Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avec les membres du groupe communiste républicain et citoyen, j’ai déposé, le 14 mars dernier, une proposition de loi visant à garantir la mixité sociale aux abords des gares du Grand Paris Express.
Nous définissons, par le biais de ce texte, une règle simple : dans toute construction nouvelle de plus de 12 logements ou de plus de 800 mètres carrés de surface habitable et située dans un périmètre de 400 mètres autour des nouvelles gares, la proportion de logements locatifs sociaux devra être, au minimum, de 30 %.
Il ne s’agit pas de chambouler les normes existantes, puisque cet objectif de 30 % de logements sociaux est déjà affirmé par le schéma directeur de la région Île-de-France, le SDRIF, approuvé par l’État et la région.
Nous proposons simplement de resserrer cette obligation sur un périmètre aux enjeux spécifiques et dans un contexte particulier de reconstruction de « la ville sur la ville ».
Cette proposition de loi arrive à point nommé. Les travaux du premier kilomètre du Grand Paris Express ont été inaugurés le 4 juin dernier à Clamart, sur la ligne 15 sud, lançant ce projet de transport inédit qui ouvre de nouvelles mobilités de banlieue à banlieue.
Ce projet structurant de 200 kilomètres, 4 nouvelles lignes, 68 gares, 22 milliards d’euros d’investissement, duquel découleront 10 000 à 15 000 emplois directs par an, va changer profondément l’image de la métropole et de la région, comme en leur temps les grands travaux du baron Haussmann.
Ce projet entraîne donc une refonte très importante des politiques d’aménagement à tout niveau. La Société du Grand Paris, la SGP, s’est d’ailleurs vu confier un rôle d’aménageur.
Or, au-delà des questions institutionnelles, l’intérêt de cette métropolisation reste encore extrêmement flou pour bon nombre de nos concitoyens, qui ont du mal à saisir en quoi ces changements pourront leur être favorables.
Ces questionnements sont légitimes. En effet, alors que le droit à la mobilité sera, à l’évidence, renforcé par le Grand Paris Express, aucune assurance n’est donnée aujourd’hui sur la nature du développement urbain, qui accompagnera l’arrivée de ces gares. Cette question est laissée à la seule appréciation de la Société du Grand Paris et des élus, notamment dans le cadre des contrats de développement territorial.
Nous nous retrouvons, de fait, face à un paradoxe : une offre nouvelle de mobilité pourrait, par un renchérissement des prix de l’immobilier, contraindre à l’éloignement les catégories populaires, celles qui prennent justement le métro tous les jours. Prenons garde, ce projet contient donc intrinsèquement les germes de nouvelles ségrégations urbaines et sociales.
Or nous estimons qu’il est du ressort du législateur de définir les règles communes, qui permettront d’éviter ces écueils et de soumettre ce développement urbain à l’intérêt général. C’est l’objet de cette proposition de loi.
La situation n’est pas la même partout, à Aulnay-sous-Bois ou à Bagneux, à Créteil ou à Issy-les-Moulineaux. L’offre de logements n’est pas uniforme, certaines villes se plaçant en garantes du droit au logement, tandis que d’autres n’en font pas – pour le moins… – leur priorité. Les populations aussi sont diverses, et certaines des gares en cause sont situées dans des quartiers prioritaires de la politique de la ville.
Pour autant, nous considérons que les enjeux restent fondamentalement identiques. Comment cette nouvelle offre de transports va-t-elle s’articuler avec de nouveaux services pour les Franciliens ? Comment faire en sorte que les opérations d’aménagement urbain soient une opportunité pour répondre à la crise du logement et au besoin de renforcement du vivre ensemble ? Comment éviter de repousser toujours plus loin du centre urbain les populations les plus fragiles ? Finalement, comment construire une métropole inclusive et non ségrégative ?
Si, aujourd’hui, certaines villes disposent déjà d’un fort taux de logements sociaux, il n’est pas assuré que les nouveaux projets permettront aux habitants de rester sur place.
La situation de La Courneuve a été citée lors de l’examen du texte en commission. La rapporteur s’est félicitée de la nature des projets sur ce territoire, notamment de leur diversité, projets qui assurent, selon elle, l’équilibre financier l’opération. Or la question n’est pas seulement financière, elle est également sociale !
Je vous rappelle d’ailleurs que, précisément à La Courneuve, le taux de demandeurs de logement reste élevé, avec 2 600 demandes non satisfaites, et que seules 485 attributions se font chaque année, tout cela malgré le fort taux de logements sociaux et la volonté municipale.
Les projets urbains des villes considérées, adossés à l’arrivée des nouvelles gares, doivent donc contribuer à répondre à la demande sociale dans sa diversité.
Pourquoi ne pas conjuguer des parcours résidentiels variés, alliant accession sociale et offre locative sociale ? Avec un taux de 30 %, nous proposons un équilibre permettant justement, pour les 70 % restants, de produire une offre différente de logements : locatif privé, accession sociale…
Nous avons, initialement, exclu les logements financés par le biais du PLS – le prêt locatif social – du décompte des 30 %, en raison du montant des loyers, mais nous sommes prêts à modifier notre proposition de loi pour les y réintégrer, si cela pouvait conduire à l’adoption de ce texte.
Fondamentalement, nous estimons que les élus doivent avoir les moyens, y compris légaux, de protéger leur ville de l’appétit des promoteurs pour assurer les équilibres sociaux et territoriaux. Or les collectivités, du fait notamment de la réduction du financement des politiques publiques et de la baisse des dotations, encore accentuées dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017, voient leurs capacités d’intervention limitées, notamment au travers d’outils comme la préemption ou la création de zones d’aménagement concerté.
Que certains territoires ou villes, comme Plaine Commune, Bagneux, ou encore Vitry-sur-Seine, aient pu aller plus loin, en imposant aux promoteurs une charte anti-spéculation, démontrant par là même qu’il est possible de sortir de terre des logements à des prix abordables, quelle gageure ! Nous regrettons d’ailleurs que le préfet de région refuse ces démarches utiles et nécessaires.
On nous parle aujourd’hui du rôle que pourrait tenir le « grand établissement public foncier » pour réguler et aider la production de logements sociaux. Nous sommes favorables à cette mesure, mais cet établissement ne fait que du portage pour les collectivités. Il faut donc une demande de la part de celles-ci. Or certains maires, à l’instar de la nouvelle majorité régionale, veulent profiter de ces mutations urbaines pour transformer la population et l’image de la ville, où les promoteurs sont accueillis à bras ouverts, afin de chasser les classes populaires.
Une telle attitude est consternante, alors que l’on dénombre plus de 672 000 demandes de logement social en Île-de-France pour seulement 82 418 attributions par an, soit un logement attribué pour huit demandes. À l’échelle de l’Île-de-France, l’ancienneté moyenne des demandes est de 31 mois !
Ainsi, construire des logements sociaux dans les centres urbains, donc dans le périmètre des gares qui deviendront, si elles ne le sont pas déjà, des centres urbains, est un enjeu fondamental pour faire respecter les droits de nos concitoyens.
D’ailleurs, la loi relative au Grand Paris comporte elle-même l’objectif de 70 000 constructions nouvelles par an, lequel est également affirmé par le SDRIF. Pour autant, cet objectif n’est toujours pas atteint !
Il est par conséquent indispensable que le développement urbain autour des gares contribue à répondre à la crise du logement. Il s’agit également d’une opportunité pour engager un nécessaire rééquilibrage entre l’Est et l’Ouest en matière d’offre de logements, alors que, aujourd’hui, les bureaux sont plutôt situés à l’Ouest et les logements à l’Est