Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai le plaisir de revenir devant vous pour l’examen en nouvelle lecture du projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, que certains ont la délicatesse d’appeler « projet de loi Sapin II ». Les premières lectures ont permis de présenter de manière approfondie l’esprit de ce projet de loi et ses objectifs. Toutefois, je pense qu’il est toujours utile d’évoquer à nouveau le sens de nos travaux.
Le projet de loi a pour objectif d’instaurer une plus grande transparence dans la vie publique et économique ainsi que de contribuer à renforcer la démocratie. Cette transparence est devenue une nécessité pour adapter notre cadre légal à la société contemporaine. Elle est attendue par l’ensemble de nos concitoyens.
Loin d’être une fin en soi, la transparence sert l’intérêt général dès lors qu’elle renforce la démocratie. Elle permettra à chaque personne intéressée d’en savoir davantage sur le fonctionnement de notre économie. À ce titre, il est juste que la politique de rémunération des dirigeants dans les sociétés soit connue. Il est également attendu que certaines informations relatives, notamment, au paiement de l’impôt sur les bénéfices des grandes sociétés puissent être connues de tous. Ces mesures vont permettre de lutter contre les comportements qui jettent parfois un voile sombre sur la sphère économique.
Le projet de loi renforce aussi le dispositif législatif de lutte contre la corruption, afin de combler le retard pris sur d’autres pays. La France doit améliorer son rang dans le monde en matière de politique anticorruption. La progression passe donc par l’adoption d’un dispositif novateur et, je crois, efficace.
Ces mesures vont dans le sens des préconisations des grandes organisations internationales, qui pointent trop souvent les lacunes du droit français en matière de lutte contre la corruption transnationale. Ainsi, la création d’une agence nationale chargée de prévenir la corruption sera un atout décisif pour notre pays dans ce domaine.
Ce texte va en outre permettre de créer un répertoire des représentants d’intérêts. Ce répertoire doit répondre à la défiance grandissante à l’encontre des institutions publiques soupçonnées d’agir sous la pression ou l’influence d’intérêts privés.
Les mesures en faveur de la transparence présentes dans ce projet de loi répondent donc à un impérieux besoin de notre société.
Le texte promeut également un autre modèle de finance, celle qui doit être utile pour nos concitoyens, celle qui soutient l’économie réelle et s’oppose aux excès d’une finance débridée et dérégulée.
Si l’objectif du projet de loi rassemble une large majorité tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat – je salue, à cet égard, le travail sérieux et constructif des rapporteurs –, les moyens et les méthodes n’atteignent pas le même consensus. Ainsi, je ne souhaite pas que les principales lignes de ce texte soient amoindries, affaiblies. En effet, les valeurs portées par ce texte me sont chères et guident mon engagement politique depuis longtemps ; je souhaite donc qu’elles soient maintenues à leur niveau. Je pense que le texte voté en nouvelle lecture par l’Assemblée nationale porte les objectifs du projet de loi, tout en les conciliant avec le souci de l’efficacité économique.
Au cours des travaux en commission, vous avez proposé de rétablir un texte proche de celui que vous aviez voté en première lecture. Disons-le clairement, nos points de vue divergent sur de nombreux sujets.
Ainsi, vous avez souhaité revenir à la définition des lanceurs d’alerte adoptée par la majorité sénatoriale. Cette définition est plus restreinte que celle proposée par l’Assemblée nationale. Je ne peux pas la soutenir. En effet, il me semble impératif que le droit national protège toutes les personnes qui prennent des risques personnels pour dénoncer des faits scandaleux nuisant à l’intérêt général. Je suis attaché à protéger « les Antoine Deltour de demain » – je fais ici référence à ce lanceur d’alerte qui a fait preuve d’une grande efficacité dans la défense de l’intérêt général, en dénonçant des agissements frauduleux au Luxembourg –, c’est-à-dire toutes les personnes qui auront le courage de mettre au jour de nouvelles affaires d’intérêt public.
La réduction des pouvoirs de l’Agence de prévention de la corruption que vous proposez ne m’apparaît pas non plus souhaitable. Sur ce sujet, je soutiens également les formulations adoptées par l’Assemblée nationale.
Les solutions que vous préconisez sur les thématiques du rapport public pays par pays, du répertoire numérique des représentants d’intérêts ou encore de l’information sur la rémunération des dirigeants des grandes entreprises sont différentes de celles que j’ai soutenues à l’Assemblée nationale. Elles ne permettent pas de concrétiser les objectifs fixés par le projet de loi.
Je prends acte de cette divergence de point de vue, et je ne peux vous cacher qu’il me sera donc impossible de proposer la reprise de ces amendements lors de la lecture définitive, qui aura lieu à l’Assemblée nationale la semaine prochaine. En revenant sur des éléments aussi essentiels de ce projet de loi, je ne retrouve pas les dispositions que j’ai présentées et qui ont été adoptées par les députés.
Néanmoins, dans l’esprit de la coconstruction parlementaire que j’ai souhaitée et qui caractérise le cheminement de ce projet de loi depuis les premières discussions, je pense que plusieurs amendements permettent des améliorations bienvenues. Au travers de ces amendements, vous proposez des dispositions qui renforcent l’effectivité de certaines mesures. Je pense donc que nos échanges pourront éclairer et préciser certains sujets et faire progresser l’éthique dans la vie publique et économique.
Toutes les dispositions qui portent des améliorations ont le soutien du Gouvernement et pourront faire, le cas échéant, l’objet d’une reprise lors de la lecture définitive à l’Assemblée nationale, mardi prochain.
L’effectivité de ce texte est un enjeu majeur des semaines à venir. Ce projet de loi contient des mesures utiles et attendues par nos concitoyens. Il faut que les dispositifs définitivement adoptés soient applicables et que les dispositifs créés par le projet de loi soient facilement appréhendés par les agents économiques, les professionnels du droit et l’ensemble de nos concitoyens.
L’effectivité du texte passe également par une entrée en vigueur rapide. Cette volonté répond aux attentes de nos concitoyens, et plus particulièrement des agriculteurs. Bon nombre des dispositions dites « financières et agricoles » doivent être mises en place le plus rapidement possible, dans l’intérêt du secteur. Je serai donc vigilant à ce que l’entrée en vigueur de ce texte et la publication de ses décrets d’application se fassent dans les délais les plus brefs.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous ai rappelé les enjeux de ce texte et l’esprit qui m’anime lors de l’ouverture de ce dernier débat. Si nous avons de véritables divergences de point de vue, la consolidation de la probité, de l’éthique et de la transparence dans la vie publique et économique est une valeur que nous pouvons tous partager. Je suis certain que vous saurez adopter des précisions importantes qui seront appréciées par le Gouvernement et la majorité de l’Assemblée nationale, pour permettre in fine l’adoption d’une loi qui apportera une pierre importante à la construction d’une démocratie apaisée et confiante et qui fera, sur ces sujets, la fierté de la France à travers le monde.