Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer l’heureuse initiative des auteurs de cette proposition de loi, Jacqueline Gouraud et Mathieu Darnaud, qui se sont saisis d’un problème d’actualité apparu lors des travaux actuels de composition des organes délibérants des communautés de communes et d’agglomération.
En effet, au 1er janvier 2017, à l’issue de la procédure de révision des schémas départementaux de coopération intercommunale prescrite par la loi NOTRe, la France comptera environ 1 200 communautés de communes et d’agglomération.
Si la répartition des sièges au sein des organes délibérants de ces intercommunalités se fait en principe en fonction de la population de l’établissement public de coopération intercommunale et de celle de ses communes membres, ces dernières ont, conformément à la loi du 9 mars 2015 autorisant l’accord local de répartition des sièges de conseiller communautaire, la faculté de conclure entre elles un accord pour l’attribution à chacune d’un nombre de sièges plus important.
Je rappelle que ces dispositions visaient à réparer les conséquences de la non-conformité à la Constitution des dispositions antérieures résultant de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales. Le Conseil constitutionnel avait en effet considéré que l’accord local sur la répartition des sièges, en ce qu’il n’était que « tenu compte » de la population, méconnaissait le principe d’égalité devant le suffrage en tant qu’il permettait de déroger au principe général de proportionnalité démographique dans une mesure manifestement disproportionnée. Le dispositif adopté en 2015 a, quant à lui, été validé par le Conseil constitutionnel.
Toutefois, dans un grand nombre de cas – évalué par la Direction générale des collectivités locales, la DGCL, à environ 50 % du total des intercommunalités –, les critères définis dans ce dispositif ne permettent pas de conclure un accord local positif. Concrètement, pour environ 600 EPCI, le nombre de sièges à répartir entre les communes serait inférieur au nombre de sièges disponibles prévu par le droit commun faute d’un nombre suffisant de sièges à répartir. En outre, pour 24 EPCI, aucun accord, positif ou non, ne pourrait être dessiné.
Ainsi, la variété des situations inscrites dans les cartes intercommunales, les larges disparités de population entre les communes, les configurations nombreuses de peuplement, les spécificités diverses des territoires conduisent souvent à l’interdiction mathématique de dessiner par accord la composition des futurs conseils communautaires. La proposition de loi déposée par nos deux collègues vise donc à remédier à cette difficulté mathématique.
La commission des lois s’est inscrite dans leur démarche en reconnaissant cependant qu’il est tout à fait impossible – Mme Gourault l’a souligné – de résoudre totalement ce problème en raison, d’une part, des contraintes constitutionnelles et, d’autre part, de la nécessité de préserver le fonctionnement des organes délibérants des communautés.
Dans ce cadre contraint, nous avons donc procédé aux ajustements possibles, qui consistent en un gonflement raisonnable et plafonné du panier de sièges à répartir par la voie de l’accord local. Néanmoins, cela permettra de régler dans des proportions non négligeables le problème soulevé.
La proposition de loi comportait à l’origine deux articles, tous deux destinés à « renforcer l’égalité des collectivités devant le droit », à favoriser la mise en place des nouvelles intercommunalités et à faciliter leur fonctionnement.
Ainsi, l’article 1er du texte de la commission prévoit une majoration plafonnée de l’effectif du conseil communautaire pour permettre la conclusion d’un accord local positif. La recherche d’un tel accord peut, dans certains cas, nécessiter la création de plusieurs dizaines de sièges supplémentaires en raison de l’effectif et de la situation démographique de la communauté considérée.
Cet exercice aboutirait à la composition d’organes délibérants pléthoriques, à la gouvernance difficile. Ce risque existe déjà dans de nombreux périmètres résultant des schémas départementaux de coopération intercommunale révisés, en raison du nombre très élevé des communes regroupées. Il convient surtout de ne pas l’aggraver…
Nous avons donc introduit un double plafond qui tient compte de la diversité de composition des intercommunalités. Vous avez été attentifs, je le sais, aux très bonnes explications de Mme Gourault, mais le mécanisme étant compliqué, je vous l’expose à nouveau.
Ainsi, le taux d’augmentation de 25 %, prévu par l’accord local, pourrait être porté au maximum à 45 %, en limitant cependant, dans tous les cas, à dix sièges le surplus de sièges créés par cette disposition, et ce lorsque l’application du mécanisme élaboré par la loi du 9 mars 2015 ne permet pas de répartir plus de sièges que le droit commun.
Cette mesure permettrait, selon les simulations de la DGCL, de résoudre 40 % des blocages et donc de porter de 50 % à 70 % la proportion d’intercommunalités pour lesquelles un accord local positif serait possible ; ce n’est pas négligeable.
L’article 2 a été adopté sans modification. Je ne m’y étends pas, Mme Gourault l’a bien présenté ; il s’agit, sans augmenter l’enveloppe indemnitaire globale, de verser une indemnité aux conseillers disposant d’une délégation et membres du bureau de l’intercommunalité.
Nous avons, en outre, complété le texte par cinq mesures destinées à simplifier le fonctionnement des intercommunalités et à clarifier les compétences, mettant ainsi un terme à des divergences d’interprétation dans le respect de l’intention du législateur.
L’article 3 reporte du 31 mars au 30 avril 2017 la date limite d’adoption du budget des intercommunalités créées au 1er janvier 2017.
L’article 4 unifie le régime de la suppléance en l’élargissant aux communautés urbaines et aux métropoles. Aujourd’hui, en effet, seules disposent d’un conseiller suppléant les communes d’une communauté de communes ou d’agglomération dotées d’un siège unique. Ce conseiller peut participer avec voix délibérative aux réunions de l’organe délibérant en cas d’absence du conseiller titulaire.
L’article 5 clarifie la compétence intercommunale en matière de développement économique. Alors que les communautés s’impliquaient de plus en plus dans des politiques de revitalisation du commerce, le législateur a souhaité, dans le cadre de la loi NOTRe, promouvoir le dynamisme du commerce de proximité en permettant à l’intercommunalité et à ses communes membres de se répartir les mesures de soutien aux activités commerciales locales.
Or la formulation de la compétence telle qu’elle figure dans cette loi donne lieu à des interprétations divergentes, certains considérant que l’intérêt communautaire porte non seulement sur le soutien aux activités commerciales, mais également sur la définition de la politique locale du commerce.
Cet article limite donc expressément l’intérêt communautaire aux actions de soutien aux activités commerciales sans qu’il s’applique à la politique locale du commerce, qui relève pleinement de l’intercommunalité, afin de définir une politique cohérente sur l’ensemble du périmètre communautaire.
L’article 6 clarifie les modalités de détermination de la majorité requise pour définir l’intérêt communautaire des compétences exercées par les EPCI à fiscalité propre en lieu et place de leurs communes membres.
L’article 81 de la loi NOTRe résultait de l’accord intervenu en commission mixte paritaire sur le principe voté par l’Assemblée nationale en deuxième lecture : les deux tiers des suffrages exprimés. Néanmoins, l’imprécision de la rédaction correspondante soulève des divergences de lecture ; l’article 6 y remédie donc en fondant expressément le calcul de la majorité requise sur les suffrages exprimés au sein du conseil communautaire.
L’article 7, enfin, adopté sur l’initiative des auteurs de la proposition de loi, uniformise la procédure d’adhésion d’un EPCI à fiscalité propre à un syndicat mixte. Il aligne le régime d’adhésion d’une communauté de communes à un syndicat mixte sur celui qui est applicable aux autres catégories d’EPCI en supprimant la nécessité pour la communauté de recueillir l’accord de ses communes membres. Il s’agit ainsi de simplifier la procédure d’adhésion afin notamment de faciliter la réorganisation des compétences dans le cadre de la révision des cartes intercommunales.
En conséquence des dispositions précédemment adoptées, l’intitulé de la proposition de loi a été modifié ; elle tend désormais à faciliter « la mise en place et le fonctionnement des intercommunalités » plutôt que « la recomposition de la carte intercommunale ».
Enfin, lors de l’examen des articles, je vous présenterai un amendement visant à remédier à la censure par le Conseil constitutionnel, le 21 octobre dernier, de la procédure de rattachement à un EPCI d’une commune nouvelle issue de la fusion de communes appartenant à des intercommunalités distinctes et à réparer une malfaçon technique de la proposition de loi sur les communes associées adoptée hier par le Sénat.
La révision des schémas départementaux de coopération intercommunale prescrite par la loi NOTRe impose aux communes concernées un délai de trois mois à compter de l’arrêté préfectoral de périmètre, sans pouvoir dépasser le 16 décembre 2016, pour s’accorder sur la composition du conseil communautaire.
Aussi, à l’instar de ce qu’a fait M. le président Lenoir hier, j’appelle votre attention, monsieur le ministre, sur l’urgence qu’il y a à inscrire cette proposition de loi au calendrier des travaux de l’Assemblée nationale, si l’on veut la voir prospérer et obtenir un vote conforme permettant de débloquer rapidement nombre de situations délicates.