Intervention de Evelyne Yonnet

Réunion du 27 octobre 2016 à 15h00
Mixité sociale aux abords des gares du grand paris express — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Evelyne YonnetEvelyne Yonnet :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Grand Paris a été défini comme « un projet urbain, social et économique d’intérêt national qui unit les grands territoires stratégiques de la région d’Île-de-France ». Il promeut « un développement économique durable, solidaire et créateur d’emplois » et « vise à réduire les déséquilibres sociaux, territoriaux et fiscaux » de la région.

Ce projet est d’une ampleur considérable : 68 gares, 8, 5 millions de voyageurs concernés, 26 milliards d’euros et des milliers d’emplois créés. Il s’appuie sur la création d’un réseau de transport public et s’articule autour de contrats de développement territoriaux, lesquels participent à l’objectif de construire chaque année 70 000 logements en Île-de-France et doivent contribuer à maîtriser de l’étalement urbain.

Ce projet comporte donc aussi une dimension d’aménagement extrêmement importante pour l’ensemble de la région francilienne. L’articulation du projet de réseau de transport avec d’autres problématiques, comme celles du logement et de la mixité sociale, est essentielle.

Nos collègues du groupe CRC ont à juste titre souligné les risques de spéculation foncière autour des gares et de construction de logements de standing non accessibles au plus grand nombre, ce qui renforcerait des disparités déjà fortes. Pour ces raisons, la libération du foncier pour de nouvelles opérations d’aménagement doit être maîtrisée. Trop souvent, en effet, à l’occasion de grandes mutations urbaines, les couches populaires sont rejetées en périphérie, toujours plus loin.

La situation actuelle révèle déjà une très grande disparité : si plus de 50 % des futures gares du métro du Grand Paris Express répondent à l’objectif de plus de 30 % de logements sociaux dans les alentours immédiats, 18 d’entre elles sont situées dans des zones qui accueillent moins de 20 % de logements sociaux, la plupart dans les Hauts-de-Seine – Fort d’Issy-Vanves-Clamart, Colombes, Antonypôle, etc.

Par ailleurs, la crainte justifiée des élus est que la construction de nouvelles gares augmente le prix du foncier, donc du logement, que ce soit en accession ou en location. Le groupe CRC propose par conséquent de réguler les constructions nouvelles dans le périmètre des gares : il s’agit de garantir la création de logements sociaux et, par là même, la diversité sociale dans toutes les opérations de construction immobilière liées au Grand Paris Express.

La proposition de loi comporte un article unique qui modifie l’article 1er de la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris.

La première disposition consiste à ajouter « la mixité sociale, y compris en cœur urbain » au nombre des objectifs visés par les contrats de développement territorial.

La seconde disposition tend à prévoir la réalisation d’au moins 30 % de logements sociaux dans toute opération nouvelle de construction d’immeubles dans un périmètre de 400 mètres autour des gares à venir du Grand Paris Express.

Nous partageons l’ensemble des constats dressés par nos collègues, comme Mme la ministre vient de le souligner.

Le Grand Paris offre l’opportunité de développer le logement sur le territoire francilien. L’augmentation des loyers et des prix de l’immobilier relègue les ménages toujours plus loin en périphérie des zones urbaines : il faut donc construire plus, au bon endroit et à des prix adaptés au budget des ménages d’Île-de-France. Rappelons que l’on recense aujourd’hui plus de 670 000 demandeurs d’un logement social dans la région.

Il faut endiguer la déconnexion croissante entre le coût du logement et les revenus des ménages. Il est essentiel de limiter la concurrence foncière, d’intégrer mieux le logement social dans l’espace urbain et de promouvoir des références de qualité communes.

Le logement social en Île-de-France est un enjeu majeur qui devrait mobiliser tous les niveaux de collectivités. Il est important de le souligner, quand la région supprime les subventions régionales pour la construction de logements financés à l’aide d’un PLAI dans les villes comportant plus de 30 % de logements sociaux.

Faut-il rappeler que les montants des plafonds de ressources pour bénéficier d’un logement social en PLAI répondent aux besoins de nombreuses familles franciliennes, par exemple celles des fonctionnaires assurant la sécurité, l’éducation ou encore la santé des citoyens ? Les logements sociaux s’intègrent parfaitement dans les projets immobiliers des communes. L’effort doit être poursuivi pour une amélioration de l’offre de logements correspondant aux revenus des Français dans chaque commune, au bénéfice des familles.

Nous partageons donc l’esprit de cette proposition de loi sur les enjeux liés à la maîtrise du foncier aux abords des gares du Grand Paris et à la diversité sociale.

En revanche, la réponse apportée par cette proposition de loi ne paraît pas complètement adaptée, compte tenu, d’une part, des communes visées, d’autre part, des dispositifs déjà mis en œuvre, que Mme la ministre a longuement mentionnés.

La proposition de loi s’impose en effet à toutes les communes, alors qu’une grande partie des communes concernées par le Grand Paris Express remplissent déjà largement les objectifs fixés en matière de logement social.

Les territoires concernés par le Grand Paris sont couverts par un contrat de développement territorial qui fixe des objectifs de réalisation de logements sociaux. Le préfet de région définit les objectifs annuels de production de nouveaux logements dans des périmètres comprenant un ou plusieurs territoires soumis à l’obligation de réaliser un programme local de l’habitat, ou PLH : c’est la « territorialisation des objectifs logement », ou TOL. La répartition de l’objectif global se fonde sur le potentiel de développement des territoires concernés.

Le schéma directeur de la région d’Île-de-France, le SDRIF, validé par décret le 27 décembre 2013, intègre aussi l’objectif annuel de 70 000 logements et a fixé à 30 % la part de logements sociaux à atteindre d’ici à 2030. Les prescriptions du SDRIF s’imposent aux documents d’urbanisme qui doivent être compatibles avec lui.

Les communes ont également la possibilité de modifier leur PLU et de délibérer sur le principe selon lequel tout nouveau projet de construction doit compter au moins 30 % de logement social. Ce principe permet en effet d’intensifier la production d’une offre locative à prix accessible dans un contexte de forte tension du marché du logement.

Les territoires disposent donc d’un ensemble d’outils pour créer non seulement des logements, mais également des logements sociaux.

Par ailleurs, l’État s’est donné les moyens d’intervenir. Ainsi, le plan de mobilisation pour le logement spécifique à l’Île-de-France, lancé par le Premier ministre au mois d’octobre 2014, a donné une impulsion forte au Grand Paris du logement, notamment avec l’identification de territoires à fort potentiel de création de logements situés à proximité de gares existantes ou futures, la mise en place de l’établissement foncier unique d’Île-de-France qui fusionne les quatre établissements existants, ou encore l’aide de l’État aux maires bâtisseurs.

Enfin, rappelons que l’application de la loi SRU, en cours de modification, s’impose à toutes les communes concernées par le Grand Paris.

Rappelons aussi que le projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté a pour ambition de mettre fin aux pratiques conduisant à exclure des personnes modestes de quartiers attractifs en imposant de réserver 25 % des attributions de logements sociaux hors des quartiers prioritaires de la politique de la ville à des demandeurs du premier quartile. Les pratiques actuelles en matière d’attribution de logements se traduisent par une tendance constante à accroître la proportion de ménages à faibles revenus dans les quartiers qui en accueillent déjà un grand nombre. Il s’agit donc d’orienter significativement les demandeurs les plus pauvres vers des logements situés en dehors des quartiers prioritaires de la politique de la ville.

L’État aura donc les moyens de pallier les manquements des collectivités et des bailleurs qui ne respecteront pas ces engagements.

J’ajouterai un mot sur la résorption de l’habitat indigne, qui fait également partie des objectifs du Grand Paris.

Je profite de l’occasion pour souligner les annonces formulées hier en conseil des ministres – je vous remercie particulièrement à ce sujet, madame la ministre. Elles reprennent des éléments de la proposition de loi que j’ai déposée avec Jean-Pierre Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain.

Dans chaque département, un sous-préfet référent en matière de lutte contre l’habitat indigne sera désigné. Son rôle consistera à piloter le pôle départemental de lutte contre l’habitat indigne, avec pour mission d’améliorer la coordination des différents services de l’État, d’accompagner les acteurs locaux engagés dans le traitement des logements insalubres et de maintenir un lien avec la justice pour sanctionner les actes délictueux. La résorption de l’habitat indigne exige en effet une coordination de tous les acteurs locaux, qu’il s’agisse des services du département, de la police et de la justice.

L’annonce de la publication prochaine des décrets d’application sur l’autorisation et la déclaration de mise en location et l’autorisation préalable de division est aussi une très bonne nouvelle. Nous avions insisté pour que ces dispositifs soient rapidement mis à disposition des communes.

Il en est de même de la création d’une société publique spécifiquement dédiée à la lutte contre les divisions pavillonnaires en Île-de-France.

Il s’agit là de signes forts d’une action offensive des pouvoirs publics dans la lutte contre les « marchands de sommeil » et l’habitat indigne.

Pour toutes ces raisons, même si nous partageons les constats dressés, nous émettons un avis réservé sur cette proposition de loi. Compte tenu des déclarations de Mme la ministre, nous sommes persuadés que les outils mis en place, qu’ils soient coercitifs ou non, feront leurs preuves à l’égard des villes dont vous craignez, mes chers collègues du groupe CRC, qu’elles ne respectent pas leurs obligations en matière de construction de logements sociaux.

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