Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi sera le dernier grand texte législatif consacré au sport avant l’ouverture des échéances électorales de 2017. Je me réjouis qu’elle trouve son origine dans l’initiative parlementaire du Sénat, ce qui souligne combien notre assemblée a été mobilisée sur cette thématique.
Ce texte rappelle donc la force de proposition qui a été la nôtre, depuis plusieurs années, sur la question du sport et couronne la qualité de nos travaux dans ce domaine, particulièrement dans celui du sport professionnel.
Nous avons été très fortement engagés dans un long et patient travail d’inventaire et de réflexion sur les grandes lignes de force qui traversent le sport : conclusions du groupe de travail relatif à l’éthique sportive en juillet 2013 ; rapport de la commission d’enquête parlementaire sur l’efficacité de la lutte contre le dopage en juillet 2013 ; rapport d’information sur les grands stades et les arénas en octobre 2013 ; rapport d’information sur le sport professionnel et les collectivités territoriales en avril 2014, sans compter les travaux que nous menons actuellement sur la gouvernance du football.
Par touches successives, nous avons su faire évoluer le cadre législatif, préférant à un hypothétique « grand soir » des travaux peut-être plus modestes, mais aussi plus concertés, plus réfléchis et qui se révéleront, j’en forme le vœu, plus durables.
On peut évoquer la proposition de loi, déposée à l’Assemblée nationale sur l’initiative de nos collègues socialistes, devenue la loi visant à protéger les sportifs de haut niveau et professionnels et à sécuriser leur situation juridique et sociale. La mise en place d’une véritable couverture sociale à leur bénéfice constitue un acquis essentiel de cette législature, acquis dont nous pouvons être fiers.
De même, une des avancées législatives particulièrement marquantes fut la prescription d’activités physiques adaptées pour les personnes souffrant d’affections de longue durée. Portée avec succès par notre collègue députée et ancienne ministre Valérie Fourneyron, cette disposition permet un progrès significatif du « sport santé ».
Par ailleurs, notons que, simultanément à l’examen de cette proposition de loi, se tiennent les États généraux du sport de haut niveau, que vous avez lancés le 3 octobre dernier, monsieur le secrétaire d’État, dans le contexte de la candidature olympique de Paris pour 2024 et dans la continuité des jeux Olympiques de Rio.
Vous souhaitez une réflexion approfondie sur les moyens de capitaliser sur les bons résultats des précédents jeux et d’engager dès à présent la génération sportive de 2024 vers la voie de l’excellence olympique et paralympique.
La proposition de loi dont nous débattons trouve son inspiration dans les travaux, de qualité, menés par la Grande Conférence sur le sport professionnel français.
Toutes les recommandations n’ont pu être retenues. Le calendrier parlementaire ne permettait pas de mettre l’ensemble des dispositions sur l’établi législatif, sauf à courir le risque de ne jamais voir cette proposition de loi adoptée avant la fin de la session. C’est pourquoi le choix du pragmatisme a été fait, choix que je partage.
En définitive, nos débats préparatoires ont été fructueux. Ils ont permis l’élaboration d’un texte déjà bien avancé à l’issue de son examen en commission.
Bien entendu, j’ai aussi quelques propositions à vous soumettre, mes chers collègues, et j’espère que les quelques ajustements que je vous proposerai au nom du groupe socialiste et républicain vous sembleront utiles et pertinents.
Une charte d’éthique et de déontologie devra être élaborée, dans le respect des principes définis par le Comité national olympique et sportif français, le CNOSF. Le suivi de son application sera confié à un comité, ce qui nous renvoie à l’importance des décrets d’application de ce texte et aux modifications du code du sport. Ainsi la composition de ce comité sera-t-elle primordiale.
Cette charte offrira une nouvelle occasion aux acteurs concernés de se fédérer autour d’un humanisme du sport, guidé par les principes d’autonomie, d’unité et de solidarité. Son efficience résidera dans une bonne articulation des différents pouvoirs : associatif, politique, économique, médiatique. Ne pourrait-on pas dire, paraphrasant Boileau, que la force et la puissance ne doivent pas servir de droit et d’équité ?
Inspirée des vertus véhiculées par ce phénomène social et culturel qu’est le sport, cette charte trouvera enfin ses déclinaisons concrètes à travers, notamment, les conventions d’objectifs et de moyens liant l’État et les fédérations délégataires. Elle devra les inspirer. Voilà sans doute une opportunité pour leur donner un rayonnement accru.
Le sport doit se montrer irréprochable s’il veut justifier l’autonomie qu’il revendique, une autonomie qui doit être, non pas exclusive, mais discutée avec les autorités publiques.
Dans certaines disciplines, comme le ski, la voile, la course automobile ou le cyclisme, la compétition est le banc d’essai de technologies de pointe, qui se diffusent ensuite dans les produits de consommation courante. En ce sens, le sport est aussi devenu une vitrine technologique.
Mais, parfois, l’accélération du progrès technique est mise au service de la tricherie, d’où l’article 2 de la proposition de loi.
Les articles 2 et 3 visent à renforcer la lutte contre la manipulation des compétitions sportives.
Cette volonté est devenue nécessité. En effet, les trois fléaux les plus souvent mentionnés dans les menaces pesant sur l’équité de la compétition et le bon déroulement des épreuves sont le dopage, la violence et la corruption. La seule réponse possible face à ces comportements « transgressifs » relève de la loi.
Comme rapporteur, en 2010, du projet de loi relatif à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, j’avais défendu un certain nombre d’interdictions, dont la pertinence, à mes yeux, demeure d’actualité.
Je pense notamment à l’interdiction des paris sur les phases de jeu ou sur les compétitions de football amateur, l’interdiction de prises de paris en ligne pour l’ensemble des acteurs de la chaîne d’une compétition sportive ou d’une course hippique dont les résultats font l’objet de paris ou jeux en ligne, ou bien encore l’interdiction aux opérateurs d’effectuer des opérations de parrainage ou de sponsoring sur un événement sportif pour lequel ils proposent des paris ou jeux en ligne.
Ce sont là autant de sujets qui mériteraient débat, mais nous éloigneraient de la proposition de loi que nous examinons. Toutefois, je souhaiterais que l’on puisse, un jour, conférer une réelle assise législative à la notion de « manipulation sportive » et que l’on conforte le rôle de l’Autorité de régulation des jeux en ligne, l’ARJEL.
C’est précisément l’objet d’un des amendements déposés. Nous rejoignons ainsi les propos de Denis Masseglia, président du CNOSF, quand il écrit que, « manifestement, la possibilité de corruption par les paris est plus importante que par le dopage ».
Par ailleurs, la proposition de loi tend à lier un renforcement du contrôle financier de l’activité des agents sportifs à un élargissement des prérogatives des DNCG, organismes ayant fait la preuve de leur expertise et de leur efficacité. Puisse cette nouveauté lever les suspicions pesant sur le marché des transferts, où l’opacité prévaut trop souvent.
La puissance publique s’efforce de moraliser les conséquences, souvent regrettables, de l’arrêt Bosman, qui a institué, en 1995, la liberté de circulation des joueurs professionnels au sein de l’Union européenne, ouvrant la voie à une libéralisation à outrance, souvent pénalisante pour les clubs formateurs.
On a coutume de dire que les Anglais inventèrent le sport et que les Français l’organisèrent. C’est juste : les plus grandes compétitions internationales – jeux Olympiques, coupe du monde de football, tour de France cycliste – furent des créations hexagonales. Nous devons nous montrer tout aussi innovants dans la recherche d’attractivité et de compétitivité de nos clubs, indépendamment des disciplines concernées.
Je forme le souhait que les avancées permises par cette proposition de loi quant au fonctionnement du sport professionnel bénéficient également au sport amateur, en vertu de l’indispensable lien de solidarité qui doit les unir.
Les résultats d’exploitation des clubs professionnels traduisent leur fragilité. Sur la saison 2014-2015, par exemple, la perte nette s’élève à 56 millions d’euros pour la Ligue 1 de football, 17 millions d’euros pour le Top 14 de rugby ou bien encore 1, 5 million d’euros pour la Pro A de basket. Ces résultats interviennent après usage des artifices habituels, le recours aux actionnaires, le soutien des collectivités, ou bien encore les recettes provenant des transferts de joueurs.
Les difficultés rencontrées par de nombreux clubs, leur sous-capitalisation, le manque d’implication de partenaires privés, leur dépendance vis-à-vis du soutien, direct ou indirect, des collectivités territoriales ou des droits de transmission télévisuelle, la concurrence redoutable des clubs et pays comparables aux nôtres, entre autres éléments, conduisent à une réflexion approfondie sur le modèle économique de ces clubs.
On voit bien se dégager une tendance : la nécessité de rendre les clubs plus autonomes dans leurs décisions, en particulier par la maîtrise, voire la propriété des enceintes sportives inhérentes à leur activité.
Des mesures sont prévues à cet effet, mais leur mise en œuvre ne saurait se traduire par un grignotage de la souveraineté des élus.
À ce sujet, je note la réelle méfiance exprimée par l’Association des maires de France, l’AMF, et par l’Association nationale des élus en charge du sport, l’ANDES, quant à la volonté de favoriser la propriété des enceintes sportives par les clubs professionnels. Il faudra donc faire preuve de pédagogie, notamment sur la nouvelle formule de partenariat public-privé que vous avez évoquée, monsieur le secrétaire d’État ; nous vous soutiendrons dans cet effort de pédagogie.
Il est essentiel de responsabiliser les collectivités, mais en leur laissant le libre choix des relations qu’elles entendent déployer avec les clubs professionnels de leur territoire, dans un contexte de rationalisation des finances publiques.
Par ailleurs, il nous faudra aller plus loin dans les impulsions destinées à inciter les initiatives privées, y compris en matière d’enceintes. En Angleterre, sur les vingt clubs de Premier League, dix-huit sont propriétaires de leur stade.
Je me félicite en outre de la réécriture de l’article 7 de la proposition de loi, qui tend à introduire une possibilité de rémunération de l’image du sportif professionnel au moyen d’une redevance.
L’article 8 vise à donner la possibilité aux fédérations de salarier les arbitres et les juges professionnels, sans revenir sur leur indépendance. Ainsi le recours à un contrat de travail à durée déterminée spécifique est maintenant possible. Il s’agit d’une simple option ouverte aux fédérations, qui peuvent, si elles le souhaitent, s’en emparer. C’est un nouvel outil mis à leur destination, offrant plus de souplesse, et non une nouvelle contrainte.
S’agissant de la féminisation du sport, l’article 9 a pour objet de créer une conférence permanente sur le sport féminin. Sur ce point, la proposition de loi va au-delà des conclusions de la Grande Conférence sur le sport professionnel français. Il s’agit, non plus seulement de consacrer les réflexions à la seule médiatisation du sport féminin, mais également de définir les axes de son développement.
Mais, soyons réalistes, mes chers collègues, pour être efficace, la lutte pour l’équité sportive doit être internationale. Le sport étant devenu l’archétype de la mondialisation, sa régulation doit être appréhendée de façon planétaire et, en premier lieu, à l’échelle européenne, afin que le comportement vertueux de quelques pays ne les handicape pas dans un système fortement concurrentiel.
La création de l’Agence mondiale antidopage constitue un exemple à suivre dans cette lutte contre les atteintes à l’intégrité du sport.
Il est grand temps que l’Union européenne traduise dans les faits la spécificité sportive qu’elle reconnaît dans le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Ce texte affirme effectivement, dans son article 165, que l’Union vise à « développer la dimension européenne du sport, en promouvant l’équité et l’ouverture dans les compétitions sportives et la coopération entre les organismes responsables du sport, ainsi qu’en protégeant l’intégrité physique et morale des sportifs, notamment des plus jeunes d’entre eux ».