Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à remercier le groupe communiste républicain et citoyen, en particulier Éric Bocquet, d’avoir organisé ce débat, lequel me donne l’occasion de rappeler l’action déterminée du Gouvernement dans la lutte contre la fraude depuis 2012, en particulier en matière de fraude fiscale internationale.
La contribution aux charges publiques est au cœur du pacte républicain. Son principe figure expressément dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Dans une période où il a été demandé un effort particulier pour redresser les comptes du pays, nous nous devons d’être pleinement mobilisés quand certains cherchent à échapper à leur contribution pour la reporter sur les autres.
Lutter contre la fraude et l’optimisation fiscale excessives, c’est une action qui doit être menée à l’échelon tant national, européen que mondial, notamment dans le cadre de l’OCDE et du G20.
À l’échelon international, vous savez que l’OCDE a établi un plan de quinze actions portant sur tous les volets de la fiscalité internationale, dont les rapports définitifs ont été adoptés par le G20 à Antalya, les 15 et 16 novembre dernier.
Le Gouvernement a fait voter dans le cadre de la loi de finances pour 2016 le dispositif de reporting pays par pays, correspondant à l’action 13 du BEPS. Ce travail a été pleinement concrétisé par la signature par plus de trente pays, le 27 janvier dernier, à Paris d’un accord multilatéral permettant de donner sa pleine portée au dispositif en rendant possible l’échange automatique entre les administrations fiscales.
Nous souhaitons que ce reporting pays par pays soit public et c’est le sens des négociations actuellement en cours à l’échelle européenne. Cette publicité est d’ailleurs prévue dans le projet de loi Sapin II, qui sera bientôt définitivement adoptée. Demain, l’administration fiscale n’aura plus besoin de formuler des demandes à ses administrations partenaires pour accéder à l’information : elle l’aura reçue automatiquement.
Il en ira d’ailleurs de même pour les particuliers, en application de l’accord signé le 29 octobre 2014 à Berlin sur l’échange automatique d’informations financières à des fins fiscales. Soixante et un pays en sont aujourd’hui adhérents, dont la Suisse. Trente-trois pays supplémentaires se sont engagés à échanger automatiquement des informations financières, en prévoyant de premières transmissions en 2017. On trouve parmi eux des centres financiers tels que Hong Kong et Singapour. Cet accord aura sans doute un effet dissuasif sur les contribuables qui y détiendraient des comptes non déclarés. S’ils le souhaitent, le STDR est en place et fonctionne pleinement.
Cette action se poursuit également dans l’Union européenne, qui est marquée par un degré d’intégration et donc des libertés de circulation plus fortes encore. Le 8 décembre dernier, la directive sur l’échange automatique des rulings a été adoptée par le Conseil. Elle entrera en vigueur au 1er janvier 2017 et empêchera désormais certains États d’accorder des remises fiscales dérogatoires.
De plus, à la suite du troisième paquet fiscal présenté par la Commission européenne le 28 janvier 2016, les directives « DAC4 » transposant en droit européen l’échange automatique des déclarations pays par pays et anti-optimisation ont été adoptées par le conseil ECOFIN au premier semestre. Sont en outre établies des mesures communes minimales pour lutter contre les pratiques d’évasion fiscale qui ont une incidence directe sur le marché intérieur.
Ces deux textes parachèvent l’implication de l’Union européenne dans la mise en œuvre du projet international de lutte contre l’optimisation fiscale, le BEPS. Toutefois, l’Europe et la France souhaitent aller plus loin : la Commission européenne a présenté mardi dernier un nouveau paquet contre l’évasion fiscale et en faveur d’un environnement favorable aux entreprises.
La directive sur l’assiette commune de l’impôt sur les sociétés est de nature à constituer une avancée majeure pour le marché intérieur, en nous permettant à la fois de lutter contre l’optimisation fiscale et de donner plein effet aux libertés de circulation, qui sont au cœur de la construction européenne.
Grâce à ces outils, il n’est plus exact de dire, comme on peut parfois le lire, que les grandes multinationales du numérique parviennent à échapper à l’impôt. En France, nous ne faisons pas d’arrangements : c’est la loi fiscale, toute la loi, rien que la loi qui s’applique ! Nous y parvenons, car de nouveaux outils ont permis à l’administration fiscale de suivre les flux financiers internationaux.
Ainsi, depuis 2013, les entreprises ont l’obligation, sous peine de sanction, d’adresser à l’administration fiscale une déclaration de prix de transfert lui permettant de comparer les prix pratiqués avec ceux du marché. Cette obligation a été renforcée par la loi Sapin II, puisqu’elle concernera désormais les entreprises ayant un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros, contre 400 millions d’euros auparavant.
Il s’agit d’éviter le déplacement de l’assiette imposable dans les pays à faible fiscalité. En 2015, grâce à ces outils, 2, 8 milliards d’euros d’assiette ont pu être rétablis au bénéfice de la France.
Nous avons également développé notre réseau de conventions bilatérales d’assistance administrative, en signant de nouveaux accords avec des pays partenaires et en mobilisant pleinement les textes existants. Les demandes effectuées en application de ces accords permettent de connaître les situations fiscales des contribuables résidant dans d’autres États et de contrôler la consistance des activités professionnelles qu’ils déclarent y effectuer.
Alors qu’en 2011 nous ne recevions que 3 409 réponses par an, nous en avons reçu 6 567 en 2015. Au total, la fraude fiscale internationale a conduit à rétablir 5 milliards d’euros d’assiette au profit de la France en 2015. C’est un progrès notable. Nous pouvons maintenant voir au-delà de nos frontières.
Les effets de cette action sont au rendez-vous : l’année 2015 a été exemplaire en ce domaine et je souhaite rappeler les résultats particulièrement remarquables de la lutte contre la fraude fiscale, qui sont le reflet d’un engagement fort et intense, d’un engagement qui n’a pas débuté l’année dernière, mais qui est finalement l’aboutissement de tout le travail accompli depuis quatre ans.
En 2015, nous sommes parvenus à un montant de redressements jamais atteint : 21, 2 milliards d’euros contre 19, 3 milliards d’euros en 2014. Cette amélioration significative s’étend également aux encaissements, qui sont en hausse de 17 %, passant de 10, 4 milliards d’euros à 12, 2 milliards d’euros.
Or cette augmentation globale n’a pas pour fondement une hausse des contrôles en nombre. Au contraire, le nombre d’opérations est en baisse de 3, 1 %, lesquelles sont passées de 51 740 en 2014 à 50 168. Cela signifie que les contrôles sont mieux ciblés, donc plus efficaces.
Parmi ces redressements, les contrôles des montages à l’international réalisés par la Direction des vérifications nationales et internationales, la DVNI, représentent 5, 8 milliards d’euros ; les cinq redressements les plus importants correspondent à des montages abusifs pour 3, 3 milliards d’euros.
Il faut donc arrêter de penser qu’il y aurait une impunité pour les grands groupes, même si le secret fiscal m’interdit bien sûr de révéler le nom des entreprises concernées.
Je souhaite évoquer la lutte plus spécifique contre la fraude à la TVA, qui a également permis d’améliorer nos résultats. En effet, les redressements en ce domaine ont progressé de 100 millions d’euros de 2014 à 2015.
Certains outils, mis en place récemment, y ont ainsi concouru, en particulier le droit de communication non nominatif, créé par la loi de finances rectificative pour 2014 et mis en œuvre concrètement depuis août 2015. Cette possibilité pour l’administration fiscale de se faire communiquer des informations auprès des tiers sans être tenue de désigner nommément les personnes concernées a permis de détecter des activités professionnelles non déclarées, en particulier sur internet.
Afin d’aller plus loin, nous prévoyons de créer une procédure d’instruction sur place des demandes de remboursement de crédit de TVA. Cette procédure permettra de limiter les risques de fraude et d’assurer une décision rapide de l’administration fiscale qui ne pénalise pas inutilement la trésorerie des entreprises.
Enfin, je rappelle les résultats du service de traitement des déclarations rectificatives, qui concerne les personnes et non les entreprises, mais qui s’inscrit pleinement dans cet objectif de lutte contre la fraude à l’international. Mis en place au mois de juin 2013, il a contribué de manière significative aux recettes de l’État : au 31 août 2016, 6, 3 milliards d’euros de droits et pénalités ont été encaissés.
Ces recettes supplémentaires nous permettent d’ailleurs de continuer de baisser la fiscalité sur les classes moyennes, avec une nouvelle étape en 2017 de 1 milliard d’euros qui a été adoptée mardi par l’Assemblée nationale lors du vote de la partie recettes du projet de loi de finances pour 2017. Depuis 2014, les baisses d’impôt sur le revenu représentent 6 milliards d’euros pour 12 millions de ménages modestes ou moyens.