Intervention de Sophie Primas

Réunion du 27 octobre 2016 à 15h00
Mixité sociale aux abords des gares du grand paris express — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Sophie PrimasSophie Primas, rapporteur de la commission des affaires économiques :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Grand Paris est un projet urbain, social et économique qui touche à de multiples domaines, dont le logement. Il s’appuie sur la création d’un réseau de transport public de voyageurs – le Grand Paris Express – qui comprend 68 gares et sur des contrats de développement territorial.

En matière de logement, la loi relative au Grand Paris a fixé un objectif de construction de 70 000 unités. La répartition territoriale de ces constructions a été précisée dans les documents de planification ou de contractualisation.

Le schéma directeur de la région d’Île-de-France a été modifié en conséquence et a fixé la part de logements sociaux à atteindre, sur le parc, à 30 % d’ici à 2030.

Le schéma régional de l’habitat et de l’hébergement – SRHH – est, quant à lui, chargé de répartir plus finement l’effort de production de logements, y compris de ceux qui relèvent du secteur social, pour chaque EPCI.

Les contrats de développement territorial doivent également concourir à la réalisation de cet objectif.

En outre, au regard des enjeux liés aux emprises foncières qui pourraient se libérer et être utilisées pour construire des logements sociaux autour des gares considérées, la loi relative au Grand Paris précise que, dans les communes soumises aux obligations de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, ou loi SRU, les actions ou opérations d’aménagement et les projets d’infrastructures prévus autour de ces gares doivent comporter la réalisation de logements sociaux pour contribuer à l’atteinte des objectifs de construction.

J’en viens aux dispositions qui sont proposées dans le texte que nous examinons.

Il s’agit, en premier lieu, d’affirmer explicitement que les contrats de développement territorial contribuent à l’objectif de mixité sociale.

Mes chers collègues, c’est bien ce qui ressort des dispositions en vigueur : elles prévoient que ces contrats doivent concourir à la construction de logements « géographiquement et socialement » adaptés et qu’ils doivent indiquer le nombre de logements et le pourcentage de logements sociaux à réaliser sur les territoires concernés. Les ajouts proposés ne nous paraissent donc pas nécessaires.

Je souhaite surtout insister sur la seconde proposition qui nous est soumise, à savoir obliger toute opération de construction d’immeuble collectif de plus de 12 logements ou de plus de 800 mètres carrés de surface de plancher, se situant dans un périmètre de 400 mètres autour des gares nouvelles du Grand Paris, à comprendre au moins 30 % de logements locatifs sociaux, hors logements financés avec un prêt locatif social.

Si je peux comprendre les craintes de mes collègues quant à une éventuelle spéculation foncière ou au risque de ne construire, dans ces périmètres, que des logements haut de gamme ou des bureaux, il me semble, cependant, que la réponse proposée n’est pas adaptée et pourrait même, dans certains cas, produire l’effet inverse de celui qui est recherché.

Tout d’abord, le dispositif envisagé est très contraignant. Très proche de celui qui est prévu pour les communes carencées en application de la loi SRU, il s’en distingue néanmoins sur deux aspects.

D’une part, il ne différencie pas les périmètres des gares du Grand Paris Express situés dans une commune carencée des autres. De fait, il conduit à appliquer à tous les quartiers autour de ces gares des dispositions actuellement prévues, à titre de sanction, pour les communes carencées.

D’autre part, ce dispositif ne reprend pas la possibilité pour l’État de déroger à cette règle, sur demande motivée de la commune, afin de tenir compte de la typologie des logements situés à proximité de l’opération. Il conduit donc à une différence de traitement entre quartiers d’une commune carencée : dans le périmètre des gares, la commune ne pourra pas tenir compte de la typologie des logements situés à proximité de l’opération, tandis qu’elle pourra le faire sur le reste de son territoire.

En ne permettant aucune dérogation, le dispositif proposé pourrait, dans certains cas, se révéler contraire à l’objectif poursuivi par mes collègues et ne pas favoriser la mixité sociale, que nous appelons tous de nos vœux.

En effet, seuls 25 périmètres de gare comptent moins de 25 % de logements sociaux. Dans les autres, le taux varie entre 25 % et 83 %. Ainsi, la mesure suggérée amènerait à augmenter le nombre de logements sociaux dans le périmètre des gares dans lequel le nombre de logements sociaux est déjà très élevé, comme autour de la gare d’Aulnay-sous-Bois qui compte 83 % de logements sociaux, ou de celle du Vert de Maisons, qui en compte 59 %.

De même, les dispositions de la proposition de loi conduiraient à augmenter le nombre de logements sociaux à l’intérieur du périmètre de gares situé dans des quartiers prioritaires de la politique de la ville ou à proximité. Tel serait le cas des gares de Clichy-Montfermeil et de Chevilly « Trois communes ».

Or la présence de ces gares à proximité de quartiers prioritaires de la politique de la ville est une chance pour désenclaver ces quartiers. Ajouter de nouveaux logements sociaux, en particulier des logements financés par des prêts locatifs aidés d’intégration et des prêts locatifs à usage social ayant vocation à accueillir les demandeurs aux revenus très modestes, est en contradiction avec l’objectif de mixité sociale, donc avec le titre même de la présente proposition de loi… Il me semble, au contraire, que la construction de logements locatifs intermédiaires ou en accession sociale à la propriété doit être privilégiée dans ces zones.

En outre, la mesure proposée pourrait ne pas permettre la réalisation de logements. En effet, lorsque la Société du Grand Paris est maître d’ouvrage, l’opération foncière doit être équilibrée sur le plan financier. Ses représentants m’ont donné l’exemple du projet de construction de 120 logements à La Courneuve, qui ne verrait pas le jour, si cette disposition était adoptée.

Par son caractère uniforme, cette mesure est en contradiction avec les dispositions en vigueur, qui privilégient l’adaptation aux réalités locales par le biais du SDRIF, du SRHH et des contrats de développement territorial.

Les élus connaissent leur territoire et sont donc les mieux à même de proposer des aménagements urbains, qui permettront de garantir la mixité sociale. Les choix opérés par trois communes pour des opérations en cours de réalisation autour de leur gare le montrent clairement. Ainsi, à Créteil, la commune a choisi de ne pas construire de logements sociaux dans ce périmètre ; à Bagneux, la commune a préféré privilégier l’accession sociale maîtrisée à la propriété et limiter le taux de logements sociaux à 20 % ; enfin, à Issy-les-Moulineaux, une opération mixte de logements privés et sociaux a été décidée, la commune n’ayant pas atteint le taux requis de logements sociaux.

S’il est vrai que nous n’atteignons pas encore l’objectif de 70 000 logements, je ne pense pas toutefois que la disposition proposée par mes collègues soit une solution adaptée.

Cependant, nous devons rester attentifs à deux aspects : la construction de bureaux et les phénomènes de spéculation foncière.

Bien que la mixité sociale et fonctionnelle, c’est-à-dire la création de bureaux et de logements, soit régulièrement appelée de nos vœux, nous devons en surveiller les effets. Les représentants de la Société du Grand Paris m’ont indiqué être attentifs aux projets de construction de bureaux dans les périmètres des gares du Grand Paris Express. Il s’agit d’éviter des effets de vases communicants entre villes d’Île-de-France qui conduiraient à édifier des bureaux sans considération des besoins, et par conséquent à créer de la vacance sur d’autres sites.

Par ailleurs, mes collègues ont mis en avant la question de la spéculation foncière dans les périmètres de ces gares. C’est une question légitime, qu’ont d’ailleurs soulevée les membres du comité stratégique de la Société du Grand Paris qui regroupe notamment les maires de toutes les communes desservies par le futur réseau de transport.

Pour répondre à leur demande, un observatoire chargé d’analyser les variations des prix de tous les types de biens fonciers et immobiliers aux abords des gares du Grand Paris Express a été mis en place, afin que les élus, les décideurs et le public puissent disposer d’informations régulières sur l’évolution des valeurs foncières et immobilières dans ces quartiers.

Les premiers résultats de cette analyse révèlent que le projet du Grand Paris Express n’a pas influé, pour le moment – j’en suis bien d’accord ! –, sur le prix des transactions. Je souligne tout de même qu’assez peu de propriétaires habitent ces quartiers et sont donc concernés par la gêne liée aux travaux, dont M. Favier a parlé.

J’ajoute que l’établissement public foncier d’Île-de-France a élaboré une nouvelle stratégie, par laquelle il s’engage à augmenter de 25 % ses acquisitions, en priorité autour des grands projets d’infrastructures comme le Grand Paris Express, et à vendre, désormais, les terrains acquis à prix coûtant, ce qui devrait en particulier contribuer à maîtriser la spéculation foncière dans les périmètres des gares du Grand Paris Express.

Mes chers collègues, pour l’ensemble des raisons que je viens d’évoquer, la commission des affaires économiques vous propose de ne pas adopter la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui.

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