La CGT porte également comme premier grief à ce projet la limite de son objet. Il ne s'agit que d'une réforme des modalités de recouvrement de l'impôt sur le revenu alors que nous attendions une réforme profonde du système fiscal français. Nous craignons, en outre, une grande désillusion des citoyens vis-à-vis de cette réforme. Ils s'attendent à un système de retenue à la source les libérant de tout formalisme vis-à-vis de l'administration fiscale, mais il n'en sera rien. Le système de retenue à la source ne fera pas diminuer le nombre de rapports entre le contribuable et l'administration fiscale. Il pourra même les faire augmenter.
Le décalage d'un an entre la perception des revenus et l'impôt actuel ne sera que partiellement remis en cause. Si ce décalage sera effectivement atténué pour l'assiette retenue, ce ne sera pas le cas pour le taux d'imposition. Les contribuables comprendront donc difficilement que cet impôt, annoncé comme contemporain, ne le soit pas réellement. Ce système donnera ainsi lieu à de fréquentes régularisations. Les contribuables devront, en effet, prendre attache avec l'administration fiscale dès qu'un changement concernera leurs revenus ou leur situation, afin de faire évoluer leur taux de prélèvement en conséquence. Les régularisations qui en résulteront interviendront un an et demi après les prélèvements à la source puisqu'ils seront opérés sur la base de taux correspondant aux revenus des années précédentes.
Ce système risque, en outre, de créer des difficultés de trésorerie pour certains contribuables. Ce serait notamment le cas pour une personne accédant pour la première fois à un emploi rémunéré 2 000 euros net par mois, pour une période limitée à six mois. Cette personne ne serait, dans la situation actuelle, pas imposable et n'aurait donc aucune somme à avancer. Le système de retenue à la source la contraindrait, en revanche, à payer durant les six mois de son contrat un impôt qui ne lui serait restitué que un an et demi plus tard. Se pose donc la question de l'intérêt de ce dispositif.
Le passage au recouvrement par un tiers collecteur pose également problème. Si le contribuable n'avait, jusqu'à aujourd'hui, que les services fiscaux comme unique interlocuteur, l'entreprise en sera demain un second en matière de recouvrement de l'impôt. Les services fiscaux continueront à calculer le montant de l'impôt mais ce sera bien à l'entreprise de le recouvrer. Procéder à ce recouvrement ne sera, pour elles, pas aussi simple que cela y paraît. Il est quasiment certain que des erreurs seront commises.
Le prélèvement à la source constituera donc une charge pour les entreprises. Elle sera notamment importante pour les plus petites d'entre elles qui ne disposent pas de service comptable suffisamment développé et à même de mettre en oeuvre cette réforme.
L'accompagnement de cette réforme par les services fiscaux constitue également un problème évident puisque ces services ont subi plus de trente mille suppressions d'emplois au cours des dix dernières années. Il est évident que cette réforme va engendrer beaucoup d'interrogations chez les contribuables du fait de la complexité et des particularismes introduits par ce nouveau système. Les sollicitations auprès des centres des finances publiques n'en seront donc que plus nombreuses, qu'elles soient motivées par des demandes d'informations, de rectifications ou de réclamations. Des opérations concernant le « reste à recouvrer » vont également devoir être mises en place. Elles nécessiteront les interventions croisées des services des particuliers et des services des entreprises en fonction des types de recouvrement à effectuer.
Nous sommes enfin très attachés à l'aspect citoyen de l'impôt sur le revenu. Cet impôt direct sera demain un impôt quasiment indirect puisqu'il sera largement moins visible pour le contribuable. Cet effacement nous inquiète quant à l'avenir de l'impôt le plus juste du système fiscal.