Nous poursuivons aujourd'hui notre cycle d'auditions sur le projet d'instauration de prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu inscrit à l'article 38 du projet de loi de finances pour 2017.
Après avoir entendu le directeur général des finances publiques et différentes personnalités qualifiées les semaines passées, nous recevons ce matin les représentants des syndicats de l'administration des finances publiques. Il s'agit de François-Xavier Ferrucci, secrétaire général de Solidaires Finances Publiques, Alexandre Derigny, secrétaire général adjoint de la Confédération générale du travail (CGT)-Finances, Hélène Fauvel, secrétaire générale de Force ouvrière pour la direction générale des finances publiques (FO-DGFiP) et Gabriel Grèze, secrétaire général de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) Finances Publiques.
Depuis le milieu des années deux mille, nous sommes pour des raisons politiques, historiques et philosophiques opposés au prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu.
Nos demandes portent depuis longtemps sur une réforme fiscale d'ensemble qui aurait permis d'aborder le thème du recouvrement de l'impôt sur le revenu de manière plus sereine. En effet, la structuration actuelle de notre impôt sur le revenu conduit à une difficulté de mise en place de son prélèvement à la source. Pour preuve, il n'a pas fallu moins de 413 pages à notre direction générale pour expliquer la simplicité du système proposé !
Le projet de prélèvement à la source est souvent justifié par sa simplicité et sa contemporanéité. Nous estimons, pour notre part, que le premier point n'est pas établi et que le second ne l'est que partiellement. L'absence du caractère parfaitement contemporain du système résulte notamment de l'impossibilité de pouvoir faire évoluer en cours d'année les taux dont découlent les montants d'imposition à la source.
La CGT porte également comme premier grief à ce projet la limite de son objet. Il ne s'agit que d'une réforme des modalités de recouvrement de l'impôt sur le revenu alors que nous attendions une réforme profonde du système fiscal français. Nous craignons, en outre, une grande désillusion des citoyens vis-à-vis de cette réforme. Ils s'attendent à un système de retenue à la source les libérant de tout formalisme vis-à-vis de l'administration fiscale, mais il n'en sera rien. Le système de retenue à la source ne fera pas diminuer le nombre de rapports entre le contribuable et l'administration fiscale. Il pourra même les faire augmenter.
Le décalage d'un an entre la perception des revenus et l'impôt actuel ne sera que partiellement remis en cause. Si ce décalage sera effectivement atténué pour l'assiette retenue, ce ne sera pas le cas pour le taux d'imposition. Les contribuables comprendront donc difficilement que cet impôt, annoncé comme contemporain, ne le soit pas réellement. Ce système donnera ainsi lieu à de fréquentes régularisations. Les contribuables devront, en effet, prendre attache avec l'administration fiscale dès qu'un changement concernera leurs revenus ou leur situation, afin de faire évoluer leur taux de prélèvement en conséquence. Les régularisations qui en résulteront interviendront un an et demi après les prélèvements à la source puisqu'ils seront opérés sur la base de taux correspondant aux revenus des années précédentes.
Ce système risque, en outre, de créer des difficultés de trésorerie pour certains contribuables. Ce serait notamment le cas pour une personne accédant pour la première fois à un emploi rémunéré 2 000 euros net par mois, pour une période limitée à six mois. Cette personne ne serait, dans la situation actuelle, pas imposable et n'aurait donc aucune somme à avancer. Le système de retenue à la source la contraindrait, en revanche, à payer durant les six mois de son contrat un impôt qui ne lui serait restitué que un an et demi plus tard. Se pose donc la question de l'intérêt de ce dispositif.
Le passage au recouvrement par un tiers collecteur pose également problème. Si le contribuable n'avait, jusqu'à aujourd'hui, que les services fiscaux comme unique interlocuteur, l'entreprise en sera demain un second en matière de recouvrement de l'impôt. Les services fiscaux continueront à calculer le montant de l'impôt mais ce sera bien à l'entreprise de le recouvrer. Procéder à ce recouvrement ne sera, pour elles, pas aussi simple que cela y paraît. Il est quasiment certain que des erreurs seront commises.
Le prélèvement à la source constituera donc une charge pour les entreprises. Elle sera notamment importante pour les plus petites d'entre elles qui ne disposent pas de service comptable suffisamment développé et à même de mettre en oeuvre cette réforme.
L'accompagnement de cette réforme par les services fiscaux constitue également un problème évident puisque ces services ont subi plus de trente mille suppressions d'emplois au cours des dix dernières années. Il est évident que cette réforme va engendrer beaucoup d'interrogations chez les contribuables du fait de la complexité et des particularismes introduits par ce nouveau système. Les sollicitations auprès des centres des finances publiques n'en seront donc que plus nombreuses, qu'elles soient motivées par des demandes d'informations, de rectifications ou de réclamations. Des opérations concernant le « reste à recouvrer » vont également devoir être mises en place. Elles nécessiteront les interventions croisées des services des particuliers et des services des entreprises en fonction des types de recouvrement à effectuer.
Nous sommes enfin très attachés à l'aspect citoyen de l'impôt sur le revenu. Cet impôt direct sera demain un impôt quasiment indirect puisqu'il sera largement moins visible pour le contribuable. Cet effacement nous inquiète quant à l'avenir de l'impôt le plus juste du système fiscal.
Force ouvrière est également, pour des raisons historiques et philosophiques, opposée au système de prélèvement à la source. Dès 1966, le ministre des finances Michel Debré avait lancé une étude et créé une commission présidée par Jacques Chirac, secrétaire d'État à l'économie et aux finances, afin de rendre des conclusions sur la possibilité d'un tel système. Les évènements de mai 1968 ont mis un terme à cette étude puisque l'article 11 des accords de Grenelle prévoyait qu'il ne serait pas proposé d'assujettir les salariés au régime de la retenue à la source. Cette problématique est donc un « serpent de mer » qui ré-émerge périodiquement au gré des évènements politiques.
Pourquoi vouloir ainsi changer un système qui fonctionne bien ? Certains indicateurs sont le reflet de ce bon fonctionnement, comme le taux de recouvrement, le taux de dématérialisation du paiement de l'impôt sur le revenu, le nombre de contribuables mensualisés ou le nombre de contribuables qui paient à l'échéance. Ces bons indicateurs nous donnent l'impression que cette réforme n'est pas justifiée.
Elle ne simplifiera, en outre, pas le système. Les contribuables auront deux interlocuteurs contre un seul aujourd'hui, comme l'a précisé Alexandre Derigny, alors que la fusion de la direction générale des impôts et de la direction générale de la comptabilité publique avait justement pour but de le placer face à un interlocuteur unique.
Cette réforme est également synonyme d'un risque réel pour les recettes de l'État. Mon expérience de membre de la commission financière de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), où j'ai représenté la confédération Force ouvrière, me montre que certaines entreprises oublient parfois de reverser les cotisations sociales qu'elles doivent. Des défaillances similaires en matière d'impôt sur le revenu seraient, en ce sens, dommageables pour les recettes de l'État.
La contemporanéité de l'impôt ne sera pas non plus acquise pour tous les salariés. C'est notamment le cas pour ceux qui opteront pour le taux neutre d'imposition afin de ne pas porter à la connaissance de leurs employeurs certains aspects des situations de leurs foyers fiscaux. Ces salariés s'exposeront, de facto, à des régularisations postérieures en fonction de leurs taux réels d'imposition.
Un risque de déport existe également en matière de revendication salariale des employés. Ils seront, en effet, en mesure de constater l'impact effectif de la variation de leur salaire sur les sommes qu'ils percevront réellement en fin de mois. Si je ne partage pas spécialement les idées de Pierre Gattaz, je souscris ici à son analyse récente à ce sujet.
Un autre risque réel réside dans la désorganisation des services des finances publiques par le transfert de la charge de travail des services des impôts des particuliers (SIP) vers les services des impôts des entreprises (SIE). Je rejoins, à cette occasion, le constat relatif au niveau annuel de suppressions d'emplois et à la situation de nos services, en particulier celle des services d'accueil primaire. Lorsque des erreurs surviendront, c'est en premier lieu vers ces services que s'orienteront les contribuables surpris du manque de simplicité du système.
Je tiens aussi à souligner que cette réforme n'est pas celle qui était attendue par les français afin de rendre l'impôt sur le revenu plus juste, plus progressif et plus équitablement réparti. Le principe d'égalité devant l'impôt et le pacte républicain se trouvent au contraire mis à mal puisque les contribuables ne seront pas imposés de la même manière en fonction de la nature de leurs revenus.
Il s'agit pour nous, en dernier lieu, d'une privatisation rampante de la collecte de l'impôt vers des tiers non-certifiés.
La CFDT n'est pas favorable à la mise en oeuvre du prélèvement à la source tel qu'il est présenté.
Contrairement à ce que pense souvent le public, le prélèvement à la source n'est pas une véritable réforme de la fiscalité ayant pour objet de rendre l'impôt sur le revenu plus juste ou plus équitable. Il s'agit uniquement, comme il a déjà été indiqué, d'un changement de modalité de son recouvrement. Aucune garantie n'existe d'ailleurs sur le fait que ce nouveau mode opératoire soit meilleur que celui que nous connaissons actuellement. Nous émettons en ce sens des doutes sur l'efficacité et la faisabilité de cette réforme.
Le dispositif en place est, en effet, très efficace puisque le taux actuel de recouvrement de l'impôt sur le revenu est de 98 %. Le système de mensualisation y concourt pleinement. En période d'austérité budgétaire, nous ne pensons donc pas qu'il soit pertinent de complexifier le système en changeant à la fois son mode opératoire et ses opérateurs, au risque de dégrader un taux de recouvrement qui est excellent.
Les nouveaux opérateurs sont, en effet, les milliers d'entreprises à qui sera confiée la collecte de l'impôt sur le revenu. Tout le monde a en mémoire les propos récents de Pierre Gattaz : « On va vers une catastrophe annoncée, c'est beaucoup trop compliqué ». S'il est possible que le patronat instrumentalise ici le sort des petites et moyennes entreprises (PME) - je le dis avec humour - il n'en demeure pas moins vrai que les chefs de ces PME, qui affrontent déjà de multiples difficultés, ne semblent guère enclins à jouer le rôle de guichet fiscal vis-à-vis de leurs propres salariés.
Certaines de nos interrogations sont également structurelles. Confier la collecte de l'impôt sur le revenu aux entreprises revient à prendre le risque de remontées fiscales diminuées en cas de crise économique, comme le montre par ailleurs le recouvrement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Une telle situation aurait comme lourde conséquence un assèchement de la trésorerie de l'État en proportion des recettes que lui apporte cet impôt.
La CFDT relève, en outre, une incohérence liée au pilotage de cette réforme du point de vue des effectifs. Si une réforme systémique doit généralement être accompagnée d'un renfort en moyens humains, au moins durant les phases de mise en place, la direction générale des finances publiques (DGFiP) va, à l'inverse, encore perdre 1 640 agents en 2017 !
Enfin, toutes les complexités techniques ou fiscales ne sont, à notre avis, pas surmontées. Lorsque les employeurs-collecteurs ne sauront ou ne pourront pas répondre aux interrogations légitimes des salariés, ce seront in fine les agents de la DGFiP qui feront face à leur afflux et à leur mécontentement. Sans effectifs supplémentaires pour la DGFiP, ce constat conduira à une dégradation des conditions de travail de ses agents, ainsi qu'à une baisse de la qualité du service public rendu. Comme aujourd'hui, ce sera, quoi qu'il arrive, à elle que reviendra la tache de régulariser l'ensemble des opérations.
Les raisons évoquées conduisent la CFDT à penser qu'à la place de cette réforme ne touchant que le seul mode de recouvrement de l'impôt, il aurait tout simplement suffi de rendre obligatoire la mensualisation, avec une souplesse accrue dans la gestion des mensualités.
Je vous remercie pour ces contributions claires et synthétiques. Je rejoins l'interrogation de Hélène Fauvel. Pourquoi changer un système qui fonctionne ? Le taux de recouvrement est, en effet, très élevé. Je rends, ici, hommage à l'administration fiscale et à ses agents qui, depuis quelques années, ont mis en place des instruments performants comme la déclaration préremplie, le portail impôt.gouv.fr ou la mensualisation des paiements. Le seul défaut du système actuel réside, il est vrai, dans le décalage d'un an entre le paiement de l'impôt et la perception des revenus sur lequels il est assis.
Sachant que, selon les représentants des entreprises auditionnés, le déploiement de la déclaration sociale nominative (DSN) ne sera pas prête pour certaines PME, et qu'elle n'existera pas encore pour certains employeurs comme les collectivités publiques, pensez-vous que la réforme puisse effectivement être mise en oeuvre au 1er janvier 2018 ? Avez-vous des éléments de réponses spécifiques pour les administrations publiques qui représentent plusieurs millions d'agents ?
Quel est l'avantage du nouveau système proposé par rapport à une généralisation de la mensualisation contemporaine, telle que proposée par le Conseil des prélèvements obligatoires en 2012, qui permet aux contribuables de moduler le montant des mensualités en cas, notamment, de baisse de revenus ? En effet, seuls 3 % des contribuables imposables voient leurs revenus annuels baisser de plus de 30 % d'une année sur l'autre. On a donc l'impression que ce nombre très restreint de cas sert de gage à une réforme particulièrement complexe qui va pourtant s'appliquer à l'ensemble des contribuables.
Le caractère contemporain du nouveau système ne me semble pas parfait puisqu'on ne tient pas compte, au cours de l'année, des évènements qui affectent le quotient familial du foyer fiscal et donc le montant de l'impôt. Le taux appliqué n'est par exemple pas immédiatement modifié si une naissance intervient. Quel est votre point de vue sur ce sujet ?
Les thèmes abordés aujourd'hui reflètent les problèmes auxquels il faudra répondre dans l'hypothèse où ce dispositif viendrait à être adopté.
Comme indiqué, cette réforme n'est pas une réforme profonde du système fiscal mais une simple modification du dispositif de recouvrement de l'impôt sur le revenu par les entreprises. La Cour des comptes a, à ce sujet, indiqué que 233 prélèvements, dont celui relatif à la TVA, pesaient déjà sur les entreprises sans que cela ne pose de problème particulier. Pourquoi serait-ce différent pour ce nouveau prélèvement ?
À l'heure actuelle, la France compte 36 millions de foyers fiscaux dont 11 millions ne perçoivent pas d'autres types de revenus que des traitements et salaires, ou qu'un type unique de revenu. Au regard de cette situation, les 413 pages du document produit par la DGFiP ne sont pas le reflet de la complexité du nouveau système. Les points spécifiques de ce nouveau système y révèlent, à l'inverse, la grande complexité du système actuel, de nombreuses fois réformé, auquel le projet est comparé.
Ma deuxième question porte sur la mise en oeuvre des contrôles fiscaux. Comment va s'articuler l'intervention des SIP et des SIE pour effectuer les contrôles relatifs à l'impôt sur le revenu, dans la mesure où les entreprises comme les particuliers seront désormais concernés ? Des transferts de personnels seraient-ils, en ce sens, nécessaires ?
Le fait d'avancer le calendrier des déclarations de revenus du mois de mai au mois de mars va-t-il être synonyme de difficultés pour les services de la DGFiP ?
Enfin, pensez-vous que la charge supplémentaire de travail pour les SIE est compatible avec l'activité déjà engendrée par la gestion du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) ?
La DGFiP et son directeur semblent confiants dans la mise en oeuvre effective de la réforme au 1er janvier 2018. Les contacts informels avec les agents chargés de la création des outils informatiques ou juridiques nécessaires à cette mise en oeuvre conduisent, cependant, à une relative prudence. En effet, certains de ces agents ne pensent pas qu'il soit possible de respecter les délais. Ils ont, en outre, l'impression que leurs travaux ont pour but d'essayer vainement de rendre compatible un mode de prélèvement à la source avec un impôt qui ne peut structurellement pas l'être, du fait de ses spécificités.
La perception simultanée du salaire avec le prélèvement de l'impôt est le seul élément de la réforme qui va dans le sens de plus de contemporanéité. Car même avec un taux fixe, des variations de revenus engendrent une variation du montant de l'impôt. Le taux de prélèvement n'est lui pas contemporain puisque celui appliqué au 1er janvier 2018 sera, par exemple, le même que le taux de l'impôt acquitté en 2017 sur la base des revenus de 2016 perçus deux années plus tôt !
Il était attendu que le système permette de prendre en compte, en cours d'année, les changements de situation du foyer fiscal pour adapter le taux d'imposition en temps réel. Ce n'est, toutefois, pas réellement le cas puisque seuls les mariages, les divorces, les PACS, leurs ruptures et les décès engendrent une modification automatique. Les autres situations peuvent théoriquement donner lieu à l'ajustement du taux en cours d'année, mais les critères d'application sont si restrictifs qu'ils ne vont concerner qu'une très faible part des contribuables. Les variations de taux acceptées doivent engendrer des variations de montant des mensualités respectant un double plafond de 10 % et 200 euros. La naissance d'un enfant ou un départ en retraite n'auront, dans la grande majorité des cas, aucun impact immédiat sur le taux des prélèvements mensuels dont devront s'acquitter les contribuables.
Cette rigidité du taux va susciter de nombreuses réactions chez les contribuables - qui ne sont pas tous des spécialistes du droit fiscal - et risque d'engendrer une charge supplémentaire pour les accueils des SIP. Cette charge devrait intervenir dès 2017 puisque les taux d'imposition appliqués à partir du 1er janvier 2018 seront communiqués avec l'avis d'imposition 2017 sur les revenus de 2016.
Le taux neutre n'est pas une garantie absolue pour le salarié vis-à-vis de son employeur. Un employeur pourra, en effet, présumer que le choix du taux neutre par un de ses salariés a pour but de lui masquer la perception de revenus autres que le salaire qu'il lui verse. Ce constat pourra avoir une influence sur la politique salariale de l'entreprise.
Je signale à Thierry Carcenac que la répartition de la charge de travail entre SIE et SIP va effectivement devenir complexe. Les SIE vont être l'interlocuteur naturel des entreprises et vérifieront qu'elles collectent et reversent correctement l'impôt. Il va, néanmoins, falloir recouper les montants versés par les entreprises avec l'ensemble des comptes fiscaux de leurs salariés. Une attention toute particulière devra être portée à la fiabilisation des bases de données permettant ce recoupement. Les SIP devront, eux, comme nous l'avons vu, assurer l'accueil croissant des contribuables. L'expérience de la télé-déclaration nous montre que la mise en place d'un portail informatique ne réduira pas leur demande d'informations auprès des SIP. En cas de doute face à son écran, le contribuable a, en effet, pour premier réflexe de prendre attache avec son centre des impôts.
La surcharge d'activité des SIE devra, effectivement s'ajouter au traitement de la CICE, de la taxe sur les surfaces commerciales, ainsi qu'à la révision des bases d'imposition des locaux professionnels. La charge pour les SIP viendra, elle, sans doute en complément de la révision des bases des impôts locaux des particuliers qui est actuellement en projet.
Le dispositif de la mensualisation, s'il peut toujours être amélioré, fonctionne aujourd'hui très bien et permet au contribuable d'ajuster lui-même le montant de ses prélèvements.
La suppression, par le système de prélèvement à la source, des recours gracieux relatifs à l'impôt sur le revenu risque de faire augmenter mécaniquement le nombre de recours gracieux relatifs aux impôts locaux. Car un contribuable en difficulté financière qui ne pourra pas étaler ou faire varier le montant de son impôt sur le revenu par l'intermédiaire d'un recours gracieux tentera, en revanche, de le faire pour ses impôts locaux. La politique actuelle de la DGFiP qui vise, pour l'impôt sur le revenu, à faire diminuer le nombre de recours gracieux a déjà démontré ce phénomène.
En complément au propos de François-Xavier Ferrucci, je précise que le fait d'avancer la déclaration de revenus au mois de mars va effectivement poser problème car même lorsqu'elle intervient au mois de mai certains contribuables ne sont pas en possession de l'ensemble des documents et informations nécessaires à son établissement. L'avancer au mois de mars ne pourra qu'augmenter le nombre de ces situations.
Il est nécessaire de cerner la psychologie du contribuable pour évaluer l'impact du nouveau système de prélèvement sur l'organisation de l'accueil des centres des impôts. Je confirme que la plupart des contribuables n'ont pas forcément de connaissances approfondies en droit fiscal, ce qui est normal. Le changement des règles applicables va en conséquence faire augmenter de manière significative les demandes d'informations, même dans les situations les plus simples. Ainsi, ces demandes pourront aussi bien porter sur la baisse des revenus perçus du fait du prélèvement à la source que sur l'application pratique d'un crédit d'impôt, ou sur tout évènement en lien avec l'impôt sur le revenu. Les services des impôts devront donc faire oeuvre de pédagogie face à cette demande massive qu'il sera d'ailleurs bien difficile de satisfaire.
Le prélèvement à la source va, de plus, opérer une forme de « renversement de la charge de la preuve ». Aujourd'hui, le contribuable déclare ses revenus, les services fiscaux calculent l'impôt puis le contribuable paie l'impôt. À la réception de l'avis, il est donc en mesure de contester le montant demandé sur la base de la déclaration qu'il a établie. La situation est foncièrement différente dans le cadre du nouveau système de recouvrement puisque le prélèvement est effectué avant la déclaration. C'est à l'issue de cette déclaration que le contribuable devra, le cas échéant, prouver une erreur de l'entreprise ou des services fiscaux pour se voir remboursé d'éventuelles sommes déjà versées. Cette situation influencera l'état d'esprit dans lequel le contribuable se trouvera lorsqu'il prendra attache avec les services fiscaux et leurs relations s'en trouveront modifiées.
L'argument qui consiste à dire que la mise en oeuvre du système de prélèvement à la source ne posera pas de problème à la grande majorité des contribuables n'est pas recevable. Car les contribuables qui sollicitent les services fiscaux sont précisément ceux qui rencontrent des difficultés et nous ne pensons pas, aujourd'hui, être en mesure de pouvoir tous les accueillir correctement.
Je partage les propos de messieurs Ferrucci et Derigny.
Afin de répondre à Albéric de Montgolfier, je rappelle que le système de mensualisation actuellement en vigueur est beaucoup plus souple que le projet porté par l'article 38 du projet de loi de finances en termes d'ajustement possible des mensualités. Le délai de prise en compte de la demande est aujourd'hui très rapide puisque tout changement déclaré avant le 15 du mois en cours est effectif le mois suivant. La seule contrainte imposée au contribuable est de ne pas se tromper de plus de 10 % lorsqu'il anticipe à la baisse le montant de son impôt futur pour réajuster ses mensualités.
Je pense que le nouveau projet va avoir un impact négatif sur les relations au sein des petites et moyennes entreprises. Un salarié, d'un service de paie par exemple, s'apercevant toucher moins qu'un de ses collègues, malgré un salaire plus élevé, n'aura pas forcément de réaction positive pour l'ambiance de travail de sa société.
Si un transfert de charges aura bien lieu des SIP vers les SIE, il reviendra toujours au SIP de tenir le compte fiscal du contribuable, notamment au regard des impôts locaux dont il est redevable. L'articulation des fonctions des SIE et SIP reste pour l'instant assez peu claire quant à la mise en oeuvre de ce nouveau système. On ne sait par exemple pas si le nouvel impôt sera établi par voie de rôle ou par voie d'avis de mise en recouvrement, malgré l'impact de cette donnée sur la prise en charge comptable de l'impôt par les SIP.
Se pose enfin la question de la fiabilité du rattachement des acomptes prélevés. Ce rattachement se fera majoritairement par le biais de la DSN qui se base sur le numéro d'inscription au Répertoire national d'identification des personnes physiques (NIR) pour identifier les contribuables. Or la réglementation actuelle interdit l'inscription dans un même fichier du NIR et du numéro fiscal d'une même personne. Si les services de la DGFiP se sont efforcés de fiabiliser les identifiants des contribuables, un risque d'erreur de rattachement demeure, de ce fait, toujours possible.
Il nous semble qu'approfondir le système existant de mensualisation aurait été une meilleure alternative à la création de ce nouveau système de prélèvement à la source.
Nous considérons, en outre, que le calendrier de mise en oeuvre de cette réforme est difficilement tenable. En tant que représentants du personnel, nous n'acceptons pas qu'un échec puisse être imputé à nos services et donc à nos collègues.
Comme Hélène Fauvel je refuse qu'un éventuel échec de cette réforme puisse être imputé à une structure en manque de moyens. Car ce système présente une forte complexité en amont de sa mise en oeuvre et un manque de moyens en aval, ce qui fragilise sa faisabilité. Au regard de l'avis porté par nos spécialistes, l'échéance du 1er janvier 2018 semble, en conséquence, difficilement tenable.
Dans un contexte où l'on prétend, en permanence, simplifier le cadre législatif des entreprises, la réforme proposée va clairement à l'encontre de cette logique. Cette charge administrative supplémentaire risque probablement de décourager certains chefs d'entreprise d'embaucher.
Les SIE et les SIP ont connu, lors des dernières années, une baisse cumulée du nombre de leurs personnels et des plages horaires d'accueil. Ils sont aujourd'hui débordés et une augmentation supplémentaire de leur charge de travail serait très difficilement soutenable. Il est donc nécessaire d'augmenter le nombre d'agents, de les former et ainsi donner les moyens de conduire cette réforme correctement. Cette volonté n'est pourtant pas visible à l'heure actuelle.
Ce constat nous pousse, encore une fois, à nous demander pourquoi l'on souhaite changer un système qui fonctionne. Nous pensons également qu'approfondir le système de la mensualisation déjà existant aurait été meilleur pour atteindre les objectifs affichés. Le projet de réforme ne concerne, en outre, que les modalités de prélèvement de l'impôt sur le revenu et ne répond en rien aux attentes de fonds de la CFDT en matière de justice fiscale. Pour l'ensemble de ces raisons, je réitère l'opposition de la CFDT à cette réforme.
Je partage l'avis des syndicats et souhaiterais développer quelques points.
La mensualisation est un système généralisable. Elle peut, si elle est adaptée, s'affranchir du problème de décalage entre l'année de perception des revenus et l'année de paiement de l'impôt. La trésorerie générée par le système de mensualisation est également plus intéressante pour l'État puisqu'il perçoit l'impôt sur dix mois et non douze.
La collecte de cet impôt par les entreprises n'altèrera pas son taux actuel de recouvrement, sauf défaillance toujours possible d'une très grande entreprise.
Je rejoins les craintes quant à l'effet dissuasif que pourrait avoir cette réforme sur les embauches par les petites entreprises. Le rôle des entreprises est de créer de l'emploi et non de recouvrer les impôts.
Les salariés, les entreprises comme les représentants des personnels de la DGFiP sont unanimement défavorable à cette réforme. C'est la preuve des malfaçons sérieuses dont souffre ce projet.
Je suis, de plus, très pessimiste sur sa mise en place, notamment du fait des nombreuses suppressions de postes à la DGFiP. L'organisation même de cette direction est problématique du fait de la fusion entre la direction générale des impôts et le Trésor public. Un inspecteur des impôts peut, par exemple, pour des raisons géographiques, se retrouver du jour au lendemain à la tête d'une trésorerie rurale sans pour autant être formé à son nouveau métier.
Cette réforme semble également nous montrer que son but est, à terme, de supprimer les services des Finances et de faire recouvrer l'impôt par l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF). Il ne faut pas s'en cacher. Je doute toutefois profondément que cette solution soit la bonne. Partagez-vous ce constat ?
En cas d'alternance politique au cours de l'année à venir, seriez-vous d'accord pour revenir en arrière et ne pas mettre en oeuvre ce projet de réforme, malgré l'ampleur du travail déjà engagé ?
Je partage les réticences évoquées quant au projet. En tant que maire d'une petite commune je témoigne du besoin des contribuables d'être accueillis par les services fiscaux afin d'être conseillés, malgré les baisses récentes d'effectifs connues par ces services. Le raisonnement est le même pour les collectivités locales. Si l'application Helios facilite leurs relations avec la DGFiP dans la gestion de leurs tâches quotidiennes, elle ne remplace pas totalement le contact et les moyens humains qu'il convient de préserver.
Alors que la volonté du Gouvernement est d'aller vers un choc de simplification, les présents témoignages montrent que cette réforme s'en éloigne profondément. Ce projet est un vecteur de complexification pour l'administration, mais principalement pour les entreprises.
L'État a-t-il engagé à vos côtés un plan stratégique de travail portant sur la gestion de l'échéance du 1er janvier 2018 avec les personnels concernés ? L'aspect « ressources humaines » est à mon sens majeur, notamment du point de vue de la formation rendue nécessaire par une telle réforme.
La réforme fiscale n'est en aucun cas le sujet. Le projet ne concerne qu'une modification du mode de recouvrement d'un impôt direct. Je n'ai d'ailleurs pas compris l'idée évoquée par Alexandre Derigny selon laquelle cette modification allait transformer l'impôt sur le revenu en impôt indirect.
Cette mesure a une portée sociale, puisqu'elle consiste à rapprocher le prélèvement de l'impôt de la réalité des différents revenus perçus, afin d'éviter les décalages existants. La France est d'ailleurs le seul grand pays à ne pas avoir déjà mis en place ce type de prélèvement. Si la mensualisation est souvent présentée comme une alternative, je tiens à préciser que 60 % des contribuables n'y ont pas aujourd'hui recours. Aucun autre pays n'a d'ailleurs fait le choix de ce système de mensualisation, preuve qu'il ne répond pas aux objectifs attendus.
Jacques Genest a évoqué le fait que les salariés sont contre cette réforme. Je précise que rien ne le prouve aujourd'hui.
Les différents témoignages entendus donnent l'impression que le système porté par le projet fonctionnera moins bien que le système actuel.
Alexandre Derigny évoquait, dans l'exemple qu'il donnait, un délai d'un an et demi pour régulariser certaines situations. Ce délai est particulièrement long et semble poser de graves difficultés. Je le prierais donc de bien vouloir expliquer cette durée.
Les ministres concernés par la réforme ont, lors de leur audition, évoqué un travail préparatoire de fond particulièrement poussé. Je vous demande donc si ce travail préparatoire s'est effectué sans la concertation des organisations syndicales ou si vous avez été, au contraire, en mesure de présenter l'ensemble des réserves dont vous faites aujourd'hui état.
Le système actuel permet à un couple de choisir sur lequel de ses deux comptes bancaires le prélèvement de l'impôt va être effectué - le compte le mieux approvisionné en général. Or, le système proposé conduit, a priori, à prélever directement l'impôt sur l'ensemble des salaires et traitements du foyer fiscal selon un taux commun. Un dispositif a-t-il été prévu en ce sens pour que les couples puissent continuer à ventiler à leur gré la charge de leur impôt sur leurs salaires respectifs ?
S'il est vrai que le dispositif de mensualisation permet aujourd'hui de moduler le montant des mensualités versées, sa mise en oeuvre me paraît complexe. Or, de nombreuses personnes, bien qu'en situation professionnelle précaire, sont tout de même imposées sur le revenu. Comment le système actuel aurait-il pu être modifié afin d'effacer le décalage d'un an qui existe aujourd'hui entre leur situation financière et le paiement de l'impôt ?
Le principal grief que je porte à cette réforme est de remettre en cause le principe de l'acceptation de l'impôt par les citoyens car il ne saura plus, ici, à quoi sert l'impôt qu'il verse.
Le prélèvement à la source est une réforme attendue de longue date. Deux tiers des Français espéraient d'ailleurs une évolution en ce sens. Cette réforme du mode de recouvrement de l'impôt sur le revenu sera bientôt mise en oeuvre. C'est une bonne chose. Le directeur général de la DGFiP nous a, lors de son audition, démontré qu'une étude d'impact de plus de 400 pages et des travaux préparatoires conséquents avaient été engagés en amont du projet. Je comprends cependant les inquiétudes des agents qui seront chargé de ce dispositif rénové.
De nombreuses études récentes ont démontré que la réforme du prélèvement à la source était un premier pas nécessaire à une réforme fiscale de plus grande ampleur. Je demande donc aux représentants syndicaux qui appellent une telle réforme, s'il n'est pas, dans ces conditions, contradictoire de s'opposer à la réforme du prélèvement à la source.
Cette audition permettra sans doute aux Français favorables au principe du prélèvement à la source de se rendre compte des défauts du système proposé et les amènera peut-être à reconsidérer leur point de vue.
Dans l'hypothèse où un nouveau Gouvernement souhaiterait, au printemps prochain, mettre fin à cette réforme, pourra-t-il encore le faire ? Devra-t-il, à l'inverse, mettre en oeuvre cette réforme au 1er janvier 2018, quoi qu'il arrive, du fait du caractère avancé des travaux ?
Un catalogue de difficultés vient ici d'être longuement établi au sujet d'une réforme qui ne porte que sur une modalité de recouvrement de l'impôt et qui ne posera, de plus, aucun problème à 90 % du public concerné qui ne perçoit que des traitements et salaires. Les difficultés soulevées ne concerneront donc que 10 % des contribuables alors que l'administration fiscale nous a déjà démontré être capable de régler des problèmes d'une toute autre ampleur.
Vous défendez le système de mensualisation au détriment du prélèvement à la source alors qu'il s'agit dans un cas de prélever le douzième du montant de l'impôt sur un salaire et dans l'autre cas de prélever le dixième de ce montant sur le compte bancaire où ce salaire est versé. Je ne vois pas de différence propre à justifier l'éventuelle impopularité de la réforme.
Quant au reproche du mauvais impact sur les relations internes à l'entreprise, je pense qu'à l'ère de la transparence, il s'appuie sur des arguments datés.
Ma question s'adresse aux représentants syndicaux présents. Pensez-vous réellement que les 10 % de situations problématiques vont réellement générer une hausse significative d'activité pour le personnel que vous représentez ? En comparaison, quel volume d'activité serait économisé si l'impôt sur la fortune (ISF) devait être supprimé ?
Je vais dans un premier temps répondre aux questions de nature politique avant de revenir sur les interrogations d'ordre technique.
Notre organisation syndicale est, à tous ses niveaux, en faveur d'une remise à plat totale du système fiscal dans son ensemble. Le champ de cette réforme dépasserait donc largement celui du seul impôt sur le revenu. Cet impôt représente aujourd'hui 75 milliards d'euros de recettes se concentrant sur de moins en moins de foyers fiscaux. Les nombreuses niches qu'il comporte montrent, en outre, qu'il est l'instrument privilégié de la politique économique et sociale des gouvernements qui se sont succédé. Nous souhaitons donc une réforme qui dépasse le cadre de ce seul impôt.
Il aurait été souhaitable qu'un grand débat de début de mandat permette à un nombre important de parties prenantes d'aborder le thème de la fiscalité pris dans sa globalité. Un tel débat aurait, en outre, permis d'informer de manière pédagogique les citoyens sur le fonctionnement et la finalité des impôts auxquels ils sont soumis. Mais ce débat n'a pas eu lieu et la mise en oeuvre de cette réforme nous semble trop hâtive. Elle intervient trop tard dans le mandat présidentiel. Les attendus de la réforme ne sont, en conséquence, pas au rendez-vous, selon notre point de vue.
Nous soutenons que les récentes suppressions d'emplois à la DGFiP sont la preuve d'une volonté de démantèlement. La DGFiP ne tient, en outre, pas compte du développement de nouvelles technologies numériques dans sa gestion prévisionnelle des emplois, des compétences et des qualifications. Certaines pratiques internes témoignent du souhait de réduire l'envergure de ses missions mais également de son déploiement territorial. Les chiffres du contrôle fiscal en sont le symbole. Le rapport d'activité de la DGFiP pour 2016 montre que le nombre d'opérations de contrôle a été réduit de 19 000 par rapport aux deux années précédentes. Le rendement du contrôle fiscal externe est aujourd'hui revenu au niveau qui était le sien il y a deux ans ! Le recouvrement subit les mêmes conséquences puisque seul 50 % du montant total des redressements notifiés est aujourd'hui recouvré. Une forme de démantèlement est donc en marche.
Du point de vue de l'accueil du public, il convient de noter que les 50 % de foyers fiscaux non-imposables formulent également des demandes, au même titre que les autres. Les contribuables ont, en règle générale, besoin d'un contact avec un agent des finances publiques au moment d'établir leur déclaration de revenus, sous quelque support que ce soit. Les forcer à passer par internet ou des services téléphoniques d'information en réduisant les plages horaires d'accueil physique ou en limitant le nombre de points d'accueil ne change rien à cet état de fait. Sauf à supprimer toute forme d'impôt, ce besoin d'information demeurera toujours.
L'établissement d'un impôt à la source est relativement ancien dans nombre d'autres pays ; l'Allemagne a opté pour ce système en 1920. Le fait que la France soit un cas particulier n'est pas une information nouvelle. Mais cette particularité dans le mode de recouvrement s'explique de manière rationnelle du fait des spécificités fortes de l'impôt sur le revenu dans notre pays.
Le ministre nous a, en effet, reçu en amont du projet de réforme. Je ne pense toutefois pas qu'il nous ait entendus. Christian Eckert avait, il est vrai, été sensible au problème également soulevé par Vincent Capo-Canellas concernant la répartition du prélèvement de l'impôt au sein d'un couple. Un dispositif d'individualisation des prélèvements a donc été introduit dans le projet de loi pour pallier ce problème. L'immense complexité de ce dispositif me fait cependant douter de son efficacité. Je me demande comment un couple qui se verra appliquer un taux commun sur ses deux salaires réussira à comprendre la procédure permettant d'ainsi différencier chacun des deux taux.
La question d'une réforme fiscale plus redistributive est effectivement essentielle car là se trouve le coeur du problème. Les discussions de début de mandat nous semblaient en ce sens trop réductrices. Elles ne répondaient pas à notre besoin de réforme fiscale profonde. Si nous pensons qu'une telle réforme doit nécessairement s'appuyer sur l'impôt sur le revenu, nous regrettons, en revanche, que cet impôt occupe si peu de place dans le système fiscal actuel. Cet impôt ne concerne pas la moitié des foyers fiscaux qui ne sont pas imposables. Il ne concerne également qu'à la marge un grand nombre de foyers fiscaux qui sont comparativement plus imposés par des impôts moins justes. Ces autres impôts n'ont, en effet, pas le caractère progressif que peut avoir l'impôt sur le revenu. À l'inverse de ce qui a été fait, nous souhaiterions donc une augmentation de la part de l'impôt sur le revenu concomitante à une baisse de la part d'impôts moins justes et moins progressifs, comme la TVA.
J'avais, à ce titre, bien compris que la réforme n'allait pas transformer l'impôt sur le revenu en impôt indirect et mon allusion était un peu forcée. Son but était de faire comprendre qu'un impôt sur le revenu plus transparent va à l'encontre de certains de nos objectifs. Ces objectifs sont notamment de remettre l'impôt sur le revenu au centre des attentions, d'en faire un impôt citoyen et de gagner le consentement à l'impôt par son intermédiaire, en convainquant qu'il est juste. Le cas de la contribution sociale généralisée (CSG) est un exemple à ne pas suivre. Trois quarts des citoyens paient bien plus de CSG que d'impôt sur le revenu mais ignorent jusqu'à son existence parce qu'elle est prélevée directement.
L'impôt sur le revenu est, en France, progressif, annualisé, conjugalisé et familiarisé. Il est donc très difficile d'anticiper pour chaque foyer fiscal les évolutions des facteurs de cet impôt avant de pouvoir les constater au 31 décembre de l'année en cours. Il est, en ce sens, difficile de rendre cet impôt contemporain. C'est pourquoi la mensualisation prévue par l'actuel système nous semble être un instrument à privilégier.
J'en viens, maintenant, à l'explication du délai d'un an et demi. Une personne qui n'a jamais payé d'impôts et qui accède à son premier emploi au 1er janvier 2018 se verra imposer selon un taux en fonction de son premier salaire. Il n'est en revanche pas possible de connaître, à cette date, quelle sera la durée de son activité professionnelle au cours de l'année 2018. Ainsi, si cette personne se retrouve au chômage du mois de juillet au mois de décembre, les sommes prélevées sur les salaires de janvier à juin pourront l'avoir été de manière indue. Ce sera le cas dans l'hypothèse où la rémunération annuelle totale du salarié sera trop faible pour le rendre finalement imposable. Cette situation ne sera connue des services fiscaux que lorsque le salarié lui retournera sa déclaration de revenus, en mars 2019. Un remboursement aura, le cas échéant, lieu vers le mois de juin 2019, soit près d'un an et demi après la perception du premier salaire sur lequel aura été retenu l'impôt.
Enfin, je précise que les travaux déjà engagés pour préparer cette réforme ont un coût à la fois humain et budgétaire important. La mise en oeuvre effective de cette réforme aura, en revanche, un coût bien supérieur à celui de son abandon. Il serait donc judicieux de revenir sur ce projet en cas d'alternance politique.
Si en tant que représentants de fonctionnaires nous n'avons pas à être d'accord ou pas avec les mesures que nous sommes in fine chargés d'appliquer, je rejoins toutefois les propos d'Alexandre Derigny.
Je doute profondément du caractère social de cette réforme puisqu'elle n'appréhende pas de la même manière l'ensemble des catégories de revenus. Face aux contribuables qui ne perçoivent qu'un salaire et qui seront inconditionnellement imposés au mois le mois, les ménages les plus aisés bénéficieront, eux, d'un régime distinct sur les revenus issus de cessions de capitaux mobiliers. Certains ont le choix et d'autres non. Le régime des travailleurs indépendants en est une autre preuve puisque la périodicité des acomptes contemporains qu'ils vont être amenés à verser n'est pas encore clairement définie. Il est, en outre, prévu que ces prélèvements soient directement effectués sur leurs comptes bancaires professionnels alors qu'aucun texte n'autorise aujourd'hui à opérer de tels prélèvements sans leurs consentement.
Je suis particulièrement gênée que l'on considère le salarié comme un être immature et que l'on prétende prélever directement l'impôt qu'il doit afin de lui rendre service. Toutes les confédérations, qui représentent majoritairement des salariés, se sont exprimées plutôt contre cette réforme.
Notre syndicat était intervenu auprès des deux ministres chargé du dossier ainsi que du directeur général de la DGFiP sur la question des moyens nouveaux alloués pour faire face à la mise en oeuvre de cette réforme. Car si ce projet doit être mis en oeuvre par la DGFiP, il est primordial pour nous qu'elle puisse réellement y parvenir. Nous ne voulons pas, en ce sens, que les personnels de cette direction soient considérés comme responsables d'un échec. Malgré cette intervention, le projet de loi de finances pour 2017 diminue notre plafond d'emplois autorisés de 1 815 équivalents temps plein travaillés !
Je pense enfin que, contrairement aux objectifs affichés par cette réforme, elle a pour conséquence de fragiliser le consentement à l'impôt et le pacte républicain.
La CFDT ne se prononce pas contre tout principe de prélèvement à la source mais manifeste son désaccord sur le projet tel qu'il est actuellement présenté, du fait de sa complexité et du manque de moyen pour le mettre en place. Comme l'indique Hélène Fauvel, il serait particulièrement dommageable qu'un échec altère le consentement à l'impôt du citoyen et entraine un gaspillage de moyens.
Je pense que le système français devrait évoluer vers un impôt individualisé alors qu'il est actuellement construit autour du foyer fiscal. Le fait que certains États possèdent déjà un tel système accompagné d'un prélèvement à la source ne justifie toutefois pas la réforme proposée.
Je ne vois pas pourquoi rendre la mensualisation obligatoire soulèverait des problèmes puisque la DGFiP a déjà rendu obligatoire la dématérialisation des déclarations de revenus sans que ça n'en pose. Je n'envisage pas bien qui pourrait, à terme, s'opposer au principe d'une mensualisation systématique des contribuables.
Nous avons fait part au ministre de l'ensemble des griefs que nous avons détaillés aujourd'hui concernant le manque de moyens et le risque d'échec du projet. Ces considérations sont formulées au regard de l'intérêt de nos agents. Une administration qui assure correctement son rôle ne peut le faire qu'en s'appuyant sur des agents suffisamment nombreux, formés et intervenant dans des conditions de travail satisfaisantes. Ces conditions sont essentielles car l'accueil du contribuable par la DGFiP a une réelle portée sociale. Les élus locaux sont d'ailleurs très attachés à ces accueils. Ils représentent souvent l'un des derniers guichets de services publics et les agents y prodiguent des conseils dépassant fréquemment le strict champ de leur compétence.
Dans un contexte de baisse constante des effectifs, la situation actuelle n'est pas satisfaisante. La mise en oeuvre de cette réforme combinée à la volonté de certains candidats à l'élection présidentielle de voir encore diminuer le nombre de nos agents ne feraient qu'amplifier notre insatisfaction. Évitons-nous un gâchis inutile.
Le sujet est divers et il passionne. Nous aurons à le traiter dans les jours à venir, au cours du débat sur le projet de loi de finances pour 2017. Je vous remercie d'avoir en particulier évoqué le rôle social des accueils de la DGFiP auxquels les citoyens sont très attachés. Il faut saluer le travail de ces accueils et les aider à maintenir la qualité de leur service.
La réunion est levée à 12 h 45.
PLF pour 2017 - Projet d'instauration du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu - Audition de M. Alexandre Derigny, secrétaire général adjoint de la CGT Finances, Mme Hélène Fauvel, secrétaire générale de FO-DGFiP, M. François-Xavier Ferrucci, secrétaire général de Solidaires Finances Publiques, M. Gabriel Grèze, secrétaire général de la CFDT Finances Publiques
La réunion est ouverte à 11 h 05.