Intervention de Aline Archimbaud

Réunion du 27 octobre 2016 à 15h00
Mixité sociale aux abords des gares du grand paris express — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Aline ArchimbaudAline Archimbaud :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, les membres du groupe CRC nous soumettent aujourd’hui un texte qui s’inscrit dans la lignée des préoccupations à l’origine du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté, dont nous avons débattu assez longuement ces dernières semaines. Il vise à faire du Grand Paris Express un outil d’intégration spatiale de populations modestes, pour l’instant très souvent reléguées dans des banlieues lointaines, surtout lorsque l’on raisonne en temps passé dans les transports publics, quand ceux-ci existent.

La création du Grand Paris Express doublera le réseau de transport en région parisienne dans la décennie 2020, en créant quatre nouvelles lignes et soixante-huit gares. C’est l’occasion de désenclaver des villes et des quartiers qui sont pour l’instant dépourvus d’infrastructures satisfaisantes en matière de transports. Pour autant, ce désenclavement ne doit pas se faire au détriment de ceux qui habitent déjà sur ces territoires, en renforçant les ghettos, en créant un système de millefeuille, avec une succession de quartiers favorisés et de quartiers moins favorisés. C’est là une vive préoccupation.

Le groupe écologiste partage totalement les inquiétudes exprimées par Christian Favier sur le très fort risque d’éviction des populations les plus modestes, en particulier les familles, qui vivent pour l’instant près des lieux d’implantation des futures gares, mais qui, lorsque les lignes seront en fonctionnement et que le prix du foncier aura augmenté, voire flambé, seront progressivement poussées à partir. Certes, l’augmentation n’est pas encore visible malgré le lancement du projet de nouvelles lignes, ces dernières n’étant en marche que dans six ans au plus tôt. Nous verrons ce qu’il en sera dans quelques années, mais je ne vois pas pourquoi le résultat différerait de celui que nous avons toujours constaté en cas de création ou d’extension de lignes de transports : les infrastructures s’améliorant et les temps de transport se réduisant, les prix augmentent. De nombreux exemples pourraient être pris. Ainsi, à Saint-Ouen, ville concernée par le prolongement de la ligne 14, les prix de l’immobilier ont augmenté de 10 % ces dernières années, selon les estimations de plusieurs agences immobilières. Lorsque l’immobilier augmente, les catégories de population aux plus faibles revenus doivent progressivement déménager pour trouver des endroits où elles peuvent payer un loyer – et c’est toujours plus loin.

Cette proposition de loi permet de prévenir cette situation en établissant un pourcentage de 30 % de logement social dans toutes les constructions, publiques et privées, de plus de douze logements ou de plus de 800 mètres carrés de surface, situées dans un rayon de quatre cents mètres autour des futures gares du Grand Paris Express. Cela favoriserait la mixité sociale en permettant à des populations, qui sont pour l’instant loin de tout, de pouvoir se loger près des transports, une fois qu’ils auront été construits, de profiter de tous les commerces et de tous les services qui les accompagneront.

Même si le Sénat l’a vidée de son sens, la loi SRU prévoit encore – pour l’instant – que les communes doivent se doter de 25 % de logements sociaux minimum. Cependant, avec la montée de la spéculation, on peut raisonnablement penser que ces logements se trouveront dans les endroits où le foncier est moins cher, c’est-à-dire plus loin des transports.

L’objectif de ce texte est donc bien de favoriser aussi la mixité sociale près des nœuds de transport public. Avec le dispositif proposé, on pourrait imaginer que 30 % de logements sociaux y seraient situés prioritairement, tandis que les autres quartiers de la ville, plus éloignés des transports, pourraient avoir moins de logements sociaux pour arriver à une moyenne de 25 %. Cela nous paraît aller dans le bon sens.

Des critiques ont été émises sur le fait que, dans cette proposition de loi, les logements financés en prêts locatifs sociaux ne sont pas inclus dans les 30 %. Or, mes chers collègues, 75 % des 1, 8 million de demandes de logements sociaux correspondent aux plafonds de ressources des logements financés en prêts locatifs aidés d’intégration, PLAI, et 5 % aux plafonds de ressources financés en prêts locatifs sociaux, PLS. Ce texte répond donc non seulement au besoin de mixité sociale, mais aussi à celui de logements financés en PLS.

Je formulerai deux remarques au nom du groupe écologiste.

D’une part, nous comprenons l’argument de Mme la rapporteur, qu’a repris pour partie Mme le ministre, selon lequel certaines villes concernées par la mesure ont déjà beaucoup de logements sociaux, jusqu’à plus de 80 % pour certaines d’entre elles, ces logements étant situés près des sites où seront implantées les gares, ce qui est à vérifier. Nous souhaitons donc que la navette parlementaire contribue à enrichir la proposition de loi.

Un amendement, que nous n’avons malheureusement pas eu le temps de déposer, pourrait être présenté à l’Assemblée nationale, visant à préciser que les communes qui comptent déjà plus de 50 % de logements sociaux ne seront pas concernées par cette mesure ; une dizaine de villes seraient ainsi exclues du dispositif. D’autre part, nous souhaitons – ce sera l’objet d’un second amendement – étendre le périmètre en le portant de 400 à 800 mètres, de sorte que le mécanisme soit plus souple.

Je souligne qu’un système de ce type est déjà en place dans certaines communes, notamment en Seine-Saint-Denis, et qu’il fonctionne. C’est le cas à Pantin, ville que je connais bien : le PLU prévoit que, dans tout programme de logements, public ou privé, de plus de 1 800 mètres carrés, hors accession sociale à la propriété, 33 % de ces logements soient affectés au logement social. Cette solution n’a donc rien d’utopique. Cela marche et favorise la fluidité, la mixité et, partant, le « vivre ensemble ».

Madame la ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, le groupe écologiste votera ce texte, en formant le vœu que nos deux amendements seront examinés dans le cadre de la navette parlementaire.

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