Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, à peine deux ans après le vote de la loi Thévenoud, nous examinons un nouveau texte sur le transport public particulier de personnes, exactement dans les mêmes conditions.
Ce texte est le fruit d’une concertation menée pendant plusieurs mois par le député Laurent Grandguillaume, que je tiens à saluer pour son travail, dans un contexte qui n’est pas simple, avec une multiplicité d’acteurs et de corporations, dont les avis et les intérêts sont parfois très divergents.
Il comporte donc des mesures utiles pour responsabiliser les plateformes et les centrales de réservation, protéger les conducteurs vis-à-vis de celles-ci, mettre fin au détournement de la loi LOTI et unifier les dispositions relatives à l’aptitude professionnelle des conducteurs. Il s’agit donc d’un texte d’apaisement nécessaire, nous en sommes convaincus. Mais nous regrettons vivement la méthode employée, monsieur le secrétaire d’État.
Je ne parle pas de la concertation, qui était indispensable, encore que nous ayons du mal à savoir exactement ce qui y a été décidé, puisqu’elle n’a donné lieu à aucun rapport public. Seul le Gouvernement a publié, à son issue, une feuille de route. Le fait que vous proposiez aujourd’hui, monsieur le secrétaire d’État, de modifier les délais de la période transitoire, à l’article 4, montre en tout cas des évolutions par rapport à ce qui aurait pu avoir été décidé dans ce cadre.
Nos critiques concernent les conditions d’examen de ce texte au Parlement. En ayant recours à une proposition de loi, vous vous êtes privés de l’avis du Conseil d’État, et vous nous avez privés d’une étude d’impact. De plus, vous nous contraignez à légiférer dans la précipitation, alors même que le dispositif que vous nous proposez n’est pas vraiment prêt.
Lorsque l’on interroge le ministère sur les dispositifs concrets qui seront mis en œuvre, c’est un peu le flou. L’article 1er de la proposition de loi, dans sa rédaction issue de l’Assemblée nationale, prévoyait d’imposer de nouvelles obligations aux plateformes et aux centrales de réservation, mais dans des termes assez vagues, en renvoyant à un décret le soin de les définir.
J’ai essayé de savoir quelles seraient ces obligations. Certaines, comme la vérification du permis de conduire ou des cartes professionnelles, m’ont été données tout de suite. Mais pour les autres, c’est l’inconnu pour l’avenir ! Vous évoquez des « mesures complémentaires, qui nécessitent un travail technique et une nouvelle concertation ». Doit-on en déduire que la concertation n’est pas terminée, voire que les orientations ne sont pas encore stabilisées ?
Vous ne savez pas non plus comment ces dispositions seront contrôlées, alors qu’il s’agit d’un point essentiel pour l’efficacité du dispositif. J’ai posé des questions précises, et je n’ai obtenu que des réponses au conditionnel, comme celle-ci : « Il pourrait s’agir, au minimum, d’une obligation de mettre en place une procédure d’autocontrôle […] et, au maximum, d’une obligation de contrôle et de certification par un organisme indépendant. » Ayant un temps contraint pour aborder ce texte, il m’aurait fallu, au moins, des réponses précises.
Vous vouliez d’ailleurs vous laisser du temps, puisque cette mesure ne devait entrer en vigueur qu’à « une date fixée par décret, et au plus tard dix-huit mois après la promulgation de la loi ». Vous nous demandez donc de valider ce texte en urgence, alors que l’on ne sait pas encore quel dispositif vous allez mettre en place sur son fondement.
Cette méthode ne permet pas de légiférer de façon correcte. Rappelons-nous la loi Thévenoud – je n’étais pas encore sénateur, mais j’en ai beaucoup entendu parler. Elle a été examinée sous la forme d’une proposition de loi et dans les mêmes conditions de précipitation. Or deux de ses dispositions ont déjà été censurées par le Conseil constitutionnel…
Le texte de l’Assemblée nationale comporte de belles intentions, mais aussi de sérieuses fragilités juridiques. Il risque donc de devenir totalement inopérant si le Conseil constitutionnel le censure en tout ou en partie. Or, on sait que les plateformes et centrales de réservation ne se priveront pas de faire des recours.
C’est donc pour en sécuriser la rédaction que la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable l’a modifié. Elle a aussi souhaité, conformément à une pratique constante du Sénat, encouragée par le président Gérard Larcher, clarifier les responsabilités respectives du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif, en supprimant les dispositions de nature réglementaire.