Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons la nouvelle lecture du projet de loi Sapin II, pour lequel la commission des finances avait reçu délégation de la commission des lois pour examiner au fond environ un tiers du texte.
Malgré l’échec de la commission mixte paritaire le 14 septembre dernier, je dois souligner, pour ce qui concerne notre champ de compétence, que l’Assemblée nationale a, en nouvelle lecture, adopté conforme la moitié des articles restant en discussion et que, pour les autres, les modifications sont très majoritairement de nature rédactionnelle.
Je citerai quelques-uns des apports du Sénat intégrés par l’Assemblée nationale : la possibilité de sanctionner les établissements bancaires et les entreprises d’assurance jusqu’à 10 % de leur chiffre d’affaires en cas de manquement à certaines obligations, notamment en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme ; la limitation et l’encadrement des prérogatives du Haut Conseil de stabilité financière en cas de menace à la stabilité financière ; le rejet de la limitation de la durée des chèques de douze à six mois ; le renforcement des interdictions de publicité pour les produits financiers hautement spéculatifs et risqués ainsi qu’un contrôle renforcé de l’AMF sur les « investissements atypiques », ceux qui font perdre à coup sûr de l’argent ; la nouvelle obligation d’information des entreprises d’assurance à l’égard des titulaires de contrats de retraite supplémentaire.
Deux points de divergence demeurent néanmoins.
Le premier concerne l’autorisation donnée au Gouvernement de réformer par ordonnance l’ensemble du code de la mutualité. Estimant que cette habilitation introduite par voie d’amendement de séance et sans débat était excessivement large, nous en avions voté la suppression. L’Assemblée nationale, tout en partageant nos observations sur la méthode, a rétabli cette habilitation.
Afin de ne pas s’en tenir au débat de première lecture, la commission des finances propose de ne pas revenir à une suppression totale, mais à un champ d’habilitation plus raisonnable en supprimant – ce qui constitue un minimum – deux dispositions : la définition des nouvelles activités qui seraient ouvertes aux mutuelles et la remise en cause de l’équilibre entre les pouvoirs de l’assemblée générale et ceux du conseil d’administration. Ces points devront bien évidemment être soumis au débat parlementaire.
Le second sujet de divergence, nettement plus important, concerne l’obligation de la déclaration publique d’activités pays par pays. Nous en avions adopté le principe en première lecture pour les entreprises ayant un chiffre d’affaires de plus de 750 millions d’euros, en en conditionnant l’application à l’entrée en vigueur de la proposition de directive de la Commission européenne portant sur ce sujet. L’Assemblée nationale a préféré rétablir la rédaction issue de sa première lecture, c’est-à-dire en ne liant pas cette obligation à l’entrée en vigueur de la directive et en l’appliquant aux entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 50 millions d’euros. En outre, la déclaration d’activité serait publiée en ligne, dans un format de données ouvert et gratuit.
La France se retrouverait ainsi seule à mettre en œuvre cette obligation, ce qui serait évidemment contraire à ses intérêts. Par ailleurs, le Conseil constitutionnel risque d’estimer une nouvelle fois que cette disposition porte atteinte à la liberté d’entreprendre. C’est pourquoi la commission des finances propose de revenir au texte du Sénat adopté en première lecture.
Enfin, bien que l’Assemblée nationale ait repris tous les « garde-fous » que nous avions instaurés pour encadrer les nouveaux pouvoirs du Haut Conseil de stabilité financière en matière d’assurance vie, nous estimons nécessaire d’encadrer encore davantage ce dispositif, qui n’aura vocation à s’appliquer qu’en cas de menace grave et caractérisée à la stabilité financière, pour prévenir une défaillance majeure préjudiciable aux assurés. Ainsi, lors de la discussion des articles, je vous proposerai un amendement pour limiter à six mois la durée totale des mesures exceptionnelles qui pourraient être prises par le Haut Conseil.
Par ailleurs, la commission des finances a souhaité inscrire dans la loi que le Haut Conseil « veille à la protection » des intérêts des assurés au même titre qu’il veille à la protection de la stabilité financière. Dans la mesure où l’on remet en cause l’économie des contrats, il est indispensable que le Conseil constitutionnel se prononce sur cet article.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà quelques-uns des apports de la commission des finances. Nous serons bien sûr amenés à revenir, au cours de la discussion des articles, sur les points de divergence qui subsistent.