Intervention de Jean-Michel Baylet

Réunion du 26 octobre 2016 à 14h30
Recomposition de la carte intercommunale — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales :

Madame la présidente, madame la rapporteur, Catherine Di Folco, monsieur le président de la commission des lois, cher Philippe Bas, mesdames, messieurs les sénateurs, nous célébrerons dans quelques mois le vingt-cinquième anniversaire de la loi du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République, dite ATR. Je me souviens des difficultés, lorsque j’étais secrétaire d’État aux collectivités locales – Jean-Pierre Sueur, ici présent, qui m’a succédé à ce poste, s’en souvient aussi –, à faire aboutir ce texte, qui marqua pourtant le début de la dynamique intercommunale et qui a, sans conteste, été un puissant levier de la modernisation de notre organisation territoriale.

Au cours de ce quinquennat, le Gouvernement a de nouveau conduit une réforme d’envergure, qui a conforté et renforcé cet échelon, auquel, je le sais, nous sommes tous désormais attachés.

Une nouvelle carte intercommunale verra le jour dès le 1er janvier prochain. Les seuils démographiques adoptés par le Parlement contribueront à bâtir des ensembles intercommunaux disposant de capacités accrues d’action et d’ingénierie.

Partout, le travail de mise en place de ces nouvelles intercommunalités a commencé et un mouvement d’une telle ampleur nécessite bien sûr des ajustements, d’où notre débat de ce soir. Le Gouvernement en a, lui aussi, pleinement conscience et je mesure bien les évolutions importantes que peuvent entraîner une fusion ou une extension d’EPCI, que ce soit en matière de compétences, de budget, de fiscalité ou de ressources humaines.

Je tiens d’ailleurs à rendre hommage aux élus et aux agents des collectivités engagés dans ce délicat travail de mise en place des nouvelles communautés. Pour les accompagner, nous avons transmis aux préfets, depuis le mois de juin dernier, différentes circulaires.

D’autres adaptations viendront bien évidemment – dans le projet de loi de finances, dans le projet de loi de finances rectificative ou dans le cadre du projet de loi « Égalité et Citoyenneté » – afin d’apporter, partout où cela est nécessaire, encore plus de souplesse sur les questions d’urbanisme.

La proposition de loi que nous examinons ce soir aborde une autre question fondamentale pour les élus, celle de la gouvernance. À l’heure des recompositions de périmètre, les conseils communautaires vont nécessairement devoir évoluer, de même que, parfois, leurs exécutifs.

Certaines communes vont bénéficier de sièges supplémentaires tandis que d’autres verront leur nombre de représentants diminuer. Ces évolutions posent bien sûr de nombreuses difficultés. J’en sais moi-même quelque chose, étant en ce moment confronté, dans ma propre communauté de communes, à une recomposition du conseil communautaire en application de la jurisprudence du Conseil constitutionnel Commune de Salbris.

En effet à l’occasion de cette décision, le Conseil a affirmé que la répartition des sièges entre les communes devait refléter au mieux leur poids démographique tout en permettant de s’en écarter, mais de façon très limitée et très encadrée. Vos collègues Alain Richard et Jean-Pierre Sueur, dont je veux souligner l’engagement sur ces sujets complexes, ont alors traduit cette jurisprudence dans le droit positif.

Toutefois, certaines intercommunalités sont aujourd’hui, en application des textes, dans l’incapacité de recourir à un accord local. Cette inégalité de traitement doit donc être combattue en redonnant des capacités d’initiative aux élus. C’est précisément l’objet de la proposition de loi déposée par vos collègues Jacqueline Gourault et Mathieu Darnaud, et je tiens à les en remercier.

Je veux également saluer le travail de réécriture de l’article 1er réalisé par Mme la rapporteur et les membres de la commission des lois. Le système de double plafonnement va dans le bon sens et permet de ne pas modifier les règles de calcul du nombre de sièges. C’est en effet la pierre angulaire de la jurisprudence constitutionnelle.

Votre rapporteur proposera un amendement visant à préciser explicitement que les nouvelles modalités de répartition des sièges sont réservées aux intercommunalités ne pouvant faire jouer les dispositions actuellement en vigueur. La rédaction de cet amendement respecte bien l’esprit de la proposition de loi ; dès lors, le Gouvernement y sera favorable.

Par ailleurs, le Gouvernement souhaite profiter de ce texte pour tirer les conséquences de la décision récente du Conseil constitutionnel Communauté de communes des sources du lac d’Annecy et autre, qui censure la procédure aujourd’hui en vigueur pour déterminer à quelle intercommunalité à fiscalité propre doit être rattachée une commune nouvelle formée de communes historiques appartenant à des communautés différentes. Un amendement de Mme la rapporteur tend à répondre à cette difficulté.

Toutefois, je vous proposerai quelques améliorations destinées à sécuriser davantage le dispositif pour ne pas subir de nouveau les difficultés constitutionnelles qui nous occupent – nous aurons l’occasion d’y revenir au cours de nos débats.

Au-delà, votre commission a adopté différents amendements afin de mieux accompagner la mise en œuvre de la réforme intercommunale ; je note d’ailleurs que le texte s’intitule désormais « proposition de loi tendant à faciliter la mise en place et le fonctionnement des intercommunalités ».

Nous aurons l’occasion tout à l’heure d’aborder dans le détail les nouvelles dispositions votées en commission ainsi que les amendements complémentaires déposés en vue de l’examen du texte en séance, mais sachez d'ores et déjà, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Gouvernement veut se montrer ouvert aux mesures tendant à simplifier le fonctionnement des collectivités. La commission des lois a d’ailleurs adopté plusieurs dispositions qui me paraissent pertinentes.

Il en est ainsi du report d’un mois du vote du budget ou des précisions utiles apportées aux conditions de majorité qualifiée pour déterminer l’intérêt communautaire. Il serait désormais explicitement indiqué que le vote doit recueillir les deux tiers des suffrages exprimés, et non les deux tiers des voix des membres du conseil communautaire.

De même, le Gouvernement ne s’opposera pas à la possibilité de désigner un conseiller suppléant qui serait désormais offerte aux communes membres d’une communauté urbaine ou d’une métropole et ne disposant que d’un seul siège.

Enfin, votre commission des lois a adopté sans modification l’article 2, relatif à l’indemnisation des conseillers communautaires délégués. Cet article prévoit de faire bénéficier les communautés de communes des mêmes dispositions que celles qui sont en vigueur dans les autres catégories d’établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. Cette mesure me semble opportune, sous réserve explicite de rester dans l’enveloppe globale indemnitaire, en particulier pour les vice-présidents qui perdraient leur fonction et l’indemnité afférente.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je sais, pour connaître un peu l’institution sénatoriale, que les débats seront de qualité. Peut-être seront-ils rapides… En tout état de cause, le texte qui en découlera est attendu par les élus de terrain, notamment s’agissant de la question des accords locaux.

Ainsi, sous réserve de l’adoption de l’amendement de Mme la rapporteur à l’article 1er et de l’amendement gouvernemental relatif au rattachement d’une commune nouvelle, le Gouvernement est ouvert à la discussion de toutes les propositions qui permettront de faciliter le fonctionnement des nouvelles intercommunalités et, ce faisant, la vie des élus.

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