Je préfère, mes chers collègues, que nous définissions ensemble des règles relatives aux conditions de travail des chauffeurs, plutôt que cette question soit réglée douloureusement par les tribunaux, et ce au détriment de l’ensemble de la communauté nationale.
Les législations visant spécifiquement ce secteur en pleine expansion évoluent donc toutes dans le même sens, celui d’un renforcement de la régulation du secteur, tirant vers le haut les conditions de recrutement et de formation des chauffeurs, ainsi que les exigences de sécurité. Cette proposition de loi obéit à la même logique.
À l’instar de mon collègue Jean-Jacques Filleul, je salue l’important travail de concertation mené de bout en bout et l’équilibre trouvé, qui permet d’organiser un secteur en mouvement permanent. La situation n’est pas simple. Durant ces quelques mois de discussion au Sénat, en effet, nous avons vu émerger un certain nombre d’interlocuteurs professionnels, dont certains de manière particulièrement soudaine, sans que l’on puisse parfois évaluer leur sérieux.
Je souligne également la volonté de prendre en compte une demande forte, générationnelle et touristique, en faveur d’une montée en gamme globale des services : c’est la raison pour laquelle nous proposons un amendement visant à systématiser la possibilité de recourir au paiement bancaire dans les taxis.
Les perspectives d’emploi de ces services, notamment de jeunes rencontrant des difficultés à s’insérer sur le marché du travail, pour qui ces secteurs constituent une vraie chance, nous engagent. Nous devons à ces chauffeurs le même degré d’exigence en matière de formation et de sécurité que pour les taxis, d’autant que nous devrons garder à l’esprit que, demain, la concurrence s’organisera avec des services de voitures sans chauffeur, et non plus seulement entre des voitures avec chauffeur.
Au total, la régulation exigeante de l’ensemble de ces services va indéniablement dans le sens de l’histoire.
Pour autant, nous ferions, je crois, une erreur majeure en ne voyant dans cette proposition de loi que l’expression d’un accord entre les taxis et les acteurs du VTC. En effet, même si plus des deux tiers des VTC sont situés dans l’aire urbaine de Paris, nous sommes à l’orée de stratégies de déploiement en province qui nécessitent des outils de régulation nationale, assorties de capacités d’action profondément décentralisées, au service de priorités d’aménagement du territoire.
Une enquête de décembre 2015, rapportée par l’ADEME, mentionne ainsi que 33 % des personnes ont déclaré que, en l’absence de services de VTC, elles auraient utilisé les transports en commun pour réaliser leur déplacement. Si l’usage des VTC entraîne une diminution de l’utilisation de la voiture, il entraîne également une baisse de l’usage de certains des modes alternatifs à la voiture personnelle.
À cet égard, l’article 2 initial de la proposition de loi Grandguillaume me paraît indispensable, car il replace bien l’offre de transport public particulier de personnes dans le cadre d’une politique globale de transport.
Aussi, la transmission de données, et non la fin du secret des affaires et la communication de données stratégiques, confidentielles, comme j’ai pu le lire dernièrement, est bien au cœur de politiques intermodales de transport de particuliers.
La proposition de loi Grandguillaume, en particulier son article 2, permet d’accompagner l’émergence de nouveaux modes d’organisation des déplacements urbains et périurbains intégrant les taxis et les VTC.
Le rapport de notre ancien collègue Yves Krattinger, intitulé Les Transports publics locaux en France : mettre les collectivités territoriales sur la bonne voie, qui date de janvier 2012, abordait déjà la nécessité de coordonner les initiatives. Il présentait ainsi comme une priorité la production d’une information multimodale. Par définition, cette information ne peut être produite qu’à plusieurs. C’est pourquoi elle nécessite une bonne coordination entre les différentes autorités organisatrices de transport.
Avec la numérisation et la présence de plateformes, ne nous y trompons pas, nous sommes passés d’une logique d’offre de transport public particulier de personnes à une logique d’adaptation de services de transport particulier à une multitude d’usagers.
L’étude de l’ADEME de juin 2016 sur les différentes formes de transport avec chauffeur VTC tire les mêmes conclusions. Elle indique cependant de manière liminaire que « paradoxalement, peu de données publiques existent sur la contribution des VTC aux systèmes de mobilité urbaine dans lesquels ils viennent s’insérer. »
C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je défends avec la plus grande vigueur la possibilité pour les autorités chargées de l’organisation des transports, c'est-à-dire, pour l’essentiel, les collectivités territoriales, de disposer non seulement de données publiques pour exercer pleinement leur action au service des usagers, mais aussi de règles d’aménagement du territoire.
À ce jour, les perspectives liées à la transmission des données peuvent paraître embryonnaires, mais les tendances sont présentes. Ainsi, à terme, les sociétés de transports en commun pourraient établir plus systématiquement des partenariats avec des VTC, comme avec des taxis, afin d’assurer le besoin de mobilité des habitants des zones peu denses, moins bien desservies ou en prolongement des transports en commun.
À terme également, les actions très concrètes de lutte contre le réchauffement climatique menées à l’échelle des villes et des régions devront et pourront aussi tirer parti des données transmises.
En conclusion, mes chers collègues, je dirai que ce texte devra sans nul doute être réaménagé d’ici à quelques années. Il porte cependant en germe un modèle, celui d’une économie collaborative, fortement décentralisée, exigeante en termes de formation et de sécurité, qui doit être accompagnée.