La DGFiP et son directeur semblent confiants dans la mise en oeuvre effective de la réforme au 1er janvier 2018. Les contacts informels avec les agents chargés de la création des outils informatiques ou juridiques nécessaires à cette mise en oeuvre conduisent, cependant, à une relative prudence. En effet, certains de ces agents ne pensent pas qu'il soit possible de respecter les délais. Ils ont, en outre, l'impression que leurs travaux ont pour but d'essayer vainement de rendre compatible un mode de prélèvement à la source avec un impôt qui ne peut structurellement pas l'être, du fait de ses spécificités.
La perception simultanée du salaire avec le prélèvement de l'impôt est le seul élément de la réforme qui va dans le sens de plus de contemporanéité. Car même avec un taux fixe, des variations de revenus engendrent une variation du montant de l'impôt. Le taux de prélèvement n'est lui pas contemporain puisque celui appliqué au 1er janvier 2018 sera, par exemple, le même que le taux de l'impôt acquitté en 2017 sur la base des revenus de 2016 perçus deux années plus tôt !
Il était attendu que le système permette de prendre en compte, en cours d'année, les changements de situation du foyer fiscal pour adapter le taux d'imposition en temps réel. Ce n'est, toutefois, pas réellement le cas puisque seuls les mariages, les divorces, les PACS, leurs ruptures et les décès engendrent une modification automatique. Les autres situations peuvent théoriquement donner lieu à l'ajustement du taux en cours d'année, mais les critères d'application sont si restrictifs qu'ils ne vont concerner qu'une très faible part des contribuables. Les variations de taux acceptées doivent engendrer des variations de montant des mensualités respectant un double plafond de 10 % et 200 euros. La naissance d'un enfant ou un départ en retraite n'auront, dans la grande majorité des cas, aucun impact immédiat sur le taux des prélèvements mensuels dont devront s'acquitter les contribuables.
Cette rigidité du taux va susciter de nombreuses réactions chez les contribuables - qui ne sont pas tous des spécialistes du droit fiscal - et risque d'engendrer une charge supplémentaire pour les accueils des SIP. Cette charge devrait intervenir dès 2017 puisque les taux d'imposition appliqués à partir du 1er janvier 2018 seront communiqués avec l'avis d'imposition 2017 sur les revenus de 2016.
Le taux neutre n'est pas une garantie absolue pour le salarié vis-à-vis de son employeur. Un employeur pourra, en effet, présumer que le choix du taux neutre par un de ses salariés a pour but de lui masquer la perception de revenus autres que le salaire qu'il lui verse. Ce constat pourra avoir une influence sur la politique salariale de l'entreprise.
Je signale à Thierry Carcenac que la répartition de la charge de travail entre SIE et SIP va effectivement devenir complexe. Les SIE vont être l'interlocuteur naturel des entreprises et vérifieront qu'elles collectent et reversent correctement l'impôt. Il va, néanmoins, falloir recouper les montants versés par les entreprises avec l'ensemble des comptes fiscaux de leurs salariés. Une attention toute particulière devra être portée à la fiabilisation des bases de données permettant ce recoupement. Les SIP devront, eux, comme nous l'avons vu, assurer l'accueil croissant des contribuables. L'expérience de la télé-déclaration nous montre que la mise en place d'un portail informatique ne réduira pas leur demande d'informations auprès des SIP. En cas de doute face à son écran, le contribuable a, en effet, pour premier réflexe de prendre attache avec son centre des impôts.
La surcharge d'activité des SIE devra, effectivement s'ajouter au traitement de la CICE, de la taxe sur les surfaces commerciales, ainsi qu'à la révision des bases d'imposition des locaux professionnels. La charge pour les SIP viendra, elle, sans doute en complément de la révision des bases des impôts locaux des particuliers qui est actuellement en projet.
Le dispositif de la mensualisation, s'il peut toujours être amélioré, fonctionne aujourd'hui très bien et permet au contribuable d'ajuster lui-même le montant de ses prélèvements.
La suppression, par le système de prélèvement à la source, des recours gracieux relatifs à l'impôt sur le revenu risque de faire augmenter mécaniquement le nombre de recours gracieux relatifs aux impôts locaux. Car un contribuable en difficulté financière qui ne pourra pas étaler ou faire varier le montant de son impôt sur le revenu par l'intermédiaire d'un recours gracieux tentera, en revanche, de le faire pour ses impôts locaux. La politique actuelle de la DGFiP qui vise, pour l'impôt sur le revenu, à faire diminuer le nombre de recours gracieux a déjà démontré ce phénomène.