La question d'une réforme fiscale plus redistributive est effectivement essentielle car là se trouve le coeur du problème. Les discussions de début de mandat nous semblaient en ce sens trop réductrices. Elles ne répondaient pas à notre besoin de réforme fiscale profonde. Si nous pensons qu'une telle réforme doit nécessairement s'appuyer sur l'impôt sur le revenu, nous regrettons, en revanche, que cet impôt occupe si peu de place dans le système fiscal actuel. Cet impôt ne concerne pas la moitié des foyers fiscaux qui ne sont pas imposables. Il ne concerne également qu'à la marge un grand nombre de foyers fiscaux qui sont comparativement plus imposés par des impôts moins justes. Ces autres impôts n'ont, en effet, pas le caractère progressif que peut avoir l'impôt sur le revenu. À l'inverse de ce qui a été fait, nous souhaiterions donc une augmentation de la part de l'impôt sur le revenu concomitante à une baisse de la part d'impôts moins justes et moins progressifs, comme la TVA.
J'avais, à ce titre, bien compris que la réforme n'allait pas transformer l'impôt sur le revenu en impôt indirect et mon allusion était un peu forcée. Son but était de faire comprendre qu'un impôt sur le revenu plus transparent va à l'encontre de certains de nos objectifs. Ces objectifs sont notamment de remettre l'impôt sur le revenu au centre des attentions, d'en faire un impôt citoyen et de gagner le consentement à l'impôt par son intermédiaire, en convainquant qu'il est juste. Le cas de la contribution sociale généralisée (CSG) est un exemple à ne pas suivre. Trois quarts des citoyens paient bien plus de CSG que d'impôt sur le revenu mais ignorent jusqu'à son existence parce qu'elle est prélevée directement.
L'impôt sur le revenu est, en France, progressif, annualisé, conjugalisé et familiarisé. Il est donc très difficile d'anticiper pour chaque foyer fiscal les évolutions des facteurs de cet impôt avant de pouvoir les constater au 31 décembre de l'année en cours. Il est, en ce sens, difficile de rendre cet impôt contemporain. C'est pourquoi la mensualisation prévue par l'actuel système nous semble être un instrument à privilégier.
J'en viens, maintenant, à l'explication du délai d'un an et demi. Une personne qui n'a jamais payé d'impôts et qui accède à son premier emploi au 1er janvier 2018 se verra imposer selon un taux en fonction de son premier salaire. Il n'est en revanche pas possible de connaître, à cette date, quelle sera la durée de son activité professionnelle au cours de l'année 2018. Ainsi, si cette personne se retrouve au chômage du mois de juillet au mois de décembre, les sommes prélevées sur les salaires de janvier à juin pourront l'avoir été de manière indue. Ce sera le cas dans l'hypothèse où la rémunération annuelle totale du salarié sera trop faible pour le rendre finalement imposable. Cette situation ne sera connue des services fiscaux que lorsque le salarié lui retournera sa déclaration de revenus, en mars 2019. Un remboursement aura, le cas échéant, lieu vers le mois de juin 2019, soit près d'un an et demi après la perception du premier salaire sur lequel aura été retenu l'impôt.
Enfin, je précise que les travaux déjà engagés pour préparer cette réforme ont un coût à la fois humain et budgétaire important. La mise en oeuvre effective de cette réforme aura, en revanche, un coût bien supérieur à celui de son abandon. Il serait donc judicieux de revenir sur ce projet en cas d'alternance politique.