La séance est ouverte à quatorze heures trente.
Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 27 octobre a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
J’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Lionel Cherrier, qui fut sénateur de la Nouvelle-Calédonie de 1974 à 1983.
J’ai reçu de M. le Premier ministre la demande de réunion d’une commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2016-462 du 14 avril 2016 portant création de l’Agence nationale de santé publique et modifiant l’article 166 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.
Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l’article 12 du règlement.
En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi autorisant la ratification de l’accord de passation conjointe de marché en vue de l’acquisition de contre-mesures médicales, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 8 septembre 2016.
M. le président. Mes chers collègues, j’ai le très grand plaisir de saluer, au nom du Sénat tout entier, la présence, dans notre tribune officielle, de M. Stephan Toscani, ministre des finances et des affaires européennes du Land de Sarre et membre du Bundesrat.
Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le secrétaire d'État chargé de la réforme de l'État et de la simplification, se lèvent.
Nous sommes particulièrement sensibles à l’intérêt et à la sympathie qu’il porte à notre institution.
M. Toscani est accompagné par nos collègues Catherine Troendle, présidente de notre groupe d’amitié France-Allemagne, Alain Gournac, vice-président du groupe, et Claudine Lepage, vice-présidente du groupe.
Demain, je recevrai la nouvelle présidente du Bundesrat, Mme Malu Dreyer, qui est présidente de la Rhénanie-Palatinat.
Au nom du Sénat de la République, je souhaite la bienvenue à cette délégation et je forme des vœux pour que ces journées consacrées aux liens déjà très forts entre nos deux assemblées et nos pays nous permettent de les renforcer encore.
Applaudissements.
L’ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public solennel sur la proposition de loi portant accélération des procédures et stabilisation du droit de l’urbanisme, de la construction et de l’aménagement (proposition n° 770 [2015-2016], texte de la commission n° 21, rapport n° 20).
Mes chers collègues, je veux souligner l’importance du sens que revêt pour nous un vote solennel sur une proposition de loi consacrée au sujet majeur de la simplification des normes – enfin !
Avant de passer au scrutin, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui ont été inscrits pour expliquer leur vote.
J’indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé, à raison d’un orateur par groupe, à sept minutes le temps de parole attribué à chaque groupe politique, les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposant de trois minutes.
La parole est M. Jean-Pierre Bosino, pour le groupe communiste républicain et citoyen.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, cette proposition de loi issue du groupe de travail sur la simplification du droit de l’urbanisme, de la construction et des sols est, cette fois, un vrai texte de simplification, travaillé – il faut le dire – en bonne intelligence, et nous en sommes globalement plutôt satisfaits.
Je souhaite, encore une fois, saluer le travail réalisé par les auteurs de la proposition de loi, Marc Daunis et François Calvet, et l’ensemble des membres du groupe de travail.
Nous ne sommes tombés ni dans la caricature ni dans la facilité consistant à reléguer des sujets aussi importants que l’urbanisme et le droit des sols à des contraintes normatives. Ce texte, certes très technique et très concret, n’est pas un empilement de déréglementations, ce qui est positif.
Je rappelle d’ailleurs que nous ne sommes pas opposés aux normes. Elles existent pour une bonne raison et, si la norme peut être contraignante à l’égard de certains, elle en protège d’autres. Et puis, il faut quand même le rappeler, ces normes font le plus souvent suite à des textes votés par des élus. Le groupe communiste républicain et citoyen est donc pleinement satisfait que les orientations portées par la proposition de loi ne reflètent pas ce qui avait été avancé lors de la résolution du mois de janvier dernier.
Dans mon intervention générale, j’avais émis des réserves sur l’article 2, qui porte sur le recours du justiciable et l’octroi de dommages et intérêts en cas de recours abusif. J’étais sceptique, car je craignais que cet article ne risque de produire des effets contraires à son objectif, notamment en mettant en cause le droit aux recours.
Au cours des échanges, j’ai entendu les arguments de chacun et de chacune. Il est vrai que, trop souvent, nous nous confrontons à des mouvements dans l’esprit de « pas dans mon jardin », qui n’ont d’autre objectif que de bloquer des projets en matière de construction de logements sociaux. L’exemple de Paris est frappant à cet égard : un projet de logements sociaux dans le XVIe arrondissement a été bloqué pendant plusieurs années à cause du recours de certains habitants. Au final, cela s’est traduit par 8 millions d’euros de perte et un retard de quatre ans dans la livraison de 177 logements, autant d’années d’attente pour ceux qui sont mal logés ou sans logement.
Nous avions aussi émis des réserves sur l’article 6 à propos des ZAC, les zones d’aménagement concerté. En effet, nous n’étions pas favorables au report de l’étude d’impact au moment du dossier de réalisation, lorsque l’aménageur est connu, plutôt que lors de l’approbation de la création, comme c’est le cas aujourd’hui.
Il nous paraît important que les communes gardent la maîtrise. Lorsque nous avons exprimé cette idée, nous avons eu le plaisir de constater qu’elle était plutôt partagée. La sagesse du Sénat a conduit à l’adoption de l’amendement de notre collègue Joël Labbé, qui lève ainsi nos craintes et protège les communes de l’insécurité juridique dans laquelle nous les aurions placées.
Je ferai maintenant une remarque portant sur les discussions que nous avons eues autour de l’article 8 et de l’article additionnel 8 bis. Tant sur la forme que sur le fond, la méthode nous paraît regrettable.
Sur la forme, d’abord, nous avons le sentiment, nettement partagé, qu’il y a eu des tentatives, comme cela a été dit à plusieurs reprises, de « refaire le match » de la loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, dite loi LCAP, promulguée en juillet 2016.
Sur le fond, le Sénat a supprimé, avec l’aval du Gouvernement, le monopole de l’Institut national des recherches archéologiques préventives, l’INRAP, sur les fouilles sous-marines au prétexte d’une coquille ou d’un vide juridique. Ce cafouillage conduit à l’ouverture à la concurrence des fouilles sous-marines. Pour nous, c’est un point de désaccord fondamental, d’autant qu’en février dernier, à l’occasion de l’examen au Sénat de la loi LCAP, la ministre de la culture déclarait à propos des fouilles sous-marines que c’était « pourquoi le recours à un opérateur unique, I’INRAP, permettrait de garantir la qualité des interventions, tant sur le plan technique que scientifique ».
Notre groupe est fortement opposé aux modifications qu’engendre l’adoption de l’article 8 bis. Nous espérons que la navette parlementaire – s’il y en a une, ce que nous souhaitons – sera l’occasion de revenir sur ces dispositions.
Comme je le disais en introduction, cette proposition de loi est très concrète et sera donc un bon outil pour les élus locaux, même si elle ne règle pas tous les problèmes des communes. Le fait que les architectes des bâtiments de France interviennent en amont dans les plans locaux d’urbanisme, ou PLU, est plutôt une bonne chose. De la même façon, le fait qu’une révision simple du plan local d’urbanisme ne déclenche pas automatiquement un plan local d’urbanisme intercommunal, ou PLUI, est une avancée.
Les communes sont mises à mal par le désengagement de l’État. Cette année encore, dans le projet de loi de finances pour 2017, les dotations seront en baisse. Entre 2015 et 2017, le bloc communal aura ainsi perdu 11 milliards d’euros de dotations, situation à laquelle s’ajoute le fait que les transferts de compétences aux collectivités sans compensations financières continuent et que la réduction de la présence de l’État n’a pas diminué le besoin d’accompagnement et de conseil des maires face à des procédures de plus en plus techniques. La question, à laquelle nous n’avons pas eu de réponse, qui est là posée est celle du retour des ATESAT, les dispositifs d’assistance technique fournie par l’État pour des raisons de solidarité et d’aménagement du territoire.
La proposition de loi a accéléré et facilité les procédures de construction – c’est louable –, mais nous nous inquiétons des capacités d’investissement des collectivités, qui ont diminué de 10 milliards d’euros en quatre ans. Ce mouvement est inquiétant pour l’avenir des services publics de proximité, et il a des conséquences directes sur l’emploi dans le bâtiment et les travaux publics.
Au final, nous voterons cette proposition de loi qui va, conformément à son objectif, faciliter et simplifier un certain nombre de démarches pour les communes en matière d’urbanisme.
En outre, puisque la méthode de ce groupe de travail a montré qu’il était possible d’agir sur un certain nombre de difficultés pour les communes, nous proposons la même démarche pour aborder la question des moyens des collectivités et de la fiscalité locale, ce pour quoi il va falloir un peu de volonté et du courage politique…
Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste. – M. Alain Bertrand applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’inflation législative est un fléau, et nous en sommes tous à la fois victimes et coupables. Or, comme Descartes, nous jugeons que « la multitude des lois fournit souvent des excuses aux vices, en sorte qu’un État est bien mieux réglé lorsque, n’en ayant que fort peu, elles y sont fort étroitement observées ».
Ce constat est aisément vérifiable en droit de l’urbanisme, tant les manœuvres dilatoires y sont habituelles. Elles retardent et renchérissent des projets de construction et d’aménagement de logements, de services publics, d’entreprises créatrices d’emplois, projets indispensables et très attendus par nos concitoyens, y compris dans nos zones rurales.
C’est la raison pour laquelle nous approuvons la démarche de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation qui consiste à appliquer deux principes à l’initiative parlementaire : la simplification du droit et la stabilité de la norme. Ce sont en effet les piliers de la sécurité juridique.
Comme je l’ai dit lors de la discussion générale en reprenant les termes du rapport du Conseil d’État de 2006, nous devons enclencher la « lutte du système juridique contre lui-même ». Cela signifie non pas qu’il faille systématiquement supprimer une norme avant d’en créer une autre, mais qu’il faut tout simplement s’interroger sur leur bien-fondé.
Sans une amélioration de la qualité de la loi dès sa conception, sans une étude d’impact complète et rigoureuse, nous offrons un terrain propice aux contournements de la loi et aux recours abusifs.
Les deux premiers articles de la présente proposition de loi renforcent la sécurité juridique et poursuivent la lutte contre ces recours abusifs en matière d’autorisations d’urbanisme.
Certes, un grand travail a été réalisé lors du rapport Labetoulle, de l’ordonnance du 18 juillet 2013 et du décret du 1er octobre 2013, relatifs au contentieux de l’urbanisme.
La jurisprudence s’est emparée des nouveaux outils pour contrer ces manœuvres avec la redéfinition de l’intérêt à agir et des possibilités de régularisation des autorisations en cours d’instance.
Nous saluons la volonté des auteurs de la proposition de loi d’aller plus loin en permettant au juge de soulever d’office la cristallisation des moyens, en créant un mécanisme de caducité de l’instance, en prorogeant la suppression de l’appel dans les zones tendues ou encore en facilitant l’octroi de dommages et intérêts en cas de recours abusifs freinant les procédures.
Nous appelons cependant à une certaine prudence, en soulignant que le droit au recours et la garantie des droits fondamentaux doivent être préservés. Il ressort de la jurisprudence que, si la sanction des recours abusifs est loin d’être systématique, elle demeure plutôt rare.
L’augmentation du montant de l’amende maximale de 3 000 à 10 000 euros annoncée par le Gouvernement entraînera également une prudence accrue de la part du juge et restera assez symbolique, comme l’est finalement l’encadrement des délais de jugement prévu par la proposition de loi, dont le non-respect n’est pas sanctionné.
Nous espérons toutefois que ces mesures auront un effet dissuasif.
Si le droit doit protéger la liberté de faire, il ne doit pas entraver celle des autres. Nous devons faire preuve de vigilance pour que ces dispositions n’aboutissent à la validation d’actes dont l’illégalité n’a pu être contestée.
C’est pourquoi il conviendrait de réaliser un bilan de ces dispositions dans les prochaines années.
D’un contentieux de masse, il n’est pas souhaitable d’extraire une législation purement réactive. La justice doit disposer des moyens nécessaires à l’exercice de ses missions et à la gestion de ce contentieux pour rendre ses décisions dans les meilleurs délais.
Par ailleurs, ce texte prévoit de faciliter l’articulation entre les documents d’urbanisme. Leur mise en compatibilité avec le document de rang supérieur, dans un contexte d’évolutions législatives permanentes et de réforme territoriale, est actuellement très complexe. Comme je l’ai déjà dit, les collectivités territoriales ont besoin, plus que jamais, d’une pause, d’une stabilité normative. Et la mise en place d’un point d’étape triennal afin d’actualiser les documents d’urbanisme est bienvenue.
Enfin, le dialogue entre les porteurs de projets, les collectivités territoriales et les services déconcentrés de l’État au sein de la nouvelle conférence de conciliation et d’accompagnement des projets locaux est renouvelé.
Avec l’instauration d’un référent juridique par département, ces dispositions permettront de ressusciter la médiation, d’instituer un véritable accompagnement, en lieu et place d’un simple contrôle administratif, et, peut-être, d’améliorer la motivation des décisions rendues.
L’expérimentation de l’association des architectes des bâtiments de France en amont de l’élaboration du PLU favorise également le dialogue.
Ainsi, à la suite de son examen en commission et en séance, la proposition de loi est restée cohérente et ciblée, malgré l’adoption de quelques amendements qui ont essentiellement concerné la correction d’erreurs détectées tardivement dans la loi relative à la création, à l’architecture et au patrimoine.
Au vu de l’ensemble de ces mesures, le groupe du RDSE considère que la proposition de loi apporte une réelle simplification du droit et améliore la visibilité des élus, des porteurs de projets et de nos concitoyens en matière d’urbanisme. Il constitue une réponse à des problèmes structurels dans nos territoires. C’est la raison pour laquelle nous la soutiendrons unanimement.
Très bien ! et applaudissements sur les travées du RDSE et de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du groupe Les Républicains.
La parole est à M. Jean-Marie Bockel, pour le groupe UDI-UC.
Notre collègue présidant la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, le texte lui doit beaucoup !
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le consensus assez large au sein de notre assemblée témoigne de la qualité de nos travaux.
Je voudrais souligner tout d’abord que la nécessité de stabiliser le droit de l’urbanisme ne fait pas débat. La délégation aux collectivités territoriales avait lancé l’idée d’une consultation des élus locaux à l’occasion du congrès des maires de 2014 – idée exprimée salle des conférences, en votre présence, monsieur le président. Au terme de cette consultation, qui s’est déroulée par voie de questionnaire, les réponses ont désigné sans ambiguïté – à hauteur de 63, 8 % – le droit de l’urbanisme et le droit des sols comme des domaines largement prioritaires de la simplification normative.
C’est pourquoi notre délégation a concentré, au cours de l’année 2015, ses premiers travaux de simplification sur ce droit particulièrement touffu. Nous avons décidé d’effectuer un galop d’essai dans le domaine réglementaire. Il s’est révélé conclusif puisque, je vous le rappelle, nous avons élaboré une proposition de résolution tendant à limiter le poids de la réglementation applicable aux collectivités territoriales et à simplifier certaines normes relatives à l’urbanisme et à la construction, proposition que nous avons présentée ici même le 25 novembre 2015 et que le Sénat a adoptée le 13 janvier 2016.
Dès le lendemain, le 14 janvier, la délégation a constitué, sous la direction de Rémy Pointereau, notre premier vice-président délégué à la simplification normative, un groupe de travail qui a reçu la mission d’élaborer la proposition de loi que nous nous préparons à adopter.
Nous avons immédiatement fait le choix d’une démarche à même de traduire l’engagement de l’ensemble du Sénat à l’égard des attentes des élus locaux.
Si la délégation a lancé le mouvement en constituant ce groupe de travail, puis en adoptant le rapport et les propositions de nos deux rapporteurs, François Calvet et Marc Daunis, je tiens à souligner qu’elle n’aurait pas pu engager la tâche de façon aussi dynamique et efficace, ni la mener à bien, sans bénéficier, au sein de notre assemblée, des appuis nécessaires. Je tiens vraiment à remercier ceux qui nous les ont apportés, car ils montrent le caractère partagé de notre initiative, devenue, dès lors, celle du Sénat tout entier.
Tout d’abord, nous avons pu travailler efficacement grâce à la commission des affaires économiques, à son président, Jean-Claude Lenoir, et à son rapporteur, Élisabeth Lamure.
Au-delà, c’est grâce à l’ensemble des commissions permanentes concernées que nous avons pu donner au groupe de travail de notre délégation la représentativité transpartisane et institutionnelle sans laquelle nous n’aurions pas pu progresser de la même façon.
Je veux, enfin et surtout, souligner combien nous a été précieux l’investissement personnel du président du Sénat, Gérard Larcher. Non seulement il nous a incités à agir, mais il nous a reçus, écoutés et vigoureusement encouragés à aller de l’avant. Tous les collègues des différentes commissions qui étaient parties prenantes de cette démarche peuvent en témoigner.
Cette méthode a été exemplaire, et le résultat est là.
L’architecture et le dispositif de la proposition de loi répondent à son objectif. Peu convaincu par toute idée de grand soir simplificateur, j’apprécie en ce qui me concerne, et c’est également la position du groupe UDI-UC, le choix d’un texte pragmatique abordant sous un angle technique des aspects divers du droit en vigueur, ce qui permet de répondre aux attentes précises et concrètes exprimées dans les 11 000 réponses des élus locaux à la consultation que j’évoquais.
Le groupe UDI-UC votera évidemment cette proposition de loi bien pensée et bienvenue.
J’espère que l’Assemblée nationale va rapidement relayer l’initiative du Sénat. D’ailleurs, comment les élus locaux comprendraient-ils que ce texte, qui répond à leurs attentes, n’entre pas en vigueur dans des délais raisonnables ?
Pour finir, je voudrais rappeler qu’à côté de la proposition de loi le groupe de travail présidé par Rémy Pointereau, au sein de notre délégation, a élaboré une liste de quarante-cinq propositions de simplification de nature non législative, qu’il s’agisse de mesures réglementaires ou de simples bonnes pratiques. Cette liste très opérante précise et complète les propositions que nous avions faites dans notre résolution du 13 janvier dernier. Elle a été transmise au Gouvernement, qui en a commencé l’instruction. M. Jean-Vincent Placé a eu l’occasion de nous recevoir à plusieurs reprises et s’est engagé dans cette démarche. Je m’en félicite parce que c’est une nouvelle preuve que la simplification normative appelle et rend possible la coopération de l’ensemble des institutions.
J’ajoute que notre délégation fera le point dans quelques mois sur l’avancée de ce processus.
Cela dit, nous savons tous qu’alléger le stock des normes en vigueur équivaut à vider le tonneau des Danaïdes si rien n’est fait simultanément pour réguler le flux de normes nouvelles ! Pour une norme supprimée, vous le savez, cinq ou six sont créées dans la foulée. Nous sommes nous-mêmes, cela a été dit à plusieurs reprises pendant le débat, producteurs de normes. Nous devons donc nous donner les moyens préventifs et curatifs d’inverser cette arithmétique.
Je ne vais pas évoquer les initiatives que notre délégation envisage de prendre à cet égard. Je me contenterai d’indiquer que nous ne sommes pas inactifs sur ce volet de la simplification. En particulier, nous développons avec le Conseil national d’évaluation des normes, que préside notre ancien collègue Alain Lambert, un partenariat opérationnel dans le cadre d’une charte que le président Larcher, Alain Lambert et moi-même avons signée en juin dernier.
J’espère que toutes ces perspectives vont se concrétiser bientôt par de nouvelles avancées.
La proposition de loi que nous allons adopter est un point de départ important, novateur, mais l’essentiel reste évidemment à faire.
Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du groupe Les Républicains et du RDSE.
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour le groupe écologiste.
Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.
Monsieur le président, mes chers collègues, cette proposition de loi issue des travaux du groupe de travail sur la simplification du droit de l’urbanisme émanant de notre délégation aux collectivités territoriales, vous l’avez voulue. Monsieur le président, vous avez souhaité la suivre personnellement et vous en avez surveillé l’avancement avec attention. Vous avez aussi souhaité que nous procédions à un vote solennel sur ce texte, qui a son importance même s’il n’est qu’un début.
Les pistes dégagées par le groupe de travail sont le fruit d’un dialogue nourri avec les acteurs de l’aménagement des territoires, qu’ils soient élus locaux ou professionnels de l’aménagement.
Mon nom ne figure pas parmi ceux des nombreux cosignataires, parce que j’avais au départ quelques bémols à apporter sur lesquels je reviendrai. Mais nous pouvons nous réjouir de la qualité du travail réalisé et du niveau de coconstruction atteint sur ce texte. Mme la ministre du logement et de l'habitat durable nous a également assuré, au cours de la discussion, qu’elle porterait notre texte à l’Assemblée nationale dans le même esprit. Nous pouvons ainsi espérer que l’un des derniers textes de la législature sera adopté à l’unanimité ou à la quasi-unanimité de notre Parlement. On peut encore rêver ! §Si vous le voulez bien, monsieur le secrétaire d'État, vous transmettrez ce souhait !
Comme j’ai pu le dire lors de la discussion générale, l’enjeu est de simplifier le droit, mais sans amoindrir la portée de la loi.
Je voudrais souligner les éléments les plus importants de ce texte.
On peut noter, en particulier, les mécanismes permettant de réduire les délais d’instruction des recours en matière d’urbanisme et d’éviter ainsi les procédures dilatoires. Tout le monde s’accorde pour reconnaître que notre justice doit être plus rapide sans pour autant sacrifier la qualité des décisions non plus que les voies de recours.
L’amélioration du dialogue entre les collectivités territoriales et l’État, à travers la désignation d’un référent unique sur les questions d’urbanisme, d’aménagement et d’environnement, constitue une avancée importante, qui répond à une demande forte de la part des services décentralisés comme des élus locaux. Ce dispositif est complété par une conférence de conciliation et d’accompagnement des projets locaux, qui doit faciliter l’accord, dans l’élaboration des schémas, entre les différents échelons territoriaux et leurs acteurs.
Les écologistes ont été entendus, comme en témoigne l’adoption de deux amendements, à nos yeux majeurs.
Le texte initial prévoyait de reculer la réalisation de l’étude d’impact concernant les zones d’aménagement concerté et de la confondre avec l’étude d’impact sur la réalisation. Dans le cas d’une étude menée tardivement, c’est-à-dire lors de la réalisation de la zone, et non de sa création, cela aurait privé les élus des informations nécessaires pour juger de l’opportunité du projet non seulement du point de vue environnemental, mais aussi en termes économiques. Ce point a été rectifié ; nous en sommes satisfaits.
Le second problème concernait la consultation des CDPENAF, ces fameuses commissions départementales de préservation de l’environnement naturel agricole et forestier – cela sonne déjà mieux que cette abominable abréviation ! –, dont les avis techniques sur les règlements d’urbanisme sont largement reconnus pour éclairer les décisions publiques et les positionnements des représentants de l’État que sont les préfets. Là encore, retarder leur consultation pour avis aurait eu pour effet de priver les élus locaux d’éléments déterminants pour prendre leurs décisions.
J’avais quelques réserves sur ce texte au moment de son dépôt sur le bureau du Sénat. C’est pourquoi, je l’ai dit, je n’en suis pas signataire, alors même que j’avais suivi les travaux du groupe de travail avec grand intérêt et que j’avais apprécié l’esprit dans lequel ils avaient été menés.
Je voudrais à ce propos saluer les deux auteurs de la proposition de loi, MM. François Calvet et Marc Daunis, ainsi que la rapporteur, Mme Élisabeth Lamure. En effet, il faut reconnaître qu’il est non seulement agréable, mais aussi utile à l’intérêt de nos concitoyens de travailler ainsi.
Le Sénat a su montrer à cette occasion sa capacité à surmonter les clivages partisans – cela fait du bien de temps en temps ! – lorsqu’il s’agit de défendre les collectivités territoriales et de réformer intelligemment ce que la succession de différentes lois a parfois rendu inintelligible. Pour ma part, j’ai apprécié cette séquence de travail parlementaire.
Nous suivrons avec attention le sort de ce texte à l’Assemblée nationale. Nous comptons sur Mme la ministre du logement et de l’habitat durable pour faire valoir notre état d’esprit constructif et positif auprès de nos collègues députés. Nous ne doutons pas qu’ils sauront encore enrichir le texte : là est bien notre rôle de parlementaires.
Le groupe écologiste du Sénat votera donc à l’unanimité cette proposition de loi.
Je tiens, moi aussi, à dire à MM. François Calvet et Marc Daunis à quel point j’ai apprécié le travail qu’ils ont mené conjointement.
La parole est à M. Marc Daunis, pour le groupe socialiste et républicain.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Le travail que nous avons accompli ensemble est peut-être inhabituel dans l’exercice et le fonctionnement de notre assemblée. Notre approche n’en fut pas moins exigeante et fondée sur la volonté exclusive d’être utiles tant à notre pays qu’aux acteurs et aux élus locaux.
Je voudrais aussi remercier la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, qui, sous votre impulsion, monsieur le président du Sénat, nous a permis de mener, en toute liberté, un travail de fond.
Je tiens également à remercier Mme la rapporteur, Élisabeth Lamure. Elle a compris précisément la démarche dans laquelle nous souhaitions nous inscrire. Avec exigence, certes, mais aussi avec beaucoup d’écoute, elle nous a permis de progresser point par point pour que, ensemble, nous parvenions à ce texte et, aujourd’hui, à ce vote.
Permettez-moi encore de remercier les membres de mon groupe de leur implication. Sous l’impulsion de notre collègue Annie Guillemot, ils ont été présents et attentifs, et ont fait montre d’un souci permanent de faire « remonter » les préoccupations des élus locaux, préoccupations qu’ils partagent au quotidien.
Enfin, au cours de ce débat, les différents groupes composant notre assemblée ont montré leur capacité à s’emparer de ce texte et à essayer d’en faire leur miel ; qu’il s’agisse en particulier du groupe CRC ou du groupe écologiste, chacun a pu formuler des propositions de manière positive et surmonter les éventuelles réticences initiales. Je m’en réjouis.
Nous avions une exigence et une méthode, que nous souhaitions rigoureuse et participative.
Quant à la participation, le questionnaire qui a reçu 11 000 réponses a déjà évoqué. Le travail que nous avons effectué s’est fondamentalement appuyé sur ces riches réponses venues des acteurs locaux, quel que soit leur statut.
Par ailleurs, nous avons essayé de trier, au sein de ces propositions, ce qui relevait du domaine réglementaire.
Monsieur le secrétaire d’État, nous avons eu l’occasion de vous remettre en main propre la substantifique moelle du travail effectué et des propositions qui ont été récoltées. Ainsi, dans le cadre de votre mission fondamentale, qui consiste à œuvrer pour la simplification, vous pourrez à votre tour prendre les décrets et dispositions nécessaires pour faire fructifier auprès des administrations la volonté partagée sur toutes nos travées.
Enfin, il fallait lever les doutes des élus locaux, qui ont le sentiment que, chaque fois que l’on parle de simplification, il en résulte, au pire une difficulté supplémentaire, au mieux une instabilité nouvelle qui complexifie l’instruction ou la réalisation de projets.
Nous nous sommes donc astreints à une discipline rigoureuse. Si je ne devais retenir qu’une idée de notre travail, c’est qu’il s’agissait, avant tout, d’un hymne de confiance aux élus locaux.
Cette proposition de loi exprime d’abord la volonté de stabiliser les règles et les documents d’urbanisme, ainsi que de rétablir un dialogue entre l’administration et les collectivités territoriales. Elle entend également, par une impulsion normative, accompagner un mouvement de fond qui se produit dans nos territoires : nous allons de plus en plus vers un urbanisme de projets.
Cela s’exprime, entre autres dispositions de ce texte, dans le référent juridique, ou encore dans le rôle que nous avons donné à la commission de conciliation, qui doit constituer une enceinte de dialogue, en amont, pour les porteurs de projets. Cela témoigne aussi de notre confiance dans la capacité des uns et des autres à se mettre autour d’une table et à fixer ensemble, en amont des projets, la règle du jeu.
En conclusion, il faut répéter inlassablement ceci : simplifier n’est pas déréglementer. En revanche, c’est une exigence majeure pour notre pays. En effet, trop de recours abusifs qui s’appuient sur un excès des normes, ou encore tentent de travestir les réglementations existantes, nuisent à l’intérêt général. Cela explique un certain nombre de dispositions que nous avons prises. Notre exigence de simplification se fonde aussi sur le coût très élevé payé par notre pays dans plusieurs domaines : logement, emploi, activité, ou encore coût des administrations centrales.
Nous avons voulu consolider et tenu à respecter les acteurs de terrain. Je ne doute pas que la navette saura faire prospérer cet esprit. Le Président de la République avait invité notre pays à un choc de simplification.
Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.
Le groupe socialiste et républicain votera donc pour la proposition de loi.
Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.
La parole est à M. Rémy Pointereau, pour le groupe Les Républicains.
En tant que premier vice-président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, l’engagement de notre collègue au service de la simplification des normes est une évidence !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
M. Rémy Pointereau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’inflation normative est un fléau pour notre pays, et un fléau qui nous coûte très cher !
Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.
Le coût des normes représente trois points de notre produit intérieur brut, selon l’OCDE, l’Organisation de coopération et de développement économiques, qui place d’ailleurs la France à la 121e place, sur 144 pays, en termes de compétitivité administrative. Le Conseil national d’évaluation des normes, ou CNEN, avait quant à lui chiffré à 6 milliards d’euros le coût brut des textes de loi qui lui ont été soumis pour examen entre 2008 et 2014. Enfin, pour mettre en œuvre un projet, quel qu’il soit, il faut deux fois plus de temps en France que dans de nombreux pays européens.
Ne nous dédouanons pas de ces chiffres : en tant que législateur, nous avons une part de responsabilité.
Mais nous ne l’endossons pas entièrement, car les décrets d’applications, leur interprétation, ainsi que la réglementation diffèrent souvent de la volonté du législateur.
Dans son dernier rapport portant sur la simplification des normes, le Conseil d’État a rappelé qu’il était urgent de mettre au cœur des missions des décideurs publics l’impératif de simplification et de qualité du droit. Il faut le noter, même si ce même Conseil d’État ne nous aide pas toujours à simplifier. Il ajoutait qu’il fallait se doter de véritables instruments de mesure de la norme, de ses effets et de sa perception par des études d’impacts sérieuses et plus invasives.
C’est pourquoi je me réjouis que notre Haute Assemblée, sous l’égide de son président Gérard Larcher
Très bien ! sur les travées du groupe Les Républicains.
C’est au titre de cette ambition que la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, sous la houlette de son président, M. Jean-Marie Bockel, vous a présenté depuis 2014 plusieurs initiatives visant à alléger la France de son « rocher de Sisyphe ».
Ainsi, en mars 2015, nous avons présenté une proposition de loi, qui a été adoptée à l’unanimité, élargissant le droit de saisine du CNEN aux élus locaux.
En janvier dernier, nous avons déposé une proposition de loi constitutionnelle visant à simplifier les normes applicables aux collectivités territoriales, mais qui pourrait également être appliquée au domaine privé de l’entreprise et de l’agriculture.
Ce texte contient trois grands principes qui doivent permettre de tuer dans l’œuf les normes à venir.
Le premier principe consiste en l’obligation de supprimer une norme pour chaque norme créée, ce qui est désormais en usage chez nos voisins européens.
Le second principe est celui du « prescripteur-payeur » : le coût de la norme doit être assumé par celui qui l’édicte.
Enfin, le troisième principe interdit la surtransposition des actes législatifs européens, qui représentent déjà près de 50 % du droit français.
Nous avons enfin fait adopter une proposition de résolution à travers laquelle nous invitions le Gouvernement à limiter le poids de la réglementation applicable aux collectivités territoriales.
La proposition de loi que vous ont présentée la semaine dernière nos collègues François Calvet et Marc Daunis, que je tiens à féliciter pour le travail accompli et pour leur volonté de consensus, …
… s’inscrit dans le droit fil de ces initiatives. Elles poursuivent toutes un seul objectif : simplifier la vie de nos élus, de nos concitoyens, de nos porteurs de projets et de nos entreprises.
Je salue par ailleurs le travail effectué par nos collègues Gérard Bailly, sur les normes agricoles, et Jacques Genest, sur la relance de la construction en milieu rural.
La présente proposition de loi, élaborée dans le cadre du groupe de travail que j’ai eu l’honneur de présider, a la particularité d’avoir respecté une feuille de route politique stricte, axée autour de trois choix.
Le choix a été fait, en premier lieu, d’une démarche inclusive permettant d’associer toutes les composantes du Sénat. Nous avons fait en sorte que soient représentés l’ensemble des groupes politiques et des commissions permanentes du Sénat, car nous considérons que l’inflation normative est l’affaire de tous et constitue donc un domaine transpartisan.
Nous avons aussi voulu que ce soit une démarche sectorielle. En effet, la proposition de loi est consacrée à la simplification du droit de l’urbanisme, de l’aménagement et des sols. Il s’agissait, pour nous, de traduire dans les faits les résultats de la première consultation des élus réalisée à l’occasion du congrès des maires de 2014. En effet, près de 65 % des répondants avaient exprimé que leurs préoccupations portaient d’abord sur un bloc de dispositions qui ralentissent, renchérissent, voire bloquent leurs projets de constructions ou d’aménagement.
Enfin, cette proposition de loi est également le fruit d’une démarche participative. C’est à la mode. Notre groupe de travail a en effet organisé plus de 20 auditions, au cours desquelles nous avons écouté 99 personnalités : élus, professionnels de l’aménagement, avocats, universitaires, juristes, membres du Conseil d’État notamment. Nous avons également lancé une consultation nationale qui a reçu plus de 10 000 réponses : leur prise en compte garantit que notre proposition de loi se fait l’écho des véritables préoccupations du terrain.
Je salue par ailleurs le travail d’Élisabeth Lamure, rapporteur de la commission des affaires économiques, qui, par ses amendements, a participé à l’amélioration de certaines des dispositions du texte de loi.
Mes chers collègues, nos élus ne cessent de réclamer de la stabilité et de la simplicité juridiques ! Cette proposition de loi ne résoudra certainement pas tous les problèmes, mais elle constitue à mes yeux un premier pas en ce sens.
Au nom du groupe Les Républicains, je vous invite donc, mes chers collègues, à voter massivement pour cette proposition de loi qui témoigne d’une volonté partagée par le plus grand nombre d’entre nous : il est urgent de simplifier pour éviter un chaos juridique !
Monsieur le secrétaire d’État, le chemin ne sera pas terminé pour autant, car il faut que cette loi prospère à l’Assemblée nationale. C’est la question que je vous pose ; j’espère que nous aurons la réponse dans quelques minutes.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur plusieurs travées du groupe UDI-UC, du RDSE et du groupe socialiste et républicain.
Je tiens, moi aussi, à remercier le président de la commission des affaires économiques, M. Jean-Claude Lenoir, et la rapporteur, Mme Élisabeth Lamure.
Mes chers collègues, il va être procédé, dans les conditions prévues par l’article 56 du règlement, au scrutin public solennel sur l’ensemble de la proposition de loi portant accélération des procédures et stabilisation du droit de l’urbanisme, de la construction et de l’aménagement, dans le texte de la commission, modifié.
Ce scrutin, qui sera ouvert dans quelques instants, aura lieu en salle des conférences.
Je remercie nos collègues Corinne Bouchoux, Bruno Gilles et Jackie Pierre, secrétaires du Sénat, qui vont superviser ce scrutin.
Je rappelle qu’une seule délégation de vote est admise par sénateur.
Je déclare le scrutin ouvert et je suspends la séance jusqu’à quinze heures quarante-cinq, heure à laquelle je proclamerai le résultat.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à quinze heures vingt, est reprise à quinze heures quarante-cinq.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 40 :
Nombre de votants343Nombre de suffrages exprimés341Pour l’adoption341Le Sénat a adopté.
Applaudissements.
, comment exprimer le plaisir que je ressens à me retrouver parmi d’anciens collègues, dans cette ambiance bon enfant ? Les sourires et les marques de sympathie sur toutes les travées démontrent que, au-delà des querelles parfois vaines, la représentation nationale peut se rassembler autour de textes forts, ambitieux et utiles pour notre pays et ses concitoyens.
Nouveaux sourires.
Permettez-moi d’excuser Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable, qui a mené ce travail avec vous et contribué au dialogue dynamique entre la Haute Assemblée et le Gouvernement.
Je tiens également à saluer le travail d’Alain Lambert, plusieurs fois cité, ancien sénateur éminent et actuellement président du Conseil national d’évaluation des normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics. Grâce à lui, nombre d’entre vous ont pu se faire une opinion encore plus précise de la quantité de normes et de la nécessité d’en réduire le flux et le stock.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez mené avec beaucoup de méthode, d’à-propos et d’intelligence politique – cela ne peut pas faire de mal ! §– cette entreprise en mettant en place un groupe de travail réunissant plusieurs commissions. Vous avez ainsi abordé de façon pluraliste et diverse l’ensemble des sujets liés à la construction, à l’équipement et au droit des collectivités locales avec l’ensemble des professionnels concernés. Vous avez extrêmement bien travaillé.
Inutile d’ailleurs de répondre comme de coutume intervention par intervention : les six représentants – pour le coup, seuls des sénateurs ont pris la parole aujourd'hui, mais je suis sûr que les sénatrices y étaient par la pensée
Exclamations amusées.
Tout le monde est attaché à la régulation en matière de santé, en matière sociale, en matière d’écologie, en matière de sécurité, mais, bien sûr, des nuances se sont fait sentir dans les discours. C’est logique, et cela témoigne de la pluralité politique. Je ne veux surtout pas caricaturer, d’autant que ces nuances étaient à peine perceptibles, mais certaines formations politiques sont peut-être plus soucieuses que d’autres de la liberté d’entreprendre, de créer et d’innover, alors que Jean-Pierre Bosino, Joël Labbé, mais aussi Marc Daunis ont davantage insisté sur la régulation.
Le tronc commun, c’est le constat.
J’ai présenté lundi 24 octobre dernier au nom du Gouvernement des mesures de simplification pour la vie des entreprises – je vois ici ou là quelques sourires goguenards, mais ce n’est pas facile !
Sourires.
De la même manière, les mesures relatives à la vie quotidienne ont été très appréciées des particuliers, par exemple ceux qui se rendent à l’étranger et ont besoin d’un passeport. J’ai eu l’occasion de les présenter en conseil des ministres mercredi 26 octobre dernier.
(Sourires.) Je ne doute pas que ceux qui y ont participé gardent un souvenir précis de la qualité de nos travaux et du sérieux de nos discussions.
Marques d’approbation.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je salue la méthode de travail que vous avez mise en œuvre pour avancer sur ces sujets difficiles, en coopération avec le Gouvernement. Je vous remercie de m’avoir associé à votre démarche : d’aucuns se souviennent des réunions de travail que nous avons eues, parfois arides, dans les salles de commission du Sénat, parfois plus conviviales et ouvertes au ministère, 32 rue de Babylone. §
Nous avons ainsi pu avancer sur tous les sujets, sur les études d’impact, sur les délais de jugement, sur les recours abusifs, sur la stabilisation des PLU, sur la sécurisation des opérations d’aménagement, sur l’avis, sujet très discuté et passionné, des architectes des bâtiments de France. Les dialogues se sont multipliés, ont prospéré et les uns et les autres, quelle que soit la qualité au titre de laquelle ils intervenaient, ont su mettre l’accent sur l’essentiel.
J’ai d’ailleurs demandé au Conseil de la simplification pour les entreprises de poursuivre son travail jusqu’au mois de juin prochain, alors qu’il devait cesser son action au mois de janvier. Ainsi la future majorité, quelle qu’elle soit, pourra-t-elle faire ce qu’elle veut de cette structure…
La méthodologie retenue est en effet la bonne. Il s’agit, pour chaque texte, de connaître l’impact, par une étude budgétaire, qui concerne non seulement les finances publiques, mais aussi les entrepreneurs et les particuliers. Au risque de passer pour un thuriféraire de l’Allemagne, je précise que c’est la méthode qui a cours dans ce pays : une agence fédérale a été créée, qui effectue un travail remarquable, puisqu’elle évalue avant, étudie l’impact après et évalue encore ensuite.
En matière de simplification, cette méthodologie est essentielle. C’est d’ailleurs bien cela qui est mis en place depuis trois ans, et ce n’est pas facile. Ce n’est pas un sujet droite-gauche, beaucoup l’ont rappelé : c’est une question de détermination politique pour lutter contre certaines résistances. Sans critiquer notre administration, je reconnais qu’elle est parfois tatillonne, s’attache trop au contrôle et n’est pas assez partenariale. Il faudra mener ce débat avec ses services.
En réalité, chaque semaine, chaque mois, il faut, comme nous le faisons actuellement tous les six mois au Gouvernement, pouvoir annoncer des mesures, ce qui m’amène aux questions qui m’ont été posées à propos des quarante-cinq mesures réglementaires qui figurent dans le rapport.
François Calvet, Marc Daunis et Rémy Pointereau ont eu la gentillesse d’organiser une conférence de presse commune avec Estelle Grelier et moi-même, illustrant la détermination commune de la Haute Assemblée et du Gouvernement sur ce sujet. J’ai demandé à nos services d’étudier au plus près ces quarante-cinq mesures réglementaires. Une réponse vous sera apportée par le Premier ministre lui-même le 5 décembre prochain.
M. Jean-Vincent Placé, secrétaire d'État. Des discussions ont eu lieu avec les services du ministère du logement et les différents cabinets, lors des réunions interministérielles – grands moments de joie pour les membres du Gouvernement !
Sourires.
J’espère pouvoir vous apporter des réponses le plus rapidement possible et prendre l’engagement que l’Assemblée nationale examinera prochainement un texte aussi œcuménique.
Monsieur le président du Sénat, à vous qui, avec la Haute Assemblée tout entière, avez défendu une vision de la simplification des normes, je tiens à dire que ce vote unanime et la force qu’il donne à cette réforme nous obligent. C’est ce message que je livrerai au Président de la République et au Premier ministre.
C’est un bonheur pour moi d’être ici, à vos côtés, pour représenter le Gouvernement, en un moment d’unanimité aussi important, et si utile pour nos concitoyens, si utile pour la France !
Bravo ! et applaudissements.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures dix, sous la présidence de Mme Françoise Cartron.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre : le contrat d’objectifs et de moyens entre l’État et France Médias Monde pour la période 2016-2020 ; le contrat d’objectifs et de moyens d’Arte France pour la période 2017-2021.
Acte est donné du dépôt de ces documents.
Ils ont été transmis aux commissions permanentes compétentes.
L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, ratifiant l’ordonnance n° 2015-1682 du 17 décembre 2015 portant simplification de certains régimes d’autorisation préalable et de déclaration des entreprises et des professionnels et modifiant le code du sport (projet n° 15, texte de la commission n° 74, rapport n° 73).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'État.
Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, vous examinez le projet de loi de ratification de l’ordonnance du 17 décembre 2015 portant simplification de certains régimes d’autorisation préalable et de déclaration des entreprises et des professionnels et modifiant le code du sport, déposé par le Gouvernement après le conseil des ministres du 11 mai dernier et adopté le 6 octobre par l’Assemblée nationale.
Il m’incombe de vous présenter ce texte, dès lors que son principal apport, mis à part la ratification de l’ordonnance elle-même, concerne deux mesures relatives à la lutte contre le dopage et à la mise en conformité de notre droit avec la nouvelle mouture du code mondial antidopage.
Permettez-moi de rappeler d’abord les objectifs et le contenu de l’ordonnance qu’il s’agit de ratifier. Depuis le lancement du choc de simplification par le Président de la République le 28 mars 2013, le mouvement de simplification à destination des entreprises et des particuliers a été largement engagé.
Eh oui ! Il comprend non moins de 415 mesures à destination des entreprises et 210 à destination des particuliers. Ce n’était pas une mince affaire : il fallait s’y atteler, et c’est ce qu’a fait le Gouvernement.
Il s’agit là d’un programme d’une ampleur inédite, qui concerne tous les champs de la vie économique et tous les types de démarches que nos concitoyens sont amenés à effectuer dans leur vie quotidienne.
Je pense en particulier à l’inversion du principe selon lequel le silence de l’administration au bout de deux mois valait rejet de la demande. La loi du 12 novembre 2013 habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l’administration et les citoyens prévoit désormais que le principe général est que le défaut de réponse de l’administration vaut accord, sauf dans une série de cas de figure ayant été soigneusement répertoriés.
La transformation des régimes d’autorisation préalable en régimes déclaratifs est une autre façon de simplifier les démarches administratives et la vie quotidienne des Français. Cette simplification a nécessité un long travail d’inventaire des procédures d’autorisation ou de déclaration, puis un examen au cas par cas de leur nécessité et de leur efficacité réelle au regard des objectifs d’intérêt général qui les sous-tendent.
Sur ce fondement, l’article 10 de la loi du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises et portant diverses dispositions de simplification et de clarification du droit et des procédures administratives a habilité le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures relevant de la loi aux fins de concrétiser cette réforme.
Il s’est agi de supprimer certains régimes d’autorisation ou de déclaration préalable, de les simplifier ou de remplacer un régime d’autorisation par un régime déclaratif, au besoin en renforçant parallèlement les modalités de contrôle.
Tel est donc l’objet de l’ordonnance du 17 décembre 2015 que le Gouvernement vous invite à ratifier cet après-midi. Ses dispositions sont relatives notamment aux professions agricoles, au domaine des transports, au secteur funéraire, au régime des débits de boissons et aux domaines culturel et touristique.
Votre commission ayant proposé d’adopter l’article 1er de ratification, je n’entrerai pas plus dans le détail de l’ordonnance, sauf pour ce qui concerne, à l’article 17, le régime d’autorisation ou de déclaration des manifestations sportives.
Jusqu’alors, l’article L. 331-2 du code du sport prévoyait que toute compétition sportive, rencontre, démonstration ou manifestation publique sportive de quelque nature que ce soit, devait être déclarée auprès de l’autorité administrative dès lors qu’elle n’était pas organisée sous l’égide d’une fédération sportive agréée ou qu’elle n’était pas inscrite au calendrier d’une telle fédération.
Cela recouvrait, en réalité, des situations très diverses, allant des kermesses et des fêtes de quartier, avec quelques activités physiques récréatives, jusqu’à des événements sportifs à visée purement commerciale, hors des circuits fédéraux, tels certains critériums.
Dans les faits, cette obligation était largement méconnue des organisateurs et donc peu utile pour l’administration, alors même que son non-respect était en théorie passible d’une sanction pénale pouvant aller jusqu’à un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende ! L’ordonnance supprime donc cette obligation déclarative générale, dont l’utilité était devenue très limitée à l’époque d’internet. Elle supprime aussi cette incrimination manifestement disproportionnée.
Cependant, certaines de ces manifestations organisées hors du champ de contrôle des fédérations sportives peuvent représenter des dangers non négligeables pour les participants. Je pense en particulier à l’engouement depuis plusieurs années pour les sports dits extrêmes, qui ne relèvent d’aucune discipline sportive reconnue.
L’ordonnance étend par conséquent le pouvoir dévolu au préfet d’interdire, par arrêté motivé et sous le contrôle du juge, une compétition « lorsqu’elle présente des risques d’atteinte à la dignité, à l’intégrité physique ou à la santé des participants ».
J’évoquerai maintenant brièvement les articles additionnels à l’article de ratification.
L’article 2 de ce texte vise à corriger une conséquence indirecte de la mesure que je présentais à l’instant sur le champ de contrôle de l’Agence française de lutte contre le dopage, l’AFLD.
Ce champ est défini par l’article L. 232-5 du code du sport. Aux termes de cet article, l’Agence peut intervenir lors des manifestations sportives organisées par les fédérations agréées ou autorisées par les fédérations délégataires, de même que pendant les manifestations sportives internationales organisées sur notre sol.
L’ordonnance du 30 septembre 2015 de transposition du nouveau code mondial antidopage a ajouté au champ de contrôle de l’Agence la possibilité de diligenter des contrôles lors des « manifestations sportives soumises à une procédure de déclaration ou d’autorisation prévue par le présent code ».
Mais, vous le comprenez, le resserrement du champ des déclarations préalables, dans le même mouvement, est venu limiter la portée de cette mesure : elle prive l’AFLD de la possibilité de contrôler des manifestations sportives organisées en dehors de tout cadre fédéral.
Il convenait donc de corriger cette situation en réintroduisant la possibilité de mener des contrôles antidopage lors des manifestations sportives « donnant lieu à une remise de prix en argent ou en nature » alors même qu’elles ne sont pas organisées par une fédération agréée ou autorisées par une fédération délégataire.
Dans la mesure où cette disposition figure dans le présent projet de loi, elle a été supprimée par le Gouvernement dans la proposition de loi visant à préserver l’éthique du sport, à renforcer la régulation et la transparence du sport professionnel et à améliorer la compétitivité des clubs, présentée par Dominique Bailly et votée – nous en sommes collectivement fiers – à l’unanimité la semaine dernière par votre assemblée.
De même, vous avez déjà adopté l’extension du champ du profilage biologique du sportif, qui figure à l’article 2 bis du projet de loi, à la suite d’un amendement du rapporteur à l’Assemblée nationale, Pascal Deguilhem. Cette mesure a été retirée de la proposition de loi de Dominique Bailly.
Jusqu’à présent, le profilage biologique du sportif, qui est un mode de preuve indirecte du dopage par un suivi régulier d’une série de paramètres biologiques, ne pouvait concerner que certaines catégories de sportifs : les sportifs professionnels, les sportifs de haut niveau, les sportifs Espoirs et les sportifs ayant fait l’objet d’une sanction pour dopage au cours des trois dernières années.
L’Agence mondiale antidopage estime que, pour être pleinement en conformité avec le nouveau code mondial, la technique du profilage biologique ne doit pas se limiter à ces catégories de sportifs, mais qu’elle doit pouvoir s’appliquer, le cas échéant, à tout sportif au sens du code du sport. Le Gouvernement souhaite donc s’inscrire en parfaite conformité avec le code mondial en réglant cette dernière question.
Enfin, l’article 3 du projet de loi concerne non plus le sport, mais la supervision des établissements bancaires et des sociétés d’assurance. Il s’agit également de corriger une conséquence indirecte et inopportune des dispositions de l’ordonnance à ratifier.
La commission de la culture, de l’éducation et de la communication a bien voulu adopter le présent projet de loi de ratification sans changements par rapport au texte de l’Assemblée nationale. J’en félicite son rapporteur, Michel Savin. Aucun amendement n’a été, me semble-t-il, déposé sur ce texte.
Le Gouvernement ne pourrait évidemment qu’être satisfait si la Haute Assemblée adoptait aujourd’hui un texte conforme, car il pourrait ainsi être rapidement promulgué. Il répondrait aux attentes en matière de conformité au code mondial antidopage, mais aussi en matière de simplification et de clarté du droit, en particulier dans le code du sport et dans le code monétaire et financier.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur celles du groupe écologiste et du RDSE.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons s’inscrit dans une démarche de longue haleine de simplification et de clarification du droit.
L’ordonnance du 17 décembre 2015 procède ainsi, dans divers domaines, à la transformation des régimes d’autorisation en régimes de déclaration. L’accès à certaines professions et leur exercice s’en trouveront simplifiés. Enfin, de nombreuses procédures administratives sont allégées.
Améliorer les relations entre le public et l’administration, diminuer les contraintes pesant sur nos concitoyens, sur les élus locaux et sur les entreprises, en ayant le courage de se défaire de procédures inutiles ou désuètes – et la lecture de l’ordonnance en offre de nombreux exemples – sont autant d’objectifs que notre commission et notre assemblée partagent pleinement. La proposition de loi portant accélération des procédures et stabilisation du droit de l’urbanisme, de la construction et de l’aménagement, dont le Sénat est à l’origine et qu’il a adoptée en début d’après-midi, en offre un parfait exemple.
Il convient toutefois de veiller à ce que la simplification du droit se fasse selon une méthode acceptable et constructive. Il s’agit de ne pas multiplier les demandes d’habilitation à légiférer par ordonnance, le périmètre des habilitations étant souvent très étendu ou imprécis, ce qui conduit à vider le travail parlementaire de son sens et crée une forme d’insécurité.
Ces objections ont par deux fois fondé l’opposition du Sénat à habiliter le Gouvernement à prendre la présente ordonnance, sur le rapport de nos collègues Thani Mohamed Soilihi et André Reichardt. Les articles 2 et 3 du projet de loi illustrent les risques liés à une simplification précipitée.
L’article 2 corrige en effet la suppression malencontreuse du contrôle exercé par l’Agence française de lutte contre le dopage sur les manifestations sportives non organisées ou autorisées par une fédération sportive. Il étend désormais le champ du contrôle de l’Agence aux manifestations sportives donnant lieu à une remise de prix en argent ou en nature, même si elles ne sont pas organisées ou autorisées par une fédération. Par coordination, le champ des sanctions pouvant être prononcées par l’Agence est également étendu.
L’article 3 quant à lui corrige une autre erreur matérielle, cette fois dans le domaine financier. L’ordonnance a supprimé l’avis obligatoire préalable de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, l’ACPR, pour la nomination ou le renouvellement des commissaires aux comptes des organismes soumis à son contrôle. Ce faisant, elle a supprimé la possibilité pour l’ACPR de nommer un commissaire aux comptes supplémentaire dans les organismes d’assurance, alors que cette faculté avait vocation à être conservée. Cet article relevant de la commission des finances, j’ai sollicité l’avis de son rapporteur général, notre collègue Albéric de Montgolfier, qui m’a indiqué qu’il y était favorable.
Il ne fait aucun doute que le travail serein et informé du Parlement aurait permis d’éviter ces erreurs de coordination, d’autant plus regrettables que les dispositions de l’ordonnance sont entrées en vigueur le 1er janvier dernier.
Quoi qu’il en soit, l’ordonnance ne présentant pas de difficulté particulière, notre commission se montre naturellement favorable à sa ratification. Elle a ainsi adopté sans modification l’ensemble du projet de loi.
En outre, l’article 2 bis, inséré par nos collègues députés, permettra de mettre notre législation en conformité avec les recommandations de l’Agence mondiale antidopage. Rendue impérative par la candidature de la Ville de Paris à l’organisation des jeux Olympiques d’été de 2024, cette mise en conformité avait été introduite dans le projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté. Le Sénat avait supprimé l’article 13 bis du projet de loi au motif fondé qu’il s’agissait d’un cavalier législatif. Il adoptera aujourd’hui cette disposition utile et nécessaire, ce dont je me réjouis.
Compte tenu de ces observations, je vous invite, mes chers collègues, à confirmer le vote de notre commission et à adopter ce projet de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’examen d’un projet de loi de ratification est toujours un moment particulier pour les parlementaires du groupe CRC. En effet, nous nous situons là dans un entre-deux particulièrement désagréable : on nous demande d’accepter la ratification d’un document dont nous n’avons pas pu débattre ensemble.
Cela étant dit, venons-en au présent projet de loi de ratification. Les critiques du groupe CRC sur le recours aux ordonnances s’y appliquent pleinement. En effet, ce texte est un regroupement anarchique de mesures diverses et variées, ayant pour fil conducteur de créer un choc de simplification. La frontière avec la dérégulation est parfois ténue…
Ainsi, souvenons-nous que lors des débats sur le projet de loi habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnance, le secrétaire d’État de l’époque, Thierry Mandon, avait indiqué que 3 000 régimes spéciaux pourraient être modifiés. On peut effectivement se dire que ce nombre témoigne plus d’une gabegie administrative que d’une réelle cohérence, mais, je le répète, dans ce cadre, on peut regretter que la discussion n’ait pas eu lieu.
Nous entendons régulièrement parler de la complexité administrative, normative, à la française, restes d’une culture jacobine de nos institutions. Un choc de simplification serait donc nécessaire pour raccourcir les délais, alléger les procédures, au risque selon nous de supprimer certains filets de sécurité. Ce quinquennat aura été grandement marqué par ce processus de dérégulation.
Si certaines mesures du texte qui nous est aujourd'hui soumis relèvent du bon sens et mettent en œuvre une simplification utile pour nos concitoyens – je pense aux dispositions visant à lutter contre le dopage et au défaut de réponse de l’administration valant accord –, d’autres en revanche nous posent franchement question.
Ainsi, je m’étonne qu’on puisse se déclarer chef de centre d’insémination sans le moindre contrôle de l’État.
De la même manière, les services techniques des remontées mécaniques n’auront plus à certifier le matériel pour que leur propriétaire puisse profiter d’une déduction de taxe sur la valeur ajoutée.
Les entreprises du secteur funéraire sont en partie exonérées du droit commun, car elles n’ont plus l’obligation de présenter de manière transparente leur forme juridique et leur habilitation.
Quant aux sociétés anonymes et aux sociétés en commandite par actions, elles pourront dorénavant exercer le métier d’agents artistiques, activité qui ne nécessite plus d’inscription au registre national des agents artistiques. Je ne doute pas que cela permettra à des parents de représenter les intérêts de leur progéniture dans certains concours de beauté ou de jeunes artistes, mais cela pose tout de même un certain nombre de questions.
Je m’étonne d’ailleurs que, au moment où l’on essaie de réguler l’activité des représentants dans le secteur du sport, avec succès comme en témoigne la proposition de loi adoptée ici à l’unanimité la semaine dernière, à l’occasion de laquelle nous avons pu défendre, avec bonheur, nos valeurs, et la décision de la FIFA de supprimer le third party ownership, ou propriété des droits économiques des joueurs par des tiers, on dérégule le domaine de la représentation dans les arts.
Toutes ces mesures qui, prises individuellement, semblent anodines et dont, je l’ai dit, certaines sont bonnes vont en fait toutes dans le même sens. Elles visent à mettre en œuvre une dérégulation progressive et à uniformiser tous les régimes spéciaux pour les intégrer – c’est notre crainte – au régime général.
Monsieur le secrétaire d’État, il nous est donc impossible de voter un tel texte en l’état, malgré les avancées qu’il contient dans certains secteurs, comme le sport.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce texte poursuit le vaste chantier de simplification administrative décidé dès 2012 par le chef de l’État, et nous nous en réjouissons. Concédons qu’il amplifie une volonté plus ancienne, mais reconnaissons aussi que nous assistons depuis quelques années à une accélération bienvenue de l’allégement des procédures administratives.
Nous serions enfin engagés sur « le chemin du bon sens », pour reprendre le titre d’un rapport sénatorial sur les normes agricoles.
Un Français sur quatre jugerait sa relation avec l’administration extrêmement « complexe ». On comprend nos compatriotes, car il nous est arrivé à tous d’être confrontés à la lourdeur des procédures administratives.
C’est donc avec bienveillance que j’aborde ce débat. Il semble y avoir un consensus sur la nécessité d’aller aussi loin que possible pour faciliter la vie des administrés, qu’ils soient particuliers ou entrepreneurs.
Le projet de loi qui nous est soumis ne comporte que trois articles.
L’article 1er, qui a pour objet de ratifier l’ordonnance du 17 décembre 2015 portant simplification de certains régimes d’autorisation préalable et de déclaration des entreprises et des professionnels et modifiant le code du sport, concerne de nombreux domaines allant du secteur agricole au sport, en passant par les services funéraires et les débits de boissons.
Je ne reviendrai pas sur l’historique de la rédaction de cette ordonnance, notre collègue rapporteur l’ayant très bien fait.
Je rappellerai seulement que cette ordonnance découle de l’inversion, par la loi du 12 novembre 2013, du principe selon lequel le silence gardé par l’administration au terme de deux mois valait rejet de la demande. Depuis cette loi, le silence de l’administration vaut acceptation. C’est une bonne chose.
Afin de conserver un minimum d’encadrement dans des cas bien précis, des exceptions ont été prévues, où l’acceptation implicite ne serait pas la règle. Toutefois, pour simplifier les procédures dans ces cas, l’ordonnance du 17 décembre 2015 supprime des régimes d’autorisation et déclaration, allège les régimes d’autorisation préalable et de déclaration ou substitue des régimes déclaratifs à des régimes d’autorisation.
Plusieurs types d’activités sont concernés. D’une façon générale, il s’agit de faciliter la vie des entrepreneurs et de leur épargner des complications dans le cadre de leurs activités. On ne peut bien entendu que partager cet objectif.
Alors, oui, il faut ratifier cette ordonnance, car, oui, il n’est pas besoin de faire une déclaration à l’administration pour « arracher des plantations de plantes à parfum », pour ne citer qu’un exemple anecdotique.
Le projet de loi contient deux autres articles visant à corriger deux malfaçons de l’ordonnance apparues mécaniquement du fait de l’allégement des procédures.
L’article 2 rend à l’Agence française de lutte contre le dopage sa compétence pour effectuer des contrôles pendant les manifestations sportives qui ne sont pas organisées ou autorisées par une fédération sportive agréée. Le panel des sanctions est également élargi.
J’approuve bien sûr cet article. Tricher ou mettre en danger sa santé sont des pratiques qui, hélas ! ont également cours en dehors du cadre des fédérations. J’ajoute que cet article est conforme à l’esprit de la loi du 1er février 2012 visant à renforcer l’éthique du sport et les droits des sportifs, texte adopté sur l’initiative du RDSE.
Enfin, l’article 3 rétablit la faculté pour l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution de désigner un commissaire aux comptes supplémentaire dans les organismes d’assurance soumis à son contrôle.
Cette disposition technique n’appelant pas de commentaire, je conclurai en revenant sur l’enjeu principal de ce projet de loi, la simplification de la vie des administrés.
Le groupe du RDSE votera ce texte parce que, conjugué aux autres mesures de simplification adoptées au cours de ces dernières années, il tend à substituer à une administration parfois trop tatillonne une administration plus efficace et plus rapide, sans jamais confondre, monsieur le secrétaire d’État, vitesse et précipitation.
Néanmoins, ce texte ne réglera pas tous les problèmes.
Certains athlètes qui manient avec dextérité le « référentiel rebondissant aléatoire » ont parfois une musculature suspecte et sont très sujets aux tendinites, leurs muscles, qui n’ont pas été fabriqués en maniant la fourche au moment des fenaisons ou la charrue au moment des labours, étant quelque peu fragiles, surtout lorsqu'ils subissent de nombreux chocs…
Nous devons veiller à cette question, que M. le secrétaire d'État connaît bien, car, d’une part, si les sportifs veulent être adulés, ils doivent être exemplaires ; d’autre part, nous n’avons pas le droit, par nos comportements, de mettre leur santé en danger.
Cela étant dit, monsieur le secrétaire d’État, je sais que vous luttez contre le dopage avec détermination et beaucoup de courage.
Applaudissements sur les travées du RDSE et de l'UDI-UC.
M. Claude Kern. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, sauf surprise, nous ne devrions pas nous écharper au cours de l’examen de ce texte
Sourires.
Le présent projet de loi a deux objectifs.
Dans le respect des principes constitutionnels, il vise tout d’abord à faire ratifier par le Parlement l’ordonnance du 17 décembre 2015, laquelle procède à des mesures de simplification dans les domaines les plus divers : finance, commerce, professions agricoles, transports, secteur funéraire, régime des débits de boissons, culture, tourisme ou encore manifestations sportives.
Cette démarche d’allégement des contraintes administratives pesant sur les entreprises était attendue par l’ensemble des professionnels. Au Sénat, nous l’avions soutenue dans le cadre de la loi du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises et portant diverses dispositions de simplification et de clarification du droit et des procédures administratives.
Concrètement, cette ordonnance a engagé trois séries de modifications : la suppression des régimes d’autorisation et de déclaration pouvant retarder l’exercice d’une activité professionnelle ; l’allégement des régimes d’autorisation préalable et de déclaration ; la substitution de régimes déclaratifs à des régimes d’autorisation préalable. Bref, elle est une bouffée d’oxygène pour les entreprises, même s’il reste encore beaucoup à faire, monsieur le secrétaire d’État.
Ce projet de loi vise ensuite à corriger des malfaçons nées de la rédaction de l’ordonnance, dont les dispositions sont, je le rappelle, entrées en vigueur le 1er janvier 2016.
Les dispositions litigieuses sont de deux ordres.
En premier lieu, l’ordonnance a supprimé par erreur le contrôle exercé par l’Agence française de lutte contre le dopage sur les manifestations sportives non organisées ou autorisées par une fédération sportive. Afin de réparer cette faute, le projet de loi étend le champ du contrôle de l’AFLD aux manifestations sportives donnant lieu à une remise de prix en argent ou en nature, même si elles ne sont pas organisées ou autorisées par une fédération.
En second lieu, cela a été rappelé, l’ordonnance de décembre 2015 a supprimé le régime d’avis préalable de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution pour toute proposition de nomination ou de renouvellement du mandat des commissaires aux comptes des organismes des secteurs bancaire et assurantiel. En lieu et place, elle prévoit que l’ACPR peut désigner, lorsque la situation le justifie, un commissaire aux comptes supplémentaire.
Or, telle qu’elle est rédigée, l’ordonnance exclut de ce dispositif les établissements du secteur de l’assurance. Le présent projet de loi rétablit donc la possibilité pour l’ACPR de désigner un commissaire aux comptes supplémentaire dans les organismes du secteur de l’assurance.
Par ailleurs, l’Assemblée nationale a considéré, à raison, que ce texte constituait le véhicule législatif le plus adapté pour mettre notre réglementation nationale en totale conformité avec les recommandations de l’Agence mondiale antidopage, l’AMA.
À cet effet, nos collègues députés ont introduit un article qui étend le champ d’application du suivi longitudinal du profil biologique. Ce dispositif ne concernera plus seulement les sportifs de haut niveau, les sportifs Espoirs, les sportifs professionnels licenciés des fédérations agréées et les sportifs ayant déjà fait l’objet d’une sanction disciplinaire, comme cela est le cas aujourd’hui. Il s’appliquera à tous les sportifs. En effet, des sportifs ne figurant pas dans cette liste pourraient relever de ce dispositif du fait, par exemple, de leur investissement dans des épreuves sportives.
Cette extension a été officiellement demandée au Gouvernement par l’Agence mondiale antidopage. Si une telle évolution est nécessaire pour mener à bien la lutte contre le fléau que constitue le dopage, elle pourrait aussi, à son niveau, jouer un rôle en faveur de la candidature de Paris à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.
Je terminerai en rappelant, pour mémoire, que deux des articles de ce texte, et vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État, figuraient initialement dans la proposition de loi visant à préserver l’éthique du sport, à renforcer la régulation et la transparence du sport professionnel et à améliorer la compétitivité des clubs, texte que nous avons adopté à l’unanimité la semaine dernière. Ils en ont été retirés au profit du présent texte. Nous y sommes donc doublement favorables !
Le groupe UDI-UC soutiendra évidemment ce texte.
Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du RDSE.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, le projet de loi que nous étudions aujourd’hui a été adopté avec de minimes ajustements à l’Assemblée nationale et sans modification lors de son examen, ici, par la commission. Sa discussion en séance publique devant notre assemblée ne devrait pas susciter d’inquiétudes particulières, même si de bonnes questions ont été posées.
Nous souhaitons tout d’abord saluer les avancées que contient ce texte en matière de lutte contre le dopage. Les articles 2 et 2 bis permettent, pour l’un, de pallier une malfaçon de l’ordonnance concernant les contrôles menés par l’Agence de lutte contre le dopage, pour l’autre, d’élargir le champ d’application du profil biologique sportif.
Ces deux mesures figuraient initialement dans une proposition de loi adoptée il y a une semaine dans cet hémicycle à l’unanimité, avant de trouver le bon véhicule législatif, celui que nous étudions aujourd’hui. Nous ne pouvons que nous en réjouir. Nous soutenons donc sans réserve ces deux points, tant la lutte contre le dopage et toutes les formes de tricheries dans le sport doivent être combattues vigoureusement.
En ce qui concerne l’autre volet du texte, la ratification de l’ordonnance du 17 décembre 2015, nous nous réjouissons de ce qui est une avancée en termes de simplification. Sans vouloir critiquer l’administration, force est de reconnaître que, parfois, nous frôlons Ubu, et nombreux sont les domaines sur lesquels ce texte aura une incidence, du secteur funéraire au secteur agricole, en passant par la culture. On nous dit que cela permettra une simplification des procédures et un meilleur fonctionnement. Si c’est le cas, nous nous en réjouissons.
Alors que certains régimes d’autorisation préalable sont lourds et complexes pour les professionnels et les entreprises, l’allégement des procédures leur permettra d’exercer plus simplement leur activité.
Cette simplification et le choix fait en faveur des régimes déclaratifs, plutôt que des régimes d’autorisation préalable, visent à une meilleure efficacité et lèvent de véritables pesanteurs administratives, souvent dénoncées sur diverses travées de notre hémicycle. On me le dit souvent, que ce soit lors d’un rendez-vous à ma permanence ou sur le terrain avec les élus du département, le poids des normes, qui s’empilent et parfois se contredisent à quelques semaines d’intervalle, frôle parfois Kafka, et il est bien lourd à supporter.
L’action de simplification menée par le Gouvernement est donc nécessaire – nous en avons eu un exemple tout à l'heure – et nous formons le vœu qu’elle se poursuive et essaime dans d’autres domaines. Toutefois, il ne faudrait pas pousser trop loin la simplification, notamment en matière d’environnement.
Cette démarche en faveur de la simplification de l’accès des usagers aux services de l’administration est à mener sur le long terme. Mais des avancées en la matière sont déjà visibles, comme l’entrée en vigueur, au début de l’année, du nouveau code des relations entre le public et l’administration. Nous ne pouvons que nous en féliciter.
Nous saluons cette volonté d’agir, dont la mesure phare est celle qui permet de considérer que le silence de l’administration vaut acceptation, passé un délai de deux mois sans réponse de sa part. Ce changement de paradigme, effectif déjà depuis novembre 2014, représente un pas de géant dans de nombreux domaines.
Dans la continuité de cette action en faveur du lien avec les usagers, la possibilité de saisine de l’administration par voie électronique est également bénéfique. Néanmoins, la question de savoir comment font ceux qui sont éloignés de l’outil informatique reste posée.
Nous apprécions également sur ce texte, comme sur celui qui a été évoqué, la méthode du Gouvernement. Le choix de recenser tous les régimes d’autorisation afin d’identifier ceux qui pourraient être simplifiés découle d’une volonté à la fois pragmatique et claire qui nous convient. En garantissant l’assouplissement des démarches, tout en prévoyant les contrôles nécessaires, le Gouvernement a su trouver, en tout cas pour aujourd'hui, un équilibre judicieux, même si quelques exemples quelque peu baroques suscitent notre interrogation.
Nous soutenons donc ce texte et nous saluons la méthode qui a été adoptée.
Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain. – MM. François Fortassin et Alain Dufaut applaudissent également.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce projet de loi ratifiant l’ordonnance du 17 décembre 2015 comporte de nombreuses dispositions de simplification, très éloignées de la thématique sportive. Toutefois, au milieu de cette diversité, nous trouvons plusieurs éléments intéressant tout particulièrement les manifestations sportives et la lutte contre le dopage.
Il ne s’agit pas du seul texte visant à simplifier le régime des déclarations ou des autorisations préalables en matière de manifestations sportives. Je pense, par exemple, au décret du 24 juin 2016, qui permet d’alléger le régime de contrôle pour les manifestations de sports de combat : on passe d’un régime d’autorisation préalable à un régime de déclaration, qui se trouve, par ailleurs, écarté s’il s’agit d’une manifestation organisée par une fédération délégataire.
Concernant l’ordonnance en question, deux petites erreurs se trouvent ici corrigées. La suppression du régime de déclaration préalable auprès de l’autorité administrative de toute manifestation publique, quelle que soit sa nature, dans une discipline sportive qui se trouve n’être ni organisée ni autorisée par une fédération agréée, est une utile mesure d’allégement des formalités administratives. Nombre de mes collègues étant revenus sur l’expression « choc de simplification », je ne m’y attarderai pas.
Certes, il ne s’agit pas de laisser démunie l’administration. En effet, celle-ci conserve son pouvoir de police administrative, en pouvant interdire la tenue d’une manifestation sportive, selon le triptyque classique de l’ordre public : risques d’atteinte à la dignité, à l’intégrité physique ou à la santé des participants. Tout à l’heure, M. le secrétaire d'État a évoqué des sports dits « violents » ou « extrêmes ».
Toutefois, et c’est l’objet de l’article 2 du projet de loi, la suppression de certains régimes de déclaration ou d’autorisation préalable privait de base juridique les pouvoirs de contrôle de l’AFLD, l’Agence française de lutte contre le dopage, sur des pans entiers de la pratique sportive, en raison du renvoi explicite, au sein de l’article L. 232-5 du code du sport, de son autorité de contrôle sur les « manifestations sportives soumises à une procédure de déclaration ou d’autorisation prévue par le présent code ».
Le rétablissement des contrôles de l’AFLD sur un champ important du sport amateur est essentiel, bien entendu, alors que le recours au dopage dans le sport amateur concernerait de 5 % à 15 % des pratiquants, selon le chiffre de l’Académie nationale de médecine. Je veux ici réitérer le cri d’alarme que je formulais déjà en 2013 dans le rapport sur la lutte contre le dopage, qui n’est malheureusement pas l’apanage du sport de haut niveau ou de disciplines circonscrites.
Les amateurs ont trop longtemps échappé à la stratégie des contrôles, d’où la nécessité de les intégrer dans les publics cibles, des amateurs qui ont souvent des revenus supérieurs à ceux des professionnels.
De surcroît, le panel de sanctions que peut prendre l’Agence se trouve élargi à l’interdiction, pour un sportif, de participer à des manifestations hors fédérations, ainsi qu’à des personnes tierces qui ont contribué, d’une manière ou d’une autre, à une activité de dopage ou d’entrave à l’exécution des missions de l’agence. Un certain nombre de disciplines sont très régulièrement citées ; je pense, par exemple, au culturisme.
Celui qui est aujourd'hui présenté comme le champion du monde de culturisme relève d’une fédération internationale totalement inconnue en France. On sait, par ailleurs, que les salles de culturisme, de remise en condition physique, de bodybuilding ou d’haltérophilie sont des lieux très fréquentés pour des trafics de produits illicites… Et ces trafics concernent non pas seulement ces activités-là, mais l’ensemble des autres activités, qu’il s’agisse de sports collectifs ou individuels.
L’article 2 bis, introduit par notre collègue Pascal Deguilhem, rapporteur du projet de loi à l’Assemblée nationale, vise à achever la transposition en droit interne du code mondial antidopage. Il permet d’élargir l’usage du suivi longitudinal du profil biologique au-delà des sportifs de haut niveau, des sportifs « Espoir » et des sportifs professionnels licenciés des fédérations.
Cette nouvelle technique de contrôle est particulièrement prometteuse. Elle permet de mettre en évidence l’utilisation de substances ou l’usage de méthodes interdites, en révélant des variations atypiques du profil biologique du sportif.
La création d’un profil biologique résulte de l’amendement sénatorial que j’avais déposé dans le cadre de la loi du 12 mars 2012. Elle a élargi les missions de l’AFLD, qui fut créée par le législateur en 2006, pour définir et conduire les actions de la lutte antidopage. Cette Agence a le statut d’une autorité publique indépendante, dotée de la personnalité morale.
L’article 3 permet de réintégrer les organismes d’assurance dans le champ du pouvoir de désignation de commissaire aux comptes supplémentaire de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.
Ainsi, ce projet d’ordonnance, à caractère essentiellement technique, est l’occasion d’achever le travail de transposition dans notre législation du code mondial antidopage, effectué pour l’essentiel par l’ordonnance du 30 septembre 2015. La correction de deux malfaçons, via les articles 2 et 2 bis du projet de loi, permet à notre pays de conforter sa position d’avant-garde dans la lutte contre le dopage. En effet, il s’agit d’une position qu’il convient de maintenir.
La France n’est-elle pas le pays qui a le plus légiféré sur ce sujet, depuis la loi Herzog en 1965, suivie des lois Bambuck en 1989, Buffet en 1999 et Lamour en 2006, pour n’évoquer que les lois essentielles ? La France est souvent citée comme modèle et, pourtant, c’est dans notre pays qu’est intervenu cet événement à haute valeur symbolique que fut l’affaire Armstrong. Nous aurons connu quatorze années de mensonges et de mystification, en lien avec le formidable succès populaire que connaît le Tour de France cycliste.
Nous connaissons les importantes difficultés auxquelles nous nous heurtons : la loi du silence – même si les révélations des « sportifs repentis » se multiplient –, l’internationalisation des pratiques et des trafics, la possibilité d’achats sur internet, l’hétérogénéité des laboratoires agréés par l’AMA, le cloisonnement du mouvement sportif, l’apparition de nouveaux produits, les difficultés de détection de certaines pratiques, comme l’autotransfusion sanguine, ou bien encore l’éventuelle complicité institutionnelle caractérisant le dopage d’État de certains pays.
Tous ces obstacles doivent non pas engendrer résignation et fatalisme, mais inciter à une forte mobilisation collective. En effet, l’implication dans la lutte antidopage concerne tous les acteurs du sport : l’Union européenne, les États, le CIO, le CNOSF, l’AMA, les fédérations sportives nationales et internationales, divers ministères – non pas simplement celui des sports, mais également l’éducation nationale, la santé et l’intérieur –, les sportifs et leur encadrement, les anciens sportifs, les partenaires économiques, les professions médicales et paramédicales, les agences nationales comme l’AFLD, l’OCLAESP, l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique, les instances publiques ou privées ayant trait au sport et, bien évidemment, le Parlement, à travers sa fonction législative.
En 2013, nous posions sept piliers principaux autour desquels s’articulaient les soixante propositions émises par la commission d’enquête parlementaire du Sénat : la connaissance de la réalité du dopage et du trafic, la prévention, la politique des contrôles, les analyses – avec la question du statut du laboratoire de Châtenay-Malabry –, les sanctions – savoir, par exemple, qui doit détenir le pouvoir de sanction des sportifs –, la politique pénale – avec la pénalisation ou non de l’usage des produits dopants – ou bien encore la coopération entre les acteurs en charge de la lutte antidopage, qui sont trop souvent isolés.
Depuis 2013, nous avons progressé, via notamment l’actualisation du code mondial. Mais le combat doit nécessairement se poursuivre, de récentes affaires nous le rappellent.
Avec le dopage, nous nous trouvons à la convergence de divers enjeux qui en font une véritable question de société : un enjeu éthique d’équité sportive, c’est-à-dire d’égalité des chances face au résultat et à la performance ; un enjeu sanitaire, les produits utilisés pouvant avoir des effets néfastes sur la santé des sportifs, à court, moyen ou long terme ; un enjeu économique et médiatique – par exemple, l’économiste Jean-François Bourg estime le marché mondial du dopage à environ 30 milliards d’euros par an ; un enjeu judiciaire, puisque nous nous trouvons face à un trafic de produits interdits.
Le renforcement des dispositions visant à lutter contre la corruption sportive, composante de la proposition de loi débattue ici même la semaine dernière, complète les avancées sur la lutte contre le dopage par des dispositions inhérentes aux fraudes technologiques.
Nous pouvons nous réjouir que le travail accompli au cours de cette législature apporte des réponses à la dégradation des vertus prônées à travers la pratique sportive, l’abaissement de la dignité dont est porteur l’aléa sportif et l’atteinte à l’intégrité du sport.
Le dopage constitue un problème éthique majeur pour le sport du XXIe siècle. La contribution déterminée à son éradication représente également un élément clef de la candidature de Paris aux jeux Olympiques de 2024. La ratification, que j’espère unanime, de cette ordonnance y contribuera.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. François Fortassin applaudit également.
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
(Non modifié)
L’ordonnance n° 2015-1682 du 17 décembre 2015 portant simplification de certains régimes d’autorisation préalable et de déclaration des entreprises et des professionnels est ratifiée.
L'article 1 er est adopté.
(Non modifié)
Le titre III du livre II du code du sport est ainsi modifié :
1° Le 2° de l’article L. 230-3 est ainsi rédigé :
« 2° Soit à une manifestation sportive donnant lieu à une remise de prix en argent ou en nature, alors même qu’elle n’est pas organisée par une fédération agréée ou autorisée par une fédération délégataire ; »
2° Le b du 2° du I de l’article L. 232-5 est ainsi rédigé :
« b) Pendant les manifestations sportives donnant lieu à une remise de prix en argent ou en nature, alors même qu’elles ne sont pas organisées par une fédération agréée ou autorisées par une fédération délégataire ; »
3° Le I de l’article L. 232-23 est ainsi modifié :
a) Au b du 1°, après le mot : « participer », sont insérés les mots : « à toute manifestation sportive donnant lieu à une remise de prix en argent ou en nature, de même qu’ » ;
b) Au c du même 1°, les mots : « des compétitions et manifestations sportives autorisées par une fédération délégataire ou organisées par une fédération agréée ainsi qu’aux entraînements y préparant » sont remplacés par les mots : « des manifestations sportives et des entraînements mentionnés au b du présent 1° » ;
c) Au b du 2°, les mots : « des compétitions et manifestations sportives autorisées par une fédération délégataire ou organisées par une fédération agréée ainsi qu’aux entraînements y préparant » sont remplacés par les mots : « des manifestations sportives et des entraînements mentionnés au b du 1° du présent I ». –
Adopté.
(Non modifié)
Le premier alinéa de l’article L. 232-12-1 du code du sport est ainsi rédigé :
« Les prélèvements biologiques mentionnés au premier alinéa de l’article L. 232-12 peuvent avoir pour objet d’établir le profil des paramètres pertinents dans l’urine ou le sang d’un sportif aux fins de mettre en évidence l’utilisation d’une substance ou d’une méthode interdite en vertu de l’article L. 232-9. » –
Adopté.
(Non modifié)
Le code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° L’article L. 612-43 est ainsi rédigé :
« Art. L. 612 -43. – L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution peut, lorsque la situation le justifie et dans des conditions fixées par décret, procéder à la désignation d’un commissaire aux comptes supplémentaire dans les organismes mentionnés au A du I de l’article L. 612-2, autres que les organismes mentionnés au 3° et exerçant des activités de nature hybride, au 4° bis, au 5°, au 6°, au 7°, au 8° et exerçant des activités de nature hybride, au 11° et au 12°, et dans les organismes mentionnés au B du même I, autres que les sociétés de groupe mixte d’assurance mentionnées au 6°. » ;
2° Le I des articles L. 746-2, L. 756-2 et L. 766-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’article L. 612-43 est applicable dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … ratifiant l’ordonnance n° 2015-1682 du 17 décembre 2015 portant simplification de certains régimes d’autorisation préalable et de déclaration des entreprises et des professionnels et modifiant le code du sport. » ;
3° Après le 6° du III de l’article L. 746-2, il est inséré un 6° bis ainsi rédigé :
« 6° bis Pour l’application de l’article L. 612-43, les mots : “, et dans les organismes mentionnés au B du même I, autres que les sociétés de groupe mixte d’assurance mentionnées au 6°” sont supprimés ; »
4° Après le 7° du III de l’article L. 756-2, il est inséré un 7° bis ainsi rédigé :
« 7° bis Pour l’application de l’article L. 612-43, les mots : “, et dans les organismes mentionnés au B du même I, autres que les sociétés de groupe mixte d’assurance mentionnées au 6°” sont supprimés ; ». –
Adopté.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Alain Néri, pour explication de vote.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, je ne peux que me féliciter de ce projet de loi, en particulier pour ce qui est de la lutte contre le dopage.
Ayant eu le privilège d’être le rapporteur de la loi antidopage de Roger Bambuck, puis de celle de Marie-Georges Buffet, je dois dire, monsieur le secrétaire d'État, que vous vous inscrivez parfaitement dans la continuité de vos prédécesseurs. Ce texte permet effectivement de renforcer la lutte contre le dopage, ce fléau qui non seulement touche les sportifs, mais aussi représente une atteinte à la santé publique.
Si ce projet de loi va dans le bon sens, le travail n’est toutefois jamais fini. J’ai, en plusieurs occasions, abordé le problème des autorisations à usage thérapeutique, douloureux problème sur lequel nous n’avons jamais pu trancher. Certains nous disent qu’un sportif doit avoir la possibilité de se soigner lorsqu’il est malade. Mais, là aussi, il y a dérives et tricheries. Aujourd’hui, nous avons connaissance de faits précis, qui confirment les craintes que nous avions évoquées voilà quelques années.
Nous avons appris, par exemple, que Bradley Wiggins avait bénéficié d’autorisations à usage thérapeutique avant sa victoire dans le Tour de France et aux jeux Olympiques. On peut dès lors s’interroger sur l’efficacité de tels traitements. Les médecins s’accordent tous à dire que l’usage thérapeutique d’un produit interdit aide à la performance et peut faire gagner celui qui n’était peut-être pas le meilleur.
Monsieur le secrétaire d'État, il est peut-être temps de soumettre à notre réflexion un projet de loi ou une proposition de loi qui permettrait de traiter ce douloureux problème.
Aujourd'hui, nous nous félicitions tous du progrès que représente le profil longitudinal du suivi biologique. C’est d'ailleurs chez les coureurs cyclistes que ce procédé a d’abord été mis en place. Il est donc possible de progresser encore en ce domaine. Si un sportif professionnel est malade, comme tout employé ou salarié, il doit prendre un congé de maladie ! Une fois son traitement terminé, il pourra reprendre la compétition. S’il s’agit d’un sportif amateur, l’arrêt n’est pas bien grave. Au lieu de participer à une compétition, il reste chez lui et se soigne.
Il faut mettre un terme à la suspicion qui pèse sur les traitements thérapeutiques. L’usage abusif des autorisations à usage thérapeutique constitue une escroquerie qui doit cesser.
Monsieur le secrétaire d'État, je voterai bien entendu ce texte, mais peut-être aurez-vous encore le temps de déposer un projet de loi qui nous permettrait d’aller plus loin, en supprimant l’autorisation à usage thérapeutique.
Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi, dans le texte de la commission.
Le projet de loi est adopté définitivement.
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la régulation, à la responsabilisation et à la simplification dans le secteur du transport public particulier de personnes (proposition n° 810, texte de la commission n° 61, rapport n° 60).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.
Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne saurais commencer mon intervention sans rappeler le contexte de cette proposition de loi du député Laurent Grandguillaume, issue des mouvements sociaux des chauffeurs de taxi comme des VTC, ou voitures de transport avec chauffeur, au début de l’année 2016.
Ce texte est le résultat d’un remarquable travail de médiation et de concertation du député Grandguillaume qui a permis d’apaiser une situation explosive. Contrairement aux allégations de certains des acteurs, qui trouvent, hélas, un certain écho, cette proposition rencontre une approbation très majoritaire des organisations syndicales et professionnelles des taxis et des VTC.
Le secteur du transport public particulier de personnes connaît depuis plusieurs années un développement heurté, marqué par l’apparition de nouveaux acteurs. Certes, des services innovants pour les usagers ont émergé, mais la principale réalité de ce secteur est bien celle de sa déstabilisation et de la paupérisation de l’ensemble des professions historiques qui la composent, les milliers d’emplois créés étant trop vite marqués du sceau de la précarité.
Je ferai, tout d’abord, une mise au point sur les enjeux de cette proposition de loi. Il s’agit bien d’un texte d’équilibre, dont l’objet est que chacun puisse travailler dans ce secteur selon un rythme soutenable et pour un salaire décent.
Je rappelle que ce n’est pas un problème franco-français. Partout dans le monde, l’émergence de ce nouveau modèle, qui n’est bien souvent, en réalité, que le retour à un ancien monde, suscite des conflits sociaux et rend nécessaire une intervention des États pour parvenir à une régulation juridique.
C’est vrai en Grande-Bretagne, où un tribunal vient de reconnaître la qualité de salariés à ces chauffeurs prétendument travailleurs indépendants. C’est vrai aux États-Unis, où un juge vient de refuser d’homologuer une transaction indemnitaire au profit d’un de ces chauffeurs au motif qu’elle ne prenait pas suffisamment en compte la gravité du préjudice subi.
Partout dans le monde, les ministres des transports que je rencontre m’exposent les mêmes difficultés, les mêmes conflits et la nécessité d’une réponse politique, d’une réponse de régulation.
En revanche, ce qui est particulier à la France, c’est le constat d’un détournement de la loi d’orientation des transports intérieurs, ou LOTI, pour créer des emplois de chauffeurs, avec pour seules conditions la détention d’un permis de conduire et d’un certificat médical. Cette fraude massive a créé dans notre pays une tension supplémentaire avec les professionnels, qu’ils soient taxis ou VTC.
J’observe que votre commission partage ce constat et qu’elle a utilement développé cette analyse dans son rapport sous le chapitre intitulé, de manière appropriée, « Le détournement massif de la loi d’orientation des transports intérieurs ».
Soyez-en certains, le développement de ce secteur d’activité ne pourra se faire que dans un climat apaisé, avec une réelle prise en compte des conditions sociales des conducteurs par les plateformes, sous peine de conflits durs à venir.
Depuis le mois de mars dernier, j’ai la charge de la coordination interministérielle pour l’avenir des transports publics particuliers de personnes. Historiquement partagé entre les ministères de l’intérieur pour les taxis, du tourisme pour les VTC et des transports pour les « LOTI », il était temps de penser le secteur comme un tout cohérent et de cesser d’opposer les uns aux autres pour parvenir à une structuration durable du transport public particulier de personnes. Ce sont dorénavant les services de la DGITM, la Direction générale des infrastructures de transports et de la mer du ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer, qui sont chargés de ce secteur.
Dès le mois de janvier dernier, le Premier ministre, qui avait reçu l’ensemble des acteurs du transport public particulier de personnes, avait souhaité un retour à l’équilibre en posant les bases de la feuille de route que j’ai présentée le 4 avril 2016.
Cette journée fondatrice a permis la constitution de quatre groupes de travail, portant notamment sur les thématiques de l’accès aux métiers du secteur, des contrôles, de la gouvernance et de la création d’un fonds de garantie pour les taxis.
J’ai voulu appliquer une méthode simple, pragmatique et dont le premier résultat fut le retour à une confiance mutuelle entre les pouvoirs publics et les acteurs du secteur : rien ne peut être décidé sans une large concertation des professionnels du terrain.
Cette concertation, au sein des différents groupes de travail, s’est traduite par la tenue de plusieurs dizaines de réunions associant les représentants des professionnels : taxis, VTC et LOTI.
J’ai réuni, le 7 juillet dernier, l’ensemble des représentants qui ont pris part aux travaux, afin de leur présenter un premier bilan de cette concertation, à l’heure où la majorité des groupes de travail avaient déjà rendu leurs conclusions. À l’occasion de cette matinée d’échanges, les représentants des chauffeurs de taxi, des VTC et des LOTI étaient réunis pour la première fois, ce qui symbolise les avancées de ces derniers mois.
Une prise de conscience a bien eu lieu, celle de la responsabilité collective de l’avenir de ce secteur. Il fallait avancer vite pour structurer l’avenir du transport public particulier de personnes, à la mesure, sans doute, de la rapidité des évolutions qu’il connaît actuellement, et probablement pour longtemps.
Les traductions concrètes de l’ensemble des avancées réalisées au sein des groupes de travail sont déjà bien visibles. Ainsi, une nouvelle signalétique des VTC, plus claire et plus sécurisée, sera mise en place dès le début de 2017. Un nouveau référentiel de connaissance a été construit. Il sera sanctionné par un examen commun, avec des modules spécifiques pour les taxis et les VTC, et par une épreuve pratique.
Le Gouvernement souhaite confier au réseau des chambres de métiers, établissements publics assurant un service public, l’organisation de ces examens.
J’entends les critiques, fondées sur une suspicion, contre cette solution. Ce sont exactement les mêmes critiques et le même débat que lorsqu’un gouvernement avait confié aux chambres de métiers une mission pour l’inscription des auto-entrepreneurs. Vous observerez que, aujourd'hui, plus personne n’en parle.
Votre commission a considéré que ces dispositions relevaient du règlement et a supprimé en conséquence l’article 6. Le Gouvernement ne souhaite pas, à ce stade, nourrir ce débat juridique, mais je réaffirme notre volonté du choix des chambres de métiers pour l’organisation des examens.
Des méthodes de gouvernance plus structurelles et pérennes vont être mises en œuvre. En ce sens, un observatoire national du transport public particulier de personnes et des commissions locales regroupant maintenant l’ensemble des métiers du secteur seront créés. Ce décret, le dernier de la loi du 1er octobre 2014, est en cours de publication.
En outre, les données deviennent un enjeu primordial dans les politiques publiques, tout particulièrement dans les transports. Je voudrais saisir cette occasion pour rappeler une disposition de la loi du 1er octobre 2014 prévoyant la mise en place d’une base de données sur les licences de taxi. Elle n’avait jamais été constituée jusque-là, en raison de la multitude des sources, les 36 000 communes, qui peuvent toutes créer des licences de taxi.
Cette base de données, qui comprend les 59 000 licences de taxi, a été constituée. Elle contient plus de 900 000 données, qui seront précieuses pour la connaissance du secteur du taxi, lequel fait souvent l’objet d’analyses rapides, voire déformées par la spécificité de la situation parisienne.
Ce travail sur les données, indispensable pour la construction de politiques publiques cohérentes et documentées, est d’ailleurs poursuivi dans la proposition de loi qui vous est présentée.
L’ensemble des travaux menés a favorisé une vision nouvelle pour la cohérence du secteur du transport public particulier de personnes, avec une première traduction dans les textes réglementaires que je viens d’évoquer, et son aboutissement dans la proposition de loi dont nous allons débattre aujourd’hui.
La proposition de loi de Laurent Grandguillaume porte la vision d’un secteur décloisonné, tendant au rapprochement des règles qui s’imposent aux métiers du transport public particulier de personnes. La situation actuelle oblige à une plus grande cohérence entre les différents régimes, mais aussi à une meilleure régulation des centrales, dont le développement rapide est l’un des éléments qui a conduit aux tensions que connaît la profession.
Le rapporteur et auteur de cette proposition de loi, Laurent Grandguillaume, a ainsi fait le choix d’une régulation renforcée des plateformes, afin d’éviter les détournements du code des transports et du code du travail, que tout le monde connaît désormais, et qui sont bien exposés dans le rapport de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. En ce sens, l’évolution du statut LOTI, porté par l’article 4 de la proposition de loi, permettra d’interdire son utilisation pour une activité VTC, ce qui a créé une situation de concurrence inégale et déloyale entre les acteurs du transport public particulier de personnes.
Qui peut réellement imaginer que le Gouvernement souhaite que les 15 000 chauffeurs LOTI exerçant aujourd’hui cette activité se retrouvent au chômage du jour au lendemain, comme l’affirment les plateformes ? N’oublions pas que cette mesure trouve son origine dans le détournement par ces dernières du régime des LOTI dans les zones de développement de l’activité VTC, à savoir les zones urbaines.
C’est bien pour continuer à pouvoir embaucher des conducteurs sans les former que les plateformes se battent pour conserver le statut LOTI, car elles sont confrontées à un turnover très important de conducteurs déçus par leur rémunération au regard du nombre d’heures de travail réalisées.
La concertation menée avec l’ensemble des acteurs, dont les plateformes, nous a amenés à prévoir une période de transition suffisante pour permettre aux chauffeurs, qui ne sont pas responsables de ce détournement de la loi, de passer du statut de LOTI à celui de VTC, de manière quasi automatique pour ceux qui n’ont pas de casier judiciaire. Et des dispositions semblables ont été prises, naturellement, pour leur véhicule.
La responsabilisation des plateformes est le deuxième grand enjeu de cette proposition de loi. Celles-ci ne peuvent pas se considérer comme de simples intermédiaires s’octroyant une commission de 20 %, voire plus, sur les courses réalisées. Il est bien normal, pour éviter tout contournement, que les conducteurs mis en relation respectent les règles d’accès à l’ensemble des professions du secteur du transport public de personnes.
Sur le sujet du transfert des examens au réseau des chambres de métiers, je voudrais rétablir quelques vérités. Selon le rythme actuel, quelque 10 000 personnes réussiront l’examen VTC en 2016, ce qui est largement conforme aux besoins affichés par les plateformes. Il n’y a donc pas de barrières d’accès à la profession, comme elles le laissent entendre.
Toutefois, le dispositif actuel n’est pas satisfaisant. Alors qu’il existe de fortes similitudes entre les deux métiers, les voies d’accès sont déséquilibrées. Un examen est organisé tous les mois pour les VTC, et seul un examen par an est obligatoire pour les taxis. Il s’agit pourtant, dans les deux cas, de transport public, avec une exigence sans compromis sur la sécurité routière, que je sais partagée sur l’ensemble de ces travées. N’est-il donc pas normal de demander, dans tous les cas, aux futurs conducteurs de la profession de passer un examen pratique ?
La proposition de loi autorisera également l’État à collecter les données du secteur, afin de nourrir les travaux de l’Observatoire. Le Gouvernement considère que ces données sont indispensables au contrôle, à la régulation et à la connaissance du secteur par les autorités compétentes.
Je souhaite terminer mon propos, en réponse à certaines interrogations, sur l’opportunité de légiférer une nouvelle fois. Vous le savez, le transport public particulier de personnes est l’un des secteurs les plus innovants, en France comme dans le monde entier. Il a notamment pleinement profité de l’apparition des smartphones et des applications, qui ont bouleversé les attentes et les usages de leurs utilisateurs.
Dans ce contexte, la loi de 2009 a autorisé, de fait, l’invasion des grandes plateformes de mise en relation sur le marché français, sans jamais l’avoir anticipée. Il ne faut pas nier, bien évidemment, l’apport massif de ces nouveaux services dans la vie quotidienne de milliers d’usagers dans les grandes villes. Mais le résultat premier a bien été la déstabilisation de ce secteur, en l’absence de règles pour un développement équilibré.
La loi du 1er octobre 2014 posait les bases d’une concurrence équilibrée entre taxis et VTC, dans le souci de préserver l’innovation, nécessaire pour ce secteur qui a peiné à se réformer de lui-même, et de sécuriser l’activité des taxis, dont les spécificités devaient être pleinement assumées. Elle fixait un nouveau cadre législatif dans le code des transports.
Contrairement à ce qu’affirmaient certains commentaires, elle ne tournait pas le dos à la modernité. Des dispositions innovantes ont été mises en œuvre, comme la mise en place de l’open data des taxis, plateforme numérique qui permet à un client de commander le taxi le plus proche avec un smartphone. J’ai d’ailleurs lancé ce nouveau service le 4 octobre dernier, et il est aujourd’hui déployé sur Montpellier, Marseille, La Rochelle, Rennes, Aix-en-Provence et, bien sûr, Paris. Il permettra ainsi à plus de 3 000 chauffeurs de taxi parisiens qui se sont portés volontaires pour adhérer à la plateforme et à tous leurs clients d’accéder, eux aussi, à l’innovation.
Notre ambition est que la proposition de loi aujourd’hui examinée trouve aussi des concrétisations dans la vie quotidienne, à la fois des usagers, des taxis et des VTC, mais aussi pour tous les chauffeurs qui font vivre le secteur. Cette loi doit favoriser l’innovation, les nouveaux usages, accompagner le développement du numérique dont les promesses pour la profession semblent aujourd’hui exponentielles.
J’en suis certain, les réponses aux problématiques que rencontre le transport public particulier de personnes ne peuvent venir seulement des taxis, des VTC ou des LOTI. Nos choix doivent être équilibrés et permettre à toutes les professions de se développer dans des conditions qui doivent être justes et équitables.
Le texte de Laurent Grandguillaume répond à ces enjeux : favoriser le développement de l’innovation et des emplois, mais adapter nos règles, afin de créer les conditions d’une concurrence saine et équilibrée, dont le secteur a besoin pour se développer, et construire enfin les conditions d’une innovation qui profite autant aux usagers qu’aux chauffeurs. Le Gouvernement avait pleinement confiance dans le travail mené par Laurent Grandguillaume : il soutient donc pleinement sa proposition de loi.
Monsieur le rapporteur, vous avez accompli pour votre part un important travail. Je ne partage pas toutes vos propositions, mais nombre d’entre elles, dont nous allons maintenant discuter, me semblent apporter de réelles améliorations.
Je forme le vœu que nous puissions conjointement aboutir à un texte, dans le respect de ses objectifs initiaux, à savoir la régulation, la responsabilisation et la simplification du secteur du transport public particulier de personnes, pour le respect de tous ses acteurs et la sécurité des consommateurs.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, à peine deux ans après le vote de la loi Thévenoud, nous examinons un nouveau texte sur le transport public particulier de personnes, exactement dans les mêmes conditions.
Ce texte est le fruit d’une concertation menée pendant plusieurs mois par le député Laurent Grandguillaume, que je tiens à saluer pour son travail, dans un contexte qui n’est pas simple, avec une multiplicité d’acteurs et de corporations, dont les avis et les intérêts sont parfois très divergents.
Il comporte donc des mesures utiles pour responsabiliser les plateformes et les centrales de réservation, protéger les conducteurs vis-à-vis de celles-ci, mettre fin au détournement de la loi LOTI et unifier les dispositions relatives à l’aptitude professionnelle des conducteurs. Il s’agit donc d’un texte d’apaisement nécessaire, nous en sommes convaincus. Mais nous regrettons vivement la méthode employée, monsieur le secrétaire d’État.
Je ne parle pas de la concertation, qui était indispensable, encore que nous ayons du mal à savoir exactement ce qui y a été décidé, puisqu’elle n’a donné lieu à aucun rapport public. Seul le Gouvernement a publié, à son issue, une feuille de route. Le fait que vous proposiez aujourd’hui, monsieur le secrétaire d’État, de modifier les délais de la période transitoire, à l’article 4, montre en tout cas des évolutions par rapport à ce qui aurait pu avoir été décidé dans ce cadre.
Nos critiques concernent les conditions d’examen de ce texte au Parlement. En ayant recours à une proposition de loi, vous vous êtes privés de l’avis du Conseil d’État, et vous nous avez privés d’une étude d’impact. De plus, vous nous contraignez à légiférer dans la précipitation, alors même que le dispositif que vous nous proposez n’est pas vraiment prêt.
Lorsque l’on interroge le ministère sur les dispositifs concrets qui seront mis en œuvre, c’est un peu le flou. L’article 1er de la proposition de loi, dans sa rédaction issue de l’Assemblée nationale, prévoyait d’imposer de nouvelles obligations aux plateformes et aux centrales de réservation, mais dans des termes assez vagues, en renvoyant à un décret le soin de les définir.
J’ai essayé de savoir quelles seraient ces obligations. Certaines, comme la vérification du permis de conduire ou des cartes professionnelles, m’ont été données tout de suite. Mais pour les autres, c’est l’inconnu pour l’avenir ! Vous évoquez des « mesures complémentaires, qui nécessitent un travail technique et une nouvelle concertation ». Doit-on en déduire que la concertation n’est pas terminée, voire que les orientations ne sont pas encore stabilisées ?
Vous ne savez pas non plus comment ces dispositions seront contrôlées, alors qu’il s’agit d’un point essentiel pour l’efficacité du dispositif. J’ai posé des questions précises, et je n’ai obtenu que des réponses au conditionnel, comme celle-ci : « Il pourrait s’agir, au minimum, d’une obligation de mettre en place une procédure d’autocontrôle […] et, au maximum, d’une obligation de contrôle et de certification par un organisme indépendant. » Ayant un temps contraint pour aborder ce texte, il m’aurait fallu, au moins, des réponses précises.
Vous vouliez d’ailleurs vous laisser du temps, puisque cette mesure ne devait entrer en vigueur qu’à « une date fixée par décret, et au plus tard dix-huit mois après la promulgation de la loi ». Vous nous demandez donc de valider ce texte en urgence, alors que l’on ne sait pas encore quel dispositif vous allez mettre en place sur son fondement.
Cette méthode ne permet pas de légiférer de façon correcte. Rappelons-nous la loi Thévenoud – je n’étais pas encore sénateur, mais j’en ai beaucoup entendu parler. Elle a été examinée sous la forme d’une proposition de loi et dans les mêmes conditions de précipitation. Or deux de ses dispositions ont déjà été censurées par le Conseil constitutionnel…
Le texte de l’Assemblée nationale comporte de belles intentions, mais aussi de sérieuses fragilités juridiques. Il risque donc de devenir totalement inopérant si le Conseil constitutionnel le censure en tout ou en partie. Or, on sait que les plateformes et centrales de réservation ne se priveront pas de faire des recours.
C’est donc pour en sécuriser la rédaction que la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable l’a modifié. Elle a aussi souhaité, conformément à une pratique constante du Sénat, encouragée par le président Gérard Larcher, clarifier les responsabilités respectives du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif, en supprimant les dispositions de nature réglementaire.
Vous me connaissez, monsieur le secrétaire d’État, nous travaillons souvent sur des sujets communs concernant d’autres attributions de votre ministère. Vous n’ignorez pas mon attachement au libre arbitre, à la responsabilité, et vous savez que je privilégie le travail et le bon sens à la posture.
À l’article 1er, la commission a considéré qu’il appartenait au législateur de définir les nouvelles obligations imposées aux plateformes, d’autant que leur non-respect était accompagné, dans le texte de l’Assemblée nationale, d’une amende de 300 000 euros. Le dispositif proposé par les députés est contraire aux principes constitutionnels de légalité des délits et des peines et de proportionnalité des sanctions. S’il est maintenu en l’état, il sera censuré à la première saisine du Conseil constitutionnel.
Il ne sert à rien de présenter un texte ambitieux en termes d’affichage et de renvoyer la définition de ces obligations à plus tard – peut-être après les élections –, si c’est pour que le texte soit ensuite vidé de son contenu en raison d’une censure !
Cela décrédibilise la classe politique dans son ensemble. J’ai pris le temps d’écouter longuement et à plusieurs reprises les acteurs du secteur, malgré le peu de temps que j’ai eu. Ils attendent des réponses concrètes, visibles sur le terrain, et non de vains engagements.
La commission a donc inscrit dans la loi ces obligations et supprimé la sanction de 300 000 euros, qui n’est pas proportionnée, et donc fragile juridiquement. Elle a jugé plus efficace la mise en place, par le pouvoir réglementaire, d’amendes contraventionnelles exigibles à chaque manquement, plus faciles à mettre en œuvre et donc, in fine, plus dissuasives.
La commission a supprimé l’article 2, qui prévoit la transmission périodique à l’autorité administrative des données des acteurs du secteur, tout en précisant qu’elle jugeait utile que certaines données puissent servir les professions et l’aménagement du territoire.
Néanmoins, là encore, cet article ne présentait pas de garanties juridiques suffisantes : il prévoyait la transmission des données relatives aux passagers, ce qui n’est pas nécessaire à une meilleure régulation du secteur. Je me demande aussi qui va pouvoir traiter ces données, avec quels moyens et dans quelles conditions de sécurité et de confidentialité. On nous cite souvent l’exemple de New York ou celui de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, l’ARAFER, mais il s’agit d’une autorité indépendante, ce qui n’est pas la même chose !
Nous vous proposons aujourd’hui une autre rédaction – mon amendement de suppression avait vocation à susciter le débat, vous l’avez compris, monsieur le secrétaire d'État –, avec plus de garanties, qui démontre que nous ne sommes pas opposés à cette mesure sur le fond.
À l’article 4, nous avons conservé l’interdiction des entreprises régies par la loi LOTI dans les grandes agglomérations, en l’avançant de six mois, pour éviter que de nouvelles entreprises soient créées entre la promulgation de la loi et le 1er juillet 2017 dans le seul objectif de bénéficier du régime transitoire. Je suis heureux de voir que le Gouvernement nous a suivis en partie sur ce point, et je suis sûr que nous trouverons la convergence nécessaire pour aboutir.
Nous avons également supprimé l’article 6, qui confie aux chambres des métiers et de l’artisanat l’organisation des examens d’accès aux professions de conducteurs de taxi et de VTC. Là encore, c’est non pas parce que nous y sommes opposés, mais parce qu’il s’agit d’une mesure réglementaire.
J’ai auditionné les chambres des métiers à ce sujet ; elles me semblent prêtes pour accueillir ce nouveau dispositif, mais c’est à vous, maintenant, monsieur le secrétaire d’État, d’en décider. L’organisation des examens relève de votre compétence : pouvez-vous nous garantir – vous l’avez déjà fait en partie – que ces examens seront organisés aussi régulièrement qu’aujourd’hui ?
Pour résumer, contrairement à ce qui a pu être dit – moi aussi, je souhaite réfuter des contre-vérités –, je n’ai cédé à aucune pression et j’ai exprimé à plusieurs reprises mon soutien aux mesures proposées. Vous auriez certainement rêvé d’un vote conforme, mais nous estimons que le texte de l’Assemblée nationale doit être amélioré. La loi n’est pas un étalage de bonnes volontés ni un lieu d’affichage au contenu incertain. Elle doit être claire, précise, normative, effectivement applicable sur le terrain et appliquée.
Je terminerai sur ce point, monsieur le secrétaire d’État. Avoir une nouvelle loi d’apaisement du secteur, c’est très bien. L’appliquer dans les faits, c’est encore mieux. Les tensions apparues en ce début d’année – on le voit encore aujourd’hui – proviennent du sentiment que le droit n’est pas appliqué sur le terrain. J’ai pu constater l’engagement des « boers », en visitant leur antenne à l’aéroport de Roissy. Toutefois, ceux-ci ne sont pas assez pour faire respecter la loi. Si l’on veut que la loi s’applique correctement dans ce secteur, il faut renforcer leurs effectifs, et adapter le système répressif pour le rendre plus efficace.
Si une amende contraventionnelle paraît moins impressionnante qu’une amende délictuelle, elle est souvent bien plus efficace, car elle est exigible immédiatement, sans qu’il soit besoin d’attendre la fin d’une longue procédure judiciaire. La proposition de loi n’empêchera pas certaines entreprises régies par la loi LOTI de continuer leur activité, en infraction avec la réglementation. Il faudra donc prévoir les sanctions correspondantes. C’est dans ces conditions seulement que l’ensemble des professions pourront continuer leur travail.
J’ai enfin une dernière question, qui n’est pas envisagée dans ce texte, monsieur le secrétaire d’État. Qu’en est-il du fonds de garantie des taxis, abordé lors de la concertation ?
Le Sénat n’est pas une chambre d’enregistrement. Même s’il y a urgence à agir, même si les acteurs sont, d’après vous, tombés d’accord sur ce texte, mon objectif unique est d'améliorer le projet de loi, pour faire en sorte que le service de la mobilité des particuliers soit assuré le mieux possible, qualitativement et quantitativement.
Même si, dans le cadre de cette procédure d’urgence, l’Assemblée nationale peut très vite avoir le dernier mot, ce débat et les positions exprimées dans cet hémicycle sont nécessaires. Il y va, monsieur le secrétaire d’État, de l’honneur du Sénat et du respect de la Constitution.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – M. Jean-Jacques Filleul applaudit également.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, comme orateur sur cette proposition de loi relative à la régulation, à la responsabilisation et à la simplification dans le secteur du transport public particulier de personnes, je suis soumis à une double difficulté.
Premièrement, j’interviens au tout début de la discussion générale, sur un sujet que je découvre, puisque, comme le rapporteur, je ne siégeais pas sur ces travées lors de l’examen de la loi Thévenoud.
Deuxièmement, notre assemblée fait l’objet, depuis ce matin, d’un véritable siège, qui tend peut-être à peser sur notre décision finale.
Un véritable bouleversement des schémas économiques traditionnels est en cours, et le texte que nous examinons aujourd’hui est en phase avec un monde évoluant à grande vitesse, grâce à la formidable créativité de ce que l’on appelle la révolution numérique. En effet, l’émergence planétaire extrêmement rapide d’une application numérique de transports des particuliers affecte le modèle économique traditionnel des taxis, et la proposition de loi aujourd’hui soumise à notre vote, la deuxième sur le sujet en deux ans, montre bien qu’il est nécessaire de procéder à une amélioration de la régulation du secteur.
J’interviens aujourd’hui devant vous, nonobstant que, à Saint-Martin, territoire que j’ai l’honneur et la chance de représenter, ce type de services n’existe pas. En effet, Saint-Martin et Saint-Barthélemy ayant la pleine compétence en la matière, ces collectivités sont exclues du dispositif, comme tend à le souligner l’amendement n° 54, adopté ce matin par la commission. Je vous parle donc sans aucun parti pris.
Devant de telles évolutions, seules trois options sont possibles : le conservatisme du monopole des taxis, le laisser-faire entre tous les acteurs du marché du transport de particuliers ou la réforme par la régulation du secteur.
Le conservatisme, à mon sens, est voué à être débordé par la créativité de nouvelles technologies que le grand public a, lui-même, déjà adoptées.
Le laisser-faire, à mon sens, favorisera la loi du plus fort et, à terme, une situation sociale encore plus conflictuelle.
La régulation du secteur doit donc, à mon sens, être privilégiée, afin de pacifier la situation actuelle et de faire cohabiter en bonne intelligence deux professions qui peuvent et doivent se compléter.
La concurrence, lorsqu’elle est saine, ne peut que bénéficier aux usagers, et c’est bien l’objectif qu’il ne faut pas perdre de vue. En effet, n’est-il pas indéniable que les taxis tendent à l’amélioration de la qualité de leurs prestations depuis que les VTC sont entrés sur le marché ? Je pense, par exemple, aux prix fixes pour les trajets à destination et au départ des aéroports ou à la généralisation des terminaux de cartes bancaires.
Toutefois, des évolutions positives sont encore possibles et souhaitables, notamment sur les frais d’approche, le type de véhicules ou la prestation du service en général – propreté, courtoisie, etc. Mais cela demeure au libre choix de la profession.
Comme notre excellent rapporteur, dont je salue la qualité du travail, accompli dans un temps très court, …
… je regrette la méthode employée, celle de la proposition de loi. Vous évitez ainsi l’avis du Conseil d’État et une étude d’impact, qui auraient pourtant été indispensables eu égard aux enjeux pour le secteur et aux risques juridiques liés à l’application de la loi en l’état.
L’inconstitutionnalité déclarée de certaines dispositions de la loi Thévenoud par des questions prioritaires de constitutionnalité nous a bien montré que le juste équilibre entre la liberté d’entreprendre et l’intérêt général n’est pas si évident à trouver.
Ainsi, il ressort des travaux de la commission des avancées significatives, telles que la suppression de l’amende de 300 000 euros à l’article 1er, celle-ci pouvant apparaître comme totalement disproportionnée, la suppression de l’article 2 relatif à la communication de données personnelles aux autorités administratives, ou encore, à l’article 3, la précision du champ de la dérogation à l’interdiction faite aux centrales de réservation d’imposer des clauses d’exclusivité aux conducteurs.
Pour ma part, je me réjouis que le rapporteur et d’autres collègues aient retenu mon amendement relatif au développement d’une offre de transport au bénéfice des familles en situation de précarité et/ou d’isolement. La mobilité est en effet un enjeu indéniable, en particulier en milieu rural, afin de remédier à l’exclusion et au repli sur soi.
Après ces éléments positifs, quelques interrogations persistent. Il apparaît notamment difficile de confier l’organisation de l’examen d’accès aux professions du transport public de personnes à un seul et même organisme, alors que ces professions n’ont pas le même statut et ne s’adressent pas au même public.
Enfin, je regrette que, face à une telle révolution économique, certains enjeux fondamentaux soient passés sous silence. Je pense notamment à la paupérisation de la profession des chauffeurs de VTC – certains ne gagnent pas plus de 500 euros par mois, une fois le véhicule payé –, mais aussi de certains chauffeurs de taxi, pour des raisons différentes.
Je pense, surtout, à l’épineuse question de la fiscalité applicable ou non à ces plateformes numériques…
Vous conviendrez avec moi, mes chers collègues, que le sujet n’est pas épuisé, et que nous nous retrouverons très certainement pour un troisième texte sur le transport particulier de personnes.
Le groupe du RDSE porte un regard différencié sur cette proposition de loi et se déterminera en fonction de l’évolution des débats.
Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe écologiste. – Mme Marie-Annick Duchêne applaudit également.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais souligner différents points d’accord – notre collègue Guillaume Arnell vient d’en évoquer certains à l’instant.
Tout d’abord, les VTC ont obligé les taxis à se moderniser : c’était devenu nécessaire, parce que la situation de monopole n’incitait pas ces derniers à être à l’écoute des clients autant qu’il aurait fallu l’être. Par ailleurs, le numerus clausus a été à l’origine d’un problème d’offre. Les chauffeurs de taxi ont parfois eu du mal à l’admettre, mais ils sont nombreux à avoir compris qu’ils devaient évoluer, et le niveau de service offert par les taxis a tendance à s’améliorer. Il faut continuer dans cette voie.
Ensuite, nous avons été nombreux à le dire à cette tribune, il faut permettre à ces deux secteurs de se développer de manière harmonieuse. Nous avons besoin de penser de manière globale les transports et la mobilité à l’échelle de la métropole francilienne et à l’échelle du pays. De ce point de vue, je me réjouis que votre administration soit désormais à la manœuvre, monsieur le secrétaire d’État, en lieu et place du ministère de l’intérieur : la question des taxis et des VTC n’est pas une question d’ordre public, c’est une question de mobilité !
Que l’on le veuille ou non, la mobilité évolue, parce que les techniques évoluent, de même que les attentes des consommateurs. Dans un cadre écologique, nous devons permettre une mobilité partagée, pensée avec les technologies d’aujourd’hui et les attentes des consommateurs : moins de voitures particulières et plus de transports collectifs ; telle est la logique qui s'impose.
Une fois ce constat posé, nous pouvons trouver un autre point d’accord pour reconnaître que ce texte essaie d’apaiser, comme la proposition de loi Thévenoud essayait de le faire en son temps. Monsieur le secrétaire d’État, de proposition de loi en proposition de loi, ce petit jeu peut durer longtemps ! Il me semble que nous serons tous d’accord pour admettre que l’on ne parviendra pas à stabiliser la situation avec le présent texte. Nous savons déjà qu’il faudra de nouveau légiférer.
N’y voyez pas un reproche personnel, monsieur le secrétaire d’État, mais force est de constater que le Gouvernement « marche au bruit » : d’une manifestation de chauffeurs de taxi à une manifestation de chauffeurs de VTC, il essaie de trouver, avec beaucoup de difficulté, un point d’équilibre.
Je voudrais que nous essayions de trouver ensemble le moyen non pas de répondre aux revendications des uns ou des autres, mais de proposer un système adapté aux technologies, aux attentes et aux besoins de mobilité d’aujourd’hui. Si nous parvenions à tenir ce cap, nous réaliserions ensemble un grand progrès.
Malheureusement, je ne crois pas que ce texte permette un tel progrès, car il me paraît plus tenir du « cautère sur une jambe de bois ». Alors, oui, nous sommes nombreux ici à penser qu’il faudra demain légiférer de nouveau.
Il faut bien sûr entendre la désespérance des chauffeurs de taxi, auxquels il faut assurer un avenir. Sur ce point, je reprocherai au texte qui nous est présenté de ne pas apporter de réponse à la question de l’indemnisation des chauffeurs de taxi et de la reprise des licences – vous me répondrez que des obstacles juridiques s’y opposent.
Monsieur le secrétaire d’État, il faudrait que vous nous donniez des explications claires : nous avons entendu dire que le sujet serait abordé dans le cadre du projet de loi de finances rectificative ; or, à vous lire, on peut penser que ce sera encore plus tard. Pourtant, la question est essentielle.
Si l’on répond de manière positive à cette question, même si ce n’est pas aisé, je le sais, il faudra en tirer les conséquences. En effet, l’indemnisation implique que le système des licences est amené à disparaître, ce qui ouvre une nouvelle perspective. Encore faudrait-il, cependant, que celle-ci soit prise en compte, sinon nous allons encore passer à côté du problème et slalomer entre les difficultés.
Cette proposition de loi essaie d’apporter un apaisement, mais elle n’y parvient pas. L’équilibre trouvé n’est pas celui auquel nous aurions souscrit en première analyse, mais il a le mérite d’exister, même s’il est imparfait et inconfortable. Il a d’ailleurs posé à la commission une vraie difficulté : comment, sur la base d’un équilibre qui – passez-moi l’expression – n’est pas terrible, retoucher un texte bancal dès le départ ?
Le rapporteur a fait un excellent travail fondé sur une lecture juridique : il a supprimé les dispositions de nature réglementaire, renvoyées aux décrets et aux arrêtés, prenant le risque de faire disparaître la substance même du compromis. Par définition, il vaut mieux que la totalité des termes du compromis figure dans un seul texte, ce qui donne des assurances égales à chacun des acteurs. Il faut sans doute supprimer certains éléments du texte, parce qu’ils sont de nature réglementaire, mais on peut alors s’interroger sur le nouvel équilibre auquel nous sommes parvenus.
Cela dit, je souhaite insister sur deux points.
Premièrement, M. Grandguillaume a tenté une réconciliation en nous disant que ce texte n’opposait pas les chauffeurs de taxi aux chauffeurs de VTC, mais plutôt les chauffeurs de taxi et de VTC aux plateformes. C’est habile, mais c’est un peu court, parce que l’on omet ainsi de répondre aux questions évoquées dans la première partie de mon intervention.
Cette proposition de loi va également parfois trop loin. Je défendrai un amendement visant le transport partagé, c’est-à-dire l’activité de Blablacar, une entreprise française qui connaît une réussite mondiale.
Ce secteur ne pose pas de problème : à quoi bon l’inclure dans cette proposition de loi, si ce n’est pour satisfaire cette manie française de toujours tout réglementer ? On en profite pour légiférer subrepticement sur les conditions qui régissent le marché intérieur de la principale entreprise mondiale du secteur, qui est française, au risque de la déstabiliser. Qui plus est, cette intervention se limite à indiquer qu’un décret interviendra, ce qui crée une incertitude, rien n’étant précisé concernant le contenu de ce décret. J’ai vu que la commission avait été sensible à nos arguments sur cette question : jusqu’où est-elle prête à avancer avec nous ?
Deuxièmement, en ce qui concerne les véhicules LOTI et les VTC, il ne faut pas se tromper. Certes, quelques chauffeurs de VTC se sont livrés à un détournement condamnable du régime de la loi LOTI.
Force est de constater cependant que certains VTC répondent à un vrai besoin et travaillent depuis des années dans la légalité. Je ne voudrais pas que ceux-ci soient affectés par ce texte, notamment dans les grandes villes, en particulier en Île-de-France. Pour parler d’un secteur que je connais un peu moins mal que les autres, je rappelle que le secteur de l’aviation d’affaires a un vrai besoin de VTC, voire de véhicules LOTI, lorsqu’il s’agit de transport public de plusieurs personnes.
La mesure qui consiste à considérer que le seuil à partir duquel des prestations de transport LOTI peuvent être assurées doit être fixé à huit passagers revêt une importance considérable : la fixation de ce seuil peut tuer des entreprises qui travaillent bien depuis des années et dans la légalité, en Île-de-France. Vous risquez de réduire à néant tout un secteur d’activité, ce qui n’a pas de sens.
M. Vincent Capo-Canellas. Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, vous l’aurez compris, nous accorderons une attention particulière au sort réservé à certains des amendements que nous défendrons. J’espère que le Sénat pourra travailler de manière constructive !
Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du groupe Les Républicains et du RDSE.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi relative à la régulation, à la responsabilisation et à la simplification dans le secteur du transport public particulier de personnes. Ce texte vient ainsi compléter la loi Thévenoud, votée à l’automne de 2014, en réponse à un contexte social tendu.
En effet, depuis la création du régime VTC en 2009 et l’apparition d’Uber à Paris à la fin de 2011, la confusion règne dans le secteur du transport public de particuliers, confusion à l’origine d’une opposition parfois violente et qui doit trouver une solution. Pour tenter de réguler cette situation, cette proposition de loi décline cinq améliorations significatives.
Premièrement, elle confère aux plateformes de mise en relation des consommateurs avec les chauffeurs un statut de « centrale de réservation » s’accompagnant d’une série d’obligations de bon sens et d’un régime de sanctions. Les plateformes devront ainsi se soumettre à une responsabilité vis-à-vis du client, justifier l’existence d’un contrat d’assurance couvrant leur responsabilité civile professionnelle, enfin s’assurer du respect des règles en vigueur par leurs chauffeurs.
Deuxièmement, la proposition de loi organise la transmission de métadonnées du secteur – réservations, nombre de conducteurs, nombre de courses… – au futur Observatoire national du transport public particulier de personnes, afin d’améliorer la connaissance, par la puissance publique, de ce domaine d’activité, tant pour adapter l’offre de transports que pour prévoir de futures évolutions législatives. Il nous faut trouver une solution en séance pour réintégrer cette disposition dans le texte.
Troisièmement, la proposition de loi interdit aux centrales de réservations de faire valoir des clauses d’exclusivité ou des objectifs de chiffre d’affaires dans les contrats qu’elles proposent aux entreprises de VTC et aux chauffeurs indépendants. Cela répond à une nécessité de préserver une concurrence libre et non faussée entre les plateformes et ainsi d’éviter la constitution d’oligopoles qui exerceraient une pression salariale sur les conducteurs et une pression tarifaire sur les consommateurs. Il s’agit également d’une question de sécurité routière.
Quatrièmement, pour faire face au détournement du statut LOTI régissant le transport de groupe, par des centrales proposant des trajets relevant du transport individuel, la proposition de loi interdit aux chauffeurs LOTI d’exercer au sein des 61 agglomérations françaises de plus de 100 000 habitants.
Si cette mesure peut sembler radicale, elle a le mérite de la simplicité et de l’efficacité. Pour faire face à d’éventuelles difficultés individuelles et ne laisser aucun chauffeur en situation de précarité, la proposition de loi prévoit des dispositions pour permettre aux chauffeurs LOTI qui le désirent d’obtenir par équivalence le statut taxi ou VTC.
Cinquièmement, et enfin, le texte initial définit un tronc commun d’aptitude pour les chauffeurs, quel que soit leur statut. Cet examen d’aptitude serait désormais confié aux chambres des métiers et de l’artisanat, cette mesure ayant pour objectif de protéger les chauffeurs et leurs clients, mais aussi d’éviter la multiplication anarchique des conducteurs sur le marché. Il nous semble fondamental que ce dispositif soit réintégré dans le texte.
Le sujet ne se limitant pas à ce texte, je profite du temps qui me reste pour saluer la réflexion engagée par le Gouvernement sur la création d’un fonds de garantie ayant pour objet le rachat des licences de taxis et la consultation afférente lancée auprès des professionnels du secteur.
Lors de l’examen de la loi Thévenoud, en juillet 2014, j’avais ainsi proposé que les détenteurs de licence puissent transformer leur investissement en droits pour la retraite. En effet, la distorsion de concurrence incompréhensible entre, d’une part, des taxis qui doivent débourser parfois jusqu’à 400 000 euros – c’est un maximum, mais c’est énorme ! – pour acquérir leur licence et, d’autre part, des chauffeurs de VTC qui ne doivent s’acquitter que de 100 euros pour obtenir leur carte professionnelle, ne peut plus durer.
Avec cette seconde loi en moins de deux ans, le législateur rattrape son retard sur les évolutions rapides de l’activité économique dite « collaborative » au XXIe siècle. La réflexion ainsi engagée est salutaire et ne manquera pas d’être poursuivie lors de la prochaine législature, pour continuer à améliorer la protection des travailleurs de l’économie collaborative et la fiscalisation de ses entreprises. Pour ce faire, les écologistes proposent notamment de favoriser le développement des coopératives, qui sont l’essence même de cette nouvelle économie collaborative.
La version issue de l’Assemblée nationale nous semble remplir efficacement son triple objectif de régulation, de responsabilisation et de simplification. Elle accompagne intelligemment la modernisation du secteur, en améliorant la protection des acteurs comme des consommateurs. C’est pourquoi le groupe écologiste est favorable à cette version et déterminera son vote en fonction de l’évolution du texte au cours des débats qui vont se dérouler dans notre hémicycle.
Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – MM. Guillaume Arnell et Jean-Noël Guérini applaudissent également.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’offre de transport particulier de personnes, historiquement organisée autour des taxis et des véhicules de grande ou de petite remise, a été profondément modifiée en 2009 par la loi Novelli, qui a facilité l’ouverture vers d’autres régimes juridiques : les plateformes VTC s’y sont engouffrées.
Avec le développement du numérique et les applications de géolocalisation, les VTC connaissent un essor important. Traditionnellement, les taxis peuvent être hélés sur la voie publique. Les véhicules de remise, ainsi que les voitures de tourisme avec chauffeur, les VTC, doivent être réservés. Les entreprises de transport public routier, outre leurs activités de services publics pour le compte des collectivités et de l’État, exécutent des services de transport de groupes préalablement constitués, dans le cadre du dispositif des services occasionnels, catégorie provenant du droit communautaire.
Si, à l’origine, chacune de ces professions exerçait des activités distinctes, le développement du numérique et la demande accrue de mobilité des personnes dans toutes les métropoles et grandes agglomérations bouleversent totalement ces professions. En effet, elles interviennent sur un seul et même marché et, du point de vue des personnes en recherche de mobilité, les prestations rendues sont très largement identiques.
Malgré tout, les récentes évolutions ont entraîné de fortes crispations, parce que tout va trop vite et que les réglementations affichent souvent du retard sur l’évolution de la société. Sans doute faut-il, ou faudra-t-il, modifier l’économie générale du secteur dans un temps indéterminé ?
Pour organiser la coexistence des professions de transport individuel de personnes, la loi du 1er octobre 2014 relative aux taxis et aux VTC, dite loi Thévenoud, a cherché, et trouvé, je crois, un premier équilibre entre la modernisation de la profession de taxi et l’encadrement du nouveau régime des VTC.
Elle a engagé un travail de rapprochement des réglementations, rendu les licences de taxis incessibles et imposé une série d’obligations nouvelles aux taxis. Elle oblige les VTC à ce que nous avons appelé le « retour à la base », ce qui est essentiel, et impose des obligations aux intermédiaires VTC, tout en renforçant les contrôles. La loi de 2014 est bien un texte de compromis. Elle a permis de régler les conflits de l’époque.
Rapporteur de ce texte, et après avoir, moi aussi, beaucoup consulté, j’ai toujours considéré qu’avant deux ou trois ans, il faudrait sans doute y revenir. En effet, la loi de 2014 ne permet pas de répondre à toutes les difficultés, car de nouveaux contournements sont apparus, particulièrement dans l’utilisation du statut occasionnel ou capacitaire LOTI, un mode de transport collectif occasionnel de petite dimension.
Les transporteurs sous statut LOTI ont l’obligation légale de transporter plus d’une personne, mais beaucoup d’entre eux ne transportent en réalité qu’une seule personne, comme les taxis ou les VTC.
La proposition de loi que nous examinons est issue du rapport de Laurent Grandguillaume. Elle a été adoptée à l’Assemblée nationale avec l’abstention de l’opposition. Il s’agit, dans ce texte, de réprimer une fraude évoquée plus tôt, celle du détournement du statut de LOTI, avec l’assentiment des plateformes de réservation, sans que ces chauffeurs aient reçu de formation particulière, ni encore moins subi un examen pour valider leurs dispositions à exercer ce métier.
Je crois qu’il faut plutôt aider les chauffeurs, trop souvent entraînés dans la précarité par certaines plateformes qui ne visent que leurs propres gains, au détriment de la justice sociale.
Cette proposition de loi de régulation du transport public particulier de personnes vise ainsi à renforcer les obligations et responsabilités des plateformes, tout en rééquilibrant leur relation avec les chauffeurs, à améliorer la connaissance du secteur du transport public particulier de personnes, à prévenir le détournement du statut LOTI en interdisant les services occasionnels de moins de dix places dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants, à permettre aux chauffeurs LOTI de devenir chauffeurs de taxi ou de VTC et, enfin, à harmoniser l’accès au secteur par des examens en partie communs, dont l’organisation, dans le texte voté à l’Assemblée nationale, pourrait être confiée aux chambres des métiers. Monsieur le secrétaire d’État, vous pourrez sans doute nous donner des informations plus précises sur ce point.
Je crois qu’il faut le répéter à satiété : cette proposition de loi n’est pas un texte en faveur d’un secteur ou d’un autre. J’ajoute que des chauffeurs de taxi, comme de VTC, se sont exprimés positivement sur ce texte.
Lors de mon intervention en commission, le 19 octobre dernier, j’ai remercié Jean-François Rapin, rapporteur, de son implication dans ces domaines complexes. Je confirme en séance publique son excellent investissement et son souci de maintenir l’équilibre. Son attitude est d’autant plus méritoire et appréciable que de nombreux amendements furent déposés qui, s’ils avaient été adoptés, auraient pu bouleverser la logique de la proposition de loi. Avec sagesse, il ne les a pas suivis, ce que j’apprécie aujourd’hui.
L’ensemble de la profession a été consulté par Laurent Grandguillaume, y compris M. le secrétaire d’État. Cette proposition de loi a fait l’objet d’une large concertation avec l’ensemble des organisations professionnelles de taxis, de VTC, de LOTI, ainsi qu’avec les plateformes.
Pour que cet équilibre soit efficace, cette proposition de loi repose sur trois grands principes : responsabilisation, régulation et simplification. Il n’est absolument pas question de freiner l’ouverture à de nouveaux moyens de mobilité, mais bien de les accompagner et de les réguler, afin que toutes les organisations professionnelles de transport de personnes s’y retrouvent.
La numérisation bouleverse notre société, nous l’avons dit ; elle ne peut en aucun cas être synonyme de dérégulation. Dans cette proposition de loi, il y a bien des règles communes et elles sont partagées : la régulation et la concertation, c’est ce que nous défendons en voulant conserver la logique d’ensemble du texte.
Le groupe socialiste défendra deux amendements. L’un tend à rétablir l’article 12 dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, même si je ne suis pas insensible à l’amendement déposé par M. le rapporteur, dont les dispositions méritent toute notre attention, monsieur le secrétaire d’État. L’autre vise à préciser, au sein de l’article 8, l’une des dispositions de la loi de 2014 relative à l’utilisation d’un terminal de paiement électronique dans les taxis.
Le groupe socialiste s’exprimera positivement sur cette proposition de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme les orateurs qui m’ont précédée, je tiens à indiquer que nous avons apprécié le travail très approfondi mené par notre rapporteur.
Depuis de nombreuses années, les manifestations de taxis font la une des journaux – c’est le cas aujourd’hui encore – en raison des embouteillages qu’elles provoquent dans les grandes villes de France.
Certains les présentent comme une opposition entre les taxis et les VTC, entre anciens et modernes dans un domaine d’une grande complexité. Ces conflits sont en réalité la manifestation des difficultés grandissantes rencontrées par les chauffeurs, quelle que soit leur situation professionnelle, face à une précarisation croissante due essentiellement au système Uber, un système perçu comme un progrès par les consommateurs en raison de la simplicité d’utilisation et de prix plus qu’attractifs, mais qui induit, en réalité, une paupérisation et une aggravation des conditions de travail des chauffeurs, une forme d’esclavage des temps modernes – je pèse mes mots.
À cet égard, la France n’est pas une exception, puisque l’on assiste à des mobilisations dans de nombreuses capitales européennes. Partout, les syndicats se mobilisent. D’ailleurs, très récemment, le vendredi 28 octobre dernier, un tribunal du travail britannique a condamné le géant commercial Uber à reconnaître les chauffeurs comme des employés et non comme des auto-entrepreneurs.
Dans ce système, les chauffeurs ne sont pas des salariés. Ils sont payés à la tâche, dans un « partenariat » avec la plateforme qui les rend dépendants du système sans leur assurer les protections inhérentes au salariat, à savoir un contrat de travail et des protections sociales. Un chauffeur devient un « client », une embauche est un « enrôlement » et le licenciement une « désactivation ». On dit aux personnes concernées qu’elles sont « désactivées » ! Mes chers collègues, les évolutions de vocabulaire sont toujours significatives : il faut y être attentif.
La difficulté à trouver des solutions réside dans la grande variété des situations, entre les chauffeurs locataires, salariés, artisans, ceux qui sont dans le métier depuis longtemps, qui n’ont plus de dettes, et ceux qui ont commencé il y a trois ou quatre ans, ceux qui sont VTC ou taxi, grande remise ou en coopérative. Cette diversité explique d’ailleurs que le législateur ait dû y revenir à nouveau et que les gens de la profession aient tant de difficultés à trouver un terrain d’entente.
Il faut dire que l’État a sa part de responsabilité, puisqu’il a abandonné progressivement l’idée que cette profession réglementée était d’abord un service public, pour considérer aujourd’hui qu’il s’agit d’un secteur marchand, dans lequel il faut introduire la concurrence.
Si l’ouverture à la concurrence et la déréglementation introduites dès 2009 ont paru constituer une aubaine aux personnes qui pouvaient trouver ainsi un emploi rapidement sans avoir d’autre qualification que le permis de conduire, ils ont très vite compris que Uber et d’autres les avaient attirés pour mieux les asservir.
Au fond, tous les chauffeurs ont pris conscience qu’ils étaient dans la même galère, et c’est la raison pour laquelle Laurent Grandguillaume a pu écrire cette proposition de loi qui, en dehors des plateformes, a fait l’unanimité dans la profession, même si bien sûr il reste toujours quelques points à améliorer. Les chauffeurs se sont rassemblés au-delà de leurs différences, avec une analyse lucide de la situation, pour défendre leur métier, leur dignité et leurs droits. Ils défendent aussi l’idée qu’il faut des règles communes à tous.
Disons-le, le système Uber est fondé sur l’exploitation des hommes
Mme Nicole Bricq proteste.
Les plateformes de mise en relation des clients avec les chauffeurs représentent un progrès, nous ne le nions pas, mais leur fonctionnement doit être encadré. Aujourd’hui, elles perçoivent leur pourcentage, de l’ordre de 20 %, sans se préoccuper de la manière dont le service est rendu.
Aujourd’hui, il faut le dire, cette activité connaît parfois des dérives, comme la conduite sans permis ou même des trafics en tout genre. De plus, les pouvoirs publics ne disposent pas de données fiables sur ce secteur économique. Il devient vraiment nécessaire de simplifier les statuts, de clarifier l’offre et de permettre aux chauffeurs de travailler avec plusieurs plateformes.
Enfin, la mise en place d’un tronc commun de formation et d’examens, demande largement partagée par tous les acteurs, permettrait une qualité de service et une égalité de traitement.
Notre rapporteur nous dit qu’il soutient ce travail, mais qu’une réécriture du texte était nécessaire pour que ce dispositif soit juridiquement solide. Pourquoi n’a-t-il pas alors vraiment trouvé de terrain d’entente avec l’auteur de la proposition de loi ? Pour nous, la responsabilité des centrales de réservation doit être affirmée clairement, et il faut nous efforcer de mieux connaître ce secteur. Pourquoi alors supprimer l’article 2 ?
J’ajoute les questions du temps de travail et du fonds de garantie. J’espère que les débats pourront éclairer la position de chacun.
Légiférer est une nécessité pour dire le droit. Nous devons lutter contre l’idée que l’économie, c’est la loi de la jungle, et que tout est permis. Derrière cette économie-là, c’est-à-dire une économie sans usines ni salariés, il y a la volonté de ne voir en l’homme qu’un consommateur qui produit des données, lesquelles sont collectées par des plateformes et permettent de mieux connaître lesdits consommateurs pour qu’ils achètent encore et encore. La machine tourne !
Derrière l’« ubérisation » de l’économie, il y a le contrôle de l’économie par la data et le remplacement progressif des États par les GAFA. De ce monde-là, nous, nous ne voulons pas ! Évoluer, progresser, bien sûr ; inventer, évidemment, mais toujours en gardant à l’esprit que l’homme doit rester au cœur de notre aventure et de nos préoccupations.
Monsieur le secrétaire d’État, vous parlez régularisation, responsabilisation, simplification. Nous sommes d’accord, mais vous oubliez le mot « contrôle », qui va avec le mot « sanction ». Or, à nos yeux, ces termes doivent apparaître dans la loi, car l’autocontrôle n’est pas de mise.
Monsieur le rapporteur, vous avez raison d’évoquer la sécurisation juridique. Il faut, évidemment, plus de « boers », et, très certainement, un fonds de garantie effectif. Nous verrons donc ce qui ressortira de nos débats.
Pour conclure provisoirement, je dirai que nous sommes favorables à la loi Grandguillaume, mais que nous sommes très réservés sur la version issue des travaux de la commission du développement durable du Sénat.
MM. Jean Desessard et Hervé Poher applaudissent.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, voici un texte malheureusement moins consensuel que la proposition de loi relative aux drones civils ! Le Sénat examine aujourd’hui une proposition de loi emblématique d’une tentative de régulation de « l’ubérisation » de l’économie. À ce titre, ce texte du député Laurent Grandguillaume mérite toute notre attention.
Depuis quelques années, le marché du transport a connu l’arrivée des véhicules de transport avec chauffeur, dits « VTC », concurrence à laquelle les taxis se sont fortement opposés.
Or taxis et VTC doivent pouvoir coexister à Paris, comme c’est le cas dans de nombreuses autres grandes villes. Économiquement, ils le peuvent amplement : le secteur des VTC est clairement sous-développé à Paris, par comparaison à une capitale voisine, Londres, par exemple. Déjà, en 2014, le rapport Thévenoud constatait le sous-équipement de Paris avec 3 chauffeurs VTC ou taxi pour 1 000 habitants, contre 10 à Londres ou 13 à New York.
De plus, la cible visée n’est pas exactement la même, les VTC ayant créé une nouvelle offre : des ménages plus modestes, notamment les jeunes, qui n’utilisaient pas le taxi, vont parfois désormais avoir recours aux VTC. Il y a là une catégorie de clientèle inexploitée, et personne ne vole les clients de l’autre. Nous assistons au contraire à la démocratisation de tout un secteur.
Toutefois, la France a peur, peur de la nouveauté, peur de la concurrence. Alors elle réglemente, mais elle réglemente trop.
Le secteur du transport public particulier de personnes a subi de profonds changements ces dernières années, avec l’apparition d’un nouveau modèle économique. Nous devons veiller à ne pas nous opposer au choix des consommateurs. Or des millions d’entre eux plébiscitent ce mode de transport qui crée une demande nouvelle, en complémentarité, j’y insiste, avec l’offre existante.
Nous ne devons pas non plus nous opposer à la création d’emplois. Le rapport Thévenoud a révélé un potentiel gisement de 68 000 emplois. Selon l’INSEE, le secteur des VTC est celui qui a connu le plus de créations d’entreprises en 2014.
Nous ne devons pas nous opposer, enfin, à la nécessité de rechercher de nouveaux modèles de mobilité pour décongestionner les centres-villes. L’impact environnemental du VTC est avéré, avec environ 30 000 véhicules en moins en région parisienne, selon l’ADEME.
La loi du 1er octobre 2014 relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur, dite « loi Thévenoud », a tenté de donner un cadre à la concurrence entre les taxis et les VTC, mais celle-ci n’a pas eu réellement d’impact et n’a pas permis un apaisement des tensions entre taxis et VTC.
Pour donner suite à la mission de médiation sur l’avenir économique du secteur, que lui a confiée le Premier ministre en janvier dernier, le député Laurent Grandguillaume a déposé la proposition de loi qui nous réunit aujourd’hui, commandée à la fois par le Premier ministre et le secrétaire d’État chargé des transports. Avec ce texte, Laurent Grandguillaume et le Gouvernement ont voulu créer les conditions d’une concurrence saine et équilibrée. L’objectif est certes louable, mais il n’est pas atteint, et les diverses manifestations auxquelles nous avons assisté ces derniers temps en témoignent.
Reprenons un à un les articles du texte qui nous est soumis.
Avant tout, je me félicite que l’article 1er ait été sensiblement réécrit par le rapporteur. Je proposerai toutefois une amélioration de l’écriture de la qualification juridique des plateformes, aujourd’hui considérées comme des organisateurs de transport, alors qu’elles sont des intermédiaires. Qui pourrait penser qu’hotels.com ou Expedia ait les mêmes obligations juridiques qu’une compagnie aérienne ?
Concernant l’absence de données fiables sur le secteur du transport public particulier de personnes, la commission avait initialement supprimé l’article 2 autorisant l’autorité administrative à imposer aux acteurs du secteur la transmission périodique de données. Le rapporteur proposera un amendement de compromis, auquel je suis favorable, visant à récréer un dispositif d’échange de données respectueux des droits et libertés fondamentaux.
S’agissant du statut LOTI, l’article 4 traite de l’enjeu principal de cette proposition de loi : l’éviction d’un secteur entier du transport public de personnes dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants. Cette proposition est la conséquence d’une promesse hâtive faite par le Premier ministre lors des manifestations violentes des taxis.
Rappelons que les LOTI, tirant leur nom de la loi d’orientation des transports intérieurs, avaient été expressément autorisés à concurrencer les taxis dans la loi Thévenoud.
La proposition de loi vise à interdire, à partir du 1er juillet 2017, la fourniture de services occasionnels régis par la loi LOTI avec des véhicules de moins de 10 places dans les périmètres soumis à l’obligation de réaliser un plan de déplacement urbain, c’est-à-dire dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants. Une période transitoire d’un an est prévue pour permettre aux entreprises proposant ces services de se convertir en exploitants de taxis ou de VTC.
Nos collègues députés ont maintenu le 1er juillet 2018 comme date limite pour permettre aux chauffeurs LOTI d’effectuer leur changement de statut vers celui de VTC.
Notre commission avait initialement avancé au 1er janvier 2017 le début de la période transitoire, date à laquelle le rapporteur propose de ne plus faire référence. Il me semble indispensable de ne pas faire peser sur les acteurs les contraintes inhérentes aux changements politiques susceptibles d’intervenir en 2017.
Pour ma part, je suis favorable à ce que la période de transition débute dans les 12 mois, avec application pleine de la mesure sous 24 mois : 2017 étant une année d’élections, le Gouvernement ne sera pas en mesure de prendre des actes réglementaires permettant une transition correcte entre les statuts LOTI et VTC. Précisons que des milliers d’entreprises et de chauffeurs seront victimes des changements d’organisation et de l’incapacité des préfectures et des CMA, les chambres des métiers et de l’artisanat, à juguler l’afflux de candidats.
Sur le fond, je vous avoue, je me résous difficilement à mettre 10 000 personnes au chômage. Je conçois que le statut actuel prévu par la loi Thévenoud ne soit pas parfait. Néanmoins, il permet aux VTC d’être salariés. En l’état actuel du droit, je pense que le statu quo aurait mieux valu que la suppression.
En revanche, un vrai statut de VTC salarié aurait été opportun. Le texte passe à côté d’une réglementation qui aurait, pour le coup, été très utile. Le secteur des VTC souffrant de la paupérisation, tout comme celui des taxis, il aurait été bienvenu de traiter de la lutte contre la précarisation et le dumping social dans ce texte. Les salariés VTC et taxis sont insuffisamment protégés et aspirent à plus d’indépendance, à plus de liberté et à des salaires plus élevés.
Enfin, la formation, plus précisément l’examen de passage pour devenir chauffeur de VTC, fait débat. L’augmentation rapide du nombre de chauffeurs VTC inquiète, certes, les taxis, mais diminuer la fréquence des examens, alors que les demandes d’entrée dans le marché ne cessent d’augmenter, constituerait une restriction de l’accès à cette profession, ce qui ne serait pas acceptable.
Nous devons admettre que confier l’organisation des examens aux chambres de métiers et de l’artisanat, traditionnellement proches des taxis, est également de nature à inquiéter les VTC.
Autre source d’inquiétude : le durcissement de l’examen ne va pas dans le sens du développement des VTC. Je serai favorable à la mise en place d’un tronc commun de formation entre taxis et VTC si et seulement si les conditions d’accès à cet examen ne sont pas trop restrictives et que le cadre juridique est prochainement stabilisé.
La commission a fait le choix de supprimer l’article 6, qui confie aux CMA l’organisation de l’examen. Le rapporteur n’est pas opposé à cette mesure, mais il considère que ce transfert peut se faire par la voie réglementaire. D’ailleurs, mes chers collègues, je vous informe que c’est déjà le cas. Le Sénat n’a pas encore voté la mesure que le Gouvernement a déjà entrepris ce transfert !
J’ai ainsi sous les yeux le compte rendu d’une réunion qui s’est tenue le 25 octobre dernier en préfecture du Rhône, et qui avait pour ordre du jour la communication aux acteurs du secteur la future organisation de l’examen VTC par les CMA, sous le format d’un tronc commun VTC-taxis. La simple lecture de ce document et l’état d’avancement du dispositif montrent le peu d’intérêt que porte le ministère aux travaux du Parlement…
Sur le fond, l’article 5 doit être clairement aménagé par le législateur, sous peine de bloquer littéralement l’entrée dans la profession de VTC. En début d’année, l’État n’a pas été en mesure d’organiser l’examen pendant trois mois, empêchant ainsi les 2 000 candidats mensuels d’entrer sur le marché.
Je proposerai par voie d’amendement, lors de la discussion des articles, de border et de simplifier l’action réglementaire, en précisant que l’examen sera uniquement théorique et non pratique et qu’il sera régulier et accessible. Il devra par ailleurs être organisé par les centres que le Gouvernement a expressément agréés en début d’année, le modèle existant n’ayant fait l’objet d’aucune contestation jusqu’à présent.
Monsieur le secrétaire d’État, la création d’une épreuve pratique va tripler le coût de l’examen et en complexifier sensiblement l’accès. À raison d’une heure par candidat en région parisienne, nous craignons un véritable contingentement administratif. En effet, nous doutons que les CMA soient en mesure de recruter et de former des dizaines d’agents en ce sens pour le 1er janvier 2017.
Je rappelle enfin que nombre de chauffeurs de VTC sont des citoyens peu ou pas diplômés, n’ayant pas eu l’opportunité d’avoir accès à une formation qualifiante. L’examen ayant permis à plusieurs milliers d’entre eux de sortir du chômage, il a servi d’ascenseur social. La proposition de loi risque de casser cet élan. Nous devons faire en sorte de l’améliorer et de la rééquilibrer.
J’en profite pour féliciter M. le rapporteur, Jean-François Rapin, de son travail et pour le remercier des nombreux échanges que nous avons pu avoir sur ce texte. Mon groupe suivra sa position, mais, à titre personnel, je me réserve de voter différemment en fonction des débats.
Rappelons que le transport public particulier de personnes est l’un des secteurs les plus innovants, en plein essor en France comme dans le monde entier.
Je souligne que les VTC ne se limitent pas à la société américaine Uber ; il existe de nombreuses TPE et PME françaises de VTC. La proposition de loi pourrait affaiblir encore un peu plus celles-ci face au géant américain aux reins plus solides, au risque de les faire disparaître.
Je n’oppose pas taxis et VTC. Je suis un utilisateur de taxis, mais également de VTC. Je souhaite simplement que le texte qui sortira de notre assemblée soit équilibré, non seulement pour les usagers des taxis et des VTC, mais aussi pour l’ensemble des chauffeurs qui font vivre le secteur.
La proposition de loi exprime à l’égard de la profession des VTC une certaine méfiance. Or, je le répète, les professions de chauffeurs de taxis ou de VTC peuvent cohabiter. Au lieu de brider ce secteur, …
M. Cyril Pellevat. … nous devrions au contraire favoriser la modernisation des taxis, les encourager en ce sens et simplifier leurs statuts, afin de leur permettre d’être plus compétitifs. Il convient notamment de retravailler le problème des licences. En cela, je rejoins la position de Vincent Capo-Canellas.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, le secteur du transport public particulier de personnes est une préoccupation très régulière de notre assemblée
Je suis pour ma part persuadé qu’il est de la responsabilité du législateur de prendre en compte activement ces nouvelles demandes, si fluctuantes soient-elles, et d’adapter dès qu’il le faut les règles existantes, surtout lorsque l’on s’aperçoit que certaines d’entre elles sont contournées. Je pense bien sûr aux dispositions sur les LOTI, aux risques pour la vie quotidienne des chauffeurs ou aux contradictions avec nos actions en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique et l’attractivité touristique.
Nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls à modifier très vite nos dispositions législatives et réglementaires. Nous sommes loin d’être les plus dogmatiques et les plus normatifs en la matière.
Partout dans le monde, en effet, les législations développées dans les plus grandes villes, à Londres ou New York, sur le partage de l’espace public et l’organisation du transport public de particuliers ne cessent de s’adapter et de se renforcer à mesure que le secteur évolue.
À Londres, l’ancien maire et actuel ministre des affaires étrangères du gouvernement de Mme Theresa May, M. Boris Johnson, souhaitait ainsi contingenter le nombre de VTC autorisés à circuler, car leur croissance récente avait augmenté les embouteillages dans la ville, ainsi que le nombre de voitures garées illégalement. Des entreprises de transport de particulier se sont vu retirer leur licence durant des périodes déterminées en Chine ou à New Delhi, là aussi à des fins de régulation du secteur.
Plus récemment, le 28 octobre dernier, un tribunal britannique a condamné la société Uber et requalifié le statut de deux chauffeurs de la compagnie d’auto-entrepreneurs en salariés bénéficiant des droits correspondants. Nous avons tout lieu de nous féliciter de cette décision.
Je préfère, mes chers collègues, que nous définissions ensemble des règles relatives aux conditions de travail des chauffeurs, plutôt que cette question soit réglée douloureusement par les tribunaux, et ce au détriment de l’ensemble de la communauté nationale.
Les législations visant spécifiquement ce secteur en pleine expansion évoluent donc toutes dans le même sens, celui d’un renforcement de la régulation du secteur, tirant vers le haut les conditions de recrutement et de formation des chauffeurs, ainsi que les exigences de sécurité. Cette proposition de loi obéit à la même logique.
À l’instar de mon collègue Jean-Jacques Filleul, je salue l’important travail de concertation mené de bout en bout et l’équilibre trouvé, qui permet d’organiser un secteur en mouvement permanent. La situation n’est pas simple. Durant ces quelques mois de discussion au Sénat, en effet, nous avons vu émerger un certain nombre d’interlocuteurs professionnels, dont certains de manière particulièrement soudaine, sans que l’on puisse parfois évaluer leur sérieux.
Je souligne également la volonté de prendre en compte une demande forte, générationnelle et touristique, en faveur d’une montée en gamme globale des services : c’est la raison pour laquelle nous proposons un amendement visant à systématiser la possibilité de recourir au paiement bancaire dans les taxis.
Les perspectives d’emploi de ces services, notamment de jeunes rencontrant des difficultés à s’insérer sur le marché du travail, pour qui ces secteurs constituent une vraie chance, nous engagent. Nous devons à ces chauffeurs le même degré d’exigence en matière de formation et de sécurité que pour les taxis, d’autant que nous devrons garder à l’esprit que, demain, la concurrence s’organisera avec des services de voitures sans chauffeur, et non plus seulement entre des voitures avec chauffeur.
Au total, la régulation exigeante de l’ensemble de ces services va indéniablement dans le sens de l’histoire.
Pour autant, nous ferions, je crois, une erreur majeure en ne voyant dans cette proposition de loi que l’expression d’un accord entre les taxis et les acteurs du VTC. En effet, même si plus des deux tiers des VTC sont situés dans l’aire urbaine de Paris, nous sommes à l’orée de stratégies de déploiement en province qui nécessitent des outils de régulation nationale, assorties de capacités d’action profondément décentralisées, au service de priorités d’aménagement du territoire.
Une enquête de décembre 2015, rapportée par l’ADEME, mentionne ainsi que 33 % des personnes ont déclaré que, en l’absence de services de VTC, elles auraient utilisé les transports en commun pour réaliser leur déplacement. Si l’usage des VTC entraîne une diminution de l’utilisation de la voiture, il entraîne également une baisse de l’usage de certains des modes alternatifs à la voiture personnelle.
À cet égard, l’article 2 initial de la proposition de loi Grandguillaume me paraît indispensable, car il replace bien l’offre de transport public particulier de personnes dans le cadre d’une politique globale de transport.
Aussi, la transmission de données, et non la fin du secret des affaires et la communication de données stratégiques, confidentielles, comme j’ai pu le lire dernièrement, est bien au cœur de politiques intermodales de transport de particuliers.
La proposition de loi Grandguillaume, en particulier son article 2, permet d’accompagner l’émergence de nouveaux modes d’organisation des déplacements urbains et périurbains intégrant les taxis et les VTC.
Le rapport de notre ancien collègue Yves Krattinger, intitulé Les Transports publics locaux en France : mettre les collectivités territoriales sur la bonne voie, qui date de janvier 2012, abordait déjà la nécessité de coordonner les initiatives. Il présentait ainsi comme une priorité la production d’une information multimodale. Par définition, cette information ne peut être produite qu’à plusieurs. C’est pourquoi elle nécessite une bonne coordination entre les différentes autorités organisatrices de transport.
Avec la numérisation et la présence de plateformes, ne nous y trompons pas, nous sommes passés d’une logique d’offre de transport public particulier de personnes à une logique d’adaptation de services de transport particulier à une multitude d’usagers.
L’étude de l’ADEME de juin 2016 sur les différentes formes de transport avec chauffeur VTC tire les mêmes conclusions. Elle indique cependant de manière liminaire que « paradoxalement, peu de données publiques existent sur la contribution des VTC aux systèmes de mobilité urbaine dans lesquels ils viennent s’insérer. »
C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je défends avec la plus grande vigueur la possibilité pour les autorités chargées de l’organisation des transports, c'est-à-dire, pour l’essentiel, les collectivités territoriales, de disposer non seulement de données publiques pour exercer pleinement leur action au service des usagers, mais aussi de règles d’aménagement du territoire.
À ce jour, les perspectives liées à la transmission des données peuvent paraître embryonnaires, mais les tendances sont présentes. Ainsi, à terme, les sociétés de transports en commun pourraient établir plus systématiquement des partenariats avec des VTC, comme avec des taxis, afin d’assurer le besoin de mobilité des habitants des zones peu denses, moins bien desservies ou en prolongement des transports en commun.
À terme également, les actions très concrètes de lutte contre le réchauffement climatique menées à l’échelle des villes et des régions devront et pourront aussi tirer parti des données transmises.
En conclusion, mes chers collègues, je dirai que ce texte devra sans nul doute être réaménagé d’ici à quelques années. Il porte cependant en germe un modèle, celui d’une économie collaborative, fortement décentralisée, exigeante en termes de formation et de sécurité, qui doit être accompagnée.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Guillaume Arnell et Jean Desessard applaudissent également.
Je souhaite répondre en quelques mots aux questions qui m’ont été posées et aux inquiétudes qui se sont exprimées.
Monsieur le rapporteur, soyez-en sûr, je suis toujours, sur ce texte comme sur tout autre, attentif au travail du Sénat, que je n’ai jamais considéré comme une chambre d’enregistrement. Au contraire, je pense que le travail qui y est réalisé est souvent intéressant. La Haute Assemblée pose ainsi régulièrement les bons problèmes. La discussion que nous venons de mener est extrêmement instructive de ce point de vue. J’en veux pour preuve la démonstration brillante de M. Capo-Canellas.
Évidemment, il y a des questions juridiques concernant la répartition entre la compétence réglementaire et la compétence législative. Mais l’équilibre du texte repose avant tout sur une appréciation politique. Nous sommes donc pris entre ces deux feux.
Monsieur Capo-Canellas, vous pensez avoir juridiquement raison, mais vous reconnaissez qu’une lecture différente est possible, le Sénat pouvant être vu comme l’autorité qui remet en cause des engagements pris devant l’Assemblée nationale. Il y a là un vrai problème, qu’il nous appartient de lever, même si vous n’avez pas l’intention d’aller au bout de votre logique.
C’est pourquoi, vous l’aurez remarqué, j’ai essayé de répondre dans mon intervention à cette question de la nature, réglementaire ou non, de certaines mesures. Soyons très attentifs à cet aspect des choses. En tout état de cause, je le répète, l’intervention de M. Capo-Canellas, qui était tout à fait fondée, illustre bien la complexité du débat.
Je voudrais remercier tous les intervenants, soutiens ou opposants, de ne pas être tombés dans la caricature, qui consisterait à dire que le monde moderne s’impose à nous et à stigmatiser ceux qui voudraient s’y opposer.
Il y a certes une réalité qui s’impose à nous. De ce point de vue, j’ai trouvé très intéressante l’intervention de M. Pellevat. Nous avons bien compris qu’il est plutôt contre le fait de légiférer, mais, in fine, il reconnaît en toute sincérité qu’il y a une vraie difficulté et que nous aurions mieux fait d’avancer vers un vrai statut, éventuellement salarié, des VTC. Monsieur le sénateur, vous iriez donc au-delà de ce que nous avons osé faire… En tout cas, je vous remercie de votre démonstration, car telle est bien la question qui se pose à la fin, comme le disait Mme Didier.
Aujourd’hui, d’aucuns pensent que le nec plus ultra, c’est de travailler dans ce type de lien de subordination, car c’en est bien un : quand vous êtes « désactivé », vous n’avez plus de travail, alors que vous devez toujours payer votre loyer. À ceux-là, qui se trouvent aussi parfois dans le camp de la gauche et qui présentent le salariat comme une soumission insupportable, je rappelle que ce statut est historiquement une conquête. Au début du XIXe siècle, les gens travaillaient au jour le jour…
… et la construction idéologique du salariat, qui a germé non seulement dans les rangs de la gauche, mais également au sein de la démocratie chrétienne, a consisté à répondre à la situation que vivaient les journaliers de l’époque.
Il ne faut pas parer des atours du modernisme une situation qui, au fond, ressemble d’assez près au vieux monde. Ayons bien ces conquêtes à l’esprit, même si cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’espace pour évoluer.
Néanmoins, il appartient à ceux qui, aujourd’hui, ont la possibilité de faire avancer les choses d’apporter les bonnes réponses. Pour l’instant, elles ne viennent pas, mais peut-être vont-elles venir.
Même si comparaison n’est pas raison, regardez ce qui est se passe avec l’émergence des livreurs à domicile, autre nouvelle forme de travail. Ce secteur crée des milliers d’emplois, en France comme ailleurs.
On nous a beaucoup recommandé de le laisser se développer assez librement, car il donnait du travail aux gens. Jusqu’au jour où des accidents se sont produits, en France, mais aussi en Italie ! À Bordeaux, récemment, un livreur s’est fait renverser par une voiture et a été blessé gravement. C’est alors que l’on a découvert que ce garçon de vingt-cinq ans ne bénéficiait d’aucune couverture pour accident de travail, outre la prise en charge de ses soins. Cet exemple doit tous nous interpeller, y compris les plateformes ou les employeurs éventuels.
Il est essentiel que la responsabilisation sociale de tous, éventuellement via la négociation, permette d’apporter des réponses. On ne peut pas rester dans le statu quo pour des questions potentiellement aussi graves. Sinon, demain, dans nos permanences d’élus, nous recevrons nombre de victimes qui en appelleront à la solidarité nationale. Nous devons donc essayer d’avancer, peut-être vers le salariat, pour trouver des solutions à ces problématiques sociales essentielles. Ainsi, la lecture historique du phénomène que j’ai faite, si critiquable soit-elle, pourra être écartée grâce à ces initiatives.
Le législateur n’est pas encore allé jusque-là, monsieur Pellevat, mais, pour ma part, je pense qu’il vaut mieux que la question se règle par la négociation entre les partenaires. En tout cas, je le répète, il faudra bien avancer, faute de quoi les mêmes situations déboucheront demain sur les mêmes conflits.
Par ailleurs, plusieurs d’entre vous m’ont interrogé sur le fonds de garantie, qui faisait partie de la feuille de route que j’ai présentée. Nous avons réalisé un travail avec l’administration, pour examiner quels pourraient être ses contours et ses ambitions.
Plusieurs possibilités s’offraient à nous, mais nous ne sommes pas parvenus à dégager un consensus sur le sujet. J’avais donc demandé à l’ensemble des organisations syndicales, nombreuses dans ce secteur, de donner leur position par écrit, et je m’étais engagé à les publier, ce que nous avons fait voilà quelques semaines. Vous pouvez donc trouver sur le site du ministère toutes les contributions sur la question du fonds de garantie. Vous constaterez avec moi que l’on est loin du consensus.
Il y a ceux qui sont contre le principe ; il y a ceux qui sont pour, mais qui se demandent qui va payer, ce qui n’est pas un petit détail. Certains pensent que c’est à l’État de financer, d’autres, à savoir les taxis, pensent que seuls les VTC doivent payer, d’autres encore penchent pour que tout le monde paie. Il y a là une difficulté majeure, et je pense que le débat n’est pas clos.
Nous souhaitons donc reprendre cette négociation avec l’ensemble des parties prenantes dans les semaines qui viennent, car la question du fonds de garantie, au moins pour ceux qui sont le plus en difficulté, doit trouver une issue, même si le sujet du financement n’est pas aujourd’hui abouti.
Monsieur Pellevat a évoqué une information qu’il avait lue, comme moi, dans la presse, selon laquelle le Gouvernement anticiperait le résultat du vote sur la loi en organisant d’ores et déjà la suite. C’est la pure vérité, mais il en va toujours de même, pour tous les textes de loi. On ne peut pas à la fois interpeller le Gouvernement, quand on est parlementaire, sur la longueur des délais de publication des textes réglementaires, et lui reprocher de se préparer !
Évidemment, le Gouvernement ne va pas appliquer une loi si elle n’est pas votée. Mais en attendant, sur ce texte, comme sur beaucoup d’autres, je dois avouer que nous travaillons en amont sur les dispositions réglementaires. Et puisque nous sommes dans une démarche collective, il vaut mieux que les gens soient informés, d’où la tenue de la réunion que vous évoquez.
Par ailleurs, je tiens à le dire, le débat sur la résistance que nous opposerions à l’organisation des examens est sans fondement. L’État s’est même retrouvé devant le tribunal administratif, car l’examen n’avait pu être organisé qu’au mois de novembre, et non au mois d’octobre comme prévu, pour des raisons matérielles ! Je signale à ce propos que le tribunal nous a donné raison.
Tout cela ne me paraît pas aller dans le bon sens, car nous sommes en train de nourrir des polémiques inutiles, qui ne sont pas à la hauteur des enjeux.
Monsieur Arnell, j’ai apprécié votre intervention. Sur le principe, nous sommes d’accord avec votre constat : la concurrence, lorsqu’elle est saine, ne peut profiter qu’à l’usager. Néanmoins, vous l’avez également constaté, ces conditions ne sont pas toujours réunies.
En outre, vous avez évoqué la nécessité de lutter contre la paupérisation des chauffeurs VTC. La question est bien là : s’il s’agissait d’un monde merveilleux dans lequel on pourrait entrer sans diplôme et exercer son activité en tant que travailleur indépendant, personne n’y trouverait rien à redire. Mais la réalité est tout autre, nous le savons bien.
Partout dans le monde, comme au sein du Parlement français, on débat de plus en plus pour trouver une bonne organisation. Je dois en convenir, j’étais plus interrogatif au début, lorsque le Premier ministre m’a confié cette mission, avec l’appui de la médiation de Laurent Grandguillaume. Nous avons affaire à des professionnels responsables ayant bien compris que, du fait de l’émergence de la modernité, ces nouveaux modèles permettent à d’autres d’avoir accès à la mobilité. C’est important, mais on ne peut pas rester dans cette situation.
En France, l’utilisation détournée de la LOTI, qui aggrave le problème et les sanctions, n’est pas le fait des chauffeurs VTC, qui ont juste envie, au départ, d’exercer cette profession. À quoi sommes-nous confrontés ? Pour être très clairs, à une publicité sur les plateformes – nous en avons fait une capture d’écran – qui demande : « Comment devenir chauffeur VTC ? Encore plus simple que la loi, la LOTI permet d’éviter certaines procédures, comme un examen, etc. »
Mme Nicole Bricq s’exclame.
Ici, nous faisons la loi et nous devons respecter les textes. Or il existe peu de cas de figure où les pouvoirs publics ont été confrontés à une fraude aussi massive, dont les victimes sont non seulement les chauffeurs de taxi, mais aussi les chauffeurs VTC.
Lorsque nous nous sommes aperçus de ces détournements massifs, nous avons demandé la liste des acteurs concernés. Mais comme ces gens détiennent une expertise juridique extraordinaire et des moyens considérables, on nous a répondu que la loi d’origine, qui n’avait évidemment pas prévu la fraude, ne nous permettait pas de les obtenir. Il ne faut pas refaire l’histoire ; c’est ainsi que les choses se sont passées, malheureusement, et il aurait pu en aller autrement.
Je reste persuadé que nous pouvons trouver une issue. Je tiens à remercier ceux qui ont participé à toutes les tables rondes. Comme l’ont souligné certains d’entre vous, il faudra peut-être y revenir – pour ne pas dire que nous devrons assurément y revenir.
Dans quel sens ? Dès que je me rends dans un pays étranger, en Colombie, en Angleterre ou en Asie, et que je rencontre mes homologues, nous évoquons ce sujet majeur. Les pouvoirs sont certes différents, car ce dossier relève parfois de la compétence des villes, des agglomérations, voire des États fédérés ou de l’État national, mais cette question se pose partout, et l’expérience des autres peut aussi servir à alimenter notre réflexion.
J’entends partout parler de régulation. Vous me direz que ce n’est pas une idée originale. Ce n’est probablement pas la meilleure référence pour déterminer le génie humain, mais nous n’avons rien trouvé d’autre. Et entre le désordre et la régulation, le Gouvernement a fait le choix, partagé, de la régulation. Il ne s’agit pas ici d’un archaïsme ; il est question de trouver une solution, sur le long terme, à un moment de tension.
Ceux, et ils sont nombreux, qui me donnent des leçons de modernité étaient plus discrets lors de la crise sociale et des affrontements qui ont opposé les taxis ou les VTC. Je préfère la situation d’aujourd’hui, où l’on débat. Des divergences de vues peuvent opposer le Sénat et l’Assemblée nationale, mais c’est le processus législatif normal.
Je souhaite que ce travail en commun, enrichi par les propositions du Sénat, permette au présent texte d’aboutir. Nous aurons alors inscrit une nouvelle pierre, mais pas la dernière. Quoi qu’il en soit, chacun a bien mesuré que ce problème était extrêmement difficile. Nous essayons de le résoudre aujourd’hui. Il en sera de même demain avec l’ensemble des acteurs concernés.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
TITRE unique
(Suppression maintenue de la division et de l’intitulé)
Le livre Ier de la troisième partie du code des transports est complété par un titre IV ainsi rédigé :
« TITRE IV
« LES ACTIVITÉS DE MISE EN RELATION
« CHAPITRE I ER
« Dispositions générales
« Art. L. 3141 -1. – Le présent titre est applicable aux professionnels qui mettent en relation des conducteurs ou des entreprises de transport et des passagers pour la réalisation de déplacements répondant aux caractéristiques suivantes :
« 1° Ils sont effectués au moyen de véhicules motorisés, y compris de véhicules à deux ou trois roues, comportant, outre le siège du conducteur, huit places assises au maximum ;
« 2° Ils ne présentent pas le caractère d’un service public de transport organisé par une autorité organisatrice mentionnée à l’article L. 1221-1 ;
« 3° Ils ne sont pas réalisés dans le cadre du conventionnement prévu à l’article L. 322-5 du code dela sécurité sociale.
« Le présent titre n’est pas applicable :
« a) Aux personnes qui exploitent des services de transport, lorsque la mise en relation a pour objet les services de transport qu’elles exécutent elles-mêmes ;
« b) Aux personnes qui organisent des services privés de transport dans les conditions prévues à l’article L. 3131-1, lorsque la mise en relation a pour objet ces services privés de transport.
« Art. L. 3141 - 2. – I. – Le professionnel mentionné à l’article L. 3141-1 s’assure que tout conducteur qu’il met en relation avec des passagers dispose des documents suivants :
« 1° Le permis de conduire requis pour la conduite du véhicule utilisé ;
« 2° Un justificatif de l’assurance de responsabilité civile requise pour l’activité pratiquée ;
« 3° Le cas échéant, la carte professionnelle requise pour l’activité pratiquée.
« II. – Le professionnel mentionné à l’article L. 3141-1 s’assure, le cas échéant, que l’entreprise dont le conducteur relève dispose du certificat d’inscription au registre mentionné à l’article L. 1421-1 ou du certificat d’inscription au registre mentionné à l’article L. 3122-3.
« III. – Lorsque la mise en relation a pour objet un déplacement réalisé en covoiturage, le professionnel mentionné à l’article L. 3141-1 fixe un montant maximum exigible par le conducteur au titre du partage des frais, dans le respect de l’article L. 3132-1.
« IV. – Les conditions d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État.
« CHAPITRE II
« Mise en relation avec des conducteurs professionnels
« Art. L. 3142 -1. – Pour l’application du présent chapitre, est considéré comme une centrale de réservation tout professionnel relevant de l’article L. 3141-1 dès lors que les conducteurs qu’il met en relation avec des passagers exercent leur activité à titre professionnel.
« Art. L. 3142 -2. – Toute centrale de réservation, au sens de l’article L. 3142-1, déclare son activité à l’autorité administrative, dans des conditions définies par voie réglementaire.
« La déclaration est renouvelée chaque année et lorsqu’un changement intervient dans les éléments de la déclaration.
« Art. L. 3142 -3. – §(Non modifié) La centrale de réservation est responsable de plein droit, à l’égard du client, de la bonne exécution des obligations résultant du contrat de transport, que ce contrat ait été conclu à distance ou non et que ces obligations soient à exécuter par la centrale elle-même ou par d’autres prestataires de services, sans préjudice du droit de recours de la centrale contre ceux-ci.
« Toutefois, la centrale peut s’exonérer de tout ou partie de sa responsabilité en apportant la preuve que l’inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est imputable soit au client, soit au fait imprévisible et insurmontable d’un tiers étranger à la fourniture de la prestation prévue au contrat, soit à un cas de force majeure.
« Art. L. 3142 -4. –
Non modifié
« Art. L. 3142 -4 -1. –
Supprimé
« Art. L. 3142 -5. – La centrale de réservation ne peut interdire à l’exploitant ou au conducteur d’un taxi de prendre en charge un client qui le sollicite directement alors que le taxi n’est pas rendu indisponible par une réservation et qu’il est arrêté ou stationné ou qu’il circule sur la voie ouverte à la circulation publique dans le ressort de son autorisation de stationnement.
« Toute stipulation contractuelle contraire est réputée non écrite.
« Les dispositions du présent article sont d’ordre public.
« Art. L. 3142 -6. –
Supprimé
« CHAPITRE III
« Sanctions
« Art. L. 3143 -1 A. –
Supprimé
« Art. L. 3143 -1. – §(Non modifié) Est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende le fait de contrevenir à l’article L. 3142-2.
« Art. L. 3143 -2. – Est puni de 15 000 € d’amende le fait de contrevenir à l’article L. 3142-5.
« Art. L. 3143 -3. – Est puni de deux ans d’emprisonnement et de 300 000 € d’amende le fait d’organiser la mise en relation de passagers et de personnes qui ne sont ni des entreprises de transport public routier de personnes, ni des conducteurs de ces entreprises, ni des exploitants ou conducteurs de taxis, de voitures de transport avec chauffeur ou de véhicules motorisés à deux ou trois roues au sens du titre II du livre Ier de la troisième partie du présent code, en vue de la réalisation des prestations mentionnées aux articles L. 3112-1 ou L. 3120-1.
« Les personnes morales déclarées responsables pénalement du délit prévu au présent article encourent, outre l’amende suivant les modalités prévues à l’article 131-38 du code pénal, les peines prévues aux 2° à 9° de l’article 131-39 du même code. L’interdiction mentionnée au 2° du même article 131-39 porte sur l’activité dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise. Les peines prévues aux 2° à 7° dudit article ne peuvent être prononcées que pour une durée maximale de cinq ans.
« Art. L. 3143 -4. – §(Supprimé) »
Monsieur le secrétaire d'État, je vous ai écouté avec beaucoup d’attention, mais un certain nombre de questions posées sur l’ensemble des travées de cet hémicycle sont restées sans réponse.
Tout d'abord, pourquoi le Gouvernement n’a-t-il pas pris ses responsabilités et s’est-il caché, non pas derrière son petit doigt, mais derrière une proposition de loi dont nous savons tous qu’il est l’inspirateur réel ? Est-ce pour éviter l’étude d’impact ou l’avis du Conseil d’État ?
Ensuite, pourquoi ce texte est-il finalement assez limité dans son champ d’application, contrairement à ce que vous déclariez au mois de juillet dernier, monsieur le secrétaire d'État, indiquant qu’il ne s’agissait que d’un élément d’une architecture plus globale ? D'ailleurs, on ne sait pas ce que celle-ci recouvre au juste.
Les uns et les autres, notamment Vincent Capo-Canellas, ont parlé de la question essentielle de l’indemnisation des chauffeurs de taxi. Vous avez dit voilà à l’instant que rien n’avait été fait faute de consensus sur le sujet.
C’est un peu court, car, si l’on ne légifère que lorsqu’un consensus se dégage, on n’est pas près de réformer ce pays !
Je n’ai pas obtenu non plus de réponse à cette autre interrogation, monsieur le secrétaire d’État : pourquoi avoir voulu que les présentes dispositions soient discutées à la hussarde ? Je le rappelle à l’intention de mes collègues, lors de l’examen du projet de loi pour une République numérique, vous avez tenté de faire adopter un certain nombre de ces dispositions par voie d’amendement. C’est d’ailleurs par hasard que notre commission en a été informée, un certain nombre d’entre nous se trouvant en séance à ce moment-là. Sans cela, nous n’en aurions pas eu le moindre écho.
Aujourd’hui, nous sommes amenés à légiférer dans l’urgence, selon la procédure accélérée. M. le rapporteur l’a dit, nous avons eu quinze jours à peine pour approfondir ce texte. Il le redira certainement, sur un certain nombre de propositions d’amendements, nous n’avons pas pu mener la réflexion suffisamment au fond, faute de temps.
Cet article 1er, corrigé par la commission, a également été proposé à la hussarde, puisque vous demandiez un blanc-seing pour renvoyer l’application de certaines dispositions à l’adoption d’un décret, dont on ne sait nullement quel serait le contenu.
Face à cette approche, vous l’avez vous-même reconnu, monsieur le secrétaire d’État, nous avons été loin de la posture et des caricatures. La commission, particulièrement son rapporteur, a adopté une démarche très pragmatique, ayant à cœur de ne pas remettre en cause la loi Thévenoud ni ce qui semblait être un équilibre, mais avant tout de suivre une démarche sécurisée, afin d’éviter un certain nombre des problèmes juridiques qui furent à l’origine du dépôt de questions prioritaires de constitutionnalité et de l’annulation de certaines dispositions de ladite loi. Nous aimerions recevoir des réponses sur toutes ces questions.
Voilà l’approche qu’a suivie la commission. Je ne doute pas que nous suivrons la même ligne tout au long de l’examen des amendements. Je salue d’ailleurs la démarche tout aussi pragmatique de Jean-Jacques Filleul au sein de la commission. Celui-ci a écarté toute attitude partisane ou politicienne, pour reconnaître le travail qui a été accompli par M. le rapporteur.
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Je vais évidemment répondre à ces questions, qui sont toujours intéressantes.
Souriressur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.
Pourquoi le Gouvernement a-t-il choisi une proposition de loi ? Pour des raisons conjoncturelles. Lorsque nous sommes en plein conflit social, en général ceux qui sont dans la rue ou qui s’affrontent ne font pas spontanément confiance au Gouvernement.
C’est la raison pour laquelle a été nommé un médiateur, Laurent Grandguillaume. Celui-ci a effectué un énorme travail, en engageant le dialogue à un moment où, comme je l’ai rappelé, c’était l’appareil d’État – c’était vrai sous les précédents gouvernements, pour vous suivre sur le terrain de la polémique – qui gérait ce secteur. Plus précisément, le ministère de l’intérieur gérait les taxis, le ministère chargé du tourisme s’occupait des VTC et nous des LOTI. Il était donc difficile pour les professionnels de s’y retrouver.
La discussion a donc été engagée. Il est normal que, à l’issue de ce travail, Laurent Grandguillaume ait déposé une proposition de loi. Parce que j’ai, moi aussi, un long passé de parlementaire, j’estime qu’il est difficile, dans une enceinte parlementaire, de considérer péjorativement, comme vous semblez le faire, les propositions de loi, par rapport aux projets de loi. Si la Constitution a prévu le droit d’initiative parlementaire, c’est pour qu’il soit utilisé ; s’il ne l’était pas, le pire serait qu’un jour il devienne obsolète.
M. le président de la commission de l’aménagement du territoire manifeste son scepticisme.
Quant au fonds de garantie, je partage votre constat. J’ai dit les choses sincèrement, mais vous pouvez faire des propositions ! La voie a été ouverte et, si vous avez une solution, je ne suis pas fermé à ce débat. La vocation d’une assemblée n’est pas de poser des questions, mais d’apporter des réponses, même si l’objectif reste le même pour le Gouvernement. Aujourd’hui, nous pouvons au moins partager le constat qu’il reste encore du travail.
Enfin, les mots ont dû dépasser votre esprit, monsieur le président de la commission : vous avez parlé d’un travail réalisé « à la hussarde », alors que le texte a été voté à la fin de juillet dernier à l’Assemblée nationale. M. le rapporteur a commencé les auditions début septembre, avant même d’être désigné, et nous sommes début novembre.
J’en suis moi-même convenu, dans certaines situations cette critique est juste. En l’espèce, elle ressemble plutôt à une formule systématique, chaque fois que vous vous adressez au Gouvernement. Le texte n’est pas examiné à la hussarde ou de manière précipitée, au contraire ; il a été longuement discuté et résulte d’un travail qui est de qualité et qui a été réfléchi.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Guillaume Arnell applaudit également.
Je suis saisie de douze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 2 rectifié bis est présenté par MM. Chaize, de Nicolaÿ, Retailleau, Mandelli et Calvet, Mme Cayeux, M. Nègre, Mme Lamure, MM. Laménie, Vaspart et Bouchet, Mme Giudicelli, M. de Raincourt, Mme Chain-Larché, MM. César, P. Leroy, Mayet et Pinton, Mmes Hummel et Deroche et MM. D. Robert et Husson.
L'amendement n° 8 rectifié est présenté par M. Capo-Canellas, Mme Jouanno, M. Médevielle, Mme Billon, MM. Cadic, Bockel et Guerriau et Mme Joissains.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Après l’alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Ils ne sont pas effectués dans le cadre d’un covoiturage, tel qu’il est défini à l’article L. 3132-1 du présent code.
II. – Alinéa 18
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Patrick Chaize, pour présenter l’amendement n° 2 rectifié bis.
Cet amendement a pour objet de clarifier l’application du texte au secteur du covoiturage. En effet, la proposition de loi prévoit d’ores et déjà l’exclusion d’un secteur que sont les services privés de transport. Il n’est dès lors pas nécessaire d’inclure le vrai covoiturage pour lutter contre le faux, zone grise qui se situerait entre le vrai covoiturage et le transport public particulier de personnes.
D'ailleurs, le retrait du covoiturage ne change en rien l’esprit de la loi ni la possibilité de réguler, responsabiliser ou simplifier le secteur du transport public particulier de personnes.
Les textes existants permettent déjà aux différentes autorités concernées, notamment aux autorités judiciaires, à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, et à l’administration fiscale d’obtenir des plateformes de covoiturage toutes informations leur permettant de s’assurer du respect de l’encadrement applicable à cette activité.
À cet égard, le covoiturage dispose aujourd’hui d’une définition claire, qui figure à l’article L. 3132-1 du code des transports : « Le covoiturage se définit comme l'utilisation en commun d'un véhicule terrestre à moteur par un conducteur et un ou plusieurs passagers, effectuée à titre non onéreux, excepté le partage des frais, dans le cadre d'un déplacement que le conducteur effectue pour son propre compte. Leur mise en relation, à cette fin, peut être effectuée à titre onéreux et n'entre pas dans le champ des professions définies à l'article L. 1411-1. »
Le ministère des finances a publié récemment une définition officielle de la notion de « partage de frais » qui clôt toute interprétation exotique.
Le rejet de cet amendement irait, me semble-t-il, à l’encontre de la philosophie de la loi pour une République numérique que nous avons récemment adoptée.
La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour présenter l’amendement n° 8 rectifié.
Cet amendement ayant été très bien défendu par mon collègue, j’ajouterai simplement quelques mots.
J’ai eu l’occasion d’évoquer lors de la discussion générale le cas d’une entreprise française emblématique qui conquiert des marchés à l’étranger et fait notre fierté. Il serait dommageable de venir la déstabiliser en changeant le contexte réglementaire dans son pays d’origine, car cela serait très mal vu lorsqu’elle serait candidate à l’exportation.
En outre, comme l’a dit à juste titre M. Chaize, des textes s’appliquent, qui ne posent pas de problème aujourd’hui. La définition est claire pour différents ministères. Par conséquent, il n’y a pas lieu de toujours changer les codifications et les textes en vigueur, encore moins en renvoyant à des décrets pour lesquels on ne dispose pas d’informations précises quant à leur consistance.
L'amendement n° 34, présenté par Mme Didier, M. Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 13 à 19
Remplacer ces alinéas par trois alinéas rédigés :
« Art. L. 3141 -2. – Le professionnel mentionné à l’article L. 3141-1 s’assure du respect, par les conducteurs qu’il met en relation avec des passagers, des règles régissant, le cas échéant, le contrat de transport et des règles d’accès aux professions et aux activités de transport routier de personnes.
« Ce professionnel prend des mesures afin de prévenir l’exécution de déplacements dans des conditions illicites.
« Un décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Autorité de la concurrence, détermine les modalités d’application du présent article, en tenant compte des caractéristiques du service de mise en relation, notamment ses règles d’utilisation, le caractère professionnel ou non de l’activité des conducteurs et la nature des relations contractuelles entre le conducteur et le professionnel, ainsi que des caractéristiques des déplacements. Ce décret en Conseil d’État détermine également les conditions dans lesquelles est vérifié le respect des obligations prévues au premier alinéa du présent article.
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Nous souhaitons, par cet amendement, rétablir le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, qui pose le principe, dans une démarche de type RSE – responsabilité sociale des entreprises –, de la responsabilisation des plateformes, quelles qu’elles soient.
C’est un point fondamental et incontournable compte tenu de la configuration du marché du transport particulier de personnes : de nombreux acteurs, des statuts épars, mais surtout une grande dépendance à l’égard des plateformes, nous l’avons dit. Cela explique d’ailleurs l’augmentation du nombre de recours des chauffeurs en vue de la requalification de leur relation avec Uber, par exemple.
De plus, le décret d’application en Conseil d’État va plus loin dans l’énoncé des nouvelles obligations de contrôle des conducteurs par les centrales que la liste limitative proposée par M. le rapporteur, et ce pour faire face à la diversité des situations.
Enfin, les acteurs de la profession ont tous souligné leur volonté de continuer le travail de collaboration avec le ministère, afin que les décrets d’application soient au plus près de la réalité et de la complexité du terrain pour permettre une application effective de la loi. Pour eux, le dialogue continue.
C’est pourquoi la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale nous paraît plus opérante que celle de la commission.
L'amendement n° 44, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 13 à 19
Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 3141-2. – Le professionnel mentionné à l’article L. 3141-1 s’assure du respect, par les conducteurs et les entreprises de transport qu’il met en relation avec des passagers, des règles régissant, le cas échéant, le contrat de transport et des règles d’accès aux professions et aux activités de transport routier de personnes. Ce professionnel prend des mesures afin de prévenir l’exécution de déplacements dans des conditions illicites.
« Un décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Autorité de la concurrence, détermine les modalités d’application du présent article, en tenant compte des caractéristiques du service de mise en relation, notamment ses règles d’utilisation, le caractère professionnel ou non de l’activité des conducteurs et la nature des relations contractuelles entre le conducteur et le professionnel, ainsi que des caractéristiques des déplacements. Ce décret en Conseil d’État détermine également les conditions dans lesquelles est vérifié le respect des obligations prévues au premier alinéa du présent article.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
Cet amendement vise à rétablir le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale et à lui apporter une amélioration rédactionnelle, afin que les vérifications portent aussi sur la qualité d’exploitant. En effet, même lorsque le conducteur et l’exploitant sont une seule et même personne, l’entrepreneur, il ne faut pas oublier que la réglementation porte, d’une part, sur le conducteur, et, d’autre part, sur l’exploitant.
Les modifications apportées par votre commission ont consisté à préciser au niveau législatif les obligations imposées aux plateformes de mise en relation quand le texte issu de l’Assemblée nationale prévoyait qu’elles seraient définies par voie réglementaire.
Or même si les obligations définies par la commission correspondent sur le fond aux dispositions envisagées par le Gouvernement – nous ne sommes pas dans un débat frontal –, elles sont insuffisantes et ne permettraient pas de prévenir efficacement certaines pratiques illicites constatées.
Ainsi, le Gouvernement prévoit de reprendre au niveau du décret d’application les points de contrôle suivants : la possession d’un permis de conduire valide et de la carte professionnelle pour les conducteurs de taxi et de VTC, les caractéristiques du véhicule pour les VTC, la validité de l’assurance du véhicule, le contrat d’assurance de responsabilité professionnelle en cours de validité.
Il prévoit également des mesures complémentaires pour répondre aux attentes des professionnels, notamment en faveur de la lutte contre les pratiques visant à contourner la réglementation relative à la maraude, notamment les réservations sur des plateformes relatives au statut « LOTI ».
La mise au point de ces dispositions complexes nécessite un travail technique. Elle requiert également, c’est là l’essentiel, de mener une concertation avec les professionnels concernés.
Nous prendrions un grand risque à suivre la commission, me semble-t-il : les dispositions législatives seraient figées dans le marbre, sachant que tout un travail de concertation doit être mené. Or, on le sait très bien, cette affaire est évolutive, y compris dans l’imagination de ceux qui ne veulent pas respecter la loi ou les objectifs qui lui seraient assignés par le Parlement. Ce risque serait inutile et répondrait à des exigences juridiques qui me paraissent inappropriées en l’espèce.
Je souhaite vraiment donc que soit rétabli le texte issu de l’Assemblée nationale.
L'amendement n° 62, présenté par M. Rapin, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Un justificatif de l’assurance du véhicule utilisé ;
Après l’alinéa 17
II. – Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« … – Lorsque la mise en relation a pour objet un déplacement réalisé en voiture de transport avec chauffeur, le professionnel mentionné à l’article L. 3141-1 s’assure que le véhicule utilisé répond aux conditions techniques et de confort mentionnées à l’article L. 3122-4.
La parole est à M. le rapporteur.
Monsieur le secrétaire d’État, vous souhaitez rétablir le texte de l’Assemblée nationale, en particulier au travers d’un décret d’application. Vous l’avez souligné aussi, notre commission a proposé dans un premier jet une inscription législative. Nous devrions rester sur cette ligne. Simplement, prenant contact avec le ministère, nous avons souhaité compléter les dispositions législatives.
En conséquence, le présent amendement tend à ajouter aux dispositions législatives un justificatif de l’assurance du véhicule utilisé, complétant ainsi définitivement le dispositif législatif et prévoyant plus aisément la pénalisation en cas de non-respect.
L'amendement n° 41, présenté par M. Pellevat, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 18
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les conditions d’application du présent alinéa sont fixées par décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Autorité de la concurrence.
II. – Alinéa 19
Supprimer cet alinéa.
III. – Alinéa 22
Remplacer les mots :
une centrale de réservation
par les mots :
un intermédiaire
La parole est à M. Cyril Pellevat.
Comme je l’ai déjà indiqué lors de la discussion générale, cet amendement vise à améliorer la régulation sur les plateformes d’intermédiation, tout en évitant de nouvelles instabilités juridiques.
L'amendement n° 20, présenté par M. Bouvard, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 18
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les conditions d’application du présent alinéa sont fixées par décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Autorité de la concurrence.
II. – Alinéa 22
Remplacer les mots :
une centrale de réservation
par les mots :
un intermédiaire
III. – Alinéa 23
Remplacer les mots :
Toute centrale de réservation
par les mots :
Tout intermédiaire
IV. – Alinéa 25
Remplacer les mots :
La centrale de réservation
par les mots :
L’intermédiaire
V. – Alinéa 26
Remplacer les mots :
la centrale
par les mots :
l’intermédiaire
VI. – Alinéas 27 et 29
Remplacer les mots :
La centrale de réservation
par les mots :
L’intermédiaire
La parole est à M. Michel Bouvard.
Madame la présidente, si vous me le permettez, je défendrai en même temps l’amendement n° 21.
J’entends bien la volonté du Gouvernement de traiter le problème par décret. Je n’y suis pas hostile a priori, mais il faudra, en fonction du vote de notre assemblée, apporter une définition claire et précise de la nature juridique des plateformes qui, comme vient de l’indiquer Cyril Pellevat, sont un intermédiaire, comme dans d’autres modes de transport, notamment le transport aérien : les réservations sont possibles sur une plateforme sans que celle-ci soit le transporteur.
L'amendement n° 35, présenté par Mme Didier, M. Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 23 et 24
Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 3142 -2. – Toute centrale de réservation, au sens de l’article L. 3142-1, qui fournit des prestations de mise en relation sollicite de l’autorité administrative un agrément, dans des conditions définies par voie réglementaire.
« Cet agrément est accordé sur demande de la personne assurant l’exécution des prestations de mise en relation ou son représentant légal. Le demandeur doit fournir l’ensemble des informations permettant de connaître la part respective de chaque catégorie d’exploitants dans l’activité de mise en relation de la centrale de réservation et le résultat des vérifications effectuées par la centrale pour se conformer à l’article L. 3141-2.
« La personne assurant l’exécution des prestations de mise en relation est responsable de la mise en œuvre des obligations résultant du présent titre et des dispositions prises pour son application.
« L’agrément est renouvelé chaque année si la centrale de réservation envisage d’exercer cette activité au cours de l’année concernée et lorsqu’un changement intervient dans les éléments de l’agrément.
La parole est à Mme Évelyne Didier.
L’article 1er modifie le régime applicable aux plateformes de réservation en les responsabilisant davantage. C’est une orientation que nous approuvons. Cet article prévoit en effet que les centrales de réservation soient soumises à une procédure déclarative en partie calquée sur la procédure actuellement applicable aux intermédiaires du secteur des VTC.
Toutefois, cette procédure offre à nos yeux beaucoup trop de souplesse et risque de ne pas permettre aux pouvoirs publics de s’assurer du respect de la réglementation et de maîtriser le flux des nouveaux entrants. En effet, les plateformes se multiplient, l’économie numérique permettant cette souplesse et cette rapidité. C’est pourquoi nous pensons judicieux qu’elles aient l’obligation de disposer d’un agrément administratif, grâce auquel on conserverait un droit de regard sur leur création.
Monsieur le secrétaire d’État, lors des débats à l’Assemblée nationale, vous avez souscrit à la réponse du rapporteur. Or celui-ci ne nous a pas dit que notre amendement était infaisable ou juridiquement inopérant. Il a juste évoqué un allongement des délais, la RGPP et ses avatars étant passés par là. Il nous a aussi répondu que les acteurs pourraient, de fait, déroger aux règles, c’est-à-dire à la loi.
J’avoue que cet argument ne nous a pas convaincus. Devrait-on cesser de légiférer et d’imposer des procédures contraignantes dans l’intérêt général, au motif que certains ne respecteraient pas la loi ? Ce raisonnement vaudrait aussi pour tout le système déclaratoire, et ce serait reconnaître l’incapacité de l’État à faire respecter la loi. Nous ne pouvons évidemment pas l’accepter. J’imagine qu’il en est de même pour vous.
De même, le droit européen de la concurrence permet aux pouvoirs publics de réguler une activité, c’est-à-dire de limiter éventuellement l’exercice de l’activité de certaines plateformes ou l’arrivée de nouveaux entrants lorsque l’intérêt général l’exige, par exemple en raison de la saturation du marché, ce qui peut être une réalité dans certaines villes.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous vous invitons à adopter le présent amendement. J’attends votre sentiment sur ce sujet, monsieur le secrétaire d’État, car, en fonction de votre réponse, nous pourrons adapter notre position.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 21 est présenté par M. Bouvard.
L'amendement n° 42 est présenté par M. Pellevat.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 25
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 3142 -3. – Toute personne qui se livre ou apporte son concours à l’organisation ou à la vente d’une prestation mentionnée à l’article L. 3120-1 est responsable de plein droit, à l’égard du client, de la bonne exécution des obligations résultant du contrat, que ce contrat ait été conclu à distance ou non et que ces obligations soient à exécuter par elle-même ou par d’autres prestataires de services, sans préjudice de leur droit de recours contre ceux-ci.
II. – Alinéa 36
Supprimer les mots :
d’un an d’emprisonnement et
III. – Alinéa 38
Remplacer les mots :
aux articles L. 3112-1 ou
par les mots :
à l’article
IV. – Alinéa 39
Supprimer cet alinéa.
L’amendement n° 21 a été précédemment défendu.
La parole est à M. Cyril Pellevat, pour présenter l’amendement n° 42.
L'amendement n° 56, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 35
Rétablir l’article L. 3143-1 A dans la rédaction suivante :
« Art. L. 3143 -1 A. – Est puni de 300 000 € d’amende le fait de contrevenir au premier alinéa de l’article L. 3141-2.
« Les personnes morales déclarées responsables pénalement du délit prévu au présent article encourent, outre l’amende suivant les modalités prévues à l’article 131-38 du code pénal, les peines prévues au 2° à 9° de l’article 131-39 du même code. L’interdiction mentionnée au 2° du même article 131-39 porte sur l’activité dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise. »
II. – Alinéa 36
Supprimer les mots :
d’un an d’emprisonnement et
III. – Après l’alinéa 36
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnes morales déclarées responsables pénalement du délit prévu au présent article encourent, outre l’amende suivant les modalités prévues à l’article 131-38 du code pénal, les peines prévues au 2° à 9° de l’article 131-39 du même code. L’interdiction mentionnée au 2° du même article 131-39 porte sur l’activité dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise. »
IV. – Alinéa 37
Remplacer le montant :
par le montant
V. – Après l’alinéa 37
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le tribunal peut ordonner que sa décision soit publiée intégralement ou par extraits dans les journaux qu’il désigne, aux frais du condamné.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
Cet amendement a pour objet d’harmoniser les sanctions prévues à l’encontre des centrales. La responsabilisation des plateformes est l’un des axes de la feuille de route du 4 avril dernier et de la présente proposition de loi.
Les plateformes ont clairement un rôle à jouer pour s’assurer du respect de la réglementation du transport public particulier de personnes par l’ensemble des acteurs.
Pour être tout à fait direct, j’ajouterai qu’elles ne doivent pas être les premières à organiser un contournement des règles. Elles doivent au contraire contribuer comme il se doit au fonctionnement normal du secteur. Nous sommes là devant une question majeure : quel est le rôle des plateformes ?
Si leur rôle devient insignifiant, la solution sera de le confier aux pouvoirs publics, qui l’exerceront à leur place. Je ne suis pas favorable, je le répéterai tout à l’heure, à la mise en place de contrôles administratifs rigoureux d’agrément préalable, etc. Mais cela suppose de préciser clairement le rôle des plateformes. Ces dernières ne peuvent se contenter d’encaisser les commissions !
Le présent amendement a donc pour objet de rationaliser le dispositif des sanctions prévu à l’encontre des centrales de réservations pour le rendre plus cohérent.
Il vise tout d’abord à rétablir le délit de manquement à l’obligation, pour une centrale, de vérifier que les conducteurs qu’elle met en relation respectent la réglementation. Il tend ensuite à compléter cette sanction par la possibilité de peines complémentaires qui sont des peines classiques applicables aux entreprises en cas d’infraction grave en matière économique : obligation de publicité de la décision, interdiction temporaire d’activité.
Par ailleurs, pour toute centrale de réservation qui ne déclarerait pas son activité à l’autorité administrative, il est proposé, tout en maintenant le délit visé, de supprimer la peine d’emprisonnement, ce qui me paraît une bonne proposition. En l’espèce, cette peine d’emprisonnement est inadaptée. Par ailleurs, en cas de non-respect du régime déclaratif, il est possible de compléter le dispositif en appliquant les peines complémentaires précédemment évoquées.
Enfin, l’amendement tend à aligner les sanctions relatives à l’interdiction pour une centrale d’empêcher un taxi de marauder, sur celles qui sont relatives à l’interdiction pour une centrale d’empêcher un taxi ou un VTC de recourir à une autre centrale. Ces deux interdictions ne sont pas de même nature, et elles sont de gravités fondamentalement différentes.
Mesdames, messieurs les sénateurs, en définitive, nous sommes placés face à une alternative. Ou bien nous nous résignons à n’apporter aucune réponse ; ou bien nous partons du principe que la loi de la jungle ne saurait avoir cours dans ce monde, et, dès lors, un certain nombre de règles doivent être édictées.
Compte tenu de ce qui s’est passé – ce sont là des faits, et non une invention du Gouvernement –, l’agrément préalable nous paraît d’une ampleur excessive.
Mme Évelyne Didier le concède.
Toutefois, on ne peut pas rester sans réagir. On peut notamment apporter la réponse suivante : les acteurs de ce secteur d’activité ne doivent pas être déresponsabilisés au point de n’avoir plus aucun contrôle à effectuer, quant aux capacités de leur chauffeur ou quant aux conditions d’organisation du service. En pareil cas, les entreprises disposeraient de pouvoirs exorbitants. Elles pourraient imposer une forme de monopole à leurs chauffeurs. Ce n’est pas acceptable !
Voilà pourquoi, à travers cet amendement, le Gouvernement défend une position d’équilibre en tenant compte d’observations juridiques fondées, émises, notamment, par le Sénat. Je songe en particulier aux peines d’emprisonnement, sujet encore plus délicat lorsque les délinquants sont des personnes morales. À cet égard, nous nous sommes rangés à la position de la Haute Assemblée.
Le sous-amendement n° 63, présenté par M. Rapin, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Amendement n° 56, alinéas 1 à 4
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. le rapporteur.
Monsieur le secrétaire d’État, je vous sais gré d’avoir tenu compte des remarques de la commission. Désormais, les dispositions de l’amendement n° 56 nous paraissent acceptables, … mais à 80 %. En effet, les alinéas 1 à 4 continuent de nous poser problème. Une amende de 300 000 euros nous semble bel et bien disproportionnée.
Voilà pourquoi le présent sous-amendement tend à supprimer cette peine.
L'amendement n° 37, présenté par Mme Didier, M. Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 35
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 3143 -1A. – Est puni de 300 000 euros d’amende le fait de contrevenir au premier alinéa de l’article L. 3141-2.
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Les dispositions du présent amendement font écho, comme celles de l’amendement n° 36, aux propos de M. le secrétaire d’État.
L’amendement n° 37 a pour objet de rétablir un régime de sanctions en cas de non-respect de l’obligation de déclaration. Je n’y reviendrai pas. Nous avons déjà souligné que, en la matière, l’un des problèmes majeurs est la facilité avec laquelle les plateformes peuvent contourner la loi, faute de contrôles et de sanctions dissuasives.
Quant aux dispositions de l’amendement n° 36, elles font écho à mon intervention lors de la discussion générale : les plateformes n’hésitent pas à recourir à des chauffeurs dont le permis a pu être suspendu, ou qui ne disposent pas d’une assurance spécifique. Force est de le constater, certains VTC se dispensent encore de l’assurance pour le transport des personnes. Ce dernier point reste un facteur de concurrence déloyale entre les taxis et les VTC. Il s’agit, de ce fait, d’un sujet de discorde majeur.
Même si la loi Thévenoud a constitué un progrès, ce système a pu fonctionner et fonctionne encore par suite d’une véritable déresponsabilisation des plateformes de réservation.
Avec cet amendement, nous formulons ce rappel : les centrales doivent s’assurer annuellement que chaque exploitant qu’elles mettent en relation avec des clients est couvert par un contrat d’assurance en responsabilité civile professionnelle en cours de validité. Ces dispositions s’inscrivent donc bel et bien dans une démarche de responsabilisation.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements en discussion commune, à l'exception de ceux qu'elle a elle-même présentés ?
Les dispositions des amendements identiques n° 2 rectifié bis et 8 rectifié, relatives au covoiturage, nous paraissent intéressantes. J’en ai du reste discuté avec mon homologue de l’Assemblée nationale. Les premières questions que je lui ai posées portaient même sur ce sujet. Je lui ai demandé pourquoi la question du covoiturage, qui me semblait quelque peu désuète, figurait dans ce dispositif.
Globalement, le rapporteur de l’Assemblée nationale m’a apporté la réponse suivante : le but est de protéger le « vrai » covoiturage du « faux ». Des procédures assez lourdes ont été engagées à cet égard, mais on sait que la justice ne répond aux questions qui lui sont soumises que dans des délais assez longs. Il s’agit là d’un argument que l’on peut très bien entendre.
Dans le même temps, les auteurs de ces deux amendements opposent que l’on vise ici un dispositif moderne, très favorable au développement durable et particulièrement adapté à la jeunesse. À l’appui de leur raisonnement, ils citent diverses entreprises dont la fiabilité n’inspire absolument aucune crainte. Ces motifs sont également tout à fait recevables.
Ainsi, il y a du pour et du contre de chaque côté. Au nom de la commission, je m’en remets donc à la sagesse du Sénat. Je précise cependant que, à titre personnel, je suis favorable à ces deux amendements identiques.
Les amendements n° 34 et 44 tendent à renvoyer à un décret en Conseil d’État la définition des informations dont les chauffeurs doivent avoir connaissance et que les plateformes ont le devoir d’exiger d’eux. La commission préfère inscrire cette précision de fond dans le texte de la proposition de loi. Elle émet donc un avis défavorable.
Les amendements n° 41 et 20 tendent à remplacer le terme « centrale de réservation » par celui d’« intermédiaire ».
J’entends les arguments exposés par MM. Pellevat et Bouvard. Toutefois, une telle modification me pose sincèrement problème. Les centrales de réservation ne se limitent pas à des plateformes numériques. Il existe également des plateformes téléphoniques et, au-delà, un ensemble de structures qui sont au demeurant très bien définies par la loi.
Or ces structures constituent des centrales de réservation stricto sensu. Sur des plateformes numériques, le client effectue un paiement direct. De surcroît, ces centrales sont en mesure de déconnecter, ou non, les véhicules des chauffeurs dont elles assurent la gestion.
Au nom de la commission, je me suis rendu à Roissy pour observer comment les « boers » procèdent concrètement. On m’a exposé que les plateformes pouvaient déconnecter les chauffeurs dès lors qu’ils entraient dans une zone où ils n’étaient pas censés se trouver. En conséquence, ces plateformes ne sauraient être réduites au rôle de simple intermédiaire.
J’émets donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
Pour ce qui concerne l’amendement n° 35, je note que Mme Didier a aimablement tenu compte des remarques que j’ai formulées ce matin même en commission. L’idée d’exiger un agrément est digne d’intérêt, et je l’ai examinée avec bienveillance. Néanmoins, ni le droit français ni le droit européen ne semblent prêts pour sa mise en œuvre. À moins que M. le secrétaire d’État ne nous sorte de son chapeau une nouveauté intéressante à cet égard, je suis contraint d’émettre un avis défavorable.
Par les amendements identiques n° 21 et 42, MM. Bouvard et Pellevat traitent des peines complémentaires. Mais, à ce titre, ils souhaitent revenir sur d’utiles dispositions de la loi Thévenoud.
La commission demande donc le retrait de ces amendements. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
En revanche, les dispositions de l’amendement n° 56, telles qu’elles seraient modifiées par le sous-amendement n° 63, appellent, de la part de la commission, un avis favorable.
Enfin, pour les raisons que j’ai précédemment exposées, j’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 37.
Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements autres que ceux qu’il a lui-même déposés ?
Mesdames, messieurs les sénateurs, personne n’a l’intention de confondre l’émergence des plateformes avec le sujet, plus large, de l’économie collaborative. Personne n’a l’intention de compromettre le succès de Blablacar ! Si, par inadvertance, nous menacions cette réussite, je vous serais reconnaissant de bien vouloir nous en alerter. En l’occurrence, tel n’est pas le cas.
M. le rapporteur l’a fort bien dit : si, à l’instar du Gouvernement, l’auteur de cette proposition de loi souhaite maintenir cette référence, ce n’est pas pour viser directement l’entreprise en question. Ces dispositions n’ont aucune conséquence pour elle. Simplement, forts de notre expérience, nous sommes à même de ne pas répéter nos erreurs !
Lors de l’examen de la première proposition de loi, dite depuis loi Thévenoud, nous aurions déjà pu débattre de la loi d’orientation des transports intérieurs, la LOTI.
À l’époque, les uns et les autres sont partis du principe qu’il s’agissait d’un autre sujet. Or, en laissant ce petit interstice, nous avons donné libre cours à une fraude massive.
En négligeant de prendre en compte tel ou tel détournement du système de covoiturage, nous avons ménagé un espace dans lequel s’est engouffrée l’imagination juridique. Cette dernière, on l’a déjà constaté maintes fois, est d’autant plus efficace qu’elle est sans limites.
Aujourd’hui, le débat est ouvert. Je n’ai pas envie que, demain, les acteurs concernés se tournent vers le législateur pour lui demander : qu’avez-vous donc fait ? Le Gouvernement a bien pour objectif de protéger la réalité actuelle du covoiturage contre les détournements de demain.
Je comprends les intentions suivies par les auteurs de ces deux amendements, mais leurs inquiétudes ne sont pas fondées. Parallèlement, les dispositions qu’ils défendent créeraient un risque, qui pourrait bel et bien devenir majeur. À cet égard, j’en appelle à la responsabilité de chacun.
Pour ces motifs très précis, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements identiques n° 2 rectifié bis et 8 rectifié.
Madame Didier, l’amendement n° 44, présenté par le Gouvernement, tend à rétablir exactement les mêmes dispositions que l’amendement n° 34. De surcroît, son contenu est préférable sur le plan rédactionnel. Je suggère donc le retrait de l’amendement n° 34.
Les dispositions de l’amendement n° 62, défendues par M. le rapporteur, ne suivent pas la démarche juridique que nous avons retenue. Toutefois, à ce stade, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
Pour les raisons que M. le rapporteur vient d’exposer au nom de la commission, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements n° 41 et 20.
En ce qui concerne l’amendement n° 35, qui a pour objet la procédure d’agrément administratif, j’ai déjà indiqué que le Gouvernement en demande le retrait. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
À l’instar de la commission, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements identiques n° 21 et 42.
Pour ce qui concerne le sous-amendement n° 63, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote sur les amendements identiques n° 2 rectifié bis et 8 rectifié.
Même si, ce matin, la commission s’est contentée d’émettre un avis de sagesse sur ces deux amendements, faute de temps pour les examiner au fond, M. le rapporteur a indiqué qu’il y était favorable à titre personnel. Je tiens, avant tout, à l’en remercier.
Il s’agit là de dispositions tout à fait importantes : nous sommes tous soucieux de ne pas déstabiliser un secteur qui fonctionne bien, à savoir les transports partagés relevant de l’économie collaborative.
En revanche, monsieur le secrétaire d’État, je comprends moins bien la position que vous avez exprimée. Si vous me le permettez, votre réponse somme un peu comme un aveu ! À vous entendre, le Gouvernement n’a pas l’intention de mettre en difficulté le secteur des transports partagés. Mais, objectivement, telle est la conséquence des mesures qu’il défend…
Le Gouvernement est libre d’engager l’évolution de cette réglementation. Mais encore faudrait-il qu’il y ait un débat ! Vous invoquez le risque, tout à fait hypothétique, que des VTC se déguisent en véhicules relevant de l’économie collaborative. À mon sens, le danger est très limité. De surcroît, une telle volonté revient à réglementer le secteur du transport partagé : c’est bel et bien ce qui transparaît de votre réponse ! Admettez qu’un tel chantier exige un débat d’une tout autre ampleur. Il faut examiner le sujet avec précision et, avant d’aller plus loin, ouvrir une véritable consultation avec les acteurs concernés.
Voilà pourquoi je maintiens mon amendement. Patrick Chaize sera sans doute du même avis. Enfin, je retiens l’avis favorable qu’a exprimé M. le rapporteur à titre personnel.
Mes chers collègues, permettez-moi d’insister sur l’alinéa 18 du présent article, que ces deux amendements visent à supprimer : « Lorsque la mise en relation a pour objet un déplacement réalisé en covoiturage, le professionnel mentionné à l’article L. 3141-1 fixe un montant maximum exigible par le conducteur au titre du partage des frais, dans le respect de l’article L. 3132-1. »
Monsieur le secrétaire d’État, j’ai bien suivi votre raisonnement. Vous insistez sur le fait qu’il faut prendre toutes les précautions qui s’imposent. Mais, en fixant un montant maximum, ne craignez-vous pas d’établir, en quelque sorte, une référence nationale ?
Par définition, le covoiturage se fonde sur le partage des frais. Une telle référence ne pourrait-elle pas être interprétée comme un barème, sur la base duquel le conducteur proposerait des tarifs ? Même si le prix proposé était, par exemple, de 10 % inférieur au coût de référence, on devrait renoncer, pour le covoiturage, à toute forme de négociation entre le chauffeur et ses passagers.
En ce sens, je comprends tout à fait les dispositions de ces deux amendements : un tel montant maximum risque de constituer une première intervention extérieure, se traduisant par des barèmes, au titre du covoiturage. Une telle mesure pose question !
Monsieur le secrétaire d’État, nous mesurons la difficulté de l’exercice qui vous est imposé : faire cohabiter une économie ancienne et une économie émergente en édictant les règles de concurrence les plus harmonieuses possible.
En la matière, vous redoutez que d’éventuels détournements ne se fassent jour. Cela étant, permettez-moi de vous rappeler que le Sénat a beaucoup travaillé sur le sujet de l’économie collaborative, que ce soit au titre du présent texte ou au sein de la commission des finances.
Si nous voulons que, demain, des entreprises françaises continuent à se distinguer par leur réussite dans ce secteur, notre première préoccupation doit être la suivante : ne pas tuer ces champions français, ou, du moins, ne pas leur accrocher des boulets aux pieds.
Or, comme cela vient d’être dit, aller au-devant d’éventuelles difficultés en instaurant une forme d’encadrement revient à créer une contrainte.
Au demeurant, pour lutter contre des VTC qui se déguiseraient en véhicules relevant des transports partagés, nous disposons d’armes autrement plus efficaces, à savoir les propositions formulées par la Haute Assemblée quant au niveau d’imposition des revenus de l’économie collaborative.
Suivez-nous, suivez le Sénat sur ce front, et nous traiterons le problème. Au-delà d’un certain niveau, les ressources en question seront considérées comme des revenus réguliers. Elles cesseront d’être affectées à l’économie collaborative pour entrer dans le champ des activités professionnelles, avec les prélèvements qui vont de pair au titre de l’impôt sur le revenu. A contrario, les présentes dispositions risquent fort de poser problème à l’avenir !
Je serai bref, car M. Bouvard a presque tout dit !
En l’occurrence, il faut effectivement se garder de confondre les buts. Or, monsieur le secrétaire d’État, vous l’avez pour ainsi dire admis : si les dispositions de ces amendements ne sont pas adoptées, Blablacar ne pourra poursuivre son essor. Elle cessera d’être l’un des fleurons des start-up françaises.
M. le secrétaire d’État manifeste son agacement.
Au reste, si jamais la France prenait les décisions que vous appelez de vos vœux, tous les pays européens nous emboîteraient le pas. Cette entreprise subirait ainsi des difficultés croissantes. En définitive, elle ne pourrait que baisser le rideau.
Nous avons bien conscience des problèmes que vous évoquez. Oui, il faut tenir compte de leurs conséquences éventuelles. Mais, entre deux maux, il faut savoir choisir le moindre. À mon sens, les dispositions que nous proposons constituent le moindre mal !
Je mets aux voix les amendements identiques n° 2 rectifié bis et 8 rectifié.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que la commission s'en remet à la sagesse du Sénat et que l'avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
L'amendement est adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
Les amendements ne sont pas adoptés.
Le sous-amendement est adopté.
L'amendement est adopté.
Mme Jacqueline Gourault remplace Mme Françoise Cartron au fauteuil de la présidence.
L’amendement n° 36, présenté par Mme Didier, M. Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 27
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La centrale de réservation s’assure annuellement que chaque exploitant qu’elle met en relation avec des clients dispose d’un contrat d’assurance de responsabilité civile professionnelle en cours de validité.
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Cette disposition paraît redondante avec un alinéa de l’article qui contient déjà les dispositions relatives au contrôle de l’assurance.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.
Cet amendement vise à renvoyer à un décret en Conseil d’État les modalités d’application du chapitre 2 de l’article 1er. Ce renvoi est indispensable, ne serait-ce que parce que certaines mesures de la proposition de loi, telles que les obligations déclaratives des centrales de réservation prévues à l’article L. 3142–2 du code des transports, ont été supprimées en commission et renvoyées elles-mêmes à un décret d’application.
La cohérence du texte exige donc que l’ensemble du dispositif fasse l’objet des mêmes dispositions.
Cette proposition tend à alourdir le texte, puisque le même article prévoit déjà que les centrales de réservation déclarent leur activité à l’autorité administrative « dans des conditions définies par voie réglementaire ».
Cet amendement nous semble donc redondant. La commission en demande le retrait ; à défaut, son avis serait défavorable.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n° 59, présenté par M. Rapin, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 34
Au début, insérer les mots :
Constatation des infractions et
II. – Après l’alinéa 34
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 3143 – Les infractions aux dispositions législatives et réglementaires relatives aux activités de mise en relation mentionnées dans le présent titre sont recherchées et constatées, outre les officiers et agents de police judiciaire, par les fonctionnaires assermentés désignés par le ministre chargé des transports et commissionnés à cet effet.
La parole est à M. le rapporteur.
Cet amendement vise à habiliter les fonctionnaires assermentés désignés par le ministre chargé des transports à rechercher et constater les infractions aux dispositions législatives et réglementaires relatives aux activités de mise en relation, car aucune disposition n’a été prévue en ce sens.
Monsieur le secrétaire d’État, nous souhaitons savoir si un dispositif est déjà en place pour contrôler l’ensemble de ces infractions. Dans la perspective de l’adoption de ce texte et des dispositions qu’il contient, il me semble nécessaire de prévoir l’habilitation de nouveaux fonctionnaires.
Je comprends votre objectif, monsieur le rapporteur, mais cette proposition conduirait à complexifier la situation.
Aujourd’hui, la question des habilitations à constater les infractions relatives aux dispositions législatives et réglementaires du code des transports est traitée à l’article L. 1451-1 du code des transports. Cet article précise en particulier les différentes catégories d’agents concernés. L’administration n’est pas favorable à la création d’une deuxième règle d’habilitation en surcroît aux dispositions génériques déjà existantes.
Je comprends donc votre inquiétude, mais je suggère le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
Monsieur le secrétaire d’État, le texte que vous évoquez regroupe la surveillance des activités de transports et non de mise en relation. Cet amendement vise précisément à prendre en compte la surveillance de la mise en relation.
L’amendement est adopté.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous devons être attentifs à ce que nous faisons au regard de ce que nous voulons faire !
Je ne puis mesurer totalement les conséquences de ce vote, s’agissant d’un amendement dont nous n’avons eu connaissance que ce matin. La même critique est parfois adressée au Gouvernement, permettez-moi de le rappeler aujourd’hui.
Or il n’est pas facile de traiter des amendements de cette importance, qui doivent faire l’objet d’une expertise, dans un délai si court.
La question des conséquences que pourrait emporter cet amendement reste posée. Selon la lecture que vous en faites, le texte actuel ne parle pas de mise en relation. Or tel n’est pas notre avis. Nous considérons que sa rédaction englobe la totalité des activités concernées.
Dès lors que vous distinguez le contrôle de la mise en relation de celui des autres activités, de fins esprits juridiques affirmeront que toutes les sanctions prévues qui ne prennent pas en compte cette distinction ne s’appliquent plus. Il importe donc de bien mesurer les conséquences de ce que nous faisons.
Il me semble pertinent de poser des questions au cours du travail législatif, et je suis favorable à une approche partagée entre le Gouvernement et la commission. Toutefois, je crains que, poussés par un souci de juridisme excessif, nous ne nous aventurions sur un terrain particulièrement dangereux, certains pouvant en profiter pour détourner la loi une nouvelle fois.
Nous parlons ici de sanctions pénales. Cet hémicycle accueille suffisamment de spécialistes du droit pénal pour ne pas ignorer que celui-ci est d’interprétation restrictive. S’il y a un doute, le juge pénal considère qu’il doit profiter à celui qui est poursuivi. Je crains donc que nous n’ouvrions la voie à ce type d’argumentation, ce que personne ici ne souhaite.
Je tenais à vous faire part de mes interrogations et je forme le vœu que nous y répondions ensemble.
Monsieur le secrétaire d’État, nous vous entendons. Vous savez qu’il a été compliqué d’échanger avec votre ministère sur cette question dans le délai dont nous disposions.
Toutefois, le débat parlementaire n’est pas terminé, nous pourrons encore creuser cette question avant la commission mixte paritaire.
L’amendement n° 45, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 38
1° Remplacer les mots :
, ni des conducteurs de ces entreprises
par les mots :
au sens du titre Ier du livre Ier de la troisième partie du présent code
2° Remplacer les mots :
livre Ier de la troisième partie du présent code
par les mots :
même livre
La parole est à M. le secrétaire d’État.
La nouvelle rédaction proposée par la commission pour le délit sanctionnant l’organisation d’un système illégal de transport ne paraît pas suffisamment claire.
De notre point de vue, elle aboutirait à exclure les LOTI du champ d’application. Une telle évolution est naturellement contraire à la vision du Gouvernement, qui souhaite que ces sanctions soient applicables à l’ensemble des transports publics particuliers. Il s’agit d’un point très important, sur lequel aucun doute ne doit subsister.
Cet amendement vise donc à rétablir la rédaction issue de l’Assemblée nationale, donc la possibilité de sanctions de détournement du statut LOTI.
Compte tenu de l’histoire de cette profession, que nous avons retracée ensemble, je me permets d’insister sur l’importance de cet amendement et sur la lecture qui pourrait être faite, à l’extérieur, de la volonté que le Sénat exprimerait en ne le votant pas, quels que soient les arguments juridiques que nous pouvons entendre. Cela ne correspondrait d’ailleurs ni à la lettre du rapport ni à la présentation générale qui en a été faite. Nous devons envoyer un message clair et précis sur ce point.
Cet amendement est tout à fait justifié, la précision étant de bon sens. La commission y est donc favorable.
L’amendement est adopté.
L’article 1 er est adopté.
J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-et-une heures trente.