… et la construction idéologique du salariat, qui a germé non seulement dans les rangs de la gauche, mais également au sein de la démocratie chrétienne, a consisté à répondre à la situation que vivaient les journaliers de l’époque.
Il ne faut pas parer des atours du modernisme une situation qui, au fond, ressemble d’assez près au vieux monde. Ayons bien ces conquêtes à l’esprit, même si cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’espace pour évoluer.
Néanmoins, il appartient à ceux qui, aujourd’hui, ont la possibilité de faire avancer les choses d’apporter les bonnes réponses. Pour l’instant, elles ne viennent pas, mais peut-être vont-elles venir.
Même si comparaison n’est pas raison, regardez ce qui est se passe avec l’émergence des livreurs à domicile, autre nouvelle forme de travail. Ce secteur crée des milliers d’emplois, en France comme ailleurs.
On nous a beaucoup recommandé de le laisser se développer assez librement, car il donnait du travail aux gens. Jusqu’au jour où des accidents se sont produits, en France, mais aussi en Italie ! À Bordeaux, récemment, un livreur s’est fait renverser par une voiture et a été blessé gravement. C’est alors que l’on a découvert que ce garçon de vingt-cinq ans ne bénéficiait d’aucune couverture pour accident de travail, outre la prise en charge de ses soins. Cet exemple doit tous nous interpeller, y compris les plateformes ou les employeurs éventuels.
Il est essentiel que la responsabilisation sociale de tous, éventuellement via la négociation, permette d’apporter des réponses. On ne peut pas rester dans le statu quo pour des questions potentiellement aussi graves. Sinon, demain, dans nos permanences d’élus, nous recevrons nombre de victimes qui en appelleront à la solidarité nationale. Nous devons donc essayer d’avancer, peut-être vers le salariat, pour trouver des solutions à ces problématiques sociales essentielles. Ainsi, la lecture historique du phénomène que j’ai faite, si critiquable soit-elle, pourra être écartée grâce à ces initiatives.
Le législateur n’est pas encore allé jusque-là, monsieur Pellevat, mais, pour ma part, je pense qu’il vaut mieux que la question se règle par la négociation entre les partenaires. En tout cas, je le répète, il faudra bien avancer, faute de quoi les mêmes situations déboucheront demain sur les mêmes conflits.
Par ailleurs, plusieurs d’entre vous m’ont interrogé sur le fonds de garantie, qui faisait partie de la feuille de route que j’ai présentée. Nous avons réalisé un travail avec l’administration, pour examiner quels pourraient être ses contours et ses ambitions.
Plusieurs possibilités s’offraient à nous, mais nous ne sommes pas parvenus à dégager un consensus sur le sujet. J’avais donc demandé à l’ensemble des organisations syndicales, nombreuses dans ce secteur, de donner leur position par écrit, et je m’étais engagé à les publier, ce que nous avons fait voilà quelques semaines. Vous pouvez donc trouver sur le site du ministère toutes les contributions sur la question du fonds de garantie. Vous constaterez avec moi que l’on est loin du consensus.
Il y a ceux qui sont contre le principe ; il y a ceux qui sont pour, mais qui se demandent qui va payer, ce qui n’est pas un petit détail. Certains pensent que c’est à l’État de financer, d’autres, à savoir les taxis, pensent que seuls les VTC doivent payer, d’autres encore penchent pour que tout le monde paie. Il y a là une difficulté majeure, et je pense que le débat n’est pas clos.
Nous souhaitons donc reprendre cette négociation avec l’ensemble des parties prenantes dans les semaines qui viennent, car la question du fonds de garantie, au moins pour ceux qui sont le plus en difficulté, doit trouver une issue, même si le sujet du financement n’est pas aujourd’hui abouti.
Monsieur Pellevat a évoqué une information qu’il avait lue, comme moi, dans la presse, selon laquelle le Gouvernement anticiperait le résultat du vote sur la loi en organisant d’ores et déjà la suite. C’est la pure vérité, mais il en va toujours de même, pour tous les textes de loi. On ne peut pas à la fois interpeller le Gouvernement, quand on est parlementaire, sur la longueur des délais de publication des textes réglementaires, et lui reprocher de se préparer !
Évidemment, le Gouvernement ne va pas appliquer une loi si elle n’est pas votée. Mais en attendant, sur ce texte, comme sur beaucoup d’autres, je dois avouer que nous travaillons en amont sur les dispositions réglementaires. Et puisque nous sommes dans une démarche collective, il vaut mieux que les gens soient informés, d’où la tenue de la réunion que vous évoquez.
Par ailleurs, je tiens à le dire, le débat sur la résistance que nous opposerions à l’organisation des examens est sans fondement. L’État s’est même retrouvé devant le tribunal administratif, car l’examen n’avait pu être organisé qu’au mois de novembre, et non au mois d’octobre comme prévu, pour des raisons matérielles ! Je signale à ce propos que le tribunal nous a donné raison.
Tout cela ne me paraît pas aller dans le bon sens, car nous sommes en train de nourrir des polémiques inutiles, qui ne sont pas à la hauteur des enjeux.
Monsieur Arnell, j’ai apprécié votre intervention. Sur le principe, nous sommes d’accord avec votre constat : la concurrence, lorsqu’elle est saine, ne peut profiter qu’à l’usager. Néanmoins, vous l’avez également constaté, ces conditions ne sont pas toujours réunies.
En outre, vous avez évoqué la nécessité de lutter contre la paupérisation des chauffeurs VTC. La question est bien là : s’il s’agissait d’un monde merveilleux dans lequel on pourrait entrer sans diplôme et exercer son activité en tant que travailleur indépendant, personne n’y trouverait rien à redire. Mais la réalité est tout autre, nous le savons bien.
Partout dans le monde, comme au sein du Parlement français, on débat de plus en plus pour trouver une bonne organisation. Je dois en convenir, j’étais plus interrogatif au début, lorsque le Premier ministre m’a confié cette mission, avec l’appui de la médiation de Laurent Grandguillaume. Nous avons affaire à des professionnels responsables ayant bien compris que, du fait de l’émergence de la modernité, ces nouveaux modèles permettent à d’autres d’avoir accès à la mobilité. C’est important, mais on ne peut pas rester dans cette situation.
En France, l’utilisation détournée de la LOTI, qui aggrave le problème et les sanctions, n’est pas le fait des chauffeurs VTC, qui ont juste envie, au départ, d’exercer cette profession. À quoi sommes-nous confrontés ? Pour être très clairs, à une publicité sur les plateformes – nous en avons fait une capture d’écran – qui demande : « Comment devenir chauffeur VTC ? Encore plus simple que la loi, la LOTI permet d’éviter certaines procédures, comme un examen, etc. »