La CFDT n'est pas favorable à la mise en oeuvre du prélèvement à la source tel qu'il est présenté.
Contrairement à ce que pense souvent le public, le prélèvement à la source n'est pas une véritable réforme de la fiscalité ayant pour objet de rendre l'impôt sur le revenu plus juste ou plus équitable. Il s'agit uniquement, comme il a déjà été indiqué, d'un changement de modalité de son recouvrement. Aucune garantie n'existe d'ailleurs sur le fait que ce nouveau mode opératoire soit meilleur que celui que nous connaissons actuellement. Nous émettons en ce sens des doutes sur l'efficacité et la faisabilité de cette réforme.
Le dispositif en place est, en effet, très efficace puisque le taux actuel de recouvrement de l'impôt sur le revenu est de 98 %. Le système de mensualisation y concourt pleinement. En période d'austérité budgétaire, nous ne pensons donc pas qu'il soit pertinent de complexifier le système en changeant à la fois son mode opératoire et ses opérateurs, au risque de dégrader un taux de recouvrement qui est excellent.
Les nouveaux opérateurs sont, en effet, les milliers d'entreprises à qui sera confiée la collecte de l'impôt sur le revenu. Tout le monde a en mémoire les propos récents de Pierre Gattaz : « On va vers une catastrophe annoncée, c'est beaucoup trop compliqué ». S'il est possible que le patronat instrumentalise ici le sort des petites et moyennes entreprises (PME) - je le dis avec humour - il n'en demeure pas moins vrai que les chefs de ces PME, qui affrontent déjà de multiples difficultés, ne semblent guère enclins à jouer le rôle de guichet fiscal vis-à-vis de leurs propres salariés.
Certaines de nos interrogations sont également structurelles. Confier la collecte de l'impôt sur le revenu aux entreprises revient à prendre le risque de remontées fiscales diminuées en cas de crise économique, comme le montre par ailleurs le recouvrement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Une telle situation aurait comme lourde conséquence un assèchement de la trésorerie de l'État en proportion des recettes que lui apporte cet impôt.
La CFDT relève, en outre, une incohérence liée au pilotage de cette réforme du point de vue des effectifs. Si une réforme systémique doit généralement être accompagnée d'un renfort en moyens humains, au moins durant les phases de mise en place, la direction générale des finances publiques (DGFiP) va, à l'inverse, encore perdre 1 640 agents en 2017 !
Enfin, toutes les complexités techniques ou fiscales ne sont, à notre avis, pas surmontées. Lorsque les employeurs-collecteurs ne sauront ou ne pourront pas répondre aux interrogations légitimes des salariés, ce seront in fine les agents de la DGFiP qui feront face à leur afflux et à leur mécontentement. Sans effectifs supplémentaires pour la DGFiP, ce constat conduira à une dégradation des conditions de travail de ses agents, ainsi qu'à une baisse de la qualité du service public rendu. Comme aujourd'hui, ce sera, quoi qu'il arrive, à elle que reviendra la tache de régulariser l'ensemble des opérations.
Les raisons évoquées conduisent la CFDT à penser qu'à la place de cette réforme ne touchant que le seul mode de recouvrement de l'impôt, il aurait tout simplement suffi de rendre obligatoire la mensualisation, avec une souplesse accrue dans la gestion des mensualités.