Intervention de Christian Cambon

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 2 mars 2016 à 10h30
Audition de M. Jean-Marc Grosgurin ambassadeur de france au yémen

Photo de Christian CambonChristian Cambon, président :

Dont acte ! Le ministre de la défense viendra très prochainement s'exprimer sur ce sujet.

Mes chers collègues, nous avons plaisir d'accueillir ce matin Jean-Marc Grosgurin, ambassadeur de France au Yémen, que nombre d'entre vous connaissent bien. C'est une manière de rendre hommage aux responsabilités que vous exercez, monsieur l'ambassadeur, dans un poste particulièrement exposé, même si vous ne pouvez en ce moment vous trouver sur le terrain lui-même. C'est aussi un moment important pour mieux comprendre un conflit qui ne fait pas tous les jours l'actualité, mais qui est dramatique et qui, dans une région elle-même soumise à de nombreux soubresauts, revêt une importance considérable en termes de géopolitique.

Votre expérience, bien connue d'un certain nombre d'entre nous, est importante : vous avez exercé au Liban, au Qatar, à Dakar, en République centrafricaine. En septembre 2014, vous avez été nommé ambassadeur de France auprès de la République du Yémen.

Nous avons besoin de vous entendre pour mieux comprendre cette crise à la fois politique et humanitaire, certainement l'une des plus sombres que connaît la République du Yémen, cette contrée que les Romains appelaient « l'Arabie heureuse », qui est en proie à une guerre civile depuis maintenant plus d'un an.

En janvier 2015, les forces houthis, qui sont de confession zaïdite, branche proche des chiites, ont renversé le président Hadi, élu en 2012. Il est parti se réfugier en Arabie saoudite pour rétablir son gouvernement. En mars 2015, le conflit s'est brusquement internationalisé. Une coalition de pays arabes, conduite par l'Arabie saoudite, avec la participation des États-Unis, a lancé des attaques aériennes contre les positions houthis. Ces frappes se sont poursuivies durant toute l'année 2015, en parallèle avec des affrontements terrestres.

Vous nous direz quelle est aujourd'hui la situation telle que vous la connaissez. Quelles sont les positions de la rébellion houthis et quelle partie du territoire cette rébellion contrôle-t-elle aujourd'hui ?

Je rappelle quelques chiffres qui font réfléchir : 6 000 morts, 35 000 blessés, sans compter les populations déplacées, qui s'enfuient soit vers Djibouti, soit vers la Somalie.

Le 17 février dernier, l'envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies déclarait devant le Conseil de sécurité que « des divisions profondes » entre les protagonistes empêchaient, pour l'instant, la tenue de nouvelles négociations ». Qu'est-ce qui freine aujourd'hui concrètement la mise en place de pourparlers pour arrêter ce massacre et cette situation ? Existe-t-il un blocage ?

Par ailleurs, quels sont, de votre point de vue, les objectifs réels que poursuit l'Arabie saoudite, au Yémen, à la tête de la coalition de pays sunnites ? S'agit-il simplement de rétablir la stabilité d'une zone d'intérêt stratégique, notamment autour du détroit de Bab-el-Mandeb ? Ne peut-on décrypter à travers ce nouveau conflit une répétition de la lutte d'influence entre l'Iran et l'Arabie saoudite ?

Que sait-on exactement de l'action et des motivations de l'Iran dans ce dossier ? La semaine dernière, le gouvernement yéménite a accusé le Hezbollah libanais d'envoyer des combattants pour soutenir les Houthis. Quel est le degré d'implication de Téhéran aux côtés des rebelles, en termes de moyens militaires et financiers ? L'Iran soutient-il seulement ces chiites, ou endosse-t-il aussi le soutien que cette aide apporte de facto aux forces de l'ancien président Saleh contre le président Hadi ?

Quelle est l'implantation des organisations terroristes au Yémen - Al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA) et Daech ? Le pourrissement de la situation politique au Yémen, sa proximité avec la Somalie ne constituent-ils pas une aubaine pour tous ces groupes terroristes ? Dans un avenir proche, cet espace géographique du Yémen et de la Somalie ne peut-il devenir un noyau fort du terrorisme mondial, à l'image de la Syrie ou de l'Irak, ou de l'arc Pakistan-Afghanistan ?

Quelles sont enfin les perspectives de réouverture de l'ambassade de France au Yémen ? Elle n'est du reste pas totalement fermée, puisque vous êtes en poste au Yémen mais travaillez depuis l'Arabie saoudite ; vous nous expliquerez pourquoi. À terme, avez-vous espoir de rejoindre physiquement votre poste ? Cela ne nuit-il pas à notre possibilité de peser sur la situation locale ?

Nous vous remercions par avance, monsieur l'ambassadeur, de nous apporter un éclairage sur ces différents points.

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