Ainsi, on compte 78 % de logements sociaux dans le périmètre de la gare du Mesnil Amelot, 46 % à Bagneux, 83 % à Aulnay, 55 % à La Courneuve, etc. Je vous renvoie, sur ce point, aux études de l’Atelier parisien d’urbanisme, l’APUR, portant sur la densité, la qualité et la taille des logements dans le périmètre de ces gares.
Je partage évidemment les objectifs des auteurs de la proposition de loi : nous avons la même volonté d’assurer la mixité sociale dans l’ensemble des quartiers. Nous pouvons établir la liste des gares qui se trouveront dans des zones où le nombre de logements sociaux est insuffisant. Y figurent notamment la gare de Saint-Maur Créteil, sur le territoire de la commune de Saint-Maur, où l’on ne trouve que 7 % de logements sociaux, ou la future gare de Fort d’Issy-Vanves-Clamart, où ce taux atteint 15 %.
Dans ces quartiers, c’est la version actuelle de la loi SRU qui s’applique et non celle qui a été modifiée voilà quelques semaines par votre assemblée lors de l’examen du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté. Dans le cas de Saint-Maur, commune carencée en logement social, la loi prévoit déjà que toute opération portant sur plus de 800 mètres carrés de surface de plancher comprenne au moins 30 % de prêts locatifs aidés d’intégration, ou PLAI, qui concernent les logements les plus sociaux et non simplement les logements sociaux. Pour cette raison, même si je partage totalement votre volonté de porter ce débat sur la place publique et d’apporter des réponses très claires sur les enjeux de mixité sociale, il ne me paraît pas opportun d’adopter cette disposition législative, qui s’appliquerait à l’ensemble des communes où se trouvent des gares du Grand Paris Express.
À l’occasion de ce débat, je rappelle que c’est au moyen du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté que nous entendons renforcer la mixité sociale dans l’ensemble des quartiers, en jouant notamment sur les attributions de logements sociaux hors des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Il est pour nous nécessaire, notamment dans le cas du chantier du Grand Paris Express, que tous les dispositifs législatifs existants et à venir s’appliquent, afin d’augmenter la pression sur les communes les plus éloignées de leurs objectifs de construction de logements sociaux et d’atteindre des niveaux de construction satisfaisants.
Par ailleurs, il me semble très important de répondre à plusieurs questions qui ont d’ores et déjà été posées.
Comme cela a été souligné, les programmes d’infrastructures de transports recèlent des risques de spéculation foncière et d’effets rebours des politiques de transports. Pour le réseau du Grand Paris Express, le plus grand échec serait que l’arrivée de transports publics rapides de qualité dans des secteurs très enclavés provoque un phénomène d’éviction des populations les moins favorisées par un phénomène de « gentrification ». Dans mes fonctions d’élue locale et de ministre, j’ai été très attentive à cette question pendant les cinq dernières années. En ouvrant de nouvelles lignes de tram dans des quartiers très populaires, nous souhaitons que les habitants actuels de ces quartiers gagnent en mobilité et accèdent plus facilement à l’emploi, et non que ces quartiers connaissent une gentrification.
Pour cette raison, au-delà de la société du Grand Paris, nous disposons d’autres outils très importants. Ainsi, l’Établissement public foncier d’Île-de-France, l’EPFIF, est présent aujourd’hui dans 80 % des secteurs des gares du réseau du Grand Paris Express. Dans son programme pluriannuel d’intervention, il impose, au titre de ses activités de veille et de stratégie foncière, des programmes de logements sociaux, quelles que soient la localisation et la volonté des communes, avec des clauses particulières et renforcées pour les communes carencées en logement social.
Ensuite, il n’est pas exclu que l’on construise, autour des gares du Grand Paris Express, au lieu de logements abordables, des logements de standing ou des bureaux. Nous pourrions avoir un débat sur le nombre de mètres carrés de bureaux vides en Île-de-France, mais je pense que tout le monde connaît ces chiffres.
Aujourd’hui, nous voulons assurer une maîtrise très forte de l’utilisation des terrains disponibles autour de ces gares. Reste que le débat sur les pourcentages ne doit pas dissimuler le fait que certaines des villes qui accueillent ces gares auront besoin de locaux d’activités à proximité pour ne pas être réduites au rôle de cités-dortoirs. Par exemple, sur la partie sud de la future ligne 15, dont le projet est le plus avancé, nous commençons à connaître les intentions des villes concernées et constatons que certaines font le choix de l’accession sociale à la propriété quand d’autres souhaitent développer l’accession simple à la propriété, le logement locatif privé ou les locaux d’activités.
Cependant, de nombreuses villes, conscientes de leurs obligations légales, augmentent la part de logements sociaux dans leur programme. Ainsi, à la suite de la création de la gare de Fort d’Issy-Vanves-Clamart, l’écoquartier du Fort d’Issy devra répondre à des obligations très fortes de construction de logements sociaux. Les préfets de département et le préfet de la région d’Île-de-France travaillent justement à s’assurer de la qualité de ces programmes.
J’ajoute que cette proposition de loi soulève une difficulté technique. Au-delà des arguments que j’ai développés, il convient de rappeler que, si ce texte était adopté, il faudrait, d’une part, renégocier l’ensemble des contrats de développement territorial dont la négociation et la signature ont exigé un long travail et, d’autre part, articuler ces nouvelles dispositions avec les plans locaux d’urbanisme, ce qui n’est absolument pas prévu. Ce serait par conséquent à l’origine de nombreuses difficultés.
Enfin, proposer de fixer un pourcentage obligatoire de construction de logements sociaux applicable aux opérations portant sur la réalisation de plus de douze logements risque de créer des effets de seuil dont nous avons pu mesurer les conséquences néfastes dans la mise en œuvre d’autres politiques.
C’est pour cette raison que je n’approuve pas cette proposition de loi, alors même que j’en partage les objectifs. Le combat que nous menons aujourd’hui avec le préfet de région pour la mixité sociale et la construction de logements sociaux et abordables dans le parc privé en Île-de-France n’exige pas l’adoption de mesures coercitives.
Notre volonté est de trouver un équilibre qui corresponde aux besoins de chacune des villes, grâce au schéma régional de l’habitat et de l’hébergement, au plan métropolitain de l’habitat et de l’hébergement, aux plans locaux d’urbanisme de l’ensemble de ces territoires et aux partenariats développés au sein des différents projets lancés par la métropole, la région et les communes concernées par ces gares. Certaines de ces villes auront besoin de logements familiaux, d’autres de logements pour les jeunes et les étudiants, d’autres de structures destinées à l’accueil des publics âgés, d’autres encore devront satisfaire l’ensemble de ces besoins.
Enfin, certaines communes ont peu de logements sociaux, mais accueillent une population très défavorisée – c’est le cas de Clichy-sous-Bois, qui ne compte que 30 % de logements sociaux, mais dont plus de 80 % de la population vit sous le seuil de pauvreté – : elles attendent surtout un désenclavement et un accès à l’emploi et aux services publics. Il est essentiel de relier ces communes, situées à peine à douze kilomètres du centre de Paris, à la métropole qui ne les irrigue pas aujourd’hui, ce qui explique ces situations de pauvreté.
Même si je suis très sensible au combat que vous menez en faveur de la mixité sociale, monsieur Favier, je ne peux malheureusement pas préconiser l’adoption de ce texte. Il me semble cependant que nous travaillons tous deux au service de la même cause, à savoir le rétablissement de la mixité sociale dans ce territoire qui en a bien besoin !