Séance en hémicycle du 3 novembre 2016 à 10h30

Résumé de la séance

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La séance

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La séance est ouverte à dix heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Le groupe communiste républicain et citoyen tient à faire ce rappel au règlement, ainsi que nous y autorise l’article 36, afin de souligner, après la signature du traité CETA entre l’Union européenne et le Canada, dimanche dernier, l’extrême faiblesse du débat démocratique autour de la négociation de cet accord, dont certaines dispositions restent encore floues.

Cet accord a été négocié en l’absence de transparence et sans consulter les élus représentant les citoyens européens. Clairement, la Commission européenne a voulu faire vite et sans le contrôle démocratique des parlements nationaux. En attestent la violence des pressions exercées sur le parlement wallon ces deux dernières semaines et la décision d’appliquer provisoirement le traité, avant même la ratification par les États membres.

Nous considérons que cela est inadmissible et qu’il est urgent de remettre le débat au cœur du processus décisionnel. Mon groupe demande donc solennellement que puisse se tenir au Parlement un débat avec vote sur le sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (projet n° 866 [2015-2016], texte de la commission n° 80, rapport n° 79, tomes I et II, avis n° 68 et 71) et de la proposition de loi organique, adoptée par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, relative à la compétence du Défenseur des droits pour l’orientation et la protection des lanceurs d’alerte (proposition n° 865 [2015-2016], texte de la commission n° 81, rapport n° 79, tome I).

Il a été décidé que ces deux textes feraient l’objet d’une discussion générale commune.

Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre de l'économie et des finances

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai le plaisir de revenir devant vous pour l’examen en nouvelle lecture du projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, que certains ont la délicatesse d’appeler « projet de loi Sapin II ». Les premières lectures ont permis de présenter de manière approfondie l’esprit de ce projet de loi et ses objectifs. Toutefois, je pense qu’il est toujours utile d’évoquer à nouveau le sens de nos travaux.

Le projet de loi a pour objectif d’instaurer une plus grande transparence dans la vie publique et économique ainsi que de contribuer à renforcer la démocratie. Cette transparence est devenue une nécessité pour adapter notre cadre légal à la société contemporaine. Elle est attendue par l’ensemble de nos concitoyens.

Loin d’être une fin en soi, la transparence sert l’intérêt général dès lors qu’elle renforce la démocratie. Elle permettra à chaque personne intéressée d’en savoir davantage sur le fonctionnement de notre économie. À ce titre, il est juste que la politique de rémunération des dirigeants dans les sociétés soit connue. Il est également attendu que certaines informations relatives, notamment, au paiement de l’impôt sur les bénéfices des grandes sociétés puissent être connues de tous. Ces mesures vont permettre de lutter contre les comportements qui jettent parfois un voile sombre sur la sphère économique.

Le projet de loi renforce aussi le dispositif législatif de lutte contre la corruption, afin de combler le retard pris sur d’autres pays. La France doit améliorer son rang dans le monde en matière de politique anticorruption. La progression passe donc par l’adoption d’un dispositif novateur et, je crois, efficace.

Ces mesures vont dans le sens des préconisations des grandes organisations internationales, qui pointent trop souvent les lacunes du droit français en matière de lutte contre la corruption transnationale. Ainsi, la création d’une agence nationale chargée de prévenir la corruption sera un atout décisif pour notre pays dans ce domaine.

Ce texte va en outre permettre de créer un répertoire des représentants d’intérêts. Ce répertoire doit répondre à la défiance grandissante à l’encontre des institutions publiques soupçonnées d’agir sous la pression ou l’influence d’intérêts privés.

Les mesures en faveur de la transparence présentes dans ce projet de loi répondent donc à un impérieux besoin de notre société.

Le texte promeut également un autre modèle de finance, celle qui doit être utile pour nos concitoyens, celle qui soutient l’économie réelle et s’oppose aux excès d’une finance débridée et dérégulée.

Si l’objectif du projet de loi rassemble une large majorité tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat – je salue, à cet égard, le travail sérieux et constructif des rapporteurs –, les moyens et les méthodes n’atteignent pas le même consensus. Ainsi, je ne souhaite pas que les principales lignes de ce texte soient amoindries, affaiblies. En effet, les valeurs portées par ce texte me sont chères et guident mon engagement politique depuis longtemps ; je souhaite donc qu’elles soient maintenues à leur niveau. Je pense que le texte voté en nouvelle lecture par l’Assemblée nationale porte les objectifs du projet de loi, tout en les conciliant avec le souci de l’efficacité économique.

Au cours des travaux en commission, vous avez proposé de rétablir un texte proche de celui que vous aviez voté en première lecture. Disons-le clairement, nos points de vue divergent sur de nombreux sujets.

Ainsi, vous avez souhaité revenir à la définition des lanceurs d’alerte adoptée par la majorité sénatoriale. Cette définition est plus restreinte que celle proposée par l’Assemblée nationale. Je ne peux pas la soutenir. En effet, il me semble impératif que le droit national protège toutes les personnes qui prennent des risques personnels pour dénoncer des faits scandaleux nuisant à l’intérêt général. Je suis attaché à protéger « les Antoine Deltour de demain » – je fais ici référence à ce lanceur d’alerte qui a fait preuve d’une grande efficacité dans la défense de l’intérêt général, en dénonçant des agissements frauduleux au Luxembourg –, c’est-à-dire toutes les personnes qui auront le courage de mettre au jour de nouvelles affaires d’intérêt public.

La réduction des pouvoirs de l’Agence de prévention de la corruption que vous proposez ne m’apparaît pas non plus souhaitable. Sur ce sujet, je soutiens également les formulations adoptées par l’Assemblée nationale.

Les solutions que vous préconisez sur les thématiques du rapport public pays par pays, du répertoire numérique des représentants d’intérêts ou encore de l’information sur la rémunération des dirigeants des grandes entreprises sont différentes de celles que j’ai soutenues à l’Assemblée nationale. Elles ne permettent pas de concrétiser les objectifs fixés par le projet de loi.

Je prends acte de cette divergence de point de vue, et je ne peux vous cacher qu’il me sera donc impossible de proposer la reprise de ces amendements lors de la lecture définitive, qui aura lieu à l’Assemblée nationale la semaine prochaine. En revenant sur des éléments aussi essentiels de ce projet de loi, je ne retrouve pas les dispositions que j’ai présentées et qui ont été adoptées par les députés.

Néanmoins, dans l’esprit de la coconstruction parlementaire que j’ai souhaitée et qui caractérise le cheminement de ce projet de loi depuis les premières discussions, je pense que plusieurs amendements permettent des améliorations bienvenues. Au travers de ces amendements, vous proposez des dispositions qui renforcent l’effectivité de certaines mesures. Je pense donc que nos échanges pourront éclairer et préciser certains sujets et faire progresser l’éthique dans la vie publique et économique.

Toutes les dispositions qui portent des améliorations ont le soutien du Gouvernement et pourront faire, le cas échéant, l’objet d’une reprise lors de la lecture définitive à l’Assemblée nationale, mardi prochain.

L’effectivité de ce texte est un enjeu majeur des semaines à venir. Ce projet de loi contient des mesures utiles et attendues par nos concitoyens. Il faut que les dispositifs définitivement adoptés soient applicables et que les dispositifs créés par le projet de loi soient facilement appréhendés par les agents économiques, les professionnels du droit et l’ensemble de nos concitoyens.

L’effectivité du texte passe également par une entrée en vigueur rapide. Cette volonté répond aux attentes de nos concitoyens, et plus particulièrement des agriculteurs. Bon nombre des dispositions dites « financières et agricoles » doivent être mises en place le plus rapidement possible, dans l’intérêt du secteur. Je serai donc vigilant à ce que l’entrée en vigueur de ce texte et la publication de ses décrets d’application se fassent dans les délais les plus brefs.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous ai rappelé les enjeux de ce texte et l’esprit qui m’anime lors de l’ouverture de ce dernier débat. Si nous avons de véritables divergences de point de vue, la consolidation de la probité, de l’éthique et de la transparence dans la vie publique et économique est une valeur que nous pouvons tous partager. Je suis certain que vous saurez adopter des précisions importantes qui seront appréciées par le Gouvernement et la majorité de l’Assemblée nationale, pour permettre in fine l’adoption d’une loi qui apportera une pierre importante à la construction d’une démocratie apaisée et confiante et qui fera, sur ces sujets, la fierté de la France à travers le monde.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la nouvelle lecture du projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique et de la proposition de loi organique relative à la compétence du Défenseur des droits pour l’orientation et la protection des lanceurs d’alerte nous conduit à poursuivre le débat, hors étude d’amendements relatifs à quelques points particuliers, sur cinq thèmes et questions fondamentales.

Constatons-le, la dernière réécriture du projet de loi par l’Assemblée nationale peut légitimement faire regretter l’échec de la commission mixte paritaire.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Mais celui-ci avait été clairement annoncé en raison de la volonté de l’Assemblée nationale de ne pas entendre les observations du Sénat sur les modalités de création d’un répertoire unique des représentants d’intérêts.

Voyons dès maintenant cette question.

Je ne reviendrai pas sur le fait que le texte d’origine du Gouvernement ne posait pas de difficultés insurmontables et que le Sénat avait proposé d’atteindre différemment l’objectif officiellement poursuivi par nos collègues députés en confiant à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique la tâche d’agréger les registres établis par l’Assemblée nationale, le Sénat et le Gouvernement dans le respect de l’autonomie de chacun des pouvoirs.

Reconnaissons que nos collègues députés ont parfaitement compris les difficultés constitutionnelles que leur position aurait assurément rencontrées s’ils avaient repris leur première écriture. Ils ont partiellement pris en compte la position sénatoriale. Il reste que le texte proposé contrevient toujours à la Constitution puisqu’il aboutit en définitive à ce que chaque assemblée soit dépossédée, dans l’organisation de ses travaux et de ses prérogatives, de son pouvoir de décider qui bénéficiera ou ne bénéficiera pas d’une inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts qu’elle a elle-même mis en place.

En respectant les avancées de l’Assemblée nationale et en organisant une parfaite transparence dans la constitution d’un répertoire centralisé, la commission des lois vous proposera donc de ne pas laisser sur ce point essentiel subsister quelque ambiguïté que ce soit.

S’agissant du régime général des lanceurs d’alerte, nos collègues députés ont incontestablement entendu certaines mises en garde du Sénat, mais ils sont revenus à leur version initiale sur d’autres. La commission des lois propose également sur ce point une rédaction de compromis, tout en restant attachée à un équilibre constitutionnellement irréprochable entre protection et responsabilité des lanceurs d’alerte. En outre, la commission a supprimé à nouveau la mise à contribution du Défenseur des droits pour financer les lanceurs d’alerte.

S’agissant des diverses mesures dites « de prévention et de répression de la corruption », l’Assemblée nationale a rétabli son texte en écartant presque systématiquement les apports du Sénat, sauf en ce qui concerne la transaction. Cette situation trouve son explication dans des doctrines fondamentalement différentes.

Dès l’origine, et peu de temps après que le Président de la République et le Gouvernement ont souhaité confier à un parquet spécialisé la lutte contre les infractions financières, nous avons été frappés que le présent texte vienne précisément amputer l’autorité judiciaire de sa mission naturelle en matière de lutte contre la corruption, sans que des raisons fortement crédibles viennent le justifier.

Sur ce point, la commission des lois veut réaffirmer la vigilance qui est la sienne lorsqu’il est porté atteinte aux missions de l’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, qui présente toutes les garanties d’indépendance et de respect des droits de la défense par rapport à une nouvelle commission administrative dotée d’un pouvoir d’injonction et de sanction.

S’agissant des mesures relevant du droit des sociétés au sens large, le projet de loi se voulant de modernisation de la vie économique, la commission des lois s’est étonnée que l’Assemblée nationale ait supprimé la quasi-totalité des simplifications contenues dans la proposition de loi de notre collègue Thani Mohamed Soilihi, adoptée à l’unanimité par la commission des lois sur le rapport de notre collègue André Reichardt. Ce rejet fut curieusement effectué au motif qu’une commission mixte paritaire ne pourrait entériner des dispositions qui n’auraient précédemment pas été discutées, alors qu’il s’agit là de l’effet, certes déjà dénoncé, mais classique et habituel, de la procédure accélérée. Une nouvelle lecture ayant lieu, il vous est proposé de réaffirmer notre volonté, confortée en cela par l’attente exprimée des acteurs économiques, de voir ces améliorations de notre droit entrer le plus rapidement possible en application.

Enfin, concernant la rémunération des dirigeants des sociétés cotées, l’Assemblée nationale a certes clarifié sa rédaction en intégrant des améliorations rédactionnelles du Sénat, mais a pour autant rétabli la logique de son texte initial. La commission des lois préfère vous proposer d’adopter un dispositif qui soit en conformité totale avec la future directive annoncée sur cette question et qui soit parfaitement cohérent avec le droit des sociétés.

Concernant le droit de la commande publique, la commission s’est félicitée de l’adoption par l’Assemblée nationale de la plupart des mesures introduites par le Sénat simplifiant les procédures et renforçant la place des petites et moyennes entreprises dans l’accès aux marchés.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Pour des raisons évidentes d’inconstitutionnalité, je me dois de signaler en revanche la suppression d’une nouvelle disposition introduite par nos collègues députés, malgré un avis défavorable du Gouvernement, instaurant une obligation de présenter un casier judiciaire vierge pour être candidat aux élections législatives.

Enfin, le texte de la proposition de loi organique, dont l’examen viendra au terme de nos échanges et votes, a été modifié pour en assurer la cohérence avec les orientations que je viens de vous présenter et respecter la lettre de l’article 71-1 de la Constitution.

Ainsi, selon les sujets, la commission des lois se réjouit de ce que l’Assemblée nationale ait pris en compte les apports du Sénat ou bien déplore que le Sénat n’ait pas été entendu ou compris.

En tout état de cause, de notre point de vue, l’ensemble des amendements adoptés par le Sénat, en commission la semaine dernière ou en séance désormais, ont vocation à être repris par l’Assemblée nationale en lecture définitive, afin d’aboutir à un texte plus équilibré, tout en restant conforme aux intentions du Gouvernement. J’invite en conséquence le Sénat à adopter ces deux textes ainsi modifiés, non sans avoir, pour conclure, remercié les deux rapporteurs pour avis, Daniel Gremillet et Albéric de Montgolfier, pour la qualité de leur contribution.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dix-huit articles pour lesquels votre commission des affaires économiques s’était vue déléguer la compétence au fond restent encore en discussion. Seule une poignée d’entre eux soulève un désaccord de fond.

Laissez-moi d’abord évoquer le volet agricole et agroalimentaire du projet de loi, qui s’est étoffé en cours de discussion et fait aujourd’hui l’objet d’un assez large consensus. Ce n’est d’ailleurs pas sur ce volet que la commission mixte paritaire a bloqué, puisque nous avions travaillé à trouver des points d’équilibre avec le rapporteur de l’Assemblée nationale, Dominique Potier, mais aussi avec le Gouvernement. Le texte voté en nouvelle lecture par les députés respecte ces points d’équilibre et reconnaît ainsi les apports du Sénat lors de la première lecture.

Sur la question de la préservation du foncier agricole, c’est le mécanisme adopté lors de la discussion au Sénat qui a été retenu en nouvelle lecture, avec obligation pour les acquisitions de terres par des sociétés de constituer des structures dédiées, comme des groupements fonciers agricoles, et possibilité pour les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural de disposer d’un droit de préemption sur les cessions partielles de parts de ces structures, de manière à maîtriser, voire à prévenir, les phénomènes d’achats massifs de terres au détriment des agriculteurs locaux.

Plusieurs dispositions plus techniques, votées au Sénat, ont aussi été reprises dans le texte final : simplification du droit en matière de barème de la valeur vénale des terres agricoles, assouplissement du régime de la concession temporaire de terres à usage agricole.

Sur la question de la contractualisation en agriculture, les députés ont préservé l’extension de l’incessibilité à titre onéreux des contrats de fourniture de lait de vache et de lait de chèvre. Ils ont aussi conservé les dispositions donnant droit aux producteurs de révoquer à tout moment le mandat de facturation donné à leur acheteur dans le cadre de la contractualisation agricole. Ils ont modifié les conditions de prise en compte des coûts de production des agriculteurs dans la contractualisation, dans une rédaction acceptable, bien que moins souple que celle que nous avions initialement proposée. Ils ont préservé la notion de contrat-cadre, même si nous n’avons pas pu rendre lesdits contrats obligatoires, du fait du droit communautaire.

Sur la question du lien entre prix final proposé en grande distribution au consommateur, prix payé au transformateur et prix payé à l’agriculteur, les députés sont revenus à leur texte initial. Les différences entre nos deux assemblées sur ce point sont plus de forme que de fond. Toutefois, attention au mauvais usage de ces nouvelles dispositions : oui à la transparence tout au long de la chaîne, mais il ne faudrait pas que ce texte soit utilisé pour introduire une pression accrue pour les industriels de l’agroalimentaire, situés au milieu de la chaîne !

Les députés ont accepté la proposition du Sénat de placer les conférences de filière sous l’égide de FranceAgriMer, solution plus réaliste que de donner aux commissions des affaires économiques de l’Assemblée nationale et du Sénat le soin de mettre en œuvre ces rencontres. Ces conférences seront publiques, pour éviter tout risque d’entente sur les prix, condamnable au titre du droit de la concurrence.

Au final, le volet agricole du projet de loi Sapin présente des avancées attendues par le monde agricole et peut être voté à l’identique du vote de nouvelle lecture de l’Assemblée nationale.

Sur les autres dispositions restant en discussion, les députés ont adopté, avec des modifications mineures, plusieurs dispositions que nous avions votées : il y a lieu de les conserver. En outre, dans un souci de conciliation, votre commission a jugé pertinent de conserver d’autres mesures votées par les députés, notamment s’agissant des amendes civiles ou administratives dans les relations commerciales.

En revanche, en nouvelle lecture, l’Assemblée nationale a rétabli certains dispositifs qui avaient suscité notre opposition de principe en première lecture. La commission en a donc décidé la suppression. Tel est le cas du rétablissement d’un périmètre réduit à l’arrondissement pour l’interdiction de vente au déballage et de délais de paiement dérogatoires pour les activités de grand export.

Par ailleurs, les députés ont introduit un droit de résiliation annuel des contrats d’assurance emprunteur dans le cadre des crédits immobiliers, après l’avoir pourtant écarté en première lecture, comme nous-mêmes en séance publique. Sur le plan de la procédure, une telle disposition a été écartée en nouvelle lecture, en application de la règle de l’entonnoir. Sur le fond, aucun élément nouveau ne justifie qu’il soit donné un avis différent de celui qui a été décidé en première lecture : la résiliation annuelle met en jeu trop de questions complexes pour être décidée dans l’urgence, sans disposer d’une étude d’impact et de l’ensemble des données pertinentes.

Je vous rappelle que, en 2014, nous avions demandé au Gouvernement de remettre un rapport sur la question d’ici au mois de mars 2017. Attendons-le ! C’est à l’aune de ces données, disponibles dans les prochains mois, qu’il conviendra de réexaminer cette question, ce qui pourrait être fait dans le cadre d’un texte spécifique, voire dans celui de la ratification de l’ordonnance de recodification du code de la consommation. Dans l’immédiat, la commission a décidé la suppression de cette disposition, et les amendements tendant à le rétablir ont été déclarés irrecevables par la commission des lois.

Enfin, en ce qui concerne le dispositif du « droit de suite » dans le cadre de l’immatriculation au répertoire des métiers, l’Assemblée nationale a repris la position du Sénat, en estimant nécessaire de prévoir une limitation de ce droit en fonction de l’effectif salarié de l’entreprise concernée. Elle a fixé le plafond à cinquante salariés. Votre commission a décidé de conserver ce seuil. Néanmoins, il est important que les entreprises qui peuvent bénéficier du droit de suite soient bien conscientes de la situation. Votre commission a donc prévu qu’il devait revenir à l’entreprise, lorsqu’elle déclare le dépassement du seuil de dix salariés, de solliciter à cette occasion son maintien au répertoire des métiers.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur plusieurs travées de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons la nouvelle lecture du projet de loi Sapin II, pour lequel la commission des finances avait reçu délégation de la commission des lois pour examiner au fond environ un tiers du texte.

Malgré l’échec de la commission mixte paritaire le 14 septembre dernier, je dois souligner, pour ce qui concerne notre champ de compétence, que l’Assemblée nationale a, en nouvelle lecture, adopté conforme la moitié des articles restant en discussion et que, pour les autres, les modifications sont très majoritairement de nature rédactionnelle.

Je citerai quelques-uns des apports du Sénat intégrés par l’Assemblée nationale : la possibilité de sanctionner les établissements bancaires et les entreprises d’assurance jusqu’à 10 % de leur chiffre d’affaires en cas de manquement à certaines obligations, notamment en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme ; la limitation et l’encadrement des prérogatives du Haut Conseil de stabilité financière en cas de menace à la stabilité financière ; le rejet de la limitation de la durée des chèques de douze à six mois ; le renforcement des interdictions de publicité pour les produits financiers hautement spéculatifs et risqués ainsi qu’un contrôle renforcé de l’AMF sur les « investissements atypiques », ceux qui font perdre à coup sûr de l’argent ; la nouvelle obligation d’information des entreprises d’assurance à l’égard des titulaires de contrats de retraite supplémentaire.

Deux points de divergence demeurent néanmoins.

Le premier concerne l’autorisation donnée au Gouvernement de réformer par ordonnance l’ensemble du code de la mutualité. Estimant que cette habilitation introduite par voie d’amendement de séance et sans débat était excessivement large, nous en avions voté la suppression. L’Assemblée nationale, tout en partageant nos observations sur la méthode, a rétabli cette habilitation.

Afin de ne pas s’en tenir au débat de première lecture, la commission des finances propose de ne pas revenir à une suppression totale, mais à un champ d’habilitation plus raisonnable en supprimant – ce qui constitue un minimum – deux dispositions : la définition des nouvelles activités qui seraient ouvertes aux mutuelles et la remise en cause de l’équilibre entre les pouvoirs de l’assemblée générale et ceux du conseil d’administration. Ces points devront bien évidemment être soumis au débat parlementaire.

Le second sujet de divergence, nettement plus important, concerne l’obligation de la déclaration publique d’activités pays par pays. Nous en avions adopté le principe en première lecture pour les entreprises ayant un chiffre d’affaires de plus de 750 millions d’euros, en en conditionnant l’application à l’entrée en vigueur de la proposition de directive de la Commission européenne portant sur ce sujet. L’Assemblée nationale a préféré rétablir la rédaction issue de sa première lecture, c’est-à-dire en ne liant pas cette obligation à l’entrée en vigueur de la directive et en l’appliquant aux entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 50 millions d’euros. En outre, la déclaration d’activité serait publiée en ligne, dans un format de données ouvert et gratuit.

La France se retrouverait ainsi seule à mettre en œuvre cette obligation, ce qui serait évidemment contraire à ses intérêts. Par ailleurs, le Conseil constitutionnel risque d’estimer une nouvelle fois que cette disposition porte atteinte à la liberté d’entreprendre. C’est pourquoi la commission des finances propose de revenir au texte du Sénat adopté en première lecture.

Enfin, bien que l’Assemblée nationale ait repris tous les « garde-fous » que nous avions instaurés pour encadrer les nouveaux pouvoirs du Haut Conseil de stabilité financière en matière d’assurance vie, nous estimons nécessaire d’encadrer encore davantage ce dispositif, qui n’aura vocation à s’appliquer qu’en cas de menace grave et caractérisée à la stabilité financière, pour prévenir une défaillance majeure préjudiciable aux assurés. Ainsi, lors de la discussion des articles, je vous proposerai un amendement pour limiter à six mois la durée totale des mesures exceptionnelles qui pourraient être prises par le Haut Conseil.

Par ailleurs, la commission des finances a souhaité inscrire dans la loi que le Haut Conseil « veille à la protection » des intérêts des assurés au même titre qu’il veille à la protection de la stabilité financière. Dans la mesure où l’on remet en cause l’économie des contrats, il est indispensable que le Conseil constitutionnel se prononce sur cet article.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà quelques-uns des apports de la commission des finances. Nous serons bien sûr amenés à revenir, au cours de la discussion des articles, sur les points de divergence qui subsistent.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées de l’UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la nouvelle lecture du projet de loi dit Sapin II confirme la volonté exprimée en première lecture par le Sénat de contribuer à la lutte contre la corruption, au renforcement de la transparence et à la modernisation de la vie économique. En témoignent les nombreuses améliorations apportées au texte par la Haute Assemblée qui, malgré l’échec de la commission mixte paritaire, ont été reprises par l’Assemblée nationale. Il demeure toujours, à ce stade, des points de divergence, mais c’est logique.

En première lecture, le Sénat avait marqué sa volonté de préciser les objectifs du projet de loi et les dispositifs du Gouvernement, en faisant de la lutte contre la corruption et du renforcement de la transparence des enjeux majeurs de l’action publique. Reste que la commission mixte paritaire a échoué sur trois sujets principaux, qui sont au cœur du projet de loi : les pouvoirs de sanction de la nouvelle agence de prévention de la corruption, la définition des lanceurs d’alerte et le périmètre du répertoire des représentants d’intérêts. Sur les autres sujets, on vient de l’entendre, nos rapporteurs ont estimé qu’il aurait été sans doute possible d’aboutir à des rédactions communes.

Certains points du texte sont encore en discussion, mais il y a eu un véritable apport de la Haute Assemblée. Nous pouvons notamment nous féliciter que, en ce qui concerne le volet économique et agricole, l’Assemblée nationale et le Sénat aient pu travailler de concert et partager la volonté de répondre à la grave crise qui touche le monde agricole, en adoptant rapidement et de façon commune une grande partie des mesures contenues dans ce projet de loi. J’ai d’ailleurs plaisir à souligner les apports du Sénat, et notamment de son rapporteur Daniel Gremillet, sur ce point. Il reste quelques articles sur lesquels les deux assemblées sont en désaccord, mais, en fin de compte, il y en a assez peu.

Je n’insiste pas non plus sur les dispositions du projet de loi soutenues par l’ancien ministre de l’économie, M. Emmanuel Macron, puisque, là aussi, le Sénat et l’Assemblée nationale se sont facilement accordés dès la première lecture sur une version commune des dispositifs favorables à la croissance, au financement des entreprises individuelles, aux start-up et aux travailleurs indépendants.

En ce qui concerne le volet du texte consacré au renforcement de la régulation financière, que notre commission des finances a examiné – Albéric de Montgolfier vient de nous en parler –, nos deux assemblées ont trouvé de nombreux points d’accord, notamment en matière de sécurisation du système financier et des consommateurs, le travail de notre rapporteur pour avis ayant été largement repris par nos collègues députés.

Ainsi, en fin de compte, sur les cinquante-six articles initiaux du texte, plus de quarante – je ne compte pas les articles additionnels introduits au cours des différentes lectures – ont été adoptés conformes par les deux assemblées. Il ne reste plus que quelques points de désaccord, dont la question de la réforme par ordonnance du code de la mutualité ou celle des modalités de reporting pays par pays, que le Sénat préfère aligner sur la proposition de directive européenne. Je ne reviens pas plus longuement sur ces points, qu’Albéric de Montgolfier vient à l’instant de détailler.

Mentionnons enfin la question des contrats d’assurance vie et l’initiative bienvenue du rapporteur pour avis de la commission des finances, qui permet d’apporter des garanties supplémentaires aux assurés dans le cadre des nouvelles prérogatives du Haut Conseil de stabilité financière ; ce sujet a suscité, on le sait, de légitimes inquiétudes parmi les épargnants.

Notre collègue Jacqueline Gourault avait défendu en première lecture la position de l’UDI-UC sur les sujets de corruption et de transparence. Elle affirmait la nécessité de « trouver un équilibre » dans la nécessaire protection des lanceurs d’alerte, « en évitant de fixer des critères trop larges, ce qui pourrait déboucher sur des excès ». La commission des lois, sous la houlette de son brillant rapporteur François Pillet, a poursuivi son travail en ce sens en trouvant, en matière de définition des lanceurs d’alerte, un point d’équilibre entre leur protection et leur responsabilité, pour éviter d’éventuels excès. Néanmoins, l’Assemblée nationale, tout en se rapprochant de la définition du Sénat, souhaite maintenir certaines dispositions qui répondent plus à un souci d’affichage, me semble-t-il, qu’à une volonté d’efficacité juridique.

Sur les deux autres points – l’Agence de prévention de la corruption et le répertoire des représentants d’intérêts –, la commission des lois a réaffirmé ses positions, plus respectueuses des principes juridiques et constitutionnels : conserver, en matière de corruption, le rôle prééminent de l’autorité judiciaire afin de garantir les droits de la défense plutôt qu’instituer une nouvelle agence administrative dotée de pouvoirs de sanction ; respecter, pour ce qui concerne le répertoire des représentants d’intérêts, le principe constitutionnel de séparation des pouvoirs des assemblées parlementaires et exclure les collectivités territoriales de ce dispositif.

Je ne reviens pas sur les points sur lesquels le Sénat maintient une position différente de l’Assemblée nationale – notamment les marchés publics, les dispositions relatives au droit des sociétés ou la rémunération des actionnaires –, le rapporteur de la commission des lois ayant développé ces différents aspects.

La Haute Assemblée, en poursuivant son travail de législateur avec l’apport de nouvelles précisions rédactionnelles et d’améliorations substantielles lors de cette nouvelle lecture, permet ainsi au Gouvernement et à l’Assemblée nationale d’enrichir encore ce texte en lecture définitive. En travaillant à l’élaboration d’un texte équilibré, le Sénat aura donc fait preuve de sa volonté d’enrichir le texte, malgré l’échec de la CMP.

Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « transparence », « lutte contre la corruption », « protection des lanceurs d’alerte » : qui ne pourrait s’enthousiasmer pour ces outils précieux pour notre démocratie ? Raison de plus pour y regarder de plus près afin de parfaire la loi et de s’assurer que le contenu du texte corresponde bien à son ambition.

En matière de lutte contre la corruption, le groupe écologiste ne peut que réitérer l’expression de ses craintes relatives à la mise en place d’une transaction judiciaire à l’américaine, sans reconnaissance de culpabilité.

En matière de transparence, l’obligation, pour les entreprises multinationales, de la déclaration publique d’activités pays par pays suscite malheureusement toujours autant de réticences ; l’optimisation fiscale reste officiellement considérée comme une stratégie de compétitivité relevant du secret des affaires.

De ce texte complexe, on pourrait commenter chaque article, mais, si mon groupe m’a confié tout son temps de parole, c’est que le sort fait par l’écriture actuelle du projet de loi Sapin II à la loi du 16 avril 2013 relative à l’indépendance de l’expertise en matière de santé et d’environnement et à la protection des lanceurs d’alerte est atterrant. Nous aurions dû nous méfier : dès le passage de la loi de 2013 à l’Assemblée nationale, le ministre avait déjà accepté que l’on supprime le droit à la formation des CHSCT en cas d’alerte spécifique. Cette fois-ci, dans un contexte médiatique favorable à la défense des courageux Raphaël Halet, Antoine Deltour et Stéphanie Gibaud, il nous annonce la protection des lanceurs d’alerte en matière financière et, mieux encore, il nous propose de construire, quel que soit le domaine de l’alerte, un véritable socle commun, que le Conseil d’État et les associations citoyennes appelaient de leurs vœux. Alors que cinq textes imparfaits cohabitent aujourd’hui, qui ne pourrait s’en féliciter ?

Dans un premier temps, nous étions confiants et solidaires de cette démarche, monsieur le ministre. À titre personnel, je n’ai pas de prétention d’auteur, et je sais que la loi n’est qu’un véhicule pour enrichir les codes, toujours perfectibles et simplifiables. Toutefois, aujourd’hui, après des heures et des heures de travail avec des juristes, je peux vous démontrer que vous vous êtes livré à une véritable opération de démolition de l’alerte en matière de santé et d’environnement, au point de supprimer des missions indispensables de la Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d’environnement, d’étouffer et de faire disparaître les messages d’alerte à venir, de condamner les indispensables registres d’enregistrement, qui font foi pour ces alertes, et de supprimer un pan de la récente loi visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias : la mention des journalistes comme destinataires possibles de l’alerte, alors que votre collègue Audrey Azoulay, qui défend la liberté de la presse, y avait personnellement veillé.

Monsieur le ministre, ce n’est pas faute de vous avoir alerté, en séance, en privé, oralement, par lettre ; ce n’est pas faute d’avoir expliqué qu’on ne fait pas face à une fuite de mercure ou à une expertise complaisante sur le Mediator de la même façon qu’à une évasion fiscale. S’il y a des points communs indispensables pour ce qui concerne la protection de l’individu qui alerte – citoyen lambda ou salarié –, il y a de grosses différences en matière de traitement du message, de suivi de celui-ci et de traitement du risque ou du danger avéré. Face à cette complexité, le texte uniformise par la suppression ; la restauration de l’indispensable sera l’objet de nos amendements.

Que dire, en outre, de votre choix rédactionnel consistant à définir un lanceur d’alerte comme s’il s’agissait d’un individu à part ou d’un statut plutôt que d’affirmer le droit d’un citoyen à alerter ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Dans une loi sur l’éducation, on affirmera le droit des enfants à l’école et non « un élève est un enfant qui… ». Dans une loi sur la santé, on affirmera l’accès aux soins et non « un malade est une personne qui… ». Dans le train, en cas de danger, le voyageur est invité à tirer le signal d’alarme tout comme il est averti des peines encourues en cas d’abus, mais il n’est pas écrit « un tireur d’alarme est une personne qui… ». Or, dans ce texte, il est écrit « un lanceur d’alerte est une personne qui… ».

Commission des lois, ministère, vous devez avoir vos raisons d’agir ainsi. C’est pourquoi l’un de nos amendements se contente de juxtaposer la restitution de l’article 1er de la loi de 2013 à votre article 6 A, sans supprimer celui-ci. Nous nous retrouverons, lors de l’examen des articles 6 et suivants, sur ces sujets. Je compte sur vous, chers collègues, pour que ce texte que nous appelions de nos vœux ne constitue pas une régression par rapport au droit existant.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux commencer par saluer la qualité du travail parlementaire. Le texte avait initialement 57 articles ; il en comporte aujourd’hui une centaine de plus, mais, c’est cela qui est intéressant, un tiers des 156 articles du projet de loi ont déjà fait l’objet d’un accord entre les deux assemblées. Si nous avons pu progresser, nous le devons notamment – je le dis avec plaisir – au travail de François Pillet, notre rapporteur, et à nos rapporteurs en général, qui ont permis de rapprocher les versions des deux assemblées. Il faut souligner cette convergence en dépit de l’échec de la commission mixte paritaire.

Quand nous avions examiné ce texte en première lecture, il provoquait des inquiétudes sur ces travées – plutôt sur certaines que sur d’autres, d’ailleurs –, à propos notamment du droit d’alerte ou de l’Agence de prévention de la corruption. Maintenant que le travail parlementaire a été conduit, j’ai plutôt le sentiment que chacun reconnaît que nous avions besoin d’un nouvel outil de lutte contre la corruption, en particulier dans sa dimension internationale. Cela manquait à notre pays ; c’était même un paradoxe par rapport à d’autres démocraties. Grâce à ce texte, nous l’obtenons, cela constitue un apport considérable.

Il reste des points en discussion ; vous les avez listés, monsieur le ministre, et mon collègue Richard Yung en fera état pour ce qui concerne la dimension financière et économique. Je veux pour ma part me concentrer sur trois d’entre eux : l’Agence de prévention de la corruption, la définition des lanceurs d’alerte et le répertoire des représentants d’intérêts.

Nous sommes en désaccord sur l’Agence de prévention de la corruption, monsieur le rapporteur. Doit-elle ou non disposer d’un pouvoir de sanction ? Vous l’avez longuement expliqué – votre point de vue est d’ailleurs tout à fait honorable –, vous pensez que toute sanction doit émaner d’un juge, de l’autorité judiciaire. Nous ne sommes pas d’accord avec ce point de vue et nous ne sommes pas les seuls.

À l’Assemblée nationale, le groupe Les Républicains a soutenu l’idée selon laquelle cette agence, pour être efficace, doit pouvoir infliger des sanctions au travers d’une commission des sanctions. En effet, cette autorité administrative ne doit pas être privée de ses bras, de ses forces. Elle n’interviendra d’ailleurs en matière de sanction que dans certains cas : lorsqu’une entreprise de plus de 500 salariés ayant un chiffre d’affaires de plus 100 millions d’euros – un champ finalement assez restreint – ne respectera pas le code de bonne conduite ni ses obligations en matière de prévention de la corruption.

La commission des sanctions aura trois pouvoirs. Premièrement, elle pourra donner une injonction à l’entreprise : « Vous devez vous mettre en conformité avec le code de bonne conduite ! » Cela est-il choquant ? Je ne le crois pas. Deuxièmement, elle pourra infliger une sanction pécuniaire si l’entreprise persiste ; cela est-il de nature à nous étonner ? Je ne le pense pas davantage. Troisièmement, elle pourra rendre la sanction publique par voie d’affichage ou par d’autres moyens d’information. C’est certes beaucoup, mais ce n’est que cela.

Cette sanction ne représente donc pas, contrairement à ce que vous craignez, un empiétement sur le pouvoir judiciaire. Elle est d’ailleurs courante dans notre droit. À plusieurs reprises, et depuis longtemps, le Conseil constitutionnel – je pense à une décision du 28 juillet 1989 – et la Cour européenne des droits de l’homme, notamment le 21 février 1984, ont validé le principe de la sanction administrative. Le droit est ainsi bien défini. Oui, une autorité administrative peut infliger une sanction administrative, dès lors que celle-ci ne se traduit pas par une privation de liberté et qu’elle donne lieu à une procédure contradictoire !

Ainsi, bien intégrée dans notre droit, cette sanction administrative est devenue un instrument fréquent utilisé par la Commission des opérations de bourse, le Conseil des marchés financiers, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, la commission de contrôle des assurances, le conseil des assurances, et on y a recours, bien entendu, en matière de circulation routière avec le retrait de points, qui est une procédure fréquente – c’est même l’une des principales sanctions en matière de police de la route.

À chaque fois que nous examinerons un texte relatif à ces multiples institutions qui utilisent la sanction administrative, allons-nous proposer de supprimer cette faculté d’infliger des sanctions administratives ? Irons-nous au bout de la logique selon laquelle il y a un empiétement sur l’autorité judiciaire ? La réponse est évidemment non, pour une raison simple : nous avons parfois besoin d’une réaction rapide – la sanction administrative est plus rapide que la sanction judiciaire – et exécutoire.

Le deuxième point que je veux aborder porte sur les lanceurs d’alerte. L’ambition du texte consiste à définir enfin un statut général du lanceur d’alerte, comme nous a invités à le faire le Conseil d’État dans son rapport du 25 août dernier.

En première lecture, le Sénat avait préféré une définition plus restreinte du lanceur d’alerte que celle retenue par l’Assemblée nationale. Le rapporteur nous propose aujourd’hui de nous rapprocher sensiblement du texte des députés. Nous y sommes favorables puisque nous avions souhaité inclure dans le texte le droit d’alerte en cas de violation grave et manifeste d’un engagement international ou en cas de préjudice grave pour l’intérêt général. Cela est donc positif. En outre, une telle définition permettra d’éviter la condamnation d’un Antoine Deltour – une sorte d’obsession pour nous –, qui n’est déjà pas possible en France aujourd’hui, mais qui le sera encore moins demain puisqu’il faut respecter les engagements internationaux.

Il reste un point de divergence sur la définition des lanceurs d’alerte. Le texte de l’Assemblée nationale vise non seulement l’alerte relative à un préjudice grave pour l’intérêt général, mais aussi à une menace pesant sur celui-ci. La commission a souhaité supprimer cette notion de menace pour l’intérêt général, ce qui n’est pas une bonne chose. La menace précède le préjudice et la possibilité d’alerter sur une menace peut permettre d’empêcher la réalisation du préjudice. Il nous semble donc utile de conserver cette notion dans le texte.

Dernier point : le répertoire des représentants d’intérêts. Le Sénat a été fidèle à sa mission consistant à demeurer soucieux de la constitutionnalité des dispositions qu’il adopte. La CMP a échoué sur ce point, mais à l’issue d’une véritable discussion. Depuis lors, il y a eu des rapprochements entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Nous souhaitons, pour notre part, que la Constitution soit scrupuleusement respectée, et le Sénat y a bien travaillé.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Hermeline Malherbe applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’avais indiqué en première lecture que, a priori, nous approuvions ce texte gouvernemental et que nous en partagions les objectifs, puisqu’il permettait de rattraper le retard de notre pays en matière de lutte contre la corruption. Or certaines de ses dispositions disparates s’éloignent des objectifs initialement annoncés, et il manque aujourd’hui d’un fil conducteur.

Ce texte à tiroirs brouille en effet le débat sur les questions fondamentales qui devraient constituer le cœur du sujet : la lutte contre la corruption et la transparence de la vie publique. D’autres dispositions, par souci de transparence, justement, auraient mérité à elles seules un débat précis ; il en est ainsi des simplifications et de la clarification du droit des sociétés, des modifications des règles de la domanialité et de la commande publiques ou encore des dispositions sur l’assurance emprunteur.

Néanmoins, pire que tout cela, les conditions d’examen de ce texte par les assemblées sont plus que chaotiques : moins de deux jours se sont écoulés entre la réunion de la commission des lois et le délai limite de dépôt des amendements de séance, sans que l’on ait accès au rapport. Vous avouerez que, pour un texte de cette importance, cela est problématique, d’autant que, je le répète, ce débat est important ; il est fondamental pour notre démocratie, il est essentiel pour la justice et l’égalité, il est capital pour le pacte social et républicain.

En effet, quel que soit l’endroit où l’on se trouve, la corruption et l’opacité sont la gangrène de toute société. Elles sapent le contrat social, engendrent de la défiance à l’égard des institutions et suscitent de la méfiance vis-à-vis des représentants. À cet égard, la suppression de l’obligation, pour être éligible, de présenter un casier judiciaire vierge d’un certain nombre de délits d’atteinte à la probité publique va à contre-courant des attentes de nos concitoyens. Aujourd’hui, 77 % d’entre eux pensent que les sénateurs et les députés sont corrompus ou qu’ils sont soumis aux lobbys, sans égard pour l’intérêt général.

Les parlementaires ne sont d’ailleurs pas les seuls à être concernés par cette défiance. Autre chiffre de la dernière enquête sur la représentation de la corruption en France : 71 % des personnes sondées jugent les dirigeants des grandes entreprises corrompus.

Fondamentalement, opacité et corruption posent la question du respect de l’intérêt commun dans la prise de décision publique face à l’expression d’intérêts particuliers, qui peuvent la préempter.

Il est également fondamental d’assurer une régulation, un encadrement des acteurs économiques au service de toute l’économie. Corruption et opacité favorisent la concurrence déloyale, alors que la lutte contre la corruption a des effets significatifs sur l’attractivité, sur l’activité et donc sur la croissance. Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons que déplorer les conditions du débat.

Certes, il y a bien une obligation de prévention de la corruption pour les entreprises d’au moins 500 salariés et pour les sociétés appartenant à un groupe d’au moins 500 salariés et dont le chiffre d’affaires annuel est supérieur à 100 millions d’euros, mais nous pensons que le champ de cette obligation est trop restreint.

En ce qui concerne les dispositions financières, en matière de lutte contre l’évasion fiscale, l’introduction à l’Assemblée nationale de deux nouveaux articles visant à renforcer les obligations de communication publique des données pays par pays auxquelles sont soumises les grandes entreprises va dans le bon sens, même si cette disposition est en retrait par rapport aux attentes de la société civile – nous avons eu l’occasion d’en débattre. Nous ne comprenons pas la frilosité du Sénat sur ce point.

Comme en première lecture, la commission des lois du Sénat est revenue, nous le regrettons, sur le dispositif d’encadrement des rémunérations des dirigeants des grandes entreprises par l’assemblée générale des actionnaires. Il s’agit pourtant là d’une source majeure de corruption. Bien que très frileuse, cette mesure allait dans le bon sens.

Sur la question de la prévention de la corruption, qui reste un point de désaccord profond entre le Sénat et l’Assemblée nationale, la création d’une agence, quel que soit son nom, nous laisse dubitatifs. En effet, il n’est pas souhaitable de pallier les lacunes de l’État en matière de corruption en créant une nouvelle agence indépendante, dont le statut reste par ailleurs assez flou. Il importe de faire confiance à notre justice et, pour cela, de renforcer ses moyens. Renforçons le pouvoir de notre parquet national financier et, au sein même des entreprises, associons davantage les instances représentatives du personnel ! Un contrôle citoyen doit être mis en place.

De plus, les détenteurs d’un mandat électif, qui animent la vie politique, se doivent d’être exemplaires, tout comme les principaux décisionnaires de l’appareil étatique, tels que les hauts fonctionnaires. Sur ce point, nous sommes tous d’accord au sein de cette assemblée. Pourtant, il y a encore trop de réticences à encadrer le pantouflage ou encore à mettre en place un répertoire numérique des représentants d’intérêts qui soit véritablement efficace. Celui-ci doit être le plus large possible et imposer le plus haut niveau possible de transparence aux représentants d’intérêts, quel que soit l’échelon décisionnel. Redonner le sens de l’État et de l’intérêt général en cette époque où l’argent est roi constitue une urgence démocratique.

Enfin, les lanceurs d’alerte sont des acteurs majeurs de la lutte contre la corruption. On connaît les nombreuses révélations que leur action courageuse, parfois conduite au péril de leur vie, a rendues possibles. Elles ont fait la lumière sur des pratiques économiques ou stratégiques scandaleuses. Le droit positif ne permet pas de protéger suffisamment les lanceurs d’alerte. Or, compte tenu de l’organisation actuelle de notre société, l’intervention directe des citoyens pour signaler des dysfonctionnements dans la conduite des affaires publiques ou des atteintes à l’intérêt général est malheureusement indispensable. C’est pourquoi nous avons déposé de nombreux amendements afin d’accorder une protection effective aux lanceurs d’alerte. Il s’agit aussi de se donner les moyens de ses ambitions : le Défenseur des droits tient une place privilégiée dans le dispositif de protection des lanceurs d’alerte ; or rien n’est prévu dans le projet de loi de finances pour 2017 pour renforcer ses moyens, tant humains que financiers.

En définitive, nous regrettons qu’un certain nombre des mesures proposées restent superficielles ; il semble parfois que nous ayons plutôt affaire à un texte d’affichage, fourre-tout, qui, à force de vouloir embrasser tous les sujets, passe à côté de l’essentiel. Si la rédaction issue de l’Assemblée nationale avait été conservée, nous aurions pu nous abstenir ; en revanche, notre vote en faveur du texte tel qu’il a été réécrit par la droite sénatoriale n’est vraiment pas acquis.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, on avait souhaité un véritable outil de lutte non seulement contre la corruption, mais aussi contre la délinquance financière en général à la disposition du parquet financier. On devra se contenter d’une agence chargée de prévenir les atteintes à la probité et accessoirement, sans que l’articulation entre les deux missions soit claire, de les « détecter », agence placée auprès des ministres de la justice et du budget dans le projet du Gouvernement et auprès du seul garde des sceaux dans la version de notre commission des lois.

Mon regret est que la commission n’ait fait que la moitié du chemin en n’allant pas jusqu’à constituer l’Agence en outil d’investigation au service de la justice – vous aurez remarqué, mes chers collègues, que je me démarque complètement du projet –, comme si l’on était corrupteur ou corrompu par ignorance ou inadvertance, comme si la délinquance financière, n’étant pas vraiment de la délinquance, seulement le prix à payer de la liberté d’entreprendre et de la compétitivité, devait faire l’objet d’un traitement particulier. La faiblesse des sanctions encourues pour nombre de délits de cette catégorie, l’existence de procédures de règlement parallèles, la priorité accordée à la négociation sur la répression montrent qu’il s’agit non pas d’une impression, mais d’une réalité.

Ainsi ce texte, alors qu’existe déjà la CRPC, invente-t-il la « convention judiciaire » dite d’« intérêt public » – on se demande d'ailleurs pourquoi –, qui permet à une personne morale d’éviter d’être condamnée pour des délits aussi anodins que la corruption, le trafic d’influence ou les manœuvres destinées à échapper à l’impôt. L’argument selon lequel ces pratiques, qui auraient l’avantage d’être plus expéditives, sont courantes ailleurs serait plus convaincant si l’on avait la certitude que les sanctions soient du niveau de celles qui sont appliquées ailleurs. Les chiffres sont rares, mais, à en juger par le niveau des amendes pour abus de marché, c’est évidemment loin d’être le cas. En France, le montant annuel moyen de ces amendes est, m’a-t-on dit, de l’ordre de 30 000 euros, alors qu’il s’élève à quelque 30 millions de dollars aux États-Unis. Je sais bien que l’euro et le dollar ne se valent pas, mais il y a quand même une petite différence…

C’est à se demander, vu le nombre de condamnations pour corruption, s’il est vraiment urgent de délibérer en la matière : en 2013, 72 personnes ont été sanctionnées pour fait de corruption et deux seulement ont été condamnées à de la prison ferme.

S’agissant, cette fois, de corruption d’agents publics dans les transactions transnationales, sur les 298 personnes physiques ou morales condamnées depuis la convention internationale de 1999, les deux tiers l’ont été dans trois pays – les États-Unis, l’Allemagne et l’Italie – et deux seulement en France. Il n'y a donc pas de problème…

À la place de la création d’une agence de lutte contre la corruption et les délits financiers en général, on aurait pu donner au parquet financier d’autres moyens que ceux dont il dispose déjà. On devra donc se contenter de déclarations, de procédures et de règlements nouveaux.

À la fin de ce quinquennat, plus aucun responsable un peu visible de ce pays – responsable politique, administratif ou économique – n’échappera à l’obligation de remplir régulièrement une ou plusieurs déclarations de ceci ou de cela, à adresser à telle haute autorité ou à tel service. Tel est, paraît-il, le prix du rétablissement de la confiance de nos concitoyens dans les institutions. Quant à l’efficacité réelle de cette obligation, il subsiste un point d’interrogation…

En outre, comme de coutume, au lieu de ne traiter qu’un sujet jusqu’au bout – ici, la lutte contre la corruption –, ce projet de loi n’en traite qu’un aspect, de manière partielle d'ailleurs, en le mêlant à un chapelet d’autres sujets, évoqués eux aussi de manière elliptique : la protection des « lanceurs d’alerte », les règles de la domanialité, le régime des mutuelles, la protection des consommateurs, l’amélioration de la situation financière des entreprises agricoles, le financement des entreprises, le parcours de croissance, avec cette nouvelle obligation parfaitement révolutionnaire pour les personnes publiques et privées chargées d’une mission de service public de promouvoir « toute forme d’innovation »… Fermez le ban !

Parmi les sujets abordés, celui que soulèvent les articles 21 et 21 bis me paraît d’une telle importance qu’il aurait mérité plus d’attention. Ces articles traitent en effet des pouvoirs de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution en cas de crise et organisent la résolution des compagnies d’assurance, notamment d’assurance vie. J’ai, à ce sujet, trois sources d’étonnement.

Premièrement, je m’étonne que le Gouvernement ait autant tardé à s’attaquer à un problème dont on connaît l’importance au moins depuis début 2015, avec les rapports du FMI et de la BRI, la baisse des taux d’intérêt induisant la tentation, pour les assureurs, de se tourner vers des actifs plus risqués et, inversement, pour certains investisseurs, d’aller chercher fortune ailleurs si ces taux se mettaient à remonter.

Deuxièmement, je suis surpris qu’un tel sujet, qui intéresse tant d’épargnants modestes, soit traité au détour d’un texte de loi relatif à la lutte contre la corruption sous une forme qui le rend parfaitement invisible et incompréhensible aux non-initiés.

Troisièmement, je suis stupéfait que, en cas de faillite bancaire, après les déposants – par la loi de séparation et de régulation des activités bancaires de juillet 2013 –, ce soit maintenant les épargnants qui soient mis à contribution – pas mal, d'ailleurs ! Manifestement, les banquiers et les assureurs sont là pour encaisser les bénéfices des risques qu’ils prennent pour nous, mais pas pour assumer les pertes…

Afin d’ouvrir la discussion, j’avais déposé un amendement visant à préciser que le plancher de la garantie accordée par le Fonds de garantie des assurés contre la défaillance de sociétés d’assurance de personnes, qui est prévu à l’article L. 423-1 du code des assurances, soit porté à 100 000 euros, ce qui l’alignait sur la garantie accordée actuellement aux dépôts. De cet amendement, on ne parlera pas, parce qu’il a été censuré par la Sublime Porte réglementaire, alors que d’autres amendements, traitant opportunément du même sujet et que je voterai, ne l’ont pas été. Comprenne qui pourra !

Personnellement, je ne comprends pas ce coup d’entonnoir porté à un amendement qui traite véritablement du fond du sujet des articles 21 et 21 bis, puisqu’il s’agit de protéger les assurés modestes contre les aléas de la conjoncture. J’ose espérer que je recevrai quelque explication convaincante sur le traitement qui a été réservé à cet amendement, qui tendait à régler un véritable problème, et que le ministre, comme il a commencé à le faire à l’Assemblée nationale, nous donnera quelques indications sur la politique qu’il entend mener en matière de résolution des compagnies d’assurance.

Applaudissements sur les travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la nouvelle lecture qui nous réunit aujourd'hui traduit la divergence majeure entre, d’une part, le Sénat et, d’autre part, le Gouvernement et l’Assemblée nationale, sur le respect du principe de séparation des pouvoirs.

Cette nouvelle lecture est donc fondamentale. J’espère qu’elle sera utile et que les députés comprendront la nécessité de ne pas sacrifier les principes fondamentaux à l’air du temps.

À cet égard, je voudrais, avant toute chose, remercier nos trois rapporteurs. Je salue le travail méticuleux qu’ils ont mené pour trouver, avec leurs homologues de l’Assemblée nationale, les moyens d’élaborer un texte juridiquement stable, économiquement acceptable, humainement honorable, dans une volonté partagée de moderniser la vie économique et de lutter contre la corruption.

L’Assemblée nationale a une propension naturelle à charger la barque dès qu’elle le peut, alors que les textes sont déjà protéiformes. Mais, comme l’a fait remarquer François Pillet, certaines dispositions ont été adoptées de manière cavalière. D’après la jurisprudence du Conseil constitutionnel, elles méritent d’être supprimées et ne manqueront pas, si les députés persistaient, d’être signalées dans le recours que nous formerons.

Avec un peu plus d’optimisme, je voudrais évoquer les points d’accord existant entre l’Assemblée nationale et le Sénat – il y en a !

Comme l’a rappelé Daniel Gremillet, les dispositions relatives aux relations contractuelles au sein du monde agricole ont fait l’objet d’un réel consensus entre les deux assemblées. Nous pouvons nous en réjouir, compte tenu de la situation économique du milieu agricole.

« L’agriculture est le parent pauvre de ce texte ! », regrettait fort justement, en première lecture, Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Ainsi, je tiens à le répéter à cette tribune, les dispositions touchant à l’agriculture ont été tirées, pour l’essentiel, de propositions et de discussions de la majorité sénatoriale. Je pense à la formation des prix qui s’appuierait sur des indicateurs de coût de production et de prix du marché. Je pense au renforcement de la contractualisation, avec des organisations de producteurs qui pourraient en être partie prenante et disposer d’un rôle accru dans les discussions avec les partenaires. Je pense encore à la création d’une conférence qui réunirait l’ensemble des acteurs de la filière, c’est-à-dire les producteurs, les transformateurs et les distributeurs.

En matière de droit bancaire et financier, Albéric de Montgolfier nous le rappelait, de nombreuses dispositions ont fait l’objet d’un accord avant même la réunion de la commission mixte paritaire. Nous ne pouvons que nous en satisfaire, car ces dispositions balayent un spectre large, allant du droit des consommateurs, avec la durée de validité des chèques maintenue à un an et l’obligation d’information des entreprises d’assurance à l’égard des titulaires de contrats de retraite supplémentaire lorsque ceux-ci ont atteint l’âge limite de départ à la retraite, jusqu’au droit des collectivités territoriales, avec l’ouverture aux conseils régionaux de l’accès au fichier bancaire des entreprises, en passant par l’interdiction de la publicité pour les prestataires proposant illégalement des instruments financiers hautement spéculatifs et risqués ou encore par l’intégration d’une clause de révision des prix des marchés publics de fourniture de denrées alimentaires.

Cette ultime lecture illustre bien l’intérêt du bicamérisme. Le Sénat poursuit le travail de construction partagée de la loi, avec un regard toujours indépendant de la pression médiatique. C’est bien dans cet état d’esprit libre que nos rapporteurs ont apporté leur expertise pour faire évoluer le texte et proposer des modifications substantielles aux points de divergence profonde.

Un élément récurrent dans nos discussions parlementaires tient à la tentation de tout gouvernement d’utiliser la voie de l’ordonnance pour légiférer, demandant au Parlement de l’y habiliter. L’ordonnance peut-être un outil juridique constitutionnel pertinent pour réformer efficacement notre pays, mais son utilisation abusive, surtout en fin de mandature, n’est pas un gage de bonne administration. Notre groupe ne peut souscrire à ce procédé. Je crois même qu’il s’agit d’un manque d’honnêteté à l’égard de la représentation nationale, qui manque trop souvent d’information pour donner un blanc-seing – c’est le cas en l’espèce.

Ainsi, l’honnêteté politique oblige nos rapporteurs à proposer au Sénat de refuser certaines habilitations, comme celle qui permettrait au Gouvernement de réformer par ordonnance l’ensemble du code de la mutualité ou celle qui transcrirait directement dans le texte l’actualisation du droit des sociétés.

Si elles ne sont pas cavalières, certaines dispositions ne pouvaient recueillir notre approbation. Je ne reviendrai pas sur le fond de l’ensemble d’entre elles, puisque nos rapporteurs l’ont fait avant moi, mais je pense au périmètre réduit à l’arrondissement pour l’interdiction de vente au déballage, alors que nous souhaitons l’étendre aux arrondissements limitrophes, pour éviter les phénomènes de contournement, ou encore au nouveau délai dérogatoire en matière de délais de paiement pour un secteur d’activité où une telle réforme ne réglera pas les difficultés de trésorerie rencontrées par certaines entreprises.

Pour terminer, je veux rappeler les principes auxquels nous sommes attachés et en faveur desquels nous avons ardemment souhaité marquer notre différence.

Premièrement, ainsi que je l’évoquais en introduction, la séparation des pouvoirs dans nos institutions impose une autonomie des assemblées parlementaires dans la définition des règles applicables dans leur enceinte, y compris s’agissant du régime juridique des relations avec les représentants d’intérêts.

Deuxièmement, je veux insister sur le caractère de défenseurs de l’intérêt public des associations d’élus, malgré leur statut de droit privé. L’AMF, l’ADF, l’ARF ne sont pas des lobbys, monsieur le ministre ! Les élus portent non leurs intérêts personnels, mais ceux de leurs collectivités, qui sont des personnes publiques. L’intérêt public territorial est d’abord un intérêt public, qui participe à l’intérêt général. Il faut de la défiance populiste ou de l’arrogance technocratique, voire les deux, pour le contester aux représentants démocratiquement élus de nos collectivités territoriales. Malgré leur statut, les associations d’élus n’ont pas à être enregistrées comme représentants d’intérêts du fait même de leur objet, ou alors il faudra que nous transformions l’AMF en syndicat intercommunal des 36 000 communes de France… Pourquoi pas ?

Troisièmement, la question du cadre des directives européennes, si formelle qu’elle puisse paraître, est un enjeu économique en soi. C’est pourquoi nous soutenons la proposition de la commission des finances pour que le reporting pays par pays soit aligné sur la directive européenne, ni plus ni moins.

Quatrièmement, le droit des sociétés a été largement balayé de ce texte, qui a pourtant vocation, comme l’indique son nom, à moderniser les entreprises. Nos travaux sur la simplification du droit des sociétés sont attendus par les sociétés de tous types. C’est donc très opportunément que nous réintroduisons dans ce texte les termes d’une proposition de loi transpartisane, déjà adoptée par le Sénat.

Cinquièmement, pour ce qui concerne le logement social, il nous a paru nécessaire de redonner plus de souplesse et de rapidité dans la réalisation des logements locatifs aidés par l’État, en redonnant aux bailleurs sociaux la possibilité de recourir aux marchés publics de conception-réalisation, lesquels permettent aux bailleurs comme à l’État de gagner du temps et de l’argent.

Sixièmement, enfin, le droit de suite des artisans, forces vives de nos territoires, pourra être exercé dans les entreprises jusqu’à cinquante salariés et le maintien au répertoire des métiers devra résulter d’une démarche volontaire.

En conclusion, mes chers collègues, je tiens à dire qu’il s’agit d’un texte protéiforme au titre racoleur, fruit d’une méthode d’élaboration de la loi quelque peu cavalière, dont certaines mesures bafouent même les principes fondamentaux de notre République. Heureusement que nos rapporteurs et les commissions concernées ont su le transformer en un texte économiquement pertinent et juridiquement convenable !

Exclamations sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre

Montés sur leur cheval blanc…

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

M. François Grosdidier. C’est pourquoi les membres du groupe Les Républicains voteront pour ce texte, tel que revu et corrigé par le Sénat.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Catherine Di Folco applaudit également.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je dois dire que l’intervention de l’orateur précédent m’a fait peur, mais sa conclusion m’a rassuré : tout est bien qui finit bien…

Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Pour ce qui me concerne, je me concentrerai sur les dispositions dont la commission des finances a été saisie au fond.

Lors de la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, de nombreux articles financiers ont été adoptés dans leur rédaction issue des travaux du Sénat. Nous devons nous en réjouir. C’est notamment le cas d’une grande partie des dispositions que les membres du groupe socialiste et républicain avaient proposées : interdiction aux sociétés n’y ayant pas été autorisées par la loi de procéder à une offre au public de leurs parts sociales ; amélioration des échanges d’informations entre l’ARJEL, l’AMF, l’ACPR et d’autres institutions de régulation ; plafonnement des rachats d’actions de fonds d’investissement en cas de circonstances exceptionnelles.

Pour ce qui concerne l’article relatif à la limitation du montant des frais applicables aux contrats d’assurance obsèques, inséré sur l’initiative de notre collègue Jean-Pierre Sueur, dont on sait qu’il accorde une grande importance à ces questions, l’Assemblée nationale a opportunément étendu le dispositif aux entreprises qui commercialisent ces contrats sous le régime prévu par le code de la mutualité – nous reparlerons de cette dernière un peu plus tard. Il est urgent d’agir, car, selon une étude réalisée récemment par le magazine 60 millions de consommateurs, ces contrats comportent de « trop nombreux » points noirs.

Enfin, je note avec satisfaction que l’Assemblée nationale a tenu compte de nombreux apports du Sénat, concernant les lanceurs d’alerte dans le secteur financier, la liste des États et territoires non coopératifs ainsi que l’encadrement de l’autoliquidation de la TVA à l’importation, point important pour lutter contre la fraude fiscale. Il s’ensuit que les dispositions financières restant en discussion sont peu nombreuses.

Parmi celles-ci figure la création d’un mécanisme national de résolution des sociétés d’assurance. L’Assemblée nationale a donné à l’ACPR la « possibilité de recourir à un mécanisme dans lequel certains engagements d’assurance seraient, jusqu’à leur extinction, gérés de façon distincte dans une structure de gestion de passifs ». C’est, au fond, une extension de ce que nous avions déjà prévu pour les banques. Le secteur de l’assurance sera désormais lui aussi couvert.

En outre, sont étendus au secteur de l’assurance les pouvoirs macroprudentiels du Haut Conseil de stabilité financière. Celui-ci pourra limiter temporairement les rachats de contrats d’assurance vie en cas de « menace grave et caractérisée » pour la stabilité du système financier. Personnellement, je trouve que cette garantie joue plutôt pour les petits titulaires de contrats d’assurance. Le dispositif devient donc complet. Il est tout à fait normal que ce qui existait pour les banques existe désormais aussi pour l’assurance.

J’en viens à présent aux derniers points d’achoppement.

Pour ce qui concerne la modernisation du code de la mutualité, j’observe que la majorité sénatoriale a adopté une position moins radicale qu’en première lecture. Alors qu’elle avait totalement supprimé la disposition visant à permettre au Gouvernement de moderniser le code de la mutualité, notre commission des finances s’est, cette fois, limitée – si je puis dire – à restreindre le champ de l’habilitation aux « dispositions présentant un caractère urgent et nécessaire ».

Un autre sujet de controverse réside dans la réduction de la durée de validité des chèques. Je déplore, quant à moi, la suppression de l’article 25 du texte, qui prévoyait la réduction de cette durée à six mois. Les arguments avancés par les partisans du maintien à un an sont difficilement recevables. Je rappelle que le projet de loi visait non pas à mettre fin à l’utilisation du chèque, mais à réduire l’incertitude liée au délai d’encaissement des chèques. Nos concitoyens, à commencer par les plus âgés, conserveraient la possibilité d’utiliser des chèques pour tout paiement et verraient leur situation financière sécurisée. J’ajoute, pour reprendre un autre argument qui a été évoqué, que l’on peut d'ores et déjà procéder à des paiements échelonnés par carte bancaire. Nous aurons l’occasion de rediscuter de cette question.

Depuis le début de la discussion du projet de loi, la modernisation de la procédure de surendettement fait l’objet d’un vif débat. Supprimée en première lecture par la majorité sénatoriale, la disposition en ce sens a été rétablie en nouvelle lecture. Je le regrette, car cette réforme ne servira à rien. Elle ne sera pas efficace et fera perdre quatre mois à ceux qui y auront recours.

Enfin, nous devrons débattre de nouveau du reporting financier pays par pays. Je considère que la position du Sénat sur cette question est équilibrée.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Hermeline Malherbe applaudit également.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre

Je veux vous remercier de l’attention que vous portez à ce projet de loi et du soin avec lequel vous expliquez vos positions et les critiques que peuvent vous inspirer certains de ses articles. Je ne crois pas forcer le trait en disant que, au fond, chaque orateur qui s’est exprimé a trouvé au moins un élément positif dans le texte. Ce n’est pas le cas de tous les projets de loi ! Je voudrais en remercier chacun, même si c’est parfois pour demander au Gouvernement d’aller plus loin dans tel ou tel domaine que certains ont pu louer le texte… Vous n’en disconviendrez pas, madame Assassi, même si je suis sensible à l’ambition de vos convictions dont témoignent vos propos.

Il me semble que nous permettons, ensemble, une avancée assez considérable.

À la suite de plusieurs d’entre vous, je veux insister sur le fait que ce texte résulte d’une coconstruction législative, si vous me permettez l’utilisation de ce terme. Si, par définition, tout projet gouvernemental est une coconstruction, puisque les sénateurs comme les députés peuvent exercer leur droit d’amendement, ce texte l’est tout particulièrement. Pour l’illustrer, je voudrais évoquer deux points, que certains d’entre vous ont soulignés.

Ainsi, c’est au Parlement qu’a été introduit le statut de lanceur d'alerte, sur lequel je reviendrai plus en détail ultérieurement. Je le dis à Mme Blandin, qui a parfois pu montrer du doigt le Gouvernement : c’est sur initiative parlementaire qu’a été mené ce travail. Le statut global des lanceurs d'alerte a en effet été introduit à l’Assemblée nationale, où les débats ont été particulièrement consensuels et ont réuni aussi bien les députés de votre sensibilité politique, madame la sénatrice, que ceux de la mienne.

Il en va de même de la convention judiciaire d’intérêt public, la CJIP, parfois appelée « transaction pénale », qui a elle aussi été introduite par les députés et qui a été confirmée au Sénat. Certains sénateurs, dont vous, monsieur le rapporteur, ont souhaité améliorer certains aspects de cette convention.

Ces deux points, qui ont pu faire l’objet de critiques, par exemple de la part de M. Collombat, résultent donc d’un travail parlementaire dans la construction du projet de loi.

Pour ma part, je suis très heureux qu’un texte de cette nature, qui défend des valeurs, une éthique que nous pouvons tous partager, ait été le support de telles initiatives parlementaires. Je pense que ce qui caractérise les grandes lois républicaines, c’est précisément de n’être pas imposées d’en haut, mais d’être le fruit du débat démocratique et du débat parlementaire. C’est le cas de ce texte. Je tiens à en remercier chacun, quelles que soient par ailleurs les appréciations qui ont pu être portées sur telle ou telle disposition. Nous reviendrons bien sûr, dans le débat, sur les différents sujets qui ont été abordés par les uns et les autres.

Je veux revenir sur deux points qui ont fait l’objet de critiques particulières.

Sur la convention judiciaire d’intérêt public, certains, dont M. Collombat, ont parlé d’une américanisation de la procédure judiciaire. Pardon de le dire ainsi, mais je trouve cette vision vraiment trop simpliste. Il est tout de même permis d’innover ! Il me semble même qu’il y a parfois un devoir d’innovation, de construction de quelque chose de nouveau.

Oui, il s’agit d’une nouvelle procédure, qui n’existait pas antérieurement ! Aujourd'hui, la corruption d’agents, à l’étranger, peut donner lieu à une incrimination, mais pas à une condamnation. Ce qui manque, ce n’est pas la volonté des juges, c’est leur capacité à lutter, au moyen d’un outil adapté, contre ce type de délits, qui sont particulièrement difficiles à poursuivre et pour lesquels il est très difficile d’apporter les éléments de preuve nécessaires à une condamnation en bonne et due forme suivant la procédure normale. C’est donc une volonté d’efficacité qui a été à l’origine de cette proposition. Je veux le saluer. Ce n’est pas le décalque, la copie d’une procédure qui existerait ailleurs.

Je veux le répéter, deux considérations, qui correspondent aux grands principes de fonctionnement de nos institutions judiciaires, qui sont des caractéristiques typiquement françaises, ont été introduites dans ce dispositif.

Premièrement, un juge du siège devra donner son accord à cette convention. Cela ne se fera pas dans un coin entre un procureur et une entreprise ou son avocat : un juge du siège indépendant devra intervenir.

Deuxièmement, la procédure sera publique. Tout le monde pourra connaître la nature et la gravité des faits reprochés et les propositions du procureur ou, d'ailleurs, du juge d’instruction, qui aura également la capacité d’utiliser cette procédure et dont l’indépendance, comme chacun le sait, est particulièrement garantie.

Il ne s’agit donc pas d’introduire une procédure venue d'ailleurs ; il s’agit de mettre en place une procédure efficace, dotée de toutes les garanties dont notre droit français entoure les procédures judiciaires.

Sur la question des lanceurs d'alerte et de leur statut, il me semble, madame Blandin, que vos propos ont peut-être dépassé votre pensée. Vous avez parlé de « démolition » de l’ensemble du système de protection de l’alerte en matière de santé et d’environnement, mais vous savez bien qu’il ne s’agit pas de cela ! Il s'agit d’insérer la protection des lanceurs d'alerte dans ces domaines dans le cadre du statut général des lanceurs d'alerte. Il s’agit non pas de l’amoindrir, mais de faire en sorte que tous les lanceurs d'alerte puissent bénéficier des mêmes mécanismes de protection, notamment – vous avez fortement insisté sur ce point, qui est très important – pour ce qui concerne ce qu’on appelle « la voie d’accès », la manière dont un lanceur d'alerte doit se comporter pour faire connaître les faits qu’il considère comme anormaux, illégaux ou contraires à l’intérêt général. Je rappelle, à ce sujet, qu’il existe une voie interne et une procédure extérieure.

Je sais que, en votre qualité de présidente de cette instance, vous êtes particulièrement attentive aux pouvoirs de la Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d’environnement. Comme vous le savez, cette commission, dont les compétences sont tout à fait considérables, restera en place. Vous aurez à jouer un rôle extrêmement utile en tant que présidente et animatrice de cette instance dans la bonne mise en œuvre des dispositions législatives dont nous débattons aujourd’hui.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis particulièrement heureux du travail que nous avons accompli, y compris au Sénat, en tenant compte de nos différences et de nos désaccords. Je forme des vœux pour que ce projet de loi demeure longtemps un élément de référence non seulement du travail parlementaire, mais aussi de l’efficacité républicaine.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, vice-président de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le président, en application de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, la commission demande l’examen par priorité, aujourd’hui, à seize heures quinze, de l’article 16 bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Je rappelle que, aux termes de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, lorsqu’elle est demandée par la commission saisie au fond, la priorité est de droit, sauf opposition du Gouvernement.

Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La priorité est ordonnée.

Nous passons à la discussion du projet de loi, dans le texte de la commission.

TITRE IER

DE LA LUTTE CONTRE LES MANQUEMENTS À LA PROBITÉ

Chapitre Ier

De l’Agence de prévention de la corruption

L’Agence de prévention de la corruption est un service à compétence nationale, placé auprès du ministre de la justice, ayant pour mission d’aider les autorités compétentes et les personnes qui y sont confrontées à prévenir et à détecter les faits de corruption, de trafic d’influence, de concussion, de prise illégale d’intérêt, de détournement de fonds publics et de favoritisme.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L'amendement n° 31, présenté par MM. Anziani et Yung, Mme Espagnac, MM. Guillaume, Sueur, Marie, Vaugrenard, Vincent et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

I. - Remplacer les mots :

de prévention de la corruption

par les mots :

française anticorruption

II. - Après le mot :

justice

insérer les mots :

et du ministre chargé du budget

La parole est à M. Alain Anziani.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

En premier lieu, nous proposons de revenir à la dénomination d’« Agence française anticorruption » adoptée par l’Assemblée nationale que nous préférons à celle d’« Agence de prévention de la corruption » retenue par la commission.

En second lieu, la commission a supprimé la double tutelle du ministre de la justice et du ministre du budget sur l’Agence pour ne retenir que celle du garde des sceaux. Il nous semble pertinent, s’agissant d’un texte anticorruption, c’est-à-dire présentant un caractère financier extrêmement prononcé, de permettre au ministre du budget d’exercer une tutelle sur l’Agence.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Nous débutons l’examen des articles par une différence de doctrine parfaitement légitime entre le Sénat, d’une part, et l’Assemblée nationale et le Gouvernement, d’autre part.

L’Agence dont il est ici question est une agence de prévention de la corruption. Elle n’est pas un service enquêteur ni un service de répression ; elle n’en a pas les pouvoirs. Elle ne peut donc être confondue avec un service d’enquête tel que l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales.

Changer le nom de l’Agence sans modifier ses compétences serait hypocrite. Même avec une commission des sanctions, l’Agence reste avant tout une agence de prévention. C’est d’ailleurs l’argument avancé par le Gouvernement pour justifier le fait que ces sanctions ne relèvent pas du juge judiciaire.

Je tiens à préciser que la dénomination de l’Agence retenue par la commission est celle qui figurait dans le projet de loi initial du Gouvernement. Dans son avis, le Conseil d’État a d’ailleurs relevé que qualifier le service d’Agence française anticorruption serait « susceptible de créer une confusion avec la compétence des autorités judiciaires pour constater des infractions ».

De surcroît, il semble inutile de préciser la nationalité de l’Agence. Parle-t-on du Défenseur des droits « français » ? Du parquet national financier « français » ?

Enfin, il ne paraît pas utile de placer l’Agence sous l’autorité du ministre du budget, alors que le service central de prévention de la corruption est placé sous la seule tutelle du garde des sceaux. Il s’agit, là encore, d’un élément de doctrine différente. Faisons confiance au ministère de la justice !

Pour ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre

Le Gouvernement est favorable à cet amendement, qui tend à revenir à la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale.

Je ne reviens pas sur la question de la dénomination de l’Agence, dont on peut toujours débattre…

Je crois utile que cette agence, chargée de la prévention de la corruption et non de l’engagement de poursuites pour des faits de corruption, ce qui relève de la justice, soit placée sous la double tutelle du garde des sceaux et du ministre chargé du budget. En supprimant cette double tutelle, j’y vois non pas une défiance vis-à-vis du ministre chargé du budget que je suis, mais plutôt une incompréhension de ce que doit être cette agence pour être efficace.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L'amendement n° 148 rectifié, présenté par MM. Collombat, Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Requier, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Elle peut, à la demande du procureur de la République financier et sous son autorité, effectuer toutes investigations en rapport avec ces faits.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Cet amendement tend à permettre à cette nouvelle agence d’assister le parquet financier à compétence nationale si ce dernier en fait la demande.

Je réponds par avance à l’avis négatif que la commission va émettre.

Le texte de la commission dispose que l’Agence a pour mission d’aider « à détecter les faits de corruption ». Qu’est-ce que veut dire « détecter » ? Est-ce qu’on détecte sans mener aucune investigation ?

Cet amendement, dont la portée est d’ailleurs extrêmement limitée, vise à permettre à l’Agence d’effectuer un certain nombre d’investigations à la demande du parquet financier, instance en charge de l’essentiel du travail en la matière.

Soit on veut un texte incohérent – cette hypothèse n’est pas à exclure –, soit on veut faire en sorte que l’Agence serve à autre chose qu’émettre des imprimés.

Encore une fois, ces investigations ne seraient pas menées sur l’initiative de l’Agence, ce qui serait contraire à la doctrine sacrée de la commission, mais à la demande du parquet financier.

Je ne comprends pas – il y a plein de choses que je ne comprends pas d’ailleurs – l’avis négatif que s’apprête à émettre le rapporteur sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Il est effectivement négatif, et je vais essayer d’expliquer pourquoi.

Tout d’abord, votre amendement pose un problème de forme en ce qu’il vise à inscrire une mission de l’Agence au sein de l’article 1er, qui définit l’Agence, et non au sein de l’article 3, qui dresse la liste des différentes missions de l’Agence.

Ensuite, sur le fond, l’Agence peut d’ores et déjà assister l’autorité judiciaire. Vous avez indiqué qu’elle ne pouvait que « détecter » les faits, ce qui est faux. L’article 1er, que je vous invite à relire, dispose que « l’Agence de prévention de la corruption est un service à compétence nationale, placé auprès du ministre de la justice, ayant pour mission d’aider les autorités compétentes et les personnes qui y sont confrontées à prévenir et à détecter […] ». Toutes les composantes de l’autorité judiciaire, et pas seulement le procureur de la République financier, peuvent donc solliciter l’aide de cette agence.

À de nombreuses occasions, le service central de prévention de la corruption a apporté son concours aux autorités judiciaires, aux membres du parquet comme à des juges d’instruction. La nouvelle agence pourra naturellement continuer de répondre aux demandes d’avis des autorités judiciaires.

Un autre argument me semble plus important encore : je pense que cet amendement présente un risque constitutionnel.

Quelles investigations peut réaliser un service administratif ? L’Agence n’a aucun pouvoir judiciaire et n’est pas composée d’enquêteurs. Il existe déjà des organismes judiciaires spécialisés, à l’instar de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales.

En 1993, le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions par lesquelles le législateur confiait des pouvoirs d’investigations au service central de prévention de la corruption, considérant que ces investigations n’étaient pas définies « de manière suffisamment claire et précise » et que « dès lors cette formulation est susceptible d’entraîner des atteintes à la liberté individuelle sans garantie de l’autorité judiciaire ».

Je ne suis pas sûr que le renvoi à la seule autorité du procureur de la République financier suffise à définir un cadre législatif de garanties.

Je tiens à rappeler que cette agence sera à la disposition de toutes les autorités compétentes.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre

Même avis, pour les mêmes raisons.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Je ne reviendrai pas sur les habituels problèmes de forme que le rapporteur m’oppose pour éviter de poser les vraies questions…

Par contre, de deux choses l’une : soit le terme « détecter » ne signifie strictement rien, et il faut alors n’inscrire que la seule prévention dans les missions de l’Agence ; soit ce terme signifie quelque chose, et il faut alors permettre à l’Agence de mener un certain nombre d’investigations à la demande du parquet financier.

Un tel dispositif me semble aller dans le sens souhaité par la commission, voire même aller un peu plus loin que la seule détection pifométrique. À moins que cette agence n’ait qu’une vocation purement décorative…

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 1 er est adopté.

L’Agence de prévention de la corruption est dirigée par un magistrat hors hiérarchie de l’ordre judiciaire nommé par décret du Président de la République pour une durée de six ans non renouvelable. Il ne peut être mis fin à ses fonctions que sur sa demande ou en cas d’empêchement ou en cas de manquement grave.

Le magistrat qui dirige l’agence ne reçoit ni ne sollicite d’instruction d’aucune autorité administrative ou gouvernementale dans l’exercice des missions mentionnées aux 3° et 3° bis de l’article 3.

Le magistrat qui dirige l’agence est tenu au secret professionnel.

Un décret en Conseil d’État précise les conditions de fonctionnement de l’agence.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Nous l’avons déjà affirmé en première lecture, cette agence, tant dans sa composition que dans son fonctionnement, nous laisse pour le moins dubitatifs.

Sans revenir sur nos doutes persistants, je souhaiterais insister sur la composition de cette agence. Quelle que soit sa dénomination – Agence française anticorruption ou Agence de prévention de la corruption –, on nous renvoie, plus ou moins rapidement, à un décret en Conseil d’État afin de préciser ses conditions de fonctionnement.

Dans la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale, la composition de la commission des sanctions est précisée, mais non celle de l’Agence. Dans la version qui nous est soumise aujourd’hui, la commission des sanctions ayant été supprimée, nous sommes renvoyés au décret en Conseil d’État dès le quatrième alinéa de l’article 2.

Toujours est-il que la composition d’une agence qui tend à prévenir et à détecter les faits de corruption, dans l’entreprise comme dans les administrations de l’État, devrait respecter un certain pluralisme, voire, a minima, comprendre des citoyens en sus, bien évidemment, des organisations syndicales.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L'amendement n° 32, présenté par MM. Anziani et Yung, Mme Espagnac, MM. Guillaume, Sueur, Marie, Vaugrenard, Vincent et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1, première phrase

Remplacer les mots :

de prévention de la corruption

par les mots :

française anticorruption

II. – Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Il ne peut être membre de la commission des sanctions ni assister à ses séances.

II. – Après l’alinéa 2

Insérer huit alinéas ainsi rédigés :

L’agence comprend une commission des sanctions chargée de prononcer les sanctions mentionnées à l’article L. 23-11-4 du code de commerce.

La commission des sanctions est composée de six membres :

1° Deux conseillers d’État désignés par le vice-président du Conseil d’État ;

2° Deux conseillers à la Cour de cassation désignés par le premier président de la Cour de cassation ;

3° Deux conseillers maîtres à la Cour des comptes désignés par le premier président de la Cour des comptes.

Les membres de la commission sont nommés par décret pour un mandat de cinq ans. Le président de la commission est désigné parmi ses membres, selon les mêmes modalités.

Des suppléants sont nommés selon les mêmes modalités.

En cas de partage égal des voix, le président de la commission a voix prépondérante.

III. – Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

Le magistrat qui dirige l’agence et les membres de la commission des sanctions sont tenus au secret professionnel.

IV. – Alinéa 4

Compléter cet alinéa par les mots :

ainsi que les modalités de désignation des membres de la commission des sanctions, de manière à assurer une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes pour chacune des catégories énumérées aux 1° à 3°

La parole est à M. Alain Anziani.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Cet amendement vise à rétablir la commission des sanctions, et donc la sanction administrative, dont j’ai déjà parlé longuement.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Je ne crois pas qu’il soit nécessaire de revenir sur ma préférence pour les termes « Agence de prévention de la corruption ».

Concernant la commission des sanctions, notre différence de doctrine est fondamentale. Je rappelle une nouvelle fois que l’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, est la mieux placée pour répondre efficacement aux faits de corruption. Si la justice n’a pas les moyens d’y faire face, renforçons ses moyens !

Je comprends parfaitement l’exposé intellectuellement honnête de M. Anziani. Un certain nombre d’organismes ont déjà la possibilité de prononcer des sanctions, et le Conseil constitutionnel a estimé que cela ne posait pas de difficulté. A fortiori, il en irait de même si cette possibilité était laissée à la seule autorité judiciaire.

À titre personnel, je ne crois pas que créer des commissions administratives empiétant sur les prérogatives de l’autorité judiciaire soit une bonne solution. J’ai eu le plaisir de convaincre la commission des lois sur cette question ; j’espère arriver à convaincre le Sénat.

Pour ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre

Nous avons déjà longuement débattu de ces questions.

Je crois indispensable, dans le respect de nos principes constitutionnels maintenant fixés très clairement par les dernières décisions du Conseil constitutionnel, que cette agence dispose de pouvoirs de sanction. Il s’agit d’une différence fondamentale avec l’actuel service central de prévention de la corruption.

Si l’on veut que cette agence puisse véritablement agir, si l’on veut que les entreprises mettent réellement en place des plans de prévention de la corruption, il faut bien doter l’Agence de la capacité de prendre des sanctions, indépendamment de la saisine éventuelle du juge. Il s’agit d’assurer son autonomie et son autorité.

Telle est la raison pour laquelle je soutiens très fermement l’amendement de M. Anziani.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté.

L’Agence de prévention de la corruption :

1° Participe à la coordination administrative, centralise et diffuse les informations permettant d’aider à prévenir et à détecter les faits de corruption, de trafic d’influence, de concussion, de prise illégale d’intérêt, de détournement de fonds publics et de favoritisme.

Dans ce cadre, elle apporte son appui aux administrations de l’État, aux collectivités territoriales et à toute personne physique ou morale ;

2° Élabore des recommandations destinées à aider les personnes morales de droit public et de droit privé à prévenir et à détecter les faits de corruption, de trafic d’influence, de concussion, de prise illégale d’intérêt, de détournement de fonds publics et de favoritisme.

Ces recommandations sont adaptées à la taille des entités concernées et à la nature des risques identifiés. Elles sont régulièrement mises à jour pour prendre en compte l’évolution des pratiques et font l’objet d’un avis publié au Journal officiel ;

3° Contrôle, de sa propre initiative, la qualité et l’efficacité des procédures mises en œuvre au sein des administrations de l’État, des collectivités territoriales, de leurs établissements publics et sociétés d’économie mixte, et des associations et fondations reconnues d’utilité publique pour prévenir et détecter les faits de corruption, de trafic d’influence, de concussion, de prise illégale d’intérêt, de détournement de fonds publics et de favoritisme. Elle contrôle également le respect des mesures mentionnées au II de l’article 8.

Ces contrôles peuvent également être effectués à la demande du président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, du Premier ministre, des ministres ou, pour les collectivités territoriales et leurs établissements publics et sociétés d’économie mixte, du représentant de l’État. Ils peuvent faire suite à un signalement transmis à l’agence par une association agréée dans les conditions prévues à l’article 2-23 du code de procédure pénale.

Ces contrôles donnent lieu à l’établissement de rapports transmis aux autorités qui en sont à l’initiative ainsi qu’aux représentants de l’entité contrôlée. Ils contiennent les observations de l’agence concernant la qualité du dispositif de prévention et de détection de la corruption mis en place au sein des entités contrôlées ainsi que des recommandations en vue de l’amélioration des procédures existantes ;

bis Exerce les attributions prévues à l’article 8 de la présente loi, à l’article 131-39-2 du code pénal et aux articles 41-1-2 et 764-44 du code de procédure pénale ;

4° Veille, à la demande du Premier ministre, au respect de la loi n° 68-678 du 26 juillet 1968 relative à la communication de documents et renseignements d’ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique à des personnes physiques ou morales étrangères, dans le cadre de l’exécution des décisions d’autorités étrangères imposant à une société dont le siège est situé sur le territoire français une obligation de se soumettre à une procédure de mise en conformité de ses procédures internes de prévention et de détection de la corruption ;

4° bis et 5°

Supprimés

Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L'amendement n° 152 rectifié, présenté par MM. Collombat, Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Requier, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

Dans ce cadre, elle répond aux demandes d’avis émanant des administrations de l’État, des collectivités territoriales et de toute personne physique ou morale concernant la conformité des dispositions de prévention et de détection des faits précités ;

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Cet amendement tend à permettre aux personnes publiques et privées de solliciter des avis auprès de l’Agence pour s’assurer de la bonne mise en conformité de leurs normes et procédures au cadre juridique relatif à la prévention et à la détection de faits de corruption, de trafic d’influence, de concussion, de prise illégale d’intérêt, de détournement de fonds publics et de favoritisme.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Cet amendement me semble satisfait. En effet, l’alinéa 3 de l’article 3 dispose que l’Agence « apporte son appui aux administrations de l’État, aux collectivités territoriales et à toute personne physique ou morale ».

La rédaction issue du texte de la commission permet donc à l’Agence de répondre à toutes les demandes d’avis, et pas seulement à celles concernant la conformité des dispositions de prévention et de détection de faits de corruption.

L’adoption de cet amendement reviendrait à limiter le champ d’action de l’Agence.

Pour ces raisons, monsieur Collombat, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre

Même demande de retrait.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Malgré l’alliance objective entre la commission et le Gouvernement, qui me semble pleine d’avenir, je le maintiens.

Je veux bien concéder que la formulation que j’ai retenue est plus restreinte que celle de la commission, mais elle est aussi plus précise et donc plus opérationnelle. Ce qu’on demande, c’est que l’Agence fasse des réponses suffisamment claires et précises pour savoir si les dispositifs mis en place ont une utilité. Je veux bien qu’on papote, qu’on donne des avis, mais s’ils n’engagent personne, en particulier l’Agence, je ne vois vraiment pas à quoi ils serviront. Mais c’est peut-être ça, l’objectif…

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L'amendement n° 155, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Alinéa 6, seconde phrase

Remplacer les mots :

au II de l'article 8

par les mots :

à l'article L. 23-11-2 du code de commerce

La parole est à M. le rapporteur.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L'amendement n° 135 rectifié, présenté par MM. Collombat, Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Requier, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Rétablir le 4° bis dans la rédaction suivante :

bis Avise le procureur de la République compétent en application de l'article 43 du code de procédure pénale des faits dont elle a eu connaissance dans l'exercice de ses missions et qui sont susceptibles de constituer un crime ou un délit. Lorsque ces faits sont susceptibles de relever de la compétence du procureur de la République financier en application des 1° à 8° de l'article 705 ou de l'article 705-1 du même code, l'Agence de prévention de la corruption en avise simultanément ce dernier. Lorsque ces faits entrent dans son domaine de compétence, elle prête son concours, sur leur demande, aux autorités judiciaires qui en sont saisies ;

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Cet amendement recueillera probablement un avis défavorable… En fait, c’est toujours le même problème : je veux une agence qui serve à quelque chose. C’est fâcheux, car vous voulez une agence simplement décorative, pour faire croire qu’on fait quelque chose, alors qu’on ne fait rien !

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Notre collègue Collombat nous invite toujours à ne pas faire de lois bavardes. Or, aujourd’hui, il nous inviterait presque à faire le contraire.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Je vous laisse la responsabilité de cette affirmation, mon cher collègue.

Cet amendement vise à rétablir une disposition ajoutée en nouvelle lecture, à l’Assemblée nationale, relative à l’information des parquets compétents lorsque l’Agence a connaissance d’un délit ou d’un crime. C’est tout à fait redondant avec l’article 40 du code de procédure pénale. La rédaction de cet amendement, quasiment reprise de cet article, précise que l’Agence pourra prêter son concours aux autorités judiciaires. Or, comme je l’ai déjà souligné, l’Agence peut d’ores et déjà le faire dans le cadre de sa mission.

Si les travaux parlementaires ont une utilité dans l’analyse d’une loi, il suffira de s’y référer pour que soit acté le fait que je vous ai donné satisfaction.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Je voudrais simplement faire observer à notre éminent rapporteur que l’alinéa 3 de l’article 6 A prévoit que « toute personne à l’origine d’un signalement abusif ou déloyal engage sa responsabilité sur le fondement de l’article 226-10 du code pénal et de l’article 1240 du code civil ».

Si cette formulation n’est pas redondante, je me demande ce qu’elle est ! Il faut croire que la redondance est plus acceptable pour les uns que pour les autres…

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L'amendement n° 66, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Rétablir le 5° dans la rédaction suivante :

5° Élabore chaque année un rapport d’activité rendu public.

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Comme l’a rappelé Éliane Assassi lors de la discussion générale, le déficit démocratique actuel est entretenu par un sentiment de corruption généralisée à tous les étages.

Si nous avons des doutes quant à la pertinence de cette agence, la publication de son rapport d’activité ne peut que s’avérer bénéfique pour le débat public. Il ne s’agit pas seulement d’un énième rapport. Permettre au grand public de connaître l’état des dispositifs mis en œuvre afin de prévenir la corruption dans les entreprises ou dans les administrations publiques nous semble un minimum pour faire reculer la défiance à l’égard des institutions. En outre, cette publication permettrait de mettre en valeur le rôle concret de cette agence et de laisser à nos concitoyens le soin de juger de la pertinence de son existence.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Les auteurs de cet amendement considèrent qu’il est nécessaire d’informer le public des travaux de l’Agence ; je le crois aussi. Néanmoins, je ne crois pas nécessaire d’inscrire la publication de ce rapport dans la loi. En effet, le service central de prévention de la corruption, que cette agence va remplacer, publie déjà des rapports chaque année sans que la loi l’ait précisé.

Est-ce vraiment du ressort de la loi de prévoir que toute instance rende public un rapport annuel ? Vous connaissez depuis longtemps les réserves de la commission des lois et du Sénat sur la question de l’inflation du nombre de rapports.

En l’espèce, nous avons tout lieu de penser que l’agence qui va se substituer au service central de prévention de la corruption continuera de publier un rapport annuel.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre

Le Gouvernement est favorable à cet amendement de rétablissement du texte de l’Assemblée nationale. Il me paraît utile qu’un rapport sur les activités de l’Agence soit rendu public.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Monsieur le rapporteur, nous ne nous inscrivons pas tout à fait dans la « jurisprudence » de la commission des lois sur les rapports : il ne s’agit pas d’un énième rapport remis au Parlement, mais bien d’un rapport d’activité rendu public.

Je ne sais pas si la loi doit être bavarde ou répétitive, mais si le service central de prévention de la corruption publie déjà un rapport d’activité annuel, pourquoi ne pas inscrire cette obligation dans la loi ?

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 3 est adopté.

Dans le cadre de ses missions définies aux 3° et 3° bis de l’article 3, les agents de l’Agence de prévention de la corruption peuvent être habilités, par décret en Conseil d’État, à se faire communiquer par les représentants de l’entité contrôlée tout document professionnel, quel qu’en soit le support, ou toute information utile. Le cas échéant, ils peuvent en faire une copie.

Ils peuvent procéder sur place à toute vérification de l’exactitude des informations fournies. Ils peuvent s’entretenir, dans des conditions assurant la confidentialité de leurs échanges, avec toute personne dont le concours leur paraît nécessaire.

Les agents habilités, les experts et les personnes ou autorités qualifiées auxquels ils ont recours et, de manière générale, toute personne qui concourt à l’accomplissement des missions mentionnées à l’article 3 sont astreints au secret professionnel pour les faits, actes ou renseignements dont ils ont connaissance en raison de leurs fonctions, sous réserve des éléments nécessaires à l’établissement de leurs rapports.

Nul ne peut procéder aux contrôles relatifs à une entité économique ou publique à l’égard de laquelle il détient ou a détenu un intérêt direct ou indirect.

Est puni de 30 000 € d’amende le fait de prendre toute mesure destinée à faire échec à l’exercice des fonctions dont les agents habilités mentionnés au présent article sont chargés.

Un décret en Conseil d’État détermine les conditions dans lesquelles sont recrutés les experts et les personnes ou autorités qualifiées auxquels il est recouru ainsi que les règles déontologiques qui leur sont applicables.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 142 rectifié, présenté par MM. Mézard, Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 2, seconde phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Lorsque la visite domiciliaire est effectuée dans le cabinet d’un avocat, au siège d’un organe de presse ou encore dans le cabinet d’un médecin, d’un notaire ou d’un huissier, les dispositions des articles 56-1, 56-2 ou 56-3 du code de procédure pénale, selon les cas, sont impératives.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Cet amendement vise à renforcer les garanties pour préserver le secret professionnel lors du contrôle sur place dans le cabinet ou au domicile d'un avocat, d’un médecin, au siège d’un organe de presse…

Cette rédaction s'inspire de celle relative aux contrôles opérés par d’autres autorités.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L'amendement n° 108 rectifié ter, présenté par Mme Deromedi, MM. Frassa, Bizet, Bouchet, Charon, Danesi, de Raincourt et Houpert, Mme Hummel, M. Husson, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, Lefèvre, P. Leroy, Longuet, A. Marc et Milon, Mme Morhet-Richaud et MM. Soilihi et Vasselle, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Lorsque la vérification sur place des informations fournies concerne le cabinet ou le domicile d’un avocat ou les locaux du conseil de l’ordre des avocats, la visite doit être effectuée par les agents de l’Agence de prévention de la corruption en présence du bâtonnier ou de son délégué, à la suite d’une demande écrite et motivée qui indique les documents professionnels sur lesquels portent la demande de vérification et les motifs qui la justifient. La demande est communiquée dès le début de la procédure de vérification au bâtonnier ou à son délégué par ces agents. Le bâtonnier ou son délégué ont seuls le droit de consulter ou de prendre connaissance des documents se trouvant sur les lieux préalablement à leur éventuelle communication. Aucune communication ne peut concerner un document non mentionné dans la demande. Le bâtonnier ou son délégué peut s’opposer à la communication s’il estime qu’elle serait attentatoire au secret professionnel. Le document est placé sous scellé fermé et transmis sans délai au président du tribunal de grande instance qui statue sur la contestation par ordonnance motivée non susceptible de recours dans les cinq jours de la réception des pièces. Le présent article est également applicable aux vérifications demandées au cabinet ou au domicile d’un avocat au Conseil d’État ou à la Cour de cassation ou dans les locaux de l’ordre des avocats auxdits conseils selon les cas. Le présent alinéa est applicable à peine de nullité.

La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Morhet-Richaud

Cet amendement vise à compléter l’article 4 par des dispositions sur la protection du secret professionnel et médical en cas de contrôle sur pièces et sur place.

L’article 4 autorise en effet des contrôles sur pièces, ainsi que des contrôles sur place, sans que ces derniers soient assortis de garanties suffisantes pour la protection du secret professionnel. Il prévoit également une amende de 50 000 euros et deux ans d’emprisonnement pour toute personne qui fait obstacle, de quelque façon que ce soit, à l’exercice des pouvoirs des agents de l’Agence française anticorruption. Or une telle procédure ne permet pas de garantir le secret professionnel que les clients des avocats confient à leurs conseils, pilier de tout système démocratique

Cet amendement tend donc à garantir la protection effective du secret professionnel affirmée à l’article 6 A, dans le cadre d’un contrôle sur place dans le cabinet ou au domicile d’un avocat. Il vise à prévoir que l’agence de lutte contre la corruption ne puisse ni lire ni saisir quelque document professionnel que ce soit sans une demande motivée, présentée au bâtonnier ou à son délégué. Ce dernier aurait la possibilité de contester cette saisine auprès du président du tribunal de grande instance statuant en référé.

Ces dispositions seraient applicables aux avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Les dispositions spécifiques du code de procédure pénale sont évidemment applicables en cas de perquisition chez une personne exerçant une profession protégée. Dans la mesure où l’article 4 du présent projet de loi ne crée ni un droit de perquisition ni un droit de visite domiciliaire, ces précisions sont donc inutiles.

Par ailleurs, les dispositions de l’article 4 sont identiques aux dispositions existantes pour l’URSSAF, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, les agents de la répression des fraudes, les agents de l’Autorité des marchés financiers et d’autres sans qu’il soit nécessaire de prévoir un dispositif particulier pour l’Agence de prévention de la corruption.

La commission a donc émis un avis défavorable sur ces deux amendements.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Morhet-Richaud

Après avoir entendu l’avis de notre excellent rapporteur, je retire cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L’amendement n° 108 rectifié ter est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 9 rectifié bis, présenté par Mme Deromedi, MM. Frassa, Bizet, Bouchet, Calvet, Charon, Chasseing, Danesi, de Raincourt et Houpert, Mme Hummel, M. Husson, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, Lefèvre, P. Leroy, Longuet, A. Marc et Milon, Mme Morhet-Richaud et MM. Soilihi et Vasselle, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les experts ou personnes qualifiés chargés d’analyses juridiques, fiscales et comptables doivent être membres d’une profession réglementée leur permettant de délivrer cette expertise au titre de leur activité principale et titulaires d’une assurance responsabilité civile professionnelle.

La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Morhet-Richaud

Cet amendement vise à compléter l’article 4 par des dispositions sur les conditions de nomination des experts et personnes qualifiées.

Pour contrôler le respect des obligations mises en œuvre par les entreprises, les administrations et les collectivités territoriales, notamment dans le cadre du programme de mise en conformité, l’Agence française anticorruption peut faire appel à des experts, personnes ou autorités qualifiées pour l’assister dans la réalisation d’analyses juridiques, financières, fiscales et comptables.

Afin de garantir la qualité des contrôles réalisés, susceptibles de donner lieu à des sanctions pour les organismes contrôlés, cet amendement prévoit que les experts et personnes qualifiées sont membres d’une profession réglementée leur permettant de délivrer une expertise au titre de l’activité principale régulant leur profession.

Cette condition de nomination permet également de s’assurer que les experts et personnes qualifiées de l’Agence sont titulaires d’une assurance responsabilité civile professionnelle pour l’activité concernée leur permettant d’indemniser les organisations contrôlées, en cas de manquement de leur part.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L'amendement n° 143 rectifié, présenté par MM. Mézard, Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Rédiger ainsi cet alinéa :

Un décret en Conseil d'État détermine les conditions dans lesquelles sont recrutés les experts, personnes ou autorités qualifiées auxquels il est recouru et les règles déontologiques qui leur sont applicables. Ce décret précise que les experts ou personnes qualifiées chargés d’analyses juridiques, fiscales et comptables sont membres d’une profession réglementée leur permettant de délivrer cette expertise au titre de leur activité principale et sont, de fait, titulaires d’une assurance responsabilité civile professionnelle.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Cet amendement vient d’être excellemment défendu.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

La commission sollicite le retrait de ces deux amendements.

Contraindre l’Agence à recourir à des experts émanant d’une profession réglementée nous paraît inutile et excessivement restrictif. Toute personne peut, dans une situation bien particulière, être requise pour aider l’Agence de prévention de la corruption à identifier des pièces pertinentes pour engager une procédure. L’expert peut, par exemple, avoir une expérience dans l’entité contrôlée, sans être nécessairement avocat ou notaire.

La faculté de recourir à une personne qualifiée ou à un expert est notamment accordée à l’ARCEP, à la CNIL ou à la DGCCRF, sans qu’il soit nécessaire que ladite personne émane d’une profession réglementée.

Aucun acte de police n’étant effectué par ces experts, il n’est pas utile de prévoir une assurance de responsabilité civile professionnelle obligatoire.

Je tiens également à vous rassurer, mes chers collègues. Toutes les professions visées par vos amendements ont la possibilité d’être requises par l’Agence. C’est pourquoi, je le répète, il ne paraît ni utile ni opportun de limiter à ces professions réglementées la possibilité de devenir expert.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre

Même demande de retrait.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L’amendement n° 9 rectifié bis est retiré.

Monsieur Collombat, l’amendement n° 143 rectifié est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Par cet amendement, il s’agit de prévoir un décret en Conseil d’État pour déterminer les conditions dans lesquelles sont recrutés les experts.

Il ne paraît pas complètement absurde de donner une définition des personnes susceptibles d’être recrutées : ce décret devra préciser que les experts ou personnes qualifiées chargés d’analyses juridiques, fiscales et comptables sont membres d’une profession réglementée. Il s’agit uniquement de ce type d’experts. Il peut donc y en avoir beaucoup d’autres, ce qui répond à l’objection soulevée par notre rapporteur.

Par ailleurs, une telle disposition permet de régler le problème de l’assurance.

Je maintiens donc cet amendement, dont la rédaction est beaucoup plus précise que celle de l’amendement n° 9 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Si je partage votre point de vue, monsieur le rapporteur, je tiens à vous faire remarquer que ces deux amendements font référence à une assurance responsabilité civile professionnelle. Si le recrutement est largement ouvert, comme vous le suggérez, il faudrait tout de même s’assurer que les experts en question possèdent l’assurance permettant de couvrir leurs risques.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Tout d’abord, aucun acte de police n’étant effectué par les experts, il n’y a pas lieu de prévoir une assurance de responsabilité en la matière.

Ensuite, si un quelconque professionnel, un avocat, un notaire ou un expert-comptable, pour reprendre les professions visées par ces amendements, est requis par l’Agence, sa responsabilité civile professionnelle, originellement accrochée à l’exercice de sa profession, jouera. À mon avis, il n’y a donc aucune difficulté sur ce point.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 4 est adopté.

I. – À compter de l’entrée en vigueur du décret de nomination du directeur de l’Agence de prévention de la corruption mentionné à l’article 2 de la présente loi, les articles 1er à 6 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques sont abrogés.

II. –

Non modifié

III. – Le II de l’article L. 561-29 du code monétaire et financier est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le service peut transmettre à l’Agence de prévention de la corruption des informations nécessaires à l’exercice des missions de cette dernière. »

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L'amendement n° 12 rectifié ter, présenté par Mme Deromedi, MM. Frassa, Bizet, Bouchet, Calvet, Charon, Danesi, de Raincourt et Houpert, Mme Hummel, M. Husson, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, Lefèvre, P. Leroy, Longuet, A. Marc et Milon, Mme Morhet-Richaud et MM. Soilihi et Vasselle, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Il en informe les représentants des ordres professionnels et instances représentatives nationales dont les membres représentent les entités concernées, les représentants des ordres professionnels et instances représentatives nationales ayant toutefois l’interdiction de porter ces informations à la connaissance de leurs clients ou à la connaissance de tiers. »

La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Morhet-Richaud

Cet amendement vise à prévoir un dispositif d’information de TRACFIN et de l’Agence française anticorruption vers les représentants des ordres professionnels et instances représentatives nationales. Il s’agit, par ce biais, de permettre aux ordres professionnels et instances représentatives nationales d’informer leurs membres, dans le cas où ils représentent les entités contrôlées par l’Agence française anticorruption, de l’échange d’informations entre cette instance et TRACFIN.

Cette transmission d’informations entre TRACFIN et l’Agence française anticorruption peut en effet constituer le préalable au déclenchement d’une procédure de contrôle sur pièces et sur place par l’Agence, procédure prévue par l’article 4 du présent projet de loi. Prévoir une procédure d’information des ordres professionnels et des instances représentatives nationales envers leurs membres permet donc aux représentants des entités concernées de s’assurer du respect du secret professionnel dont ils sont dépositaires.

Afin de prévenir toute destruction de preuves, il est toutefois prévu que le président de l’ordre des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation et le bâtonnier de l’ordre auprès duquel l’avocat est inscrit ne puissent porter à la connaissance de leurs clients ou à des tiers les informations transmises par TRACFIN.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

La commission sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, elle se verra contrainte d’émettre un avis défavorable.

L’adoption d’un tel dispositif permettrait aux avocats d’être informés des notes de renseignement échangées entre TRACFIN et l’Agence de prévention de la corruption, ce qui serait contre-productif et nuirait à l’enquête. Nous sommes ici à un stade administratif, certes très avancé, mais qui ne précède pas du tout une procédure de contrôle sur pièces.

La volonté du Gouvernement, qui est partagée par le Sénat, est d’encourager les échanges d’informations entre TRACFIN et l’Agence. Si l’information était délivrée aux avocats, le service de renseignement TRACFIN ne transmettrait tout simplement plus de notes à l’Agence, ce qui affaiblirait le système.

Je relève également qu’il est prévu de transmettre l’information aux avocats, tout en leur défendant de la communiquer à leur client, ce qui paraît tout de même extrêmement curieux. Ainsi l’avocat détiendrait-il des informations sur une procédure conduite contre son client, mais serait dans l’impossibilité, alors qu’il est le mandataire de celui-ci, de lui en parler.

L'article 5 est adopté.

Un lanceur d’alerte est une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou un préjudice grave pour l’intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance.

Les faits, informations ou documents, quel que soit leur forme ou leur support, couverts par le secret de la défense nationale, le secret médical ou le secret des relations entre un avocat et son client sont exclus du régime de l’alerte défini par le présent chapitre.

Toute personne à l’origine d’un signalement abusif ou déloyal engage sa responsabilité sur le fondement de l’article 226-10 du code pénal et de l’article 1240 du code civil.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 113, présenté par Mme Blandin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 1

1° Remplacer les mots :

Un lanceur d’alerte est une personne physique

par les mots :

Est considérée comme lanceur d’alerte toute personne

2° Supprimer les mots :

, dont elle a eu personnellement connaissance

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

En mentionnant le qualificatif « physique », ce texte, contrairement à la loi de 2013, limite la définition et la protection du lanceur d’alerte à un simple individu isolé, témoin d’un dysfonctionnement et seul acteur du signalement.

Dans le cas d’un accident sanitaire ou environnemental sans complaisance de la hiérarchie ou d’une simple erreur d’écriture comptable, il est vrai qu’une personne physique peut suffire à mettre en œuvre un traitement approprié. À la limite, on est davantage dans le cas d’une juste collaboration à la bonne exécution d’une tâche que dans le cas d’une alerte.

En revanche, quand le pouvoir hiérarchique qui est à même d’agir ne souhaite pas mettre un terme au désordre, pour des raisons d’image, de coût, de sous-estimation des conséquences ou de malhonnêteté, des pressions, intimidations ou sanctions peuvent décourager l’alerte d’une personne isolée. C’est pourquoi il est nécessaire de prévoir l’éventualité qu’une personne morale soit lanceur d’alerte, d’autant que, l’expérience le montre, le collectif est souvent facteur de rationalité, de pondération et de qualification de l’alerte. Le Conseil d’État en fait la proposition n° 4 de son rapport, en précisant page 59 que, « s’agissant des personnes morales, elles peuvent être conduites à jouer un rôle particulièrement utile de filtre ».

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L'amendement n° 151 rectifié, présenté par MM. Collombat, Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Requier, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Compléter cet alinéa par les mots :

dans le cadre de sa relation de travail

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Je vais aller un peu à rebours de ce que dit notre collègue.

Il est effectivement nécessaire de protéger ce qu’on appelle « les lanceurs d’alerte », mais il est aussi nécessaire de faire en sorte que tout le monde ne se déclare pas lanceur d’alerte, sinon, cela risque de provoquer un certain nombre de dégâts.

Qu’est-ce qu’un lanceur d’alerte ? C’est quelqu’un qui est en situation de dépendance et qui a des informations que les autres n’ont pas. C’est typiquement la description d’une relation de travail ! C’est parce qu’il est dans une telle situation qu’il peut être l’objet de menaces ou de représailles.

Je le rappelle, nous avions déposé un amendement identique en première lecture, sur lequel le Gouvernement s’en était remis, si ma mémoire est bonne, à la sagesse de notre assemblée. Je ne pense pas qu’une telle proposition soit en contradiction avec les faits, la législation ou les avis rendus par le Conseil d’État.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Être lanceur d’alerte, ce n’est pas se voir décerner un brevet ou un titre de gloire. La définition de lanceur d’alerte vise essentiellement à assurer une irresponsabilité pénale et une protection contre les représailles de l’employeur.

Dès lors, cette définition n’a de pertinence que lorsqu’elle s’applique à une personne physique ayant une connaissance personnelle de l’information. À défaut, ce serait la porte ouverte à tous les abus. Ainsi, une rumeur pourrait être colportée par des associations sans que personne soit responsable des dommages.

La définition du lanceur d’alerte retenue par l’Assemblée nationale et soutenue par le Gouvernement donne satisfaction à la commission des lois. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 113, qui vise à permettre aux personnes morales de devenir lanceurs d’alerte.

L’amendement n° 151 rectifié vise à encadrer la définition du lanceur d’alerte, en limitant les informations pouvant être signalées à celles qui sont issues d’une relation de travail.

J’avais émis un avis de sagesse en première lecture sur un amendement similaire, et le Gouvernement avait été très à l’écoute de ce dispositif. Néanmoins, à la réflexion, notamment à la suite des débats qui se sont tenus à l’Assemblée nationale et dans le cadre de la commission mixte paritaire, je crois qu’une protection pénale peut et doit être accordée pour les violations de secret professionnel ne dépendant pas stricto sensu de la relation de travail. Je pense, par exemple, aux relations entre fournisseurs, qui sont des relations contractuelles et non pas des relations de travail.

Je vous propose, monsieur Collombat, de retirer cet amendement, dans la mesure où nous reviendrons sur cette question au moment de l’examen de l’article 6 C, qui est relatif à la procédure de signalement.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre

S’agissant de l’amendement n° 151 rectifié, je partage les arguments avancés par le rapporteur.

Pour ce qui concerne l’amendement n° 113, il convient de lever toute ambiguïté, ce que le rapporteur a d’ailleurs fait dans son argumentaire. Qui a besoin d’être protégé ? La personne physique ! La personne morale, quant à elle, a la capacité juridique d’intervenir. Elle peut d’ailleurs le faire aujourd’hui.

L’objectif, vous l’avez dit, monsieur le rapporteur, n’est pas de remettre un certificat. Il est beaucoup plus profond et sérieux : il s’agit de protéger les lanceurs d’alerte. Qui a besoin de cette protection ? La personne physique ! Or c’est bien la personne physique que nous cherchons à protéger par le texte qui vous est aujourd'hui soumis, mesdames, messieurs les sénateurs.

Si mes arguments vous ont convaincue, madame Blandin, peut-être pourriez-vous retirer votre amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Les arguments du rapporteur comme ceux du ministre seraient tout à fait pertinents si nous ne nous intéressions qu’à la protection du lanceur d’alerte. Or, je le rappelle, le traitement de l’alerte ne se réduit pas à la seule protection de l’émetteur. Il s’agit aussi de traiter le message et de permettre son instruction par les autorités ad hoc. Comprenez-le bien, mes chers collègues, si vous limitez la possibilité d’envoyer un tel message aux seules personnes physiques, vous passerez à côté de nombreuses alertes.

Tel est l’intérêt de cet amendement, que je maintiens, tout en sachant que je prêche dans le désert. Je vous signale toutefois qu’il s’agit d’une demande très forte de la plateforme des ONG qui s’est constituée sur ce sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à M. Patrick Abate, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Abate

On aborde là le fond du problème, à savoir les enjeux.

Je comprends les arguments du rapporteur et ceux du ministre. Protéger la personne physique est effectivement une nécessité absolue. Quelques affaires, dont il a été fait état, nous ont tous sensibilisés à ce sujet. Mais doit-on limiter le travail législatif à la protection des personnes physiques ou bien élever le droit d’alerte à des niveaux suffisants pour l’inscrire complètement dans le mode de fonctionnement de notre société et nous assurer une complète protection ?

Le fait d’intégrer un caractère collectif, comme nous le suggère Mme Blandin par son amendement, permet davantage de défendre et de valoriser le droit d’alerte que la personne physique.

Pour ce qui concerne l’amendement de notre collègue Collombat, bien que j’en comprenne les motivations, il me paraît quelque peu contre-productif et en contradiction avec l’amendement n° 113. En effet, si on limite le lancement d’alerte au cadre du travail, le lanceur d’alerte devra forcément être une personne physique.

Par conséquent, nous voterons pour l’amendement n° 113, et nous nous abstiendrons sur l’amendement n° 151 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Mon cher collègue, le droit d’alerte ne doit pas être le droit de dire n’importe quoi en toute impunité. Sinon, ça va faire de sacrés dégâts ! Nous devons donc avoir le souci de ce que peut devenir cette fameuse alerte.

Au regard de nos débats à venir sur l’article 6 C, je retire l’amendement n° 151 rectifié. En effet, le cadre de la relation de travail est peut-être un peu trop restrictif. Sans doute vaudrait-il mieux retenir l’expression « situation de dépendance », qui serait sans doute plus appropriée.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L'amendement n° 109, présenté par Mme Blandin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Remplacer les mots :

révèle ou signale

par les mots :

signale ou révèle

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Un observateur extérieur pourrait penser que nous pinaillons puisqu’il s’agit de remplacer les mots « révèle ou signale » par les mots « signale ou révèle ». Cependant, nous sommes ici pour bien faire la loi.

Le lanceur d’alerte que ce texte vise à protéger est de bonne foi et n’a pour but que l’intérêt général. Son alerte vise à enrayer un dysfonctionnement : pour y parvenir, le premier acte est donc de « signaler », c'est-à-dire de transmettre l’information, de préférence à celui qui est à même de trouver une solution et de la mettre en œuvre. Puis, en l’absence d’action, il peut devenir nécessaire de « révéler », c'est-à-dire de donner un caractère moins interne, moins confidentiel, à la diffusion de l’information.

Conformément à la progressivité que prévoit le texte dans d’autres alinéas, il semble donc plus logique d’inverser les verbes « révéler » et « signaler » à l’alinéa 1 de l’article 6 A. On retrouve d’ailleurs ce souci de progressivité dans la recommandation du Comité des ministres aux États membres, dans la communication du Conseil de l’Europe d’avril 2014.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Cet amendement vise à étendre la définition du lanceur d’alerte à celui qui révèle ou signale.

L’Assemblée nationale a conservé la position du Sénat sur l’emploi du verbe « signaler », et c’est une bonne chose. En effet, l’alerte est d’abord un signalement, qui peut ensuite, éventuellement, être rendu public. Aucune confusion ne doit être entretenue sur ce point.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre

Je signale ou révèle que je suis du même avis que le rapporteur !

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 67, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1

Après le mot :

foi,

insérer les mots :

une information relative à

II. – Alinéa 3

Supprimer les mots :

ou déloyal

La parole est à M. Patrick Abate.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Abate

Le présent amendement vise à contribuer à une définition claire, précise et cohérente du lanceur d’alerte. Il poursuit deux objectifs : mettre cet article en cohérence avec l’article 6 B et éviter une insécurité juridique.

L’article 6 A tend à préciser la définition de la qualité de lanceur d’alerte. Puisqu’il sera le ciment du futur statut du lanceur d’alerte, il convient selon nous d’être précis.

La formulation actuelle de cet article laisse entendre que les faits révélés ou signalés devront avoir connu la qualification juridique de « crime » ou « délit ». Or une telle qualification relève d’un magistrat. Par souci de cohérence, nous souhaitons que le lanceur d’alerte puisse révéler une information relative à un crime ou un délit, formulation faisant écho à l’article 6 B, qui mentionne la « divulgation » d’informations.

Par ailleurs, supprimer les mots « ou déloyal » nous permettrait d’éviter une insécurité juridique. En effet, la notion de loyauté est trop floue, trop large, différents niveaux de loyauté pouvant entrer en contradiction. S’agit-il d’une loyauté à l’égard de l’employeur ou de l’intérêt général ? Une telle formulation est trop compliquée pour rester en l’état.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L'amendement n° 34, présenté par MM. Anziani et Yung, Mme Espagnac, MM. Guillaume, Sueur, Marie, Vaugrenard, Vincent et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1

Remplacer les mots :

un préjudice grave

par les mots :

une menace ou un préjudice graves

II. – Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Alain Anziani.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Le projet de loi que nous examinons en nouvelle lecture définit le lanceur d’alerte comme une personne qui révèle ou signale un préjudice grave pour l’intérêt général. Le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale faisait en outre référence à une « menace » grave pour l’intérêt général. La commission a supprimé cette notion, qu’il semble pourtant nécessaire de maintenir, car, comme je l’indiquais précédemment, signaler une menace peut permettre d’empêcher la réalisation du préjudice.

Par ailleurs – c’est une question symbolique importante –, faut-il rappeler ce qui existe déjà dans la loi ? Aujourd'hui, toute personne qui commet une faute peut voir sa responsabilité engagée. Or le texte prévoit que le lanceur d’alerte peut voir sa responsabilité engagée à la fois pénalement et civilement en cas de faute. On l’a suffisamment répété : évitons les lois bavardes et les dispositions superfétatoires. Par conséquent, est-il nécessaire de rappeler dans cet article ce qui est déjà écrit dans la loi, sauf si le but est de dissuader en faisant peur ? Ce n’est pas l’esprit du projet de loi. Dès lors, autant supprimer cette mention.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L'amendement n° 114, présenté par Mme Blandin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Remplacer les mots :

un préjudice grave

par les mots :

un risque ou un préjudice graves

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Cet amendement s’inscrit totalement dans les préoccupations exprimées à l’instant par notre collègue Anziani. Seul change le vocabulaire : l’amendement n° 34 vise à réintroduire le terme « menace » ; pour notre part, nous préférons le mot « risque ».

La commission a supprimé du texte de l’Assemblée nationale le terme « menace », invoquant un concept un peu flou. Vous avez raison, monsieur le rapporteur, le mot est de surcroît polysémique et souvent utilisé dans le champ des alertes sanitaires et environnementales pour des phénomènes de très grande ampleur – changement climatique, pandémies, obésité mondiale, etc. –, ce qui nous éloignerait du dispositif envisagé dans ce texte.

Toutefois, en procédant à cette suppression, vous amputez le champ de l’alerte, en la cantonnant aux faits réalisés, au danger ayant déjà engendré un dégât ou un préjudice. C’est nier l’un des rôles utiles de l’alerte, à savoir empêcher la réalisation du pire.

Prenons l’exemple du Mediator. Signaler, voire révéler les conflits d’intérêts des experts et révéler que, malgré dix-sept réunions de la commission de pharmacovigilance entre 1995 et 2005, le benfluorex était systématiquement retiré de l’ordre du jour aurait évité des milliers de victimes à venir, pour lesquelles le préjudice n’avait pas encore eu lieu. Il s’agissait donc de signaler un risque.

Voilà pourquoi mon amendement vise à introduire, avec la même intention que mon collègue Anziani, le terme consacré et juste de « risque », valable en matière sanitaire et usité dans d’autres lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L'amendement n° 69, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Patrick Abate.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Abate

La rédaction de l’alinéa 1 du présent article insiste sur le caractère « désintéressé » et « de bonne foi » du signalement. Évoquer le signalement abusif ou déloyal dans un chapitre sur la protection des lanceurs d’alerte, qui plus est au sein d’un article qui tend à leur donner une définition juridique, nous semble donc malvenu. Je rejoins complètement les propos de mon collègue Anziani.

De plus, pour suivre la logique de la commission, laquelle a supprimé les dispositions de l’article 6 B relatives à la possibilité pour le lanceur d’alerte faisant l’objet d’un licenciement de saisir le conseil des prud’hommes, nous jugeons l’alinéa 3 superfétatoire. En effet, le lanceur d’alerte, comme toute personne, est soumis au régime de droit commun qui encadre l’engagement de sa responsabilité civile et pénale, prévu à l’article 1240 du code civil et à l’article 226-10 du code pénal. Inutile d’en rajouter !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L'amendement n° 110, présenté par Mme Blandin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer les mots :

ou déloyal

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Le signalement abusif suffit à caractériser la faute d’un prétendu lanceur d’alerte. La notion de « déloyauté » n’apporte rien à ce texte, si ce n’est de l’incertitude s’agissant du niveau de loyauté : loyauté envers l’entreprise, la famille, l’intérêt général ?

Le Conseil de l’Europe est très clair. Sa recommandation aux États membres « encourage un changement de paradigme, l’alerte n’étant plus considérée comme un manquement à la loyauté, mais comme une responsabilité démocratique. » C’est écrit noir sur blanc !

Conserver le qualificatif « déloyal » serait une régression, y compris par rapport au droit actuel, et ouvrirait la porte à toutes les contestations en justice des démarches utiles à l’intérêt général. Ne pourrait-on imaginer, par exemple, que soit qualifiée de « déloyale » envers l’établissement la démarche des médecins qui ont lancé l’alerte au sujet du surdosage de la radiothérapie dispensée dans les années 2000 par l’hôpital d’Épinal ? Et que dire des cas où une entreprise connaît des difficultés financières et doit affronter un sinistre dû à un dysfonctionnement qu’elle n’a pas traité ? Tout salarié, alors, sera considéré comme « déloyal » dans sa démarche.

Ce qualificatif, Irène Frachon l’a entendu dans les services de son établissement hospitalier : certains de ses supérieurs hiérarchiques lui ont dit : « Madame, vous êtes déloyale ! » Laisser traîner cet adjectif dans notre droit constituerait une régression par rapport à l’état actuel des codes.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Il me semble inutile et dangereux d’élargir la définition de l’alerte, comme il est proposé au I de l’amendement n° 67. La rédaction de l’Assemblée nationale convient parfaitement.

Quant à la suppression du mot « déloyal », il me semble que cette notion est suffisamment bien définie en droit civil comme en droit de la procédure pénale. Surtout, l’adjectif « déloyal » n’est pas synonyme de l’adjectif « abusif ».

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

L’amendement n° 34 vise à rétablir la notion de menace pour l’intérêt général dans le champ d’application des dispositions relatives au lanceur d’alerte.

En réponse aux propos tenus au cours de la discussion générale, j’appelle l’attention de M. le ministre sur un point : le mot « menace » est le seul que la commission des lois ait retiré de la nouvelle définition qui a été retenue. Pourquoi ? Parce que cette notion est insuffisamment précise et trop subjective pour fonder un régime d’irresponsabilité pénale. Imagine-t-on accorder une irresponsabilité pénale à des gens qui, en toute bonne foi, dénonceront des éléments qu’ils considèrent comme une menace, laquelle se révélerait pourtant infondée ? Les conséquences pourraient être désastreuses.

Par ailleurs, cet amendement tend à supprimer l’engagement de la responsabilité du lanceur d’alerte abusif sur le fondement de l’article 1240 du code civil. Certes – cette remarque figurera au Journal officiel –, la responsabilité du lanceur d’alerte abusif ou de mauvaise foi pourra de toute façon être recherchée, afin que les préjudices qu’il aura pu causer soient indemnisés. Néanmoins, cette précision nous paraît utile, non pas pour lui faire peur, mais pour l’avertir des risques encourus. En effet, il ne faudrait pas que les juridictions estiment que cette réparation civile doit intervenir sur le fondement de l’infraction de diffamation, ce qui priverait la victime de toute réparation.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

L’amendement n° 114 vise à remplacer la notion de « menace » – de ce point de vue, ses auteurs apportent des arguments à l’appui de ma thèse – par celle de « risque ». Mais je ferai au mot « risque » la même critique qu’au mot « menace » : il est insuffisamment précis. Cela pourrait même poser un problème eu égard à la constitutionnalité du texte : comment admettre que l’on crée ce qui est extrêmement rare dans notre droit, à savoir une irresponsabilité pénale totale, sans avoir défini avec la plus grande précision les conditions dans lesquelles on pourrait être ainsi pénalement irresponsable, ou en tout cas jouir d’une immunité pénale ?

Ma chère collègue, je voudrais tenter de vous rassurer : le texte fait bien référence à la violation d’une loi et à la dénonciation d’un crime ou d’un délit. La commission des lois n’a pas touché à la rédaction qu’a désormais adoptée l’Assemblée nationale. Dans la mesure où la mise en danger de la vie d’autrui ou la violation d’une obligation particulière de sécurité, pour une personne morale, constituent des délits, le lanceur d’alerte a la possibilité d’agir.

J’espère que ces précisions seront de nature à vous rassurer, au moins partiellement. En cherchant un peu, nous aurions peut-être pu trouver, dans notre droit pénal, d’autres délits susceptibles de vous rassurer.

Il se peut que ces éléments ne vous satisfassent pas. Mais j’insiste beaucoup – cela figurera au compte rendu de nos débats – sur le fait que le terme « délit » recouvre un grand nombre d’hypothèses, dont les exemples que vous avez cités.

La commission des lois a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

Concernant l’amendement n° 69, qui vise à supprimer l’engagement de la responsabilité des lanceurs d’alerte, j’ai déjà expliqué les raisons pour lesquelles la commission a émis un avis défavorable.

Quant à l’amendement n° 110, qui tend à limiter l’engagement de la responsabilité pénale et civile au seul signalement abusif, mon commentaire est identique à celui que j’ai donné au sujet de l’amendement n° 67.

C’est avec regret que je me vois obligé de confirmer l’avis défavorable émis par la commission sur l’ensemble de ces amendements.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre

Concernant l’amendement n° 67 de Mme Assassi, qui vise à supprimer le mot « déloyal », je m’en remets à la sagesse du Sénat.

Le Gouvernement est évidemment favorable à l’amendement n° 34 de M. Anziani, qui tend à réintroduire le terme « menace » dans le texte. Ce sujet a d’ailleurs été l’un des plus débattus lorsqu’il s’est agi de compléter la définition du lanceur d’alerte.

Dès lors que nous réintroduisons le terme « menace » dans le projet de loi, madame Blandin, je ne peux être favorable à l’amendement n° 114. D’ailleurs, peut-être pourriez-vous le retirer ? Je pense que cet ajout devrait répondre à votre préoccupation.

Enfin, le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 69 de Mme Assassi et s’en remet à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 110 de Mme Blandin, qui a pour objet de supprimer le mot « déloyal ».

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote sur l'amendement n° 34.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Nous voterons l’amendement de M. Anziani : c’est toujours mieux que rien !

Monsieur le rapporteur, vous nous dites de ne pas nous en faire : introduire la notion de « risque » serait inutile, parce que le lanceur d’alerte est protégé dès lors que les faits constituent un délit. Mais je pense que nous ne raisonnons pas à partir des mêmes histoires. Je reprends l’exemple d’Irène Frachon, parce qu’il est connu de tous. Avoir floué les experts pour mettre sur le marché un médicament dangereux est un délit, mais cette affaire, qui est vieille de plusieurs années, est encore devant la justice. Or tant qu’une juridiction n’a pas qualifié les faits, le lanceur d’alerte n’est pas protégé. Voilà pourquoi il est nécessaire d’inscrire le risque comme fondateur d’une alerte légitime.

L’amendement de M. Anziani étant mis aux voix avant le nôtre, nous le voterons, même si dans le domaine sanitaire sont définis le « danger » et le « risque », mais non la « menace ». Si cet amendement est adopté, monsieur le ministre, le mien tombera. Dans le cas contraire, je maintiendrai mon amendement.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 6 A est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à treize heures dix, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.