Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la nouvelle lecture du projet de loi dit Sapin II confirme la volonté exprimée en première lecture par le Sénat de contribuer à la lutte contre la corruption, au renforcement de la transparence et à la modernisation de la vie économique. En témoignent les nombreuses améliorations apportées au texte par la Haute Assemblée qui, malgré l’échec de la commission mixte paritaire, ont été reprises par l’Assemblée nationale. Il demeure toujours, à ce stade, des points de divergence, mais c’est logique.
En première lecture, le Sénat avait marqué sa volonté de préciser les objectifs du projet de loi et les dispositifs du Gouvernement, en faisant de la lutte contre la corruption et du renforcement de la transparence des enjeux majeurs de l’action publique. Reste que la commission mixte paritaire a échoué sur trois sujets principaux, qui sont au cœur du projet de loi : les pouvoirs de sanction de la nouvelle agence de prévention de la corruption, la définition des lanceurs d’alerte et le périmètre du répertoire des représentants d’intérêts. Sur les autres sujets, on vient de l’entendre, nos rapporteurs ont estimé qu’il aurait été sans doute possible d’aboutir à des rédactions communes.
Certains points du texte sont encore en discussion, mais il y a eu un véritable apport de la Haute Assemblée. Nous pouvons notamment nous féliciter que, en ce qui concerne le volet économique et agricole, l’Assemblée nationale et le Sénat aient pu travailler de concert et partager la volonté de répondre à la grave crise qui touche le monde agricole, en adoptant rapidement et de façon commune une grande partie des mesures contenues dans ce projet de loi. J’ai d’ailleurs plaisir à souligner les apports du Sénat, et notamment de son rapporteur Daniel Gremillet, sur ce point. Il reste quelques articles sur lesquels les deux assemblées sont en désaccord, mais, en fin de compte, il y en a assez peu.
Je n’insiste pas non plus sur les dispositions du projet de loi soutenues par l’ancien ministre de l’économie, M. Emmanuel Macron, puisque, là aussi, le Sénat et l’Assemblée nationale se sont facilement accordés dès la première lecture sur une version commune des dispositifs favorables à la croissance, au financement des entreprises individuelles, aux start-up et aux travailleurs indépendants.
En ce qui concerne le volet du texte consacré au renforcement de la régulation financière, que notre commission des finances a examiné – Albéric de Montgolfier vient de nous en parler –, nos deux assemblées ont trouvé de nombreux points d’accord, notamment en matière de sécurisation du système financier et des consommateurs, le travail de notre rapporteur pour avis ayant été largement repris par nos collègues députés.
Ainsi, en fin de compte, sur les cinquante-six articles initiaux du texte, plus de quarante – je ne compte pas les articles additionnels introduits au cours des différentes lectures – ont été adoptés conformes par les deux assemblées. Il ne reste plus que quelques points de désaccord, dont la question de la réforme par ordonnance du code de la mutualité ou celle des modalités de reporting pays par pays, que le Sénat préfère aligner sur la proposition de directive européenne. Je ne reviens pas plus longuement sur ces points, qu’Albéric de Montgolfier vient à l’instant de détailler.
Mentionnons enfin la question des contrats d’assurance vie et l’initiative bienvenue du rapporteur pour avis de la commission des finances, qui permet d’apporter des garanties supplémentaires aux assurés dans le cadre des nouvelles prérogatives du Haut Conseil de stabilité financière ; ce sujet a suscité, on le sait, de légitimes inquiétudes parmi les épargnants.
Notre collègue Jacqueline Gourault avait défendu en première lecture la position de l’UDI-UC sur les sujets de corruption et de transparence. Elle affirmait la nécessité de « trouver un équilibre » dans la nécessaire protection des lanceurs d’alerte, « en évitant de fixer des critères trop larges, ce qui pourrait déboucher sur des excès ». La commission des lois, sous la houlette de son brillant rapporteur François Pillet, a poursuivi son travail en ce sens en trouvant, en matière de définition des lanceurs d’alerte, un point d’équilibre entre leur protection et leur responsabilité, pour éviter d’éventuels excès. Néanmoins, l’Assemblée nationale, tout en se rapprochant de la définition du Sénat, souhaite maintenir certaines dispositions qui répondent plus à un souci d’affichage, me semble-t-il, qu’à une volonté d’efficacité juridique.
Sur les deux autres points – l’Agence de prévention de la corruption et le répertoire des représentants d’intérêts –, la commission des lois a réaffirmé ses positions, plus respectueuses des principes juridiques et constitutionnels : conserver, en matière de corruption, le rôle prééminent de l’autorité judiciaire afin de garantir les droits de la défense plutôt qu’instituer une nouvelle agence administrative dotée de pouvoirs de sanction ; respecter, pour ce qui concerne le répertoire des représentants d’intérêts, le principe constitutionnel de séparation des pouvoirs des assemblées parlementaires et exclure les collectivités territoriales de ce dispositif.
Je ne reviens pas sur les points sur lesquels le Sénat maintient une position différente de l’Assemblée nationale – notamment les marchés publics, les dispositions relatives au droit des sociétés ou la rémunération des actionnaires –, le rapporteur de la commission des lois ayant développé ces différents aspects.
La Haute Assemblée, en poursuivant son travail de législateur avec l’apport de nouvelles précisions rédactionnelles et d’améliorations substantielles lors de cette nouvelle lecture, permet ainsi au Gouvernement et à l’Assemblée nationale d’enrichir encore ce texte en lecture définitive. En travaillant à l’élaboration d’un texte équilibré, le Sénat aura donc fait preuve de sa volonté d’enrichir le texte, malgré l’échec de la CMP.