle obligation d'information des entreprises d'assurance à l'égard des titulaires de contrats de retraite supplémentaire ; et la conclusion d'une convention cadre entre l'Agence française de développement (AFD) et la Caisse des dépôts et consignations afin de définir les modalités de leur collaboration en matière de développement, à l'initiative de Fabienne Keller et Yvon Collin.

Enfin, l'Assemblée nationale a confirmé la suppression de l'élargissement du champ des entreprises soumises au reporting fiscal, qui n'était pas conforme au cadre fixé par les accords BEPS (lutte contre l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices) de l'OCDE.

Deux points de divergence demeurent néanmoins. Le premier concerne l'autorisation donnée au Gouvernement de réformer par ordonnance l'ensemble du code de la mutualité. Le Sénat, estimant que cette habilitation - introduite par voie d'amendement de séance et sans débat - était excessivement large, en avait voté la suppression. L'Assemblée nationale, tout en partageant nos observations sur la méthode, a rétabli cette habilitation. Après avoir obtenu de plus amples éléments d'information auprès de représentants du mouvement mutualiste, je vous propose de revenir non à une suppression totale, mais à un champ d'habilitation plus raisonnable en supprimant deux dispositions : la définition des nouvelles activités qui seraient ouvertes aux mutuelles (activités sportives et pompes funèbres) et les dispositions qui mettent en cause l'équilibre entre les pouvoirs de l'assemblée générale et ceux du conseil d'administration.

Le second point de divergence, plus substantiel, concerne l'obligation de déclaration publique d'activités pays par pays. Le Sénat avait adopté en première lecture cette obligation pour les entreprises faisant plus de 750 millions de chiffres d'affaires au 1er janvier 2018 en s'alignant sur le contenu actuel de la proposition de directive présentée par la Commission européenne, sous condition de son adoption. L'Assemblée nationale a préféré rétablir son texte de première lecture, qui revient à ne pas lier l'application de la mesure à l'entrée en vigueur de la directive, et retient un seuil de chiffre d'affaires de 50 millions. De plus, la déclaration d'activité serait publiée en ligne, dans un format de données ouvertes et gratuites. L'Assemblée nationale a enfin reporté l'entrée en vigueur par défaut du dispositif national du 1er juillet 2017 au 1er janvier 2018. La France pourrait ainsi se trouver seule à mettre en oeuvre un reporting public, ce qui serait contraire à ses intérêts. Le risque est également réel que le Conseil constitutionnel estime une nouvelle fois que cette disposition porte atteinte à la liberté d'entreprendre. Je vous propose par conséquent de revenir au texte du Sénat de première lecture.

Enfin, malgré la reprise par l'Assemblée de tous les amendements introduits par le Sénat en première lecture concernant les nouveaux pouvoirs du Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) et l'ajout de la mention selon laquelle le HCSF doit « tenir compte » des intérêts des assurés, adhérents et bénéficiaires des contrats d'assurances, lorsqu'il met en oeuvre ses nouvelles compétences, j'estime nécessaire d'aller plus loin. Je propose d'inscrire dans la loi que le Haut Conseil « veille à la protection » des intérêts des assurés au même titre qu'il veille à la protection de la stabilité financière. En effet, les atteintes au droit des contrats comportant un risque d'inconstitutionnalité, il convient qu'elles soient strictement encadrées. Veillons à épuiser nos compétences en fixant des garde-fous au bénéfice de nos concitoyens. Dans sa décision n° 2016-591 QPC du 21 octobre 2016, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution la disposition législative instituant un registre public des trusts, sous le motif qu'elle porte atteinte au respect de la vie privée et que le législateur n'a pas précisé la qualité ni les motifs justifiant la consultation du registre, ni limité le cercle des personnes ayant accès aux données. De plus, cette QPC pourrait avoir des incidences sur l'article 45 quater B relatif à la création d'un registre public des bénéficiaires effectifs des personnes morales, voté en première lecture dans les mêmes termes par nos deux assemblées. Cet article renvoie en effet à un décret en Conseil d'État pour « préciser les informations sur les bénéficiaires effectifs qui sont mises à la disposition du public et celles qui ne sont accessibles qu'aux autorités publiques compétentes dans les domaines de la lutte contre le blanchiment, le financement du terrorisme, la corruption et l'évasion fiscale, ainsi qu'aux entités assujetties » aux obligations de vigilance en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. J'avais souligné, dans mon rapport de première lecture, que « s'agissant des informations ayant vocation à être rendues publiques, il pourrait être préférable que la ligne de partage relève du législateur dans ses grands principes » et la récente QPC semble valider cette analyse.

En conclusion, je suggère que notre commission propose à la commission des lois d'adopter les articles votés par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture sous réserve des six amendements que je vais vous présenter.

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