Monsieur le président, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais, avant toute chose, vous dire l’importance que revêt, à mes yeux, le sujet dont nous traitons ce jour et vous remercier de contribuer, à travers cette proposition de loi, à en assurer la présence au cœur du débat public.
Favoriser la mixité dans l’ensemble des territoires, y compris les cœurs urbains, à rebours des logiques de ségrégation qui minent la cohésion sociale dans notre pays, est, vous le savez, un objectif prioritaire du Gouvernement. Et parce que les politiques du logement et de l’aménagement sont des leviers majeurs pour y parvenir, c’est un axe essentiel de mon action, en tant que ministre du logement et de l’habitat durable.
Cet objectif, nous le partageons et il appelle, plus que jamais, notre mobilisation commune.
La mixité sociale est toujours un combat, puisqu’elle se heurte, au final, aux intérêts de celles et ceux qu’animent la tentation de l’entre-soi, comme de la spéculation foncière. Et elle l’est plus que jamais aujourd’hui, comme nous avons pu le constater lors de la récente discussion dans cette enceinte du projet de loi Égalité et citoyenneté et comme le laissent augurer certaines propositions qui sont faites en la matière en ce moment…
Ce combat, je continuerai de le mener et je sais gré à toutes les bonnes volontés qui s’y engagent.
Je suis d’autant plus heureuse de débattre avec vous aujourd’hui de ce point que la présente proposition de loi porte sur l’aménagement du Grand Paris, un sujet qui m’est cher et que je connais tout particulièrement en tant qu’élue de ce territoire. Avec un certain nombre d’entre vous, je soutiens, depuis longtemps, le désenclavement, comme l’amélioration de l’accès à des transports publics de qualité.
Le Grand Paris constitue, vous le savez, un territoire qui joue un rôle très important à l’échelon national, mais dont les déséquilibres internes sont très forts, en particulier en matière de richesse, d’enclavement ou d’activité économique, autant d’enjeux stratégiques en termes de mixité sociale.
Le texte que le Sénat examine ce jour vise ainsi à modifier la loi relative au Grand Paris, afin d’imposer, dans toute construction nouvelle de plus de 12 logements ou de plus de 800 mètres carrés de surface de plancher située dans un périmètre de 400 mètres autour des gares, une proportion de logements locatifs sociaux d’au moins 30 %.
S’agissant, comme je l’ai dit, d’un objectif partagé et d’un enjeu stratégique, il nous revient, plus que jamais, de mener notre travail d’élaboration de la loi au regard d’un critère principal : la proposition de loi dont nous débattons permettra-t-elle de faire mieux au service de cet objectif ? Est-elle utile au regard de l’arsenal législatif existant ? Est-elle pertinente du point de vue de ses modalités et efficace au regard des spécificités de son champ d’application ? C’est au prisme de cette grille d’analyse que je veux l’examiner avec vous.
Comme vous le savez, la loi du 3 juin 2010 définit le Grand Paris comme un « projet urbain, social et économique d’intérêt national qui […] promeut le développement économique durable, solidaire et créateur d’emplois de la région capitale. »
Toujours aux termes de cette loi, « ce projet s’appuie sur la création d’un réseau de transport public de voyageurs, dont le financement des infrastructures est assuré par l’État.
« Ce réseau s’articule autour de contrats de développement territorial définis et réalisés conjointement par l’État, les communes et leurs groupements. Ces contrats participent à l’objectif de construire chaque année 70 000 logements géographiquement et socialement adaptés en Île-de-France et contribuent à la maîtrise de l’étalement urbain. »
L’exposé des motifs de votre proposition de loi, monsieur Favier, rappelle vos inquiétudes et incertitudes quant à la réalisation de cet objectif de 70 000 logements par an. Je profite de notre débat pour vous rassurer sur ce point, car cet objectif a été atteint cette année, pour la première fois. En effet, à la fin février et sur les douze mois précédents, 75 000 logements ont été autorisés en Île-de-France.
Par ailleurs, un objectif élevé a été fixé en termes de logements sociaux et le schéma directeur de la région d’Île-de-France l’a effectivement intégré : il s’établit à 30 %. En 2015, cet objectif a été atteint, puisque 30 101 logements sociaux ont été agréés.
Je peux aussi vous annoncer que nous dépasserons les objectifs cette année, en ce qui concerne tant les 70 000 logements construits que la part de logements sociaux. En la matière existe en Ile-de-France une forte dynamique.
Je partage pleinement, vous le savez, l’objectif de production de logements abordables et accessibles à tous sur l’ensemble des territoires, notamment en Île-de-France, région qui connaît des phénomènes de cherté, de spéculation et, in fine, de grandes difficultés en matière d’accès au logement.
C’est pour cela que le SDRIF comme le futur schéma régional de l’habitat et de l’hébergement comportent des engagements liés à la territorialisation des politiques du logement, en particulier en faveur de logements abordables.
Or, à la lecture de la présente proposition de loi et si l’on considère la notion de « quartier de gare », il me semble que le périmètre adéquat, qui est d’ailleurs utilisé par l’observatoire des quartiers de gare du Grand Paris, est celui de 800 mètres, plutôt que celui de 400 mètres.
En outre, si l’on regarde de plus près le périmètre de chaque future gare du Grand Paris Express, on s’aperçoit très vite que nombre de ces territoires sont déjà très bien dotés en logements sociaux §et sont même parfois des lieux de concentration de tels logements.
Et, vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, parmi les futures gares, nombreuses sont celles qui seront installées sur des stations existantes, donc sur des territoires déjà bâtis. En effet, le tracé du Grand Paris Express et la localisation des nouvelles gares ont aussi été pensés pour désenclaver des quartiers d’habitat social, souvent dépourvus de transports publics rapides et de qualité. C’est justement ce qui a motivé la décision d’implanter des gares dans ces quartiers.
Permettez-moi de rappeler également que nombre de gares du Grand Paris Express seront implantées au cœur de quartiers prioritaires de la politique de ville qui bénéficient souvent d’un programme de rénovation urbaine. Je pense notamment aux gares de Clichy-Montfermeil, du Vert de Maisons, de Bagneux, de Sevran-Beaudottes, ou encore d’Aulnay-sous-Bois.
Je pose alors une question simple : doit-on continuer à construire plus de logements sociaux dans ces quartiers ou doit-on tendre vers un objectif de mixité sociale à l’échelle francilienne ?
De même, on s’aperçoit, à l’étude de ces quartiers de gare, que, lorsqu’il y a peu de logements sociaux, cela tient le plus souvent à la présence d’équipements spécifiques. Je pense en particulier aux zones aéroportuaires de Roissy et du Bourget et aux universités et écoles autour des gares de Noisy-Champs ou de Saclay. Que pourrait signifier une obligation de construire, dans un certain périmètre autour de toutes les gares, un minimum de logements sociaux ?