Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’offre de transport particulier de personnes, historiquement organisée autour des taxis et des véhicules de grande ou de petite remise, a été profondément modifiée en 2009 par la loi Novelli, qui a facilité l’ouverture vers d’autres régimes juridiques : les plateformes VTC s’y sont engouffrées.
Avec le développement du numérique et les applications de géolocalisation, les VTC connaissent un essor important. Traditionnellement, les taxis peuvent être hélés sur la voie publique. Les véhicules de remise, ainsi que les voitures de tourisme avec chauffeur, les VTC, doivent être réservés. Les entreprises de transport public routier, outre leurs activités de services publics pour le compte des collectivités et de l’État, exécutent des services de transport de groupes préalablement constitués, dans le cadre du dispositif des services occasionnels, catégorie provenant du droit communautaire.
Si, à l’origine, chacune de ces professions exerçait des activités distinctes, le développement du numérique et la demande accrue de mobilité des personnes dans toutes les métropoles et grandes agglomérations bouleversent totalement ces professions. En effet, elles interviennent sur un seul et même marché et, du point de vue des personnes en recherche de mobilité, les prestations rendues sont très largement identiques.
Malgré tout, les récentes évolutions ont entraîné de fortes crispations, parce que tout va trop vite et que les réglementations affichent souvent du retard sur l’évolution de la société. Sans doute faut-il, ou faudra-t-il, modifier l’économie générale du secteur dans un temps indéterminé ?
Pour organiser la coexistence des professions de transport individuel de personnes, la loi du 1er octobre 2014 relative aux taxis et aux VTC, dite loi Thévenoud, a cherché, et trouvé, je crois, un premier équilibre entre la modernisation de la profession de taxi et l’encadrement du nouveau régime des VTC.
Elle a engagé un travail de rapprochement des réglementations, rendu les licences de taxis incessibles et imposé une série d’obligations nouvelles aux taxis. Elle oblige les VTC à ce que nous avons appelé le « retour à la base », ce qui est essentiel, et impose des obligations aux intermédiaires VTC, tout en renforçant les contrôles. La loi de 2014 est bien un texte de compromis. Elle a permis de régler les conflits de l’époque.
Rapporteur de ce texte, et après avoir, moi aussi, beaucoup consulté, j’ai toujours considéré qu’avant deux ou trois ans, il faudrait sans doute y revenir. En effet, la loi de 2014 ne permet pas de répondre à toutes les difficultés, car de nouveaux contournements sont apparus, particulièrement dans l’utilisation du statut occasionnel ou capacitaire LOTI, un mode de transport collectif occasionnel de petite dimension.
Les transporteurs sous statut LOTI ont l’obligation légale de transporter plus d’une personne, mais beaucoup d’entre eux ne transportent en réalité qu’une seule personne, comme les taxis ou les VTC.
La proposition de loi que nous examinons est issue du rapport de Laurent Grandguillaume. Elle a été adoptée à l’Assemblée nationale avec l’abstention de l’opposition. Il s’agit, dans ce texte, de réprimer une fraude évoquée plus tôt, celle du détournement du statut de LOTI, avec l’assentiment des plateformes de réservation, sans que ces chauffeurs aient reçu de formation particulière, ni encore moins subi un examen pour valider leurs dispositions à exercer ce métier.
Je crois qu’il faut plutôt aider les chauffeurs, trop souvent entraînés dans la précarité par certaines plateformes qui ne visent que leurs propres gains, au détriment de la justice sociale.
Cette proposition de loi de régulation du transport public particulier de personnes vise ainsi à renforcer les obligations et responsabilités des plateformes, tout en rééquilibrant leur relation avec les chauffeurs, à améliorer la connaissance du secteur du transport public particulier de personnes, à prévenir le détournement du statut LOTI en interdisant les services occasionnels de moins de dix places dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants, à permettre aux chauffeurs LOTI de devenir chauffeurs de taxi ou de VTC et, enfin, à harmoniser l’accès au secteur par des examens en partie communs, dont l’organisation, dans le texte voté à l’Assemblée nationale, pourrait être confiée aux chambres des métiers. Monsieur le secrétaire d’État, vous pourrez sans doute nous donner des informations plus précises sur ce point.
Je crois qu’il faut le répéter à satiété : cette proposition de loi n’est pas un texte en faveur d’un secteur ou d’un autre. J’ajoute que des chauffeurs de taxi, comme de VTC, se sont exprimés positivement sur ce texte.
Lors de mon intervention en commission, le 19 octobre dernier, j’ai remercié Jean-François Rapin, rapporteur, de son implication dans ces domaines complexes. Je confirme en séance publique son excellent investissement et son souci de maintenir l’équilibre. Son attitude est d’autant plus méritoire et appréciable que de nombreux amendements furent déposés qui, s’ils avaient été adoptés, auraient pu bouleverser la logique de la proposition de loi. Avec sagesse, il ne les a pas suivis, ce que j’apprécie aujourd’hui.
L’ensemble de la profession a été consulté par Laurent Grandguillaume, y compris M. le secrétaire d’État. Cette proposition de loi a fait l’objet d’une large concertation avec l’ensemble des organisations professionnelles de taxis, de VTC, de LOTI, ainsi qu’avec les plateformes.
Pour que cet équilibre soit efficace, cette proposition de loi repose sur trois grands principes : responsabilisation, régulation et simplification. Il n’est absolument pas question de freiner l’ouverture à de nouveaux moyens de mobilité, mais bien de les accompagner et de les réguler, afin que toutes les organisations professionnelles de transport de personnes s’y retrouvent.
La numérisation bouleverse notre société, nous l’avons dit ; elle ne peut en aucun cas être synonyme de dérégulation. Dans cette proposition de loi, il y a bien des règles communes et elles sont partagées : la régulation et la concertation, c’est ce que nous défendons en voulant conserver la logique d’ensemble du texte.
Le groupe socialiste défendra deux amendements. L’un tend à rétablir l’article 12 dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, même si je ne suis pas insensible à l’amendement déposé par M. le rapporteur, dont les dispositions méritent toute notre attention, monsieur le secrétaire d’État. L’autre vise à préciser, au sein de l’article 8, l’une des dispositions de la loi de 2014 relative à l’utilisation d’un terminal de paiement électronique dans les taxis.
Le groupe socialiste s’exprimera positivement sur cette proposition de loi.