Intervention de Évelyne Didier

Réunion du 2 novembre 2016 à 14h30
Transport public particulier de personnes — Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Évelyne DidierÉvelyne Didier :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme les orateurs qui m’ont précédée, je tiens à indiquer que nous avons apprécié le travail très approfondi mené par notre rapporteur.

Depuis de nombreuses années, les manifestations de taxis font la une des journaux – c’est le cas aujourd’hui encore – en raison des embouteillages qu’elles provoquent dans les grandes villes de France.

Certains les présentent comme une opposition entre les taxis et les VTC, entre anciens et modernes dans un domaine d’une grande complexité. Ces conflits sont en réalité la manifestation des difficultés grandissantes rencontrées par les chauffeurs, quelle que soit leur situation professionnelle, face à une précarisation croissante due essentiellement au système Uber, un système perçu comme un progrès par les consommateurs en raison de la simplicité d’utilisation et de prix plus qu’attractifs, mais qui induit, en réalité, une paupérisation et une aggravation des conditions de travail des chauffeurs, une forme d’esclavage des temps modernes – je pèse mes mots.

À cet égard, la France n’est pas une exception, puisque l’on assiste à des mobilisations dans de nombreuses capitales européennes. Partout, les syndicats se mobilisent. D’ailleurs, très récemment, le vendredi 28 octobre dernier, un tribunal du travail britannique a condamné le géant commercial Uber à reconnaître les chauffeurs comme des employés et non comme des auto-entrepreneurs.

Dans ce système, les chauffeurs ne sont pas des salariés. Ils sont payés à la tâche, dans un « partenariat » avec la plateforme qui les rend dépendants du système sans leur assurer les protections inhérentes au salariat, à savoir un contrat de travail et des protections sociales. Un chauffeur devient un « client », une embauche est un « enrôlement » et le licenciement une « désactivation ». On dit aux personnes concernées qu’elles sont « désactivées » ! Mes chers collègues, les évolutions de vocabulaire sont toujours significatives : il faut y être attentif.

La difficulté à trouver des solutions réside dans la grande variété des situations, entre les chauffeurs locataires, salariés, artisans, ceux qui sont dans le métier depuis longtemps, qui n’ont plus de dettes, et ceux qui ont commencé il y a trois ou quatre ans, ceux qui sont VTC ou taxi, grande remise ou en coopérative. Cette diversité explique d’ailleurs que le législateur ait dû y revenir à nouveau et que les gens de la profession aient tant de difficultés à trouver un terrain d’entente.

Il faut dire que l’État a sa part de responsabilité, puisqu’il a abandonné progressivement l’idée que cette profession réglementée était d’abord un service public, pour considérer aujourd’hui qu’il s’agit d’un secteur marchand, dans lequel il faut introduire la concurrence.

Si l’ouverture à la concurrence et la déréglementation introduites dès 2009 ont paru constituer une aubaine aux personnes qui pouvaient trouver ainsi un emploi rapidement sans avoir d’autre qualification que le permis de conduire, ils ont très vite compris que Uber et d’autres les avaient attirés pour mieux les asservir.

Au fond, tous les chauffeurs ont pris conscience qu’ils étaient dans la même galère, et c’est la raison pour laquelle Laurent Grandguillaume a pu écrire cette proposition de loi qui, en dehors des plateformes, a fait l’unanimité dans la profession, même si bien sûr il reste toujours quelques points à améliorer. Les chauffeurs se sont rassemblés au-delà de leurs différences, avec une analyse lucide de la situation, pour défendre leur métier, leur dignité et leurs droits. Ils défendent aussi l’idée qu’il faut des règles communes à tous.

Disons-le, le système Uber est fondé sur l’exploitation des hommes

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